L'odeur de la fête flotte dans l'air, une combinaison enivrante de sueur, d'alcool et d'un parfum indéfinissable que je connais si bien. Le Refuge, cette petite boîte de nuit nichée dans le sud du 12ème arrondissement de Paris, résonne des éclats de rires et des rythmes effrénés de la musique électro. Les murs de briques, ornés de graffitis colorés, vibrent au rythme des basses, tandis que les lumières clignotantes se reflètent sur le sol en bois usé. Les membres de la meute se pressent autour de moi, leurs rires résonnant comme une mélodie que je n’arrive pas à apprécier. Je me laisse emporter par l'ambiance, mais au fond de moi, une tempête se prépare.
Je m'éloigne du tumulte, cherchant un coin sombre où je peux noyer mes pensées. Un verre à la main, je tiens un mélange d'alcool fort, espérant que la brûlure me fera oublier le poids de mes responsabilités. Les conversations autour de moi se mêlent à la musique, créant un brouhaha festif, mais je ne vois que des ombres. Les silhouettes dansent et s'agitent sous les lumières multicolores, mais leurs rires ne font qu'intensifier mon malaise, résonnant comme un écho lointain. Je scrute la scène, observant mes camarades se divertir, mais chaque sourire semble m'irriter davantage. Leur insouciance me rappelle l'énorme pression qui pèse sur mes épaules. Mon couronnement approche, et je sens la réalité m'écraser. Un Alpha ne peut pas se permettre de flancher, mais comment être prêt à accepter un rôle que je n'ai jamais voulu ?
Je bois à nouveau, laissant l'alcool brûlant descendre dans ma gorge. Chaque gorgée me semble une façon de faire taire la voix qui me murmure que je dois prendre mes responsabilités. Mais l'idée de devenir l'Alpha me terrifie. Je veux oublier. Oublier le poids des attentes, le regard des autres, et surtout, le moment où je devrai me tenir devant eux, couronné et responsable. La fête continue autour de moi, et je reste là, à l'écart, observant avec un mélange de jalousie et de désespoir. Je sais que je ne pourrai pas me cacher éternellement. Les visages joyeux des autres intensifient ma solitude. Je sens la colère monter en moi, et dans cette euphorie collective, je me sens de plus en plus comme un étranger dans ma propre meute.
Je soupire, m'installant contre le mur en brique, qui dégage une chaleur presque étouffante, et je ferme les yeux, espérant que l'alcool continuera à éteindre le tumulte en moi. Mais au lieu de cela, il ne fait qu'intensifier mes démons intérieurs, amplifiant la voix qui me dit que, quoi que je fasse, je ne pourrai pas fuir ce qui m'attend.
Je balaye la foule du regard, cherchant une distraction, une échappatoire à cette pression sourde. C'est alors que je l'aperçois. Krystie, toujours séduisante, avec sa chevelure brune qui tombe en cascade sur son dos, attire tous les regards. La lumière se reflète sur ses cheveux, les faisant scintiller comme des étoiles dans l'obscurité. Un sourire complice se dessine sur mes lèvres alors qu'elle s'approche, ses yeux pétillants de désir, et pour un instant, tout le reste s'efface.
— Prêt à t'amuser un peu ? dit-elle, sa voix rauque, pleine de promesses.
Sans attendre ma réponse, elle m'entraîne vers un coin plus sombre de la fête, loin des regards curieux. Dans un souffle, nous nous retrouvons enlacés, nos corps se mêlant, ignorer le monde qui nous entoure. Je la plaque contre le mur, nos souffles s'accélérant alors que je l'embrasse avec une passion dévorante. Mais alors que mes mains explorent son corps, une pensée persistante me traverse l'esprit : tout cela n'est qu'une fuite. Une part de moi sait que ces instants volés ne pourront pas durer éternellement. Je repousse cette pensée et me concentre sur le moment présent, sur le plaisir qui m'embrase. Krystie répond à mes caresses, son corps se contorsionnant sous mes mains, et je me perds dans la chaleur de notre étreinte. Quelques heures plus tard, alors que je rentre de cette nuit de folie, une voix familière m'interpelle. Elisa, elle est de retour et m'attend près de ma voiture, l'air sérieux. Ses bras sont croisés, et son regard perçant me fait immédiatement comprendre qu'elle n'est pas là pour plaisanter.
— Qu'est-ce que tu fous, Ethan ? Tu crois vraiment que tu peux continuer comme ça ? s'interroge-t-elle, sa voix teintée d'une inquiétude qui m'agace.
Je hausse les épaules, feignant l'indifférence, même si une petite voix dans ma tête me dit qu'elle a raison, comme toujours
— Quoi, je profite juste de la vie, Lisette. C’est pas un crime, non ? Je souris, mais le cynisme ne fait qu'épaissir l'atmosphère.
Elle secoue la tête, visiblement frustrée. Son attitude me rappelle celle de son père qui ne peut s'empêcher de vouloir corriger son enfant, même quand celui-ci a passé l'âge de l'écouter.
— Tu sais aussi bien que moi que ça ne peut pas durer indéfiniment. Un jour, tu devras faire face à tes responsabilités. Tu vas être l'Alpha, et il est temps d'agir comme tel.
Je soupire, détestant le ton moralisateur d’Elisa. Elle a toujours eu ce besoin de me rappeler la réalité, comme si j'étais un gamin perdu dans un rêve. Mais au fond, elle a raison. Ses mots résonnent en moi, pesants comme une pierre, me rappelant que, tôt ou tard, je devrai affronter la réalité.
— Écoute, je ne suis pas prêt à en discuter. La vie est trop courte pour se soucier de ce que l’on doit faire. J'ai besoin de respirer, de me sentir vivant sans ces chaînes qui me retiennent, même si ce n’est que pour un instant.
Elle fronce les sourcils, visiblement agacée par ma désinvolture. Je peux voir qu’elle lutte avec elle-même, hésitant entre la frustration et la préoccupation.
— Mais ces "instants" que tu chéris, c'est du vent. À quel point es-tu prêt à aller avant de réaliser que ça ne mène à rien ? Je suis là, Ethan, et je te dis que ce chemin te conduira droit dans le mur.
Je lui adresse un sourire sarcastique, mais l’expression sur son visage me fait me rendre compte que cette fois, elle ne rigole pas.
— Elisa. Nous sommes des loups-garous. Nous vivons dans l’instant, pas dans le futur. Si je veux passer mes nuits à fuir ce monde, c’est mon choix.
Elle soupire, son regard trahissant une frustration croissante. Je peux presque voir les rouages de son esprit se mettre en marche, cherchant la bonne chose à dire.
— Tu n’as rien à voir avec le connard que tu prétend être, tu devrais laisser les gens voir ton coeur. Ils te respectent juste par rapport à ton statuts, et ça me rend triste pour toi.
Son dernier commentaire me pousse à une réflexion intérieure. Mais je me rebelle contre cette idée. J’aimerais pouvoir me libérer des attentes qui pèsent sur mes épaules, mais je ne peux pas me défaire de la pression croissante qui menace de me consumer.
— Bien, je vais réfléchir à tes conseils, mais pour l’instant, je vais juste profiter de ma liberté. Un jour, peut-être, je serai prêt à affronter tout ça. Mais pas aujourd'hui.
Une rage soudaine m'envahit, et je réalise que la meilleure façon de fuir cette pression est de courir. Je sens l'adrénaline pulse dans mes veines, et mon cœur s'emballe. C'est comme si un instinct primal s'éveillait en moi, me poussant à libérer la bête qui sommeille.
je m’isole. Je ferme les yeux un instant. Je me concentre sur la sensation de ma chair, sur la chaleur qui monte en moi. Mes muscles commencent à se contracter, se développant sous la tension. Je laisse échapper un grognement guttural alors que la transformation commence.
Des poils sombres et épais apparaissent sur ma peau, se répandant rapidement, couvrant mon corps. La chaleur qui m'envahit est presque insupportable, mais elle me rappelle qui je suis vraiment. Mes mains se contractent, mes doigts s’allongent, et je les sens se transformer en griffes puissantes, prêtes à m’emporter. Mes yeux virent au rouge, une couleur sanguinaire qui reflète mon côté alpha. Je perds toute notion de rationalité, me laissant submerger par l'énergie brute qui m'entoure.
Mes cheveux, déjà en bataille, s'accentuent dans le désordre, accentuant mon apparence sauvage. Je reste sur mes deux pieds poilus, dominant l'espace, s'imposant comme le loup que je suis prêt à chasser. L'euphorie de ma transformation me donne l'impression de pouvoir tout affronter. Je sens mon corps se renforcer, mon esprit se libérer. C'est le moment de courir, de fuir, d'échapper à la pression insupportable qui pèse sur mes épaules. J'ouvre les yeux, prêt à me lancer dans la nuit, à retrouver ma liberté. Je cours et j'hurle sous la lune qui m'appelle. La lumière argentée éclaire mon chemin, mettant en valeur la puissance de mon corps. Chaque foulée me propulse avec une force incroyable, mes muscles se contractent et se déploient dans un rythme parfait. L'air frais de la nuit s'engouffre dans mes poumons, et je sens la liberté m'envelopper comme un manteau.
Le paysage défile autour de moi, flou et indistinct, alors que je file en direction du bois de Vincennes. Les arbres majestueux se dressent autour de moi, leurs troncs imposants et leurs branches feuillues créant un toit naturel qui filtre la lumière de la lune. Mon hurlement résonne dans la nuit, un cri primal qui éveille l'écho de mon âme. La lune brille au-dessus de moi, témoin de ma transformation, et je lui fais face avec une ferveur dévorante. Elle est ma complice, ma source de pouvoir, et je sais qu’elle répond à mon appel.
Les bruits de la ville s'estompent, remplacés par les sons de la nature : le bruissement des feuilles sous le souffle du vent, le chant lointain des oiseaux nocturnes, et le murmure de la rivière qui serpente à travers le bois. Des ombres dansent dans la clarté argentée, créant une ambiance mystique et sauvage. C'est un appel qui résonne dans mes veines, me connectant à quelque chose de plus grand, de plus ancien. Je cours, je hurle, je suis libre, enfin.
Le lendemain, le soleil se lève paresseusement à l'horizon, une pression familière commence à s'installer dans ma poitrine. C'est la veille de mon couronnement, et le poids de mes nouvelles fonctions pèse de plus en plus sur mes épaules. Je vais avoir 25 ans, un âge qui, pour beaucoup, représente la maturité. Mais pour moi, cela signifie surtout l'arrivée inévitable de la responsabilité que je fuis depuis trop longtemps. J'ai passé la nuit à boire, à danser, à coucher avec tout ce qui passe devant moi et à ignorer mes pensées, mais à mesure que l’aube se lève, la réalité commence à frapper à ma porte. Les rituels, les discours, les attentes des membres de la meute – tout cela s'annonce avec une intensité qui me fait presque mal au ventre. Alors que j'essaie de chasser ces pensées, une silhouette familière s'approche de moi. Jenny. Son regard pétille d'une détermination que je connais trop bien. Elle revient à la charge, comme un chien de chasse sur la piste de sa proie.
— Ethan, j'espère que tu es prêt pour demain, dit-elle, un sourire à la fois encourageant et insistant sur ses lèvres. C'est un grand jour pour toi, et j'espère que tu te souviendras de ta promesse.
Je l'observe, feignant l’indifférence tout en ressentant une légère irritation. Jenny a toujours cette manière de rappeler les promesses, comme si elle croit sincèrement que cela suffit à changer le cours des choses.
— Ouais, prêt. Je vais mettre un costume et faire le show, comme d'habitude, répondis-je, ma voix empreinte de sarcasme.
Elle ne se laisse pas démonter, continuant sur sa lancée.
— Tu dois comprendre que cela signifie bien plus que ça. Ce n'est pas qu'une simple cérémonie. C'est le moment où tu devras te positionner en tant qu'Alpha. Les autres meutes te surveillent, et les loups ici attendent de voir comment tu vas te comporter. Ils ont besoin de confiance, de force, d'un Alpha sur lequel ils peuvent compter.
Je soupirai, ne supportant pas l'insistance de ses paroles. C'était comme si chaque mot était un rappel cruel de ce que je fuyais.
— Tu sais, Jenny, je ne suis pas certain que jouer au super-héros soit mon truc, dis-je, ma voix plus mordante que je ne l'avais prévu. Je ne suis pas là pour plaire à tout le monde.
Elle plissa les lèvres, visiblement frustrée par mon attitude.
— C'est justement cela qui est problématique, Ethan. Si tu continues à ignorer tes responsabilités, tu risques de perdre tout ce que tu as.
Je lui lançai un regard glacé, ne souhaitant pas poursuivre cette conversation. Chaque mention de mes responsabilités me faisait ressentir un malaise que je ne voulais pas affronter.
— Tu sais quoi, Jenny ? Je vais juste essayer de survivre à cette soirée. Le reste, on verra plus tard.
Elle s'approcha un peu plus, baissant la voix pour me faire entendre clairement.
— Écoute, je crois en toi. Mais il va falloir que tu te réveilles. La fête, l’alcool, ça ne peut pas être ta seule échappatoire. Tu es l'Alpha, Ethan. Accepte-le.
Avec un dernier regard lourd de sens, elle s'éloigna, me laissant seul avec mes pensées tumultueuses. Ses mots résonnaient dans ma tête, un écho de la réalité que je ne pouvais ignorer. Je savais que demain marquerait un tournant, mais à quel prix ? Alors que je restais là, perdu dans mes réflexions, une question me taraudait : étais-je vraiment prêt à porter le poids de la couronne, ou continuerais-je à fuir, comme je l'avais toujours fait ?