Depuis une huitaine qu’elle était arrivée dans ce pays, Maeve s’était levée pour la première fois enthousiaste. Un tournoi de magerie. Elle aurait préféré y être dès les premiers duels, mais la famille princière ne prévoyait de s’y rendre qu’après le déjeuner. D’après Cilia, ils se réservaient pour la magerie fine. Ce snobisme avait au moins eu le mérite de susciter davantage son intérêt. Etaient-ils si puissants, ces mages dennois ?
« Les embrumes… Si ce n’était pour aller à l’arène, je ne passerais jamais ici » commenta la princesse aux boucles d’or.
Avec ses ruelles plus étroites, son sol humide et ses bâtisses au bois fatigué, le quartier contrastait avec le Mirane des édifices de pierre aux façades claires et policées. Malgré le passage étroit, les habitants s’entassaient sur le côté pour acclamer le cortège princier, si bien que la calèche dut ralentir plus d’une fois là où les étals pavaient le chemin.
« J’aimerais pouvoir en dire autant » continua Darion.
En face d’elle, le jeune homme n’avait pas lâché la rue des yeux depuis que le carrosse avait quitté l’enceinte du Palais Royal. Parfois, son regard insistant s’arrêtait sur certains passants.
« A votre place, j’enverrais quelqu’un y aller pour moi, continua sa sœur. Ce ne sont pas les hommes qui manquent.
— On n’est jamais mieux servi que par soi-même. »
Odrien haussa les épaules. Il était assis aux côtés de son épouse sur la banquette, et c’était là la plus grande proximité qu’ils avaient observé depuis leur nuit de noces. A ce rapprochement, Maeve ne ressentait toujours rien. L’appréhension de l’arrivée avait fait place au néant et à l’incompréhension, mais elle s’accommodait chaque jour davantage à cet état de fait. Après tout, mieux valait ne rien ressentir du tout que de haïr une personne.
Par-dessus la flopée de bâtisses, l’arène s’élevait. Les murs d’arcade s’arquaient entre les habitations. Sous la voûte d’un large portique, un accès rempli de gardes leur avait été réservé. Et tandis qu’elle pénétrait dans ce large couloir, l’air frais lui caressa les joues et rafraîchit sa nuque. Il faisait si chaud, dans ce pays. Enfin entre ces murs trouvait-elle atmosphère plus supportable.
Le Régent ouvrait la marche, et ses enfants lui emboîtaient le pas telle une mécanique rodée dont ils avaient l’habitude. L’évènement leur paraissait tout aussi banal que le simple geste du quotidien, alors que Maeve, au contraire, ne tenait plus en place. Elle avait envie de monter à la hâte ces marches qui les conduisaient vers leur tribune. De se mêler à cette foule dont elle entendait peu à peu la clameur s’élever. Y avait-il tant de monde que ça, à l’intérieur ? L’écho des encouragements contrastait cruellement avec le vide des couloirs.
La famille Fanese fit son entrée sous le soleil aveuglant. Au milieu de l’arène, le cousin de son époux faisait face à une autre mage. Maeve se souvenait de cet homme qui était venu lui présenter ses hommages le soir des noces. Elle avait tant rencontré de gens avec qui elle n’avait échangé que de brèves phrases d’étiquette depuis le mariage qu’elle se souvenait à peine d’avoir rencontré celui-ci. Seule cette tête au front bien haut, trônant sur ce dos en épingle lui était familière. Ainsi donc, ce Nirien de la Bagane était mage. Tout de velours bleu roi vêtu, avec ses doigts couverts de grosses bagues, il ressemblait davantage à une vitrine de bijoux qu’à un duelliste. Pourquoi n’utilisait-il pas une poignière, pour ses potions ? Même son adversaire en avait une. Sans doute cela n’était pas assez raffiné pour lui. En sept ans de formation, Maeve n’avait jamais vu accessoire si ridicule.
Nirien s’amusait avec son adversaire. Malgré les multiples tentatives de la mage, lui n’avait pas même jugé utile de lancer sa première offensive et se contentait d’esquisser quelques pas pour éviter les semblants d’attaques, tant les Nimbes de celle-ci arrivaient à peine à se matérialiser à quelques pas d’elle avant de disparaître aussitôt.
La mage n’avait aucune chance de gagner ce duel, si bien que la princesse en vint à la soutenir, tant celle-ci représentait un pari bien plus méritant que son adversaire. Maîtrisait-elle au moins la consolidation ? Au Norlande, ceux dont la capacité nimbique était révélée lors du test d’Aptitude étaient envoyés au camp de formation des armées, et apprenaient à maîtriser leur Nimbe dès le premier cycle, qui durait trois ans.
« Voilà pourquoi je suis bien heureuse que nous n’arrivions qu’à cette heure, commenta Cilia.
— Est-elle encore en formation ? s’enquit Maeve.
— Je n’oserais vous le confirmer si encore cela n’était pas aussi évident.
— Il n’y a pas de test d’Aptitude, dans les Pays de Dennes ? »
La fratrie s’échangea des regards discrets. A sa grande surprise, ce fut son époux qui lui prit la parole.
« La magerie est un privilège de lignage.
— Vous passez alors à côté d’une grande partie de vos ressources.
— Nous nous concentrons sur la meilleure qualité, continua Cilia. Et encore, la qualité se dévoie de plus en plus avec le temps.
— Le potentiel d’un mage n’a rien à voir avec la noblesse de sa lignée. »
Pour toute réponse, la princesse aux boucles d’or claqua des doigts.
« Plus de vent ! adressa-t-elle aux serviteurs qu’elle ne se donnait pas la peine de regarder. Vous ne voyez pas qu’il fait une chaleur étouffante aujourd’hui ? »
Et puis, la mage lança sa première vraie attaque. Elle avait réussi à encercler son énergie entre ses mains, même si l’aura semblait davantage avoir le contrôle de ses bras qu’elle ne l’avait sur son propre Nimbe. D’un geste rapide et maladroit, elle avait porté une bague à sa bouche, et la lumière se recouvrit lentement d’une lumière verte qui irradiait les alentours. Une feûlée.
Mais tandis que la débutante puisait dans ses bras toute sa force pour envoyer sa déferlante, la boule verte partit en arrière et se dirigea droit vers la tribune latérale. Devant les gradins, un Nimbe recouvrit le public et se solidifia à temps pour prévenir l’impact. Il était si grand qu’il ne pouvait qu’être l’œuvre de plusieurs mages. Maeve avait beau passer les rangs en revue, le public était trop éloigné, et l’aura s’était déjà dissipée.
Dans l’arène, la mage serrait les poings, et jetait des regards désespérés à son adversaire.
« A la lame ! A la lame ! clamait le public.
— Le tournoi ne devrait être ouvert qu’à la magerie fine, marmonna Cilia.
— Et pourtant, nota Odrien, il y aurait eu, dans un pays de Dennes occidentale, un homme sans pouvoir qui aurait bravé l’arène et ne fut pas sans victoires.
— N’exagérons rien, reprit son frère. Un fou a pu profiter de la surprise une fois, tenir son adversaire en joue, tout au plus peut-être. Les récits ont inventé le reste. »
La main sur la poignée de son fourreau, la mage dégaina avec difficulté une lame incurvée qu’elle pointa en direction de son adversaire d’un bras tremblant. Avec ses jambes raides et ses bras tendus, elle n’avait pas dû se servir d’une épée souvent. Cilia ne perdit pas un instant pour commenter son courage désespéré.
« Son maître ne lui a pas appris à déclarer forfait ?
— L’arme en main, elle nous étonnera peut-être… dit Darion.
— Ma chère fille, à force de vous entendre donner votre avis sur les faits et gestes des duellistes je vais finir par m’attrister de ne pas vous voir relever le duel. »
Cilia souffla, les yeux au ciel.
« Vous devrez vous contenter de votre neveu. »
Maeve ne put se retenir de se tourner vers sa belle-sœur pour la considérer une nouvelle fois. Cilia, mage ? L’idée lui parut si saugrenue qu’elle pensa avoir mal compris.
« Cela fait si longtemps que je ne me rappelle même pas de vous avoir vu nimber quoi que ce soit, reprit Odrien.
— Et vous ne le verrez pas plus maintenant. »
Nirien épargna à sa proie le ridicule de lâcher son arme au premier assaut tant la lame menaçait de s’envoler entre ses mains fébriles. Un Nimbe s’étendit de son bras et vint entourer l’épée de la malheureuse. Une bague à chatons entre les lèvres, et l’aura lumineuse se déforma pour figer une racine qui immobilisa les bras de l’adversaire.
Le prince ne pressa pas le pas. Il attendit d’arriver au niveau de son adversaire pour sortir à son tour son épée, qu’il leva d’abord en l’air pour mieux observer le soleil qui se reflétait sur la lame. Certains diraient que c’était pour mieux entendre la foule acclamer sa performance, d’autres qu’il ne souhaitait pas épargner à son adversaire le ridicule de sa défaite à plate couture. Il avait à peine utilisé la magerie. Et encore, malgré tout le ressentiment que son beau-cousin lui évoquait, Maeve ne doutait nullement qu’il ait pu immobiliser son adversaire à coup d’épée s’il l’avait voulu.
Un petit homme au torse bombé fit irruption dans l’arène pour proclamer Nirien de la Bagane vainqueur du duel.
« Nous avons un nouveau champion en titre, et vous le savez tous, comme le veut la tradition, il peut être notre champion si personne n’ose l’y prendre. Alors je vous le demande : y a-t-il quelqu’un dans cette assemblée qui ose l’y prendre ? »
Les cris du public s’embrasaient, encourageant quelque combattant encore inconnu à se manifester. D’un air satisfait, Nirien balayait l’assemblée, se fendant parfois de quelques hochements de tête de remerciements. Il semblait si sûr de lui qu’il transpirait la suffisance. Les lèvres pincées, les commissures relevées, il se complaisait de plus en plus à cette situation, celle du vainqueur que personne n’ose plus défier quand tout à coup, une clameur s’éleva dans les gradins d’en face.
« Je relève le défi. »
Un homme aux épaules carrées se fraya un chemin à travers le public, avant de disparaître dans les couloirs de l’arène.
Il faisait si chaud. Et encore, avec l’ombre de la vaste toile dressée au-dessus de leur tête et l’air éventé par les serviteurs, la tribune princière leur offrait un refuge bien plus confortable que le reste des gradins. .
Dans les gradins alentours, l’ambiance était des plus joviales. Les vendeurs aux plateaux remplis de chopes ou de friandises se faisaient héler de toutes parts. D’autres, encerclés de mains qui brandissaient des pièces de galliots, prenaient des notes et comptaient de l’argent.
Soudain, le Régent se mit à tapoter son genoux, les yeux rivés vers l’entrée de la tribune. Elle suivit son regard, et découvrit avec stupeur un tigre, qui régnait de toute sa superbe. Elle était terrifiée et intriguée à la fois.
Elle avait tant cru que leur existence relevait de la légende que l’apparition lui sembla incroyable. D’après son père, les tigres n’avaient jamais habité le Vieux Monde, et personne n’en avait vu ici depuis l’arrivée sur le continent. Certains prétendaient qu’ils étaient une invention des chefs autochtones pour que les Norlandais se sentent plus menacés. Et pourtant, elle en avait un spécimens vivant sous les yeux. Il marchait, l’air magistral, tandis que sur sa fourrure ondulait au rythme de ses pas calmes.
Le félin s’affala aux côtés de son maître, qui le gratifia de quelques caresses entre les oreilles. Orman contemplait son tigre d’un air si affectueux que Maeve eut soudain l’impression que se tenait devant lui une personne différente. Pendant ce temps, l’animal baillait.
« Mesdames, messires, et messieurs ! clama l’orateur. Messire Orc le Poulgare nous rejoindra bientôt pour le prochain duel. Avant cela, j’ai l’honneur de vous annoncer que l’heure est à la justice de notre bon Roi Ferinan. »
La foule s’extasia.
« Est-ce là notre agitateur de Tarmare ? demanda Cilia.
— En personne, très chère, dit Darion.
— Une exécution à point nommé.
— Il faut bien mêler l’utile à l’agréable, lorsque les évènements nous le permettent. »
Dans l’arène, un homme enchaîné fut traîné par quatre gardes jusqu’au centre de la scène sur l’air endiablé des tambours. Ils étaient suivis par un homme de petite taille qui tenait un parchemin. Des acclamations, ponctuées de « Justice ! » en pagaille accueillirent cette arrivée. Une fois le prisonnier accablé par tous les regards, les gardes le jetèrent au sol d’un coup dans le dos. L’un d’entre eux plaquait le malheureux qui se démenait avec fermeté, tandis que les autres gardes clouaient ses chaînes au sol de leur marteau vengeur.
Cilia se redressa pour mieux observer le condamné.
« Voyez-vous la clameur de la populace, très chère ? continua le Régent. Hier ils applaudissaient le coupable pour son crime, aujourd’hui ils acclament la main du Roi pour sa punition.
— Que va-t-il lui arriver ?
— Ne vous laissez pas emporter par vos bons sentiments. Cet homme mérite son sort. Il offre, de plus, une distraction tout à fait bienvenue. »
Le petit homme se plaça devant le détenu, face au Régent, pour dérouler son parchemin et en lire d’un air pince-sec la fin de ce qui semblait être un jugement interminable.
« Au nom du Roi, et par là même du peuple de Dennes. Pour avoir brûlé une poupée à l’effigie de notre bon Roi, et incité les habitants de Tarmare à la haine contre son juste pouvoir, le prévenu est reconnu coupable de crime de lèse-majesté. Par jugement souverain de la Chambre des représentants, Armède Lansalu est condamné par les présentes à la mort per dolore.
— Justice ! scandait la foule.
— L’accusé a, comme de droit le veut, la possibilité de s’exprimer une dernière fois avant son exécution, et si sa morale l’y pousse, il peut utiliser ce temps pour se repentir.
— On ne veut pas qu’il parle ! On veut qu’il souffre ! lança une voix.
— Cela viendra. Armède Lansalu, avez-vous des dernières paroles que vous souhaitez partager ? »
Quand le détenu leva la tête pour la première fois, Maeve put y lire toute la terreur qui le traversait. Ses yeux rouges imploraient autant qu’ils avaient pleuré. Armède reniflait en tentant tant bien que mal de ravaler de nouveaux sanglots.
« Ce n’est pas moi, Messire ! Je le jure ! Je n’ai jamais… Je n’aurais jamais… Je respecte trop notre Roi et toute votre famille pour… Je vous en supplie ! Ecoutez-moi ! Personne ne m’a jamais écouté depuis mon arrestation. Je vous jure que je ne me souviens de rien. Je n'ai pas pu faire ça ! Votre Altesse, je vous en supplie… J’ai deux enfants. J’ai une femme, je les aime. Virienne ! Virienne ! J’ai peur. Ne me laissez pas ! Je ne veux pas mourir ! Je n’ai rien fait !
— Ne peuvent-ils donc jamais se taire et mourir avec honneur ? siffla Cilia.
— Il est touchant, continua Odrien. Heureusement que le peuple est convaincu de son crime, autrement il implorerait sa clémence.
— La foule ? C’est le sang qu’elle veut voir. La culpabilité, elle s’en fiche, répondit son frère Darion.
— Peut-il être gracié ? »
La voix fluette de Maeve avait surpris le reste de la famille, déjà trop accoutumée à son mutisme de circonstance.
« Père peut choisir une exécution plus clémente, précisa son mari.
— La justice est rendue au nom du Roi, reprit le Régent qui ne décrochait pas ses yeux de l’arène. Le pouvoir ne peut jouer au sentimental dans une affaire si grave.
— Mais s’il est innocent ?
— Il y a eu une enquête, il est coupable. » coupa Darion.
Maeve avait beau fixer le pauvre homme, elle n’arrivait pas à se convaincre du contraire. Y avait-il d’autres personnes, ici, qui doutaient de sa culpabilité ? Ou était-ce la peur du châtiment qui faussait son jugement ? Les gens appelaient bêtement à des choses dont ils ne connaissaient rien. C’était donc cela, les Pays de Dennes ? Un peuple qui se divertissait de choses aussi sérieuses que la magerie et la justice ?
« Pour vos crimes, la mort sera per dolore, reprit le petit homme. Et elle sera immédiate.
— A mort !
— Je suis innocent ! Sire ! Je vous en prie ! Sire ! »
— Votre Altesse, pria Maeve en se tournant vers le Régent. En l’honneur de notre mariage, je vous prie d’épargner cet homme ! »
Le Régent caressait le tigre qui ronronnait dans un demi-sommeil. A peine releva-t-il la tête pour mieux fixer le condamné qui luttait pour ne pas être plaqué contre le sol malgré le poids et la tension des chaînes.
« Je regrette, ma chère, de ne pouvoir vous faire ce cadeau pour votre mariage. Le sujet est trop grave pour ne pas faire montre d’inflexibilité. »
Le ministre s’appliqua alors à lui donner les détails du crime, d’un ton aussi las et descriptif que s’il récitait une liste de potions. Armède Lansalu avait profité d’un feu de joie dans le village pour brûler une poupée à l’effigie du Roi Ferinan. La Couronne n’avait été que plus abusée d’apprendre que les habitants de Tarmare, inspirés par ses méfaits, avaient chanté toute la nuit la mort du souverain, qui se portait par ailleurs très bien. Cilia était scandalisée par ce récit qu’elle n’entendait pourtant pas pour la première fois. Le silence qui s’en suivit dictait la suite. On attendait d’elle de s’offusquer aussi. Elle le prétendrait.
De l’entrée du tunnel sortit une femme aux longs cheveux grisés et à la tunique brune cramoisie. Elle fendit sur Armède comme un aigle sur sa proie. Des faisceaux de lumière enguirlandèrent les chaînes du malheureux. La femme porta une bague à ses lèvres, et soudain son nimbe se transforma en lanières si brûlantes que le fer des chaînes rougissait. Le malheureux hurlait des sons à peine articulés, il se débattait contre des chaînes impossibles à casser. L’odeur de sa chair brûlée remontait aux gradins, tandis qu’il agonisait sans pour autant être proche de son dernier souffle. Maeve ne pouvait supporter un tel spectacle. Elle détourna la tête et ferma les yeux, ce qui ne fit qu’amplifier dans ses oreilles les supplications de l’homme et dans ses narines, l’amère odeur de sa chair.
Ce fut l’étonnement de la foule qui lui fit lever la tête de nouveau. Sous la chaleur intense, le fer avait commencé à se déformer et l’homme avait réussi à dégager ses bras de l’étreinte des chaînes. Armède se brûlait les mains pour ôter les fers qui dévoraient ses jambes, et retomba au sol d’une fatigue mêlée à la douleur. Il traînait son corps vers le Régent et pleurait.
« Je vous en prie, Sire ! Je suis innocent... Ce n’est pas moi !
— Certains de nos ancêtres auraient vu dans un acte si rare la manifestation d’une quelconque intervention divine, commenta son époux.
— Enfin, nous ne sommes plus de ces civilisations basées sur la superstition » conclut son frère.
Seules restaient des lanières de vêtements accrochées à sa peau brûlée à vif. Orman, qui n’avait cessé de caresser son tigre, lui donna deux coups affectueux sur le flanc. La bête cligna des yeux et s’éveilla doucement. Elle fixait son maître, qui le grattait à présent sous l’oreille. Le fauve vivait un instant de plaisir extrême, il en grognait. Ses yeux s’ouvraient peu à peu. Il s’étira avant de prendre une posture plus académique. Le Régent tapota une nouvelle fois, et le tigre se dressa. Lui non plus n’avait pas cessé de fixer Armède depuis son réveil. Il s’en léchait les babines. Quand son maître claqua des doigts, la bête bondit dans l’arène. Elle rodait autour de sa proie.
L’homme tremblait. Il s’était replié au sol et se protégeait la tête. L’animal s’arrêta derrière, et posa sa patte sur la jambe du malheureux. Il approcha son museau du pied, et l’instant suivant, Armède hurlait. Il se tordait au sol, il s’était rapproché la jambe du torse et faisait pression dessus, comme si cela allait lui ramener son pied. Le tigre s’était assis pour mieux déguster son bout de viande. La foule, elle, jubilait.
Lorsque le tigre s’approcha de nouveau, Armède se poussa sur ses bras pour reculer. La bête combla la distance en quelques pas et s’empara de sa cuisse. L’homme redressa son buste pour lui asséner un coup de poing, mais l’animal n’apprécia guère ce geste de défi. Il plaqua sa proie au sol de tout son poids. Ouvrit la gueule. Sortit ses crocs. Mugit pour bien rappeler qui était le roi, et quand il eut fini, déchiqueta la tête du malheureux.
Maeve était paralysée de terreur. Les hauts le cœur lui tordaient les tripes. Comment pouvaient-ils être tous si insensibles à cette exécution barbare ? Pire, ils semblaient y prendre plaisir. L’éclat de la foule était égal à son engouement pour les duels mais cette fois, personne n’avait pris les paris. Le malheureux était condamné dès son entrée dans l’arène.
La distraction dura aussi longtemps que le tigre consentait à continuer son festin et, quand il montra quelques signes de complétude, il regagna sa place dans la tribune. Les restes de la carcasse furent remisés dans un plat pour un futur encas, tandis qu’Orman grattait le dos de son animal. Maeve, elle, n’arrivait pas à s’en remettre. Comment pouvait-il caresser ainsi la bête qui venait de déchiqueter un homme sous leurs yeux ?
Le présentateur ne tarda pas à reprendre sa place au centre de l’attention, osant même marcher sur la mare de sang sans sourciller pour annoncer le duel suivant, Nirien de la Bagane, Prince des Pays de Dennes contre Orc le Poulgare. Le public accueillait les duellistes avec entrain, les gradins tonnaient sous les applaudissements. Mais Maeve n’avait pas le cœur à faire fi de l’entracte de sitôt pour s’investir dans une nouvelle distraction.
« Assistez-vous souvent à un tel engouement en Nouvelle Bodhurie ? interrogea Cilia.
— Nous ne faisons pas de duels de la sorte, dans le Norlande. A part lors des entraînements de formation. »
Et ils ne ressemblent point à ceux-ci, ironisa-t-elle. La Nouvelle-Bodhurie… Ainsi donc ils voyaient son peuple ainsi ? Ils ne comprenaient pas que le Norlande appartient à ceux du Nord, et non à cette terre lointaine. Les siens respectaient la Bodhurie, et le Gouverneur Bressild n’avait jamais remis en cause son allégeance. Seulement, la réalité était factuelle : ils étaient loin, et les Norlandais ici. La Bodhurie était un petit royaume enclavé dans le Sud-Est du Vieux Monde, et Perrhé avait repoussé leurs frontières bien au-delà de leurs espérances. Leur terre, c’était le Norlande. Les appeler autrement, c’était méconnaître leur peuple, ou pire, le mépriser.
« Duellistes, en garde… »
Les cris de la foule retentirent de plus belle. Orc le Poulgare serrait le poing devant sa poitrine, tandis que Nirien tendait sa main couverte de bagues en direction de son visage.
« Initiate ! »
Sur le parterre, la foule excitée levait avec frénésie ses galliots.
Deux faisceaux luminescents avaient jailli des mains des duellistes et fondaient sur leur adversaire, mais celui de Nirien fut plus rapide. Le long de son Nimbe déferla un torrent auquel Orc ne put échapper. Il tomba, et l’autre en profita pour se rapprocher.
Nirien ne remarqua pas l’éclair d’aura furtif, au-dessus de sa tête. Il n’eut pas le temps de se protéger grâce à son propre Nimbe. Il n’avait pas dû recharger suffisamment vite, et elle doutait fort qu’il ait parmi ses rares bagues une potion de consolidation rapprochée. Il n’était pas un inga, comme elle, ainsi qu’étaient appelés ceux qui pratiquaient l’incendio guarda. Lui devait être un exvo, et elle serait prête à parier qu’en plus de sa potion acquée, il n’ait que des feûlées.
Nirien avait beau se protéger la tête, les rocs lacéraient ses bras. Son costume en prit un coup. Quelle idée aussi, de venir se battre dans un tel accoutrement. Le prince parut sonné, et son adversaire sauta sur l’occasion pour l’attaquer encore. Son Nimbe tourbillonnait autour de sa victime, et fit place à une tempête de sable enragée.
Orc courut les quelques pas qui le séparaient de sa proie, dégainant sa longue épée. La frénésie gagnait la foule qui acclamait le spectacle dans un vacarme hurlant. Sur le parterre, les paris reprenaient de plus belle, tandis que des voix criardes s’agaçaient que leur mise ne soit pas traitée plus vite.
Tout à coup, des éclats d’un Nimbe jaillirent de la tempête de sable, et tout le monde retint son souffle. Les rayons de lumière se mirent à tourner, tourner si vite que la cadence se calqua sur la tempête, jusqu’à tourner plus vite encore. Des bris de glace s’abattirent aux quatre coins de l’arène, et Orc le Poulgare n’eut d’autre choix que de plonger à terre pour mieux se protéger.
Il pratique bien l’excedio violente.
« Le duel est-il à votre goût ? lui demanda Odrien.
— Je le trouve intéressant » mentit-elle.
A ses yeux, ce duel n’avait rien d’aussi héroïque que ce que l’assemblée semblait croire. Les sudistes, des peuples de tradition, certes, mais tradition ne devrait pas rimer avec manque d’ambition.
Le sable disparut enfin, tandis qu’Orc était toujours blotti par terre, un bras sur la nuque. Nirien profita du spectacle un instant de trop, car il fut soudain entouré d’un nouveau Nimbe qui se mua en un jet de boue. Le prince eut beau tenter quelques pas, son mouvement fut de plus en plus saccadé jusqu’à ce que ses membres ne se paralysent totalement. Il leva sa main au visage, mais la boue se stupéfia. Alors Nirien regarda avec effroi son adversaire lui fondre dessus en ricanant.
Le prince essayait tant bien que mal d’avancer sa tête, de rapprocher sa main, la pression du roc était trop forte. A peine pouvait-il bouger. A quelques pas, son adversaire levait son épée en l’air et s’approchait, le sourire jusqu’aux oreilles. Cilia faisait pâle figure, mais la foule, elle, était en délire, et clamait son enthousiasme pour ce héros inarrêtable.
Dans un ultime soupçon d’espoir, Nirien joua d’un autre doigt pour ouvrir le chaton d’une nouvelle bague. Un dôme nimbé jaillit autour de lui. Il approcha ses lèvres et, d’une dernière impulsion de la main, il réussit. Le Nimbe se transforma en un torrent d’eau qui se déversa sur eux dans un courant furieux un long moment.
Dans le public, le silence s’élevait à la hauteur du suspense, et tous essayaient en vain de distinguer une forme. Lorsque le déluge ralentit, Maeve put distinguer deux silhouettes, toutes proches. Puis le Nimbe disparut, dévoilant Nirien, qui tenait son adversaire au cou, la lame affutée contre sa peau.
« Nirien de Bagane reste champion en titre ! » proclama l’orateur qui revenait sur la piste à grandes enjambées.
A cette annonce, la foule hurla de joie, et tapa des pieds dans les gradins.
« Vous voyez ? s’enorgueillit sa cousine. C’est toujours la même lame qui signe la fin des duels.
Gagnera-t-il ce tournoi ? Je vous le demande, cher public : y a-t-il quelqu’un dans cette assemblée qui l’ose y prendre ? »
L’insolent avait maintenant regagné le milieu de l’arène pour mieux profiter de son bain de foule. Les bras levés au ciel, Maeve trouvait qu’il frôlait le ridicule. Les gradins, eux, chantaient à l’unisson. La foule clamait ses encouragements à l’unisson. Proclamaient-ils leur champion ou encourageaient-ils un nouveau participant ? Nirien prenait sûrement la première option pour acquise, quand une nouvelle voix le fit redescendre de son nuage. Une voix calme et déterminée.
« Je relève le défi. »
Nirien se retourna pour s’assurer qu’il avait bien entendu. Dans les gradins, la rumeur silencieuse du public s’élevait. Maeve fixait sa proie.
« Vous, Madame ? » s’offusqua Darion.
Son beau-frère le Ministre des Sûretés s’interposa entre elle et la sortie de la tribune, mais la jeune mage lui tint front.
« Où dois-je me rendre pour participer ?
— Vous êtes la princesse !
— Votre cousin participe, et il est prince aussi.
— C’est une question de sécurité.
— Je remplis toutes les conditions requises pour participer. J’ai le droit. »
Les noisettes renfrognées la dardèrent. Maeve chercha quelque soutien auprès de son époux, mais celui-ci se contenta de plisser les lèvres. Le Régent caressait son tigre, captivé, tandis que sa fille se délectait de la tournure des évènements. Seule sa volonté de ne pas interrompre un moment qu’elle voudrait raconter plus tard devait la retenir, celle-là.
« Je vous dis cela, Madame, car personne ici ne peut attester de votre niveau de maîtrise.
— Je pratique depuis sept ans, je sais me battre.
— C’est mon devoir de m’inquiéter de la sécurité des Dennois, a fortiori lorsqu’il s’agit de celle de notre famille. »
Maeve ne se sentait inclue dans aucun de ces deux groupes. Elle, une Fanese, alors qu’elle ne partage rien avec son époux ni le reste de sa famille ? Une Dennoise, quand elle n’a rien en commun avec aucun d’eux ?
Le Ministre des Sûretés adressa un claquement de doigts à l’attention de deux gardes qui vinrent se placer derrière lui.
« Darion, Darion… Le tournoi est donné en l’honneur de notre princesse, entonna son père avant de se tourner vers Maeve. Eblouissez-nous donc ! »
La jeune mage retint son sourire de victoire, mais dans les yeux du Ministre des Sûretés, les éclairs tonnaient.
« De toute façon, Nirien est assez chevalier pour ne pas prendre de risque inconsidéré en face d’une personne aussi importante que notre petite princesse » répliqua Cilia d’un air enjoué.
Maeve ne se retourna pas. Elle ne voulait pas lui offrir cette victoire. Pour l’heure, la maudire de toutes les foudres des Cieux suffirait. Dans l’escalier, les deux gardes lui ouvraient la voie tandis que Darion refermait la marche. Ils débouchèrent dans une large galerie arquée sous des arceaux, remplie à craquer par des hommes surexcités, mallettes au poing. De toutes parts, des « Votre Altesse ! » tentaient de les interpeler en vain. Les gardes s’avancèrent pour mieux repousser les premiers assaillants.
« Messieurs, je vous prierai de ne pas nous faire perdre notre temps. Nous travaillons toujours avec les mêmes maisons, et ce n’est certainement pas aujourd’hui que nous dérogerons à cela. »
Si quelques marchands déçus abandonnèrent, d’autres persistaient et essayaient tant bien que mal de capter l’attention de la princesse. D’une main, Darion l’invita à entrer dans une alcôve. D’une autre plus autoritaire, il avertissait les derniers réfractaires de ne pas tenter de les suivre.
« La Princesse a besoin d’une tenue de duel.
— Tout de suite, Votre Excellence » lui répondit celle qui était venue les accueillir.
La tenancière ordonna, et Maeve se retrouva accaparée par ses commises, mètres à la main, qui détaillèrent ses formes dans leurs plus intimes retranchements. Ses joues l’irradiaient, et elle ne parvenait pas à les calmer.
« Je vous attendrai à la sortie » lui adressa Darion.
S’ensuivirent des drapages successifs de tissus pour déterminer la nuance de vert la plus appropriée jusqu’à ce qu’une petite aux yeux globuleux déclare avoir tout ce dont elle avait besoin et invite la jeune mage à repasser bientôt.
De retour sous les arceaux, Darion pressait le pas entre les étals qui regorgeaient d’armes toutes plus fascinantes les unes que les autres. Maeve n’avait pas l’habitude de voir des épées incurvées de la sorte. Leur lame brillait aux maigres reflets du soleil que ces murs épais laissaient entrer. Mais le Ministre des Sûretés ne consentit à s’arrêter qu’une fois devant un large éventaire, plus étendu que les autres aux meubles en bois finement sculptés sur les angles.
Maeve n’écoutait que d’une oreille le commerçant décliner les caractéristiques de ses modèles les plus populaires. L’œil vif, elle passait en revue les différentes lames qui s’offraient à elle. L’une, fine, allongée, et plus courbée sur la pointe, retint son attention. Elle approchait sa main de la poignée quand le commerçant s’en saisit pour mieux la présenter lui-même à la princesse. L’épée était si légère… Il ne lui fallut que quelques mouvements de poignet pour confirmer son ressenti : cette arme serait la sienne.
Darion parlait chiffres avec le négociant quand la jeune mage aperçut plus loin un étal monté sur de vieux meubles en bois rabougri. Derrière, le vieillard qui lisait son livre était si immobile qu’elle se demanda s’il n’était pas endormi. A ses côtés, un garçon au visage couvert de taches de rousseur tuait l’ennui en fixant le plafond d’un air rêveur. Elle s’avança dans leur direction, déconcertant Darion qui ne pouvait s’extirper de sa négociation mais s’assura d’un geste que les deux gardes la suivaient bien.
Sur l’éventaire, des fioles aux couleurs empourprées dont la lumière révélait les mille teintes reposaient dans des boîtes poussiéreuses couvertes d’épais velours.
« N’hésitez pas à les dégoupiller et à juger par vous-même » lui adressa l’homme aux cheveux d’argent.
Elle saisit un flacon d’un liquide grenat et visqueux. Ce simple contact ravivait en elle le souvenir encore vif de sa vie au camp. Les matins où le sergent les convoquait pour leur remettre des flacons étaient annonciateurs des meilleurs entraînements.
Le vieil homme l’invita à ouvrir la fiole et à en saisir le nez. Cette odeur de soufre fruité ne lui était pas familière, mais elle savait que ses capacités olfactives en matière de potion ne l’auraient pas menée bien loin.
« Cessez immédiatement ! Et vous, pourquoi n’êtes-vous pas intervenu ? » vociféra Darion aux gardes dont les visages se décomposèrent.
Il lui reprit le flacon des mains, le regard éreinté.
« Je n’oserais mettre en danger la Princesse de quelque façon que ce soit, Votre Altesse, se défendit le vieil homme avant d’exécuter une révérence dont son dos peina à se relever. Je ne fais là que mon travail… »
Maeve observait avec embarras le marchand de potions replacer ses flasques dans leur boîte. Quelques pas derrière, le petit semblait tout aussi gêné qu’elle.
« Nous avons déjà un Maître de potions.
— Je ne faisais que regarder…
— Alors vous regarderez chez Maître Purcele. »
Darion esquissa quelques pas, mais Maeve ne bougea pas.
« Qu’y a-t-il encore ?
— Et si je préférais aller chez ce Maître de potions ?
— Vous n’en connaissez aucun, comment pourriez-vous en préférer un ?
— Je tiens à choisir mon fournisseur. »
Le ministre haletait, et prit quelques instants avant de reprendre d’une voix plus élevée :
« Avez-vous ne serait-ce que pensé à ce qu’une personne comme vous pourrait être la cible d’actes regrettables ?
— Alors vous n’avez qu’à le soumettre aux mêmes vérifications que votre Maître Purcele. Après tout, c’est mon tournoi. Votre père l’a dit tout à l’heure. »
Si elle s’appliquait à ne plus faire attention à lui pour mieux observer l’étalage de potions, elle entendait ses dents grincer. Dans son dos, Darion fulminait. Le petit saisit un écrin et vint se placer à côté d’elle.
« Je n’ai jamais eu à choisir mes potions moi-même, avoua-t-elle au vieillard.
— Vous insistez depuis le début et vous ne connaissez même pas les potions ? »
Elle ne lui adressa qu’un regard exaspéré.
« Levez les yeux au ciel si vous le voulez, mais c’est ainsi. Alors je vais me tenir à quelques pas, vous faites ce que vous avez à faire et quand vous avez choisi, mes hommes contrôleront la potion. Et vous, adressa-t-il au vieux maître, ne vous avisez pas de lui faire tester quoi que ce soit sans mon autorisation. »
Pour mieux marquer la fin d’un discours refusait toute question, il esquissa quelques pas. Quelle suspicion ridicule.
« Son Excellence a-t-elle des préférences de combat ?
— J’aimerais quelque chose de plus puissant que ce que j’ai vu aux derniers duels.
— Seules les potions diluées sont autorisées en tournoi ! Nous nous devons d’écarter tout risque vital pour les participants. Cela dit, certaines organiques peuvent produire des effets saisissants, quand on sait les manier. Madame ne veut donc pas de feûlées à projection ?
— Non, Madame veut gagner. »
L’homme sourit d’un coin de lèvres.
« Madame pratique-t-elle la guardia ou la violente ?
— La guardia, en incendio.
Le vieillard referma une boîte et en sortit une nouvelle d’un tiroir.
« Alors je vous recommande celle-ci, la Fortis Gabile. Une tellurienne. Rapide, tenace et robuste. Une parfaite potion de consolidation, tout particulièrement indiquée pour les duels. »
Maeve acquiesça, et aussitôt le garçon plaça la fiole dans son écrin, les yeux brillants rivés sur la princesse. Le vieux maître lui recommanda trois autres potions de consolidation. Une potion de régénération suffirait. Dès que l’écrin fut rempli, Darion s’en empara pour le confier à ses gardes. Ils ouvrirent chaque fiole une à une afin d’en déguster une goutte, puis tendirent l’étui au ministre.
« Je raccompagne la Princesse et je reviens régler cette affaire… Maître ?
— Darrell, Maître Primo Darrell, Votre Altesse. Et j’insiste, vous ne me devez rien. C’est de bon cœur que j’offre à la Princesse toutes les potions qu’elle désire pour ce duel » dit-il en tendant à la princesse un petit papier à l’écriture travaillée.
« Messire Primo Darrell
Maître de potions indépendant
La cabane du vieux maraîcher
Katu »
Messire ? Dans une cabane de maraîcher ? L’adresse l’intriguait tout autant que le maître.
« Votre générosité nous honore » remercia Darion en lui prenant la carte de visite des mains.
Maeve ne décelait pas la moindre sincérité dans ces propos. Au vieux maître et à son jeune assistant, elle ne pouvait offrir qu’un sourire reconnaissant et plein d’excuses. Et tandis qu’elle repartait à travers le dédale des arceaux, elle se répétait l’adresse qu’elle ne voulait pas oublier.
L’alcôve des couturières ne lui laissa guère plus de répit que la première fois. Il avait fallu ajuster les manches qui ballaient sous le veston, et quelques autres retouches pour lesquelles Maeve n’avait pas vu grande différence. Comment allait-elle se déplacer dans un accoutrement pareil ? Ce velours tenait si chaud qu’elle n’osait pas même imaginer le résultat une fois sous le soleil étouffant qui irradiait le sable de l’arène.
« Pour les accessoires, si Son Excellence désire voir nos bagues… » tenta le tenancière.
La jeune fille n’eut pas le temps de répondre que la couturière lui présentait déjà son plateau. Les chatons des bagues arboraient de grandes lettres dans un alphabet qui lui était inconnu.
« J’aimerais mieux une poignière.
— Ces bagues à chatons sont d’une élégance plus semblable à votre rang, rajouta Darion.
— Si les bagues à chatons étaient des récipients des plus indiqués, on en utiliserait bien plus chez nous. Je suis déjà bien assez encombrée de draperies pour n’avoir à finir dans un cabinet de curiosités. »
Elle sentit que cette phrase avait été de trop. Enfin son beau-frère et elle semblait désirer la même chose : être débarrassés l’un de l’autre. La tenancière n’osait même plus parler, se contentant de soulever le petit coussin pourpre qui présentait la poignière au cuir foncé.
« Ce sera très bien » conclut Maeve après avoir vérifié que les encoches des cinq chatons s’actionnaient sans accroche.
Elle remplit chaque compartiment avec les fioles offertes par le Maître de potions selon un ordre méticuleux qu’elle se répéta à plusieurs reprises, puis arma la poignière sur son avant-bras gauche.
« Je suis prête » signala-t-elle à sa sentinelle de beau-frère.
Même dans le dernier couloir qui la menait dans l’arène, ce dernier sentit qu’il était de son devoir de rappeler les règles du duel. Elle n’avait droit qu’à cinq coups, après quoi elle ne pourrait compter plus que sur sa lame et espérer que son adversaire ait aussi épuisé toutes ses potions.
« Cinq potions devraient être bien assez.
— Celui qui menace le cou de l’ennemi de sa lame scelle la rencontre. Menacer seulement. Les fins barbares appartiennent à l’Histoire. Vous êtes sûre de vouloir y aller ? »
Elle le laissa en plan et s’avança d’un pas déterminé vers la lumière. Le soleil chatouilla ses pommettes, et elle sentit l’air chaud renouveler ses poumons qui s’étaient habitués à la fraîcheur humide des arceaux. Depuis l’entrée, elle pouvait voir la foule en délire.
« Mesdames et Messieurs, je vous prie d’accueillir comme il se doit celle qui nous fait l’honneur de cette journée, mais aussi de ce duel… La Princesse Maeve des Pays de Dennes ! »
Le public l’acclama si fort que la jeune mage en fut impressionnée. Elle n’avait jamais été exposée à tant de personnes à la fois et pourtant, elle n’avait pas peur. Peut-être la distance qui l’isolait du monde l’empêchait de voir ces têtes inconnues qui d’habitude la pétrifiaient tant. Les épaules hautes, la démarche certaine, elle rejoignit le présentateur au milieu de l’arène, et aperçut dans l’ombre de l’entrée opposée son nouveau cousin par alliance qui n’attendait qu’un signal pour s’offrir un nouveau bain de foule.
« Elle affrontera le champion en titre, je ne vous le présente plus, Nirien de Bagane ! »
Maeve refusa de regarder une nouvelle fois son air suffisant qui foulait le sol de cette arène d’un pas si sûr de lui qu’il eut cru que la Dennes Occidentale entière le vénèrerait pour ses exploits. Elle tourna la tête vers la tribune princière, d’où Orman semblait suivre l’évènement d’un œil aussi distrait qu’avant. Cilia avait troqué sa figure grave pour encourager d’un œil bienveillant son cousin Nirien, tandis qu’Odrien ne faisait aucun cas de ce qui se déroulait sous ses yeux. Il fixait le gradin opposé d’une intensité rare qui lui donnait un air que sa nouvelle épouse ne le lui avait encore jamais vu. Elle eut beau regarder en face, les gradins étaient si peuplés qu’elle ne put deviner qui avait l’honneur de l’attention de cet homme.
« Duellistes, en garde... Initiate ! »
Après la montée d’adrénaline vint le moment fatidique du regard stoïque de défi. Maeve en brisa aussitôt la cadence en avançant vers son adversaire.
« Ma chère cousine… à vous l’honneur !
— Les tours ne se décident pas, ils se prennent.
— Pour qui me prendriez-vous si j’attaquais la reine de la journée ?
— Pour un duelliste respectable. »
A peine sa phrase achevée, la jeune femme esquissa un rapide mouvement de coude. Son doigt dégoupilla le chaton de la fiole qu’elle aspira aussitôt. En un instant, des racines entremêlées jaillirent de sa paume. Elles fonçaient droit sur Nirien. Dans une esquive acrobatique, il utilisa sa première bague. Les extrémités des racines s’enflammèrent.
Maeve ne lui offrit aucun répit. Elle fondit sur lui, qui sortait sa seconde fiole. Elle fut plus rapide. Une boule de racines entremêlées forma un dôme autour d’elle. Nirien hésita un instant de trop entre deux bagues ; l’instant lui fut fatal. Les racines autour de Maeve s’agitèrent brusquement, et une liane s’en détacha. Son fouet ligota l’adversaire qui perdit l’équilibre et s’écrasa au sol.
Les racines dégagèrent un passage à la jeune femme, qui cloua le garçon au sol d’un coup de pied entre les omoplates. Elle porta sa main en arrière, et dégaina son épée. Elle attrapa sa proie par les cheveux et, lui tirant la tête, le menaça de sa lame.
« Il semblerait, Mesdames et Messieurs, que nous ayons un nouveau champion, ou plutôt, une championne ! Car la Princesse des Pays de Dennes vient de mettre fin au long règne de Nirien de la Bagane. Alors, je vous le demande, face à tant de surprises et de talent… Y a-t-il quelqu’un ici qui l’ose y prendre ? »
Maeve relâcha enfin son emprise. Le vaincu ne se retourna pas. Il n’osait pas lui faire face, ni croiser son regard. Par-dessus son épaule, elle le vit porter la main au cou et l’effleurer de ses doigts délicats. Oui, tu n’as pas rêvé, je t’ai bien eu à la gorge. Et je recommencerais avec plaisir si j’en ai encore la possibilité.
Dans l’arène, l’ovation grognait de plus belle. Son nom était scandé de toutes parts, repris à l’unisson, et acclamé.
« N’y a-t-il donc personne ici, pour oser l’y prendre ? »
Maeve savourait ce moment avec une saveur particulière. Pour la première fois depuis son arrivée, elle avait accompli quelque chose. Elle ne pouvait pas en dire autant de son mariage, auquel elle n’avait pas consenti. Elle avait participé au tournoi parce qu’elle en avait envie. Et elle avait remporté ce duel parce qu’elle était mage. Aspirante, certes, mais à présent qu’elle avait dû quitter sa formation, est-ce que cela comptait encore ?
« Je déclare Son Altesse la Princesse Maeve des Pays de Dennes championne du tournoi ! »
Les cris redoublèrent d’intensité, et elle ne savait plus où donner de la tête. Elle souriait au public, se courbait gauchement, puis réserva sa dernière adresse à la tribune princière. Puis elle ferma les yeux un instant. Elle se sentait revivre. Elle avait gagné.
"A part les conquêtes de Pirus Dennes, peu trop rien, j’en ai bien peur. Nous ne les avons jamais combattus, et je ne suis pas un homme de livres…"--> ça m'a fait rire de découvrir un peu plus la mentalité norlandaise : je connais pas ces gens me suis pas bagarrer avec eux !
On sent que tu as travaillé les décors, c'est très bien, cela promet pour la suite. Je suis juste un peu frustrée de ne pas savoir ce que lui inspire le prince comme réels sentiments, mais je vais peut-être trop vite.
Félicitations.
Merci pour ton retour !!
Toujours aussi intéressant, j'aime beaucoup ce chapitre. On voit bien la différence de mentalité entre les deux civilisations, et j'ai vraiment de la peine pour Maeve... J'espère pour elle qu'elle réussira à concilier la magie avec son "devoir".
J'ai repéré quelques problèmes :
- "mais celui-ci", dans le premier paragraphe. Je ne comprends pas la phrase.
- "en ces sols incertains", cette fin de phrase sonne bizarrement à l'oral je trouve, trop de /s/
- "de le voir revenir", les* voir revenir
- "Elle broya ses rennes", elle broya ses rênes*
C'est vrai que Norlande/Dennes, c'est le choc des cultures ^^ et j'ai justement beaucoup de plaisir à travailler sur cette thématique !
Je continue ma lecture avec enthousiasme, et je suis heureuse de ce que je découvre ! Ton monde se dessine peu à peu devant mes yeux, à la manière d'une peinture où chaque touche compte.
J'aime beaucoup ce contraste entre Norlande et Denne. D'un côté on a un pays assez rude, aux coutumes militaires, de l'autre un pays qui me fait un peu penser à l'empire viennois (je me trompe?).
Et j'ai bien ris à ces conversation "si intéressantes" qu'elle a échangé avec le prince XD Cette rencontre n'a rien de conventionnel, et ça m'a parut très rafraîchissant.
Enfin, les petites résistances de Maeve m'ont beaucoup plu (les cheveux, le bracelet...). C'est un peu comme si elle refusait d'être complètement formatée par ces normes étrangères, qu'elle voulait préserver son identité en même temps que ses coutumes. Très bien pensé ^^
voilà voilà, c'est tout ce que je trouve à dire. Le seul reproche que je trouve (et encore, je me creuse les méninges) c'est que ça va un peu vite d'une scène à l'autre. Après, c'est peut-être voulu, pour qu'on se sente encore plus dans la peau de ton héroïne pour qui tout s'accélère...
Bonne continuation !
Emmy
Merci encore et bonne lecture :)
J'ai trouvé que tu allais un peu vite sur leur premier dialogue, j'aurais voulu pouvoir lire leur échange et avoir un aperçu de leurs réactions, car je ne sais pas trop encore quoi en penser : j'ai l'impression que quand tu parles de discussion "captivante", c'est ironique, mais je ne suis pas certaine. La rencontre avec son futur époux est un moment-clé, tu peux prendre le temps de décrire la scène avec plus de détail, même si c'est pour parler météo : tu pourras ainsi montrer si Maeve le trouve ennuyeux ou s'amuse de le voir chercher ses mots avec maladresse. Pour le moment, ça reste très neutre et ça manque un peu d'émotions. En même temps, ce n'est que le début !
Merci pour ton retour ;)
"Certains ne passaient pas même la nuit, et se contentaient de changer leurs montures et de passer à cette taverne" => Répétition de passer
J'ai bien aimé ce chapitre haha, même si je trouve qu'il aurait peut-être gagné à être un poil étoffé. Avant un mariage pareil, dans l'attente de la délégation, généralement toute la ville est mise à contribution, les notables viennent et la promise a le droit à des cours d'étiquette en accéléré. Là-dessus, je ne sais pas si tu as regardé le mariage de Marie Stuart ou encore celui de Marie-Antoinette ? Ils peuvent apporter des détails très judicieux sur l'organisation d'un tel évènement politique :)
Pour la question de "notre héroïne", j'ai longtemps justifié l'emploi par un parti pris narratif que je voulais instaurer avant. Ca n'a pas trop pris en écriture, j'ai forcé un peu le destin sur quelques phrases, mais avec du recul je me rends compte que ça ne marche pas. Pour un prochain livre, peut-être, mais ici le narrateur est en effet trop interne à Maeve pour se permettre de parler avec un tel détachement !
Ce chapitre m'a donné l'impression que tu t'étais encore un peu débattue avec les transitions (mais je peux me tromper). Le début, par exemple, jusqu'à sa dernière journée... honnêtement, je n'ai pas trouvé ça très intéressant :/ j'ai eu l'impression que tu le racontais pour donner l'impression que ces journées sont importantes, par souci de précision, pour montrer les sentiments de Maeve (là encore, je suis peut-être à côté de la plaque ><). Mais dans les faits, il ne se passe pas grand-chose, et autant parfois ça ne me gêne pas, autant là, je l'ai ressenti. Par exemple, le moment avec son général, qui est intéressant : il aurait pu apparaître à la toute fin du chapitre, quand les norlandiens partent ; je trouve qu'il aurait eu plus de puissance, qu'il aurait sonné aussi comme un adieu.
Pour la suite, la rencontre avec Odrien (chouette nom !) m'a parue survolée. En fait, le coeur de ce chapitre semble être le moment où Maeve doit s'habiller. C'est dans ce passage que j'ai eu l'impression de te suivre le mieux, où tout était le plus fluide. Et je trouve ça un peu dommage, parce que bien qu'il contienne des infos intéressantes sur les cultures et sur Maeve, il devrait à mes yeux être plus secondaire, comme un petit bonus. Pour moi, c'est la rencontre avec Odrien qui devrait cristalliser la tension du chapitre.
C'est mon ressenti de lectrice. En réalité, c'est toi qui décides de comment mener ton histoire. J'ai juste trouvé ce choix surprenant.
Ce que j'ai préféré dans ce chapitre, finalement, c'est le passage avec le général Sondha. Il a le potentiel d'être bien émouvant je pense ! Pour le reste, je suis curieuse de découvrir le pays de Dennes.
J'ai relevé aussi quelques formulations qui m'ont fait tiquer :
"Son cœur s’étrangla." > l'image ne fonctionne pas pour moi.
"D’un geste discret, elle vérifia l’amplitude que lui offrait son jupon puis, satisfaite de l’écart possible, mit son pied à l’étrier." > c'est le "satisfaite de l'écart possible" que je trouve maladroit. Tu pourrais te contenter de "satisfaite".
"Quand elle s’autorisa enfin à respirer à nouveau, son dos se raidit d’une droiture académique." > là non plus l'image ne fonctionne pas trop pour moi. Quel rapport avec quelque chose d'académique ?
"ou plutôt l’homme qui sera responsable de votre bonheur." > Là c'est sur le fond que je trouve ça étrange. C'est un mariage arrangé, politique, dont on parle. Peut-être que le monsieur essaye de faire comme si c'était un mariage d'amour, mais... pourquoi ? quel intérêt ? En fait de manière générale, je trouve que l'entrevue avec la soeur, le passage de l'habillage, et même la rencontre avec le prince sont relatées un peu trop "tranquillement". Les enjeux sont quand même importants, non ? Ce mariage doit aider à maintenir la paix, si je me souviens bien. Et si les Dennois entendent faire de Maeve une des leurs, ils devraient être vachement plus sévères, je trouve.
"Le prince essaya à quelques reprises d’entamer une phrase, avant de s’arrêter en chemin au moment de l’inspiration finale." > l'image qui s'impose à moi n'est pas très valorisante pour le prince, et je ne sais pas si c'était ce que tu voulais transmettre. Il est timide, ok, peut-être un peu maladroit / mal à l'aise, mais je crois que ça pourrait être montré autrement.
"Elle fit diversion et calma l’animal qui se réveillait dans ses entrailles intestinales avec un premier hors-d’oeuvre." > la formulation me paraît un peu exagérée. Et là encore je trouve que ça manque de tension. Elle rencontre son futur mari qu'on lui impose ! Se jeter sur les petits fours pour se donner une contenance, ok, mais la formulation de "l'animal qui se réveillait..." sonne étrangement à ce moment.
Voilà. Désolée, ça fait pas mal de points négatifs :/ J'ai eu un peu de mal avec ce chapitre, il me donne encore l'impression que l'histoire n'a pas encore tout à fait commencé, et au chapitre 4 ça commence à faire beaucoup je trouve ! Mais je suis curieuse de découvrir la suite. J'espère que je ne suis pas trop sévère >< désolée si ce commentaire te heurte.
De tout ce que j'ai déjà écrit, je sais que le plus gros du travail se portera sur ces chapitres ! Si le 3 me semble toujours être le trou noir intersidéral qui me fait me dire que les autres sont moins pires, je trouve aussi certains dialogues et moments plats. Je ne voulais pas aller trop vite pour installer les émotions de Maeve avant que tout soit lancé mais il doit y avoir une façon plus intéressante de le faire. Recentrer en effet sur la rencontre avec Odrien ou l'adieu de Sondha et intensifier ces moments sera la base du travail de réécriture de ce chapitre, ainsi qu'harmoniser stylistiquement ces chapitres où la plume a peiné !
Pour être honnête, je suis assez heureuse que tu m'aies relevé tous ces commentaires négatifs, car ils me donnent des pistes pour le travail à faire ;) Je ne suis pas toujours à l'aise avec le fait de laisser le début publié ainsi, car je me dis que ce n'est pas bien pour le lecteur aussi, encore plus quand il s'agit du début ! Mais surtout, je n'arrive pas à avancer en retravaillant les passages déjà écrits, donc je me fais violence sur ça... Et dès que j'entamerai la phase suivante sur le manuscrit, ce début où je cherchais encore ma façon d'écrire cette histoire sera le premier gros chantier je peux te l'assurer !
Pour avancer mieux, rien de mieux que des critiques pour connaître les faiblesses du texte et réfléchir à les améliorer :) alors surtout, tu n'auras jamais à t'inquiéter de me heurter. Au contraire, ça apporte un plaisir différent que celui d'un commentaire positif, ça permet d'aider à mettre le doigt sur le problème. Critiqué durement, un texte ne peut en être que meilleur après ;)
En toute honnêteté, je pense rattraper les derniers chapitres dans la même lignée, impossible de m'arrêter x)
Comme d'habitude, très bon chapitre ! Intéressant, bien écrit, la totale !
Pour la note que tu as laissé au début du chapitre, je trouve intéressant de l'indiquer, mais me demande pourquoi le changement du prénom d'Adrien à Odrien n'a pas été fait dans les précédents chapitres ? Pour continuer sur ce personnage, j'ai d'abord confondu Orman avec Odrien à cause de leur titre, qui est Prince de Dennes pour tous les deux (si toutefois j'ai bien compris, sinon je m'excuse ^^"). J'ai d'abord cru que c'était le même personnage, avec juste une faute d'orthographe sur le nom, d'autant plus qu'on n'a aucune indication sur le fait qu'Orman est en réalité le père d'Odrien. Il serait intéressant que quelqu'un le souligne, soit Orman lui-même soit par une réflexion de Maeve. Cela nous aiderait aussi à comprendre que Cilia est la soeur d'Odrien alors que, lorsqu'elle est présentée, on se demande juste vaguement quelle est son importance.
Je réitère le commentaire de Zoju. L'intervention parfois d'une voix externe parlant au présent arrive un peu comme un cheveux sur la soupe. J'ai aussi lu ta réponse, donc je comprends ton point de vue :)
Petit problème de temps également pour cette phrase : « Et puis, à quoi ressemble-t-elle, cette ligne ? ». Il serait plus pertinent de la conjuguer au même temps que le reste de la narration, puisqu'il ne s'agit pas d'une intervention du narrateur extérieur.
Petit problème aussi pour cette ligne : « une foule endimanchée ». Je comprends parfaitement son utilité, toutefois le mot « endimanchée » est très en décalage comparativement au monde où nous nous trouvons. Pour utiliser ce terme, il faudrait déjà que le jour « dimanche » existe, de même que pour le principe de s'habiller sur son trente-et-un ce jour-là. Tu pourrais cependant réutiliser l'idée en la remettant dans le contexte de l'histoire, par exemple en disant : « une foule apprêtée comme un jour de (nom d'une fête religieuse particulièrement importante, etc.) ».
Dernier petit commentaire, qui relève plus de la curiosité du coup. Il est dit que les mages ne s'attachent pas les cheveux. Cependant, lors d'un combat, avoir des cheveux longs et détachés peut être un très grand désavantage, pour plusieurs raisons. D'abord, ils peuvent être gênants, venir en travers du visage ou se coller au visage. Ensuite, lors d'un combat rapproché (si les mages se battent aussi en combat rapproché), les cheveux peuvent être agrippés par l'ennemi. Du coup, ma question : pourquoi ce choix des cheveux détachés ?
Je tenais déjà à m'excuser pour cet imbroglio involontaire sur les noms. J'ai honteusement omis de modifier les prénoms dans les trois chapitres précédents, et vraiment, ça m'embête. Je m'en vais les modifier de ce pas. Mais du coup, de te lire, je me pose une autre question: les noms d'Odrien et d'Orman sont peut-être trop proches, non ?
Je n'avais pas pour Dennes, des noms aussi "fixes" dans ma tête que dans le Norlande, donc ils peuvent encore être transformés... Adrien a donné Odrien et Armand Orman. Peut-être du coup devrais-je changer le nom du Régent, Orman ? Enfin en tout cas n'hésite pas à me dire ce que tu en penses, car en effet les sonorités sont sûrement trop proches pour des personnages si rapprochés.
Pour le narrateur externe, je réfléchis de plus en plus à l'enlever. J'aimais beaucoup l'idée de cette narration, mais en avançant dans les chapitres je me rends compte que Maeve s'approprie plus la narration que je ne le pensais. Je passe de petite lumière qui flotte au-dessus de Maeve à elle-même, et ce genre de tournures n'a en effet plus trop sa place ici.
« Et puis, à quoi ressemble-t-elle, cette ligne ? » c'est très bien que tu me pointes ça du doigt, à chaque fois je suis démunie ! Je me demande toujours si en dialogue indirect, on garde quand même le présent du dialogue, ou si on applique la concordance des temps... Je pense avoir ma réponse du coup ;)
Idem pour la foule endimanchée, je l'ai écrite en me disant la même chose que toi et j'avais laissé la question à plus tard car je n'avais pas de synonyme en tête qui me plaisait. Je reprendrai ce détail pour sûr, tu as raison, c'est problématique ce renvoi à nos jours de semaine !
Et la question de la fin.... très légitime, et en effet, ce serait tellement mieux attaché. En plus je n'avais pas spécialement réfléchi à ça, mais allez il faut bien des contraintes à la magie ? Les cheveux dans le visage ? Non je rigole, ce serait la pire contrainte du monde. J'avais juste imaginé que pour que leurs pouvoirs se déploient pleinement, leurs cheveux devaient être lâches. Comme s'ils permettaient de mieux conduire la magie entre l'être et le monde ? J'avais eu l'idée en me renseignant sur certaines religions comme les Sikh qui ne coupent jamais leurs cheveux. Et de fil en aiguille, j'ai aimé l'idée que la coupe de cheveux soit un marqueur social et que les cheveux les plus longs et lâches soient des mages ou des maîtres de potions ! Qu'en penses-tu ?
Je ne pense pas que le fait que Odrien et Orman soient très semblables soit un problème en soit. Il arrive beaucoup dans la royauté que les héritiers aient le même nom que leur parent (exemple des Henri, Philippe et Louis dans l'histoire de France, sans parler des empereurs romains du temps de l'Empire). Ce qui m'a vraiment rendue confuse a été le manque d'explication sur qui était Orman. On ne comprend que plus tard qu'il est le père d'Odrien, mais si cette information était donnée directement après sa présentation alors il n'y aurait plus de confusion. En fait, si Odrien et Orman sont assez semblables, cela pourrait même mener (par exemple) à une sorte de tradition dennoise où l'enfant héritier doit porter un nom très proche de celui de son parent royal.
J'aime beaucoup ton idée pour les cheveux lâches des mages ! Ça me rappelle un peu un principe qu'un autre auteur avait utilisé dans sa propre saga (L'Épée de Vérité, de Terry Goodkind si tu connais ^^). Là, le statut social d'une personne se reconnaît par la longueur de ses cheveux : plus les cheveux sont longs, plus son rang est élevé. Je trouve que ce genre de principes est une très bonne idée, puisqu'il est très visuel. Le statut d'une personne n'est habituellement pas très visible, alors le rendre marquant à travers les cheveux détachés, je trouve que c'est définitivement une bonne idée !
Et c'est noté aussi pour Orman / Odrien. J'ai conscience d'avoir bâclé un peu les premières apparitions de beaucoup de personnages donc je reprendrai cela avec la plus grande attention ! Merci pour ce détail, je me mettrai un point d'honneur à apporter davantage de clarté sur cette question. En plus comme on sera amené à les revoir ces deux-là... c'est vraiment important que je revienne sur ça !
Maeve a donc rejoint son future époux. Je dois t'avouer que quand j'ai lu le passage où Maeve a dû changer de vêtement, j'avais l'impression de voir le moment où la Dauphine Marie-Antoinette est confiée à la France. (Je sais que Maeve n'est pas Marie Antoinette, mais ce passage m'y a fait pensé). Je n'ai pas spécialement de problème avec cette partie où Maeve est confiée à sa belle famille. Elle est fluide et agréable à lire.
J'ai eu plus de mal avec la première partie. Je trouve que les différents jours passent plutôt rapidement. Je ne pense pas que cela soit une mauvaise idée de faire défiler rapidement le temps, mais ici j'ai eu du mal à suivre. Peut-être que cela serait un peu plus clair en décélérant un peu l'action. L'autre élément concerne le moment où Maeve se promène en ville. Je sais que c'est quelqu'un qui a reçu un entrainement et je ne doute pas un instant qu'elle puisse se défendre, mais elle semble pas spécialement surveillé. On a l'impression qu'elle est assez libre de ses actions. Quand elle a voulu faire un tour à cheval si le général ne l'avait pas accompagné, elle serait partie toute seule ? Elle est tout de même promise à un membre de la famille royale d'un pays frontalier.
Juste une petite question, à deux reprises dans ce texte tu utilises "notre". Tu parle un moment de "notre héroïne". Cela m'a fait pensé à quelqu'un qui me racontait une histoire. Cela m'a fait un peu étrange de le lire. L'autre élément concerne cette phrase. "Voilà plusieurs jours déjà que notre suite parcourait les plaines thariennes, mais celui-ci, Maeve aperçut au loin des falaises aux hauteurs verdoyantes." J'ai l'impression que cette phrase pose problème. Il doit manquer un mot.
Quoi qu'il en soit, j'ai pris plaisir à lire ce chapitre. Hâte de connaître la suite ! :-)
Pour ta question, légitime, qui rejoint une remarque d'une autre plume sur les autres chapitres... J'ai dans l'idée d'avoir un narrateur qui interpelle parfois le lecteur, mais je n'ai pas encore trouvé la bonne façon de créer ce lien. Pareil, je continue à avancer et d'essayer de le faire par-ci par-là de temps à autres, mais je n'exclus pas d'enlever cette caractéristique, ou de la faire évoluer quand j'aurai un meilleur déclic sur la question.
Merci pour ton retour :) la suite devrait être pour ce week-end normalement !