Chapitre 4 : L'Entrée des Ombres

Notes de l’auteur : Par Lucinda

TW passage frisson

     Le jour commençait à poindre quand Isaak émergea de la grotte, 5h00 du matin peut-être. Ses pensées hantées par les révélations des écritures du Norne. Le souffle de la prophétie s’attardait autour de lui, se mêlant au vent froid des montagnes. La Pierre, cet artefact d’un pouvoir sans égal, semblait encore lointaine, mais il possédait désormais la direction : deux épreuves à traverser, deux objets à conquérir avant de pouvoir prétendre à la suprématie.

Il descendit vers Hollowcairn, ses pas silencieux malgré la végétation dense qui tapissait le sol. Isaak esquissa un sourire narquois en pensant à l’humanité qui se réveillait en masse, chaque matin, comme une horloge rouillée mais toujours ponctuelle.

— Ces créatures insignifiantes, si tragiquement prévisibles, murmura-t-il avec un soupçon de mépris. Elles surgissaient de leurs lits avec la même ferveur que des automates usés, avalaient leur café insipide et s’enchaînaient docilement à une routine qui les dévorait tout autant qu’il aurait pu le faire lui-même. La seule différence ? Leur quotidien était une lente agonie. Aucun frisson, aucune réelle passion. Ils passaient leur vie à courir derrière une illusion de liberté, alors qu’ils n’étaient que les marionnettes d’un jeu dont ils n’avaient même pas conscience.

Il balaya d’un geste la scène du matin à Hollowcairn, chaque humain se précipitant dans un rythme mécanique et imperturbable, aussi morne qu’un ciel sans étoiles.

— Vraiment, la prévisibilité est leur vertu la plus délicieuse… et leur plus grande faiblesse, conclut-il avec un rictus carnassier.

Isaak laissa Hollowcairn derrière lui sans un regard en arrière. Ses pas résonnaient dans la nuit, lourds et déterminés, tandis qu’il s’engageait sur la route sinueuse menant à la forêt de Skerkrus. La légendaire relique qui s’y cachait était son but, un artefact capable de renforcer ses pouvoirs sur les esprits. La rumeur disait que les brumes ne s’y dissipaient jamais et que les âmes y erraient sans fin, captives entre les mondes. C’était là, dans ce royaume perdu, qu’il espérait se forger un pouvoir qui ferait de lui bien plus qu’un seigneur de la nuit : il serait un maître des esprits. Ici la lumière du jour était si faible, si étouffée par les nuages et la brume constante, qu’il pourrait se déplacer librement, sans craindre les rayons mortels du soleil brûlant.

La route était longue et rude, un sentier effacé par le temps et peu emprunté, bordé de buissons épineux et de végétation assombrie. Chaque pas l’éloignait davantage de la civilisation, et l’aube, d’un silence étouffant, l’enveloppait peu à peu. Ses pensées restaient fixées sur sa quête, pourtant, il ne pouvait échapper aux murmures de la forêt. Pour un simple humain, il aurait fallu marcher une journée entière pour y arriver, Isaak fit l’utilisation de ses pouvoirs, pour y être en deux heures de temps.

Des ombres passaient, furtives, cachées sous les branches épaisses, tandis que des silhouettes indistinctes semblaient s’effacer à sa vue, comme si la forêt elle-même conspirait pour préserver ses secrets.

Alors qu’il s’enfonçait dans des terres plus anciennes, en direction de la première relique à trouver, Isaak perçut un changement dans l’air : une lourdeur particulière, presque palpable, s’abattait sur lui comme une chape invisible. L’atmosphère s’épaississait, lourde d’une odeur âcre et ancienne, rappelant celle de bois humide et de terre laissée en friche, de cendres à peine éteintes. Cette fragrance réveillait en lui des souvenirs enfouis, des réminiscences amères des époques où la magie se déchaînait sans retenue, où des forces plus sombres que les siennes s’élevaient dans la nuit. Même après des siècles passés loin du monde des vivants, il reconnaissait ces effluves, cet écho de sorcellerie qui imprégnait les lieux, une énergie intense et sournoise tapie dans chaque brin d’herbe et chaque branche tordue.

Autour de lui, les murmures des sorcières se faisaient de plus en plus pressants, bien qu’ils restent insaisissables, un simple frémissement dans l’air chargé de brume. Invisibles, leurs voix semblaient pourtant l’entourer, se faufiler entre les arbres et flotter dans l’obscurité comme des esprits veillant sur un territoire sacré. Isaak savait qu’elles l’observaient, ou du moins, qu’une partie de leur présence ancienne persistait, veillant jalousement sur ces terres perdues.

Soudain, une brûlure fulgurante éclata sur son visage, déchirant la peau le long de sa cicatrice comme un brasier maléfique. La douleur était si violente, si brutale, qu’il tomba à genoux, sa main agrippant son visage avec une rage impuissante.

Des siècles auparavant, Isaak, avide de pouvoir, avait trahi une ancienne lignée de sorcières pour s'emparer de leurs secrets magiques. Leur vengeance fut implacable : elles invoquèrent une malédiction qui marqua son visage d’une cicatrice profonde, une brûlure magique liée à une douleur mentale et physique qu’il porterait à jamais. Cette cicatrice, souvenir de sa trahison, était plus qu’une simple marque sur sa peau ; elle représentait son échec et la force forgée dans la souffrance. Aujourd’hui, alors qu’il foulait les terres de Serkrus, la douleur de cette vieille blessure se ravivait, mais Isaak savait que cette souffrance ne l’avait pas brisé. Elle était devenue une partie de lui, une énergie qu’il utiliserait contre ceux qui se dresseraient sur son chemin. C’était comme si la magie venimeuse de ces terres cherchait à rouvrir la plaie, à le réduire en cendres en ravivant tout le poids de son passé maudit.

Isaak gémit d’abord, puis hurla, le cri montant de sa gorge tel un râle de bête blessée, un son empreint de haine et de souffrance. Sa voix se brisa dans le silence oppressant de la forêt, mais il ne s’arrêta pas. Sa haine explosa, incontrôlable, dirigée contre celles qui avaient marqué sa chair et son âme, qui, des siècles après, osaient encore le tourmenter.

— Maudites ! rugit-il en frappant le sol de son poing, ses doigts s’enfonçant dans la terre froide et humide. Sorcières perfides ! Pensez-vous me briser avec vos malédictions ? Me voir ramper, suppliant pour un pardon que je n’accorderai jamais ? Vous avez empoisonné mon âme, mais jamais vous ne m’asservirez !

Son souffle saccadé soulevait des volutes de brume autour de lui, comme si même l’air se gorgeait de la noirceur de sa colère. Les arbres semblaient se resserrer autour de lui, comme pour étouffer son cri, pour emprisonner sa haine, mais il continuait de progresser, impitoyable, laissant sa rage s’abattre sur ces terres imprégnées de magie.

— Je vous retrouverai, vociféra-t-il, les yeux brillant d’une folie furieuse. Je brûlerai vos sanctuaires, je ferai payer chaque goutte de souffrance que vous m’avez infligée ! Je ne suis plus votre instrument, je suis la nuit elle-même, le fléau qui dévorera vos âmes une à une !

Il se redressa, chancelant, chaque fibre de son corps vibrante d’un mélange de douleur et de haine. Ses mains tremblaient encore, mais sa détermination s’en trouvait plus forte, nourrie par la souffrance qui pulsait à travers sa cicatrice. La brûlure persistait, lui rappelant que cette quête, ce voyage, n’était pas seulement pour la puissance. C’était aussi pour une vengeance qui attendait depuis des siècles, une revanche sur celles qui avaient tenté de le réduire en un pantin maudit.

Le visage déformé par un rictus de défi, il fixa les ombres qui semblaient l’épier entre les arbres tordus.

— Attendez-moi, souffla-t-il d’une voix rauque, presque un grondement. Quand je reviendrai… il ne restera plus rien de vos sortilèges.

Il reprit sa route, le pas vacillant mais décidé, traînant avec lui cette haine qui, loin de le freiner, l’enflammait davantage. La forêt de Skerkrus était peut-être un piège tendu pour les âmes faibles, mais Isaak n’était ni faible ni prêt à reculer. Son chemin vers la relique serait pavé de rancune et de feu.

La journée s’était effacée, et la nuit tombait maintenant, enveloppant les lieux de son manteau noir. Les environs prenaient un aspect plus sauvage, et la lumière de la lune peinait à filtrer à travers le dense feuillage qui l'entourait. Tout ici semblait étrange, anormal, comme suspendu entre la vie et la mort. Une brume épaisse s’étendait peu à peu, sinueuse, avançant tel un être conscient, glissant autour de lui, effleurant sa peau comme pour sonder ses intentions, pour lire en lui.

Les arbres, gigantesques, se dressaient tout autour de lui comme des sentinelles silencieuses, imposants et immuables, témoins d’un temps révolu et peut-être éternels. Isaak pouvait sentir leur ancienne magie imprégner les lieux, une magie lourde et indomptée, à peine contenue par les siècles de solitude et de secrets.

Finalement, il décida de s’arrêter. La fatigue alourdissait ses membres, mais plus que tout, une faim tenace le rongeait. La soif de sang le tourmentait, et pourtant, pas la moindre trace d’humains dans cette région reculée. Seuls les animaux rôdaient ici, furtifs, indifférents aux ténèbres qui l'entouraient. Un grognement sourd lui échappa, son regard se durcissant de frustration.

— Maudites terres désertes, murmura-t-il, pestant contre la situation. 

Il n’avait pas d’autre choix que de se rabattre sur la faune locale. Il savait que le sang animal n’assouvirait jamais entièrement sa soif, ne lui procurerait pas cette vitalité totale que seule la vie humaine pouvait lui offrir. Pourtant, il n’avait guère le choix. S’il voulait poursuivre sa route vers la relique, il devait étancher cette soif, même si ce n'était qu'un substitut.

Il s’approcha d’un ruisseau où des traces d’animaux étaient visibles, ses sens aiguisés cherchant la moindre présence. Il s'abaissa, ses instincts prenant le dessus alors que le parfum de la vie animale se mêlait à l'air frais de la nuit. Ce n’était pas ce qu’il désirait, mais, pour l’heure, il s’en contenterait.

Au loin, une silhouette se dessina dans la brume : un Kelpie. Ce monstre légendaire hantait les rivières de ces terres écossaises depuis des siècles, une créature aquatique rusée et meurtrière, à l’apparence trompeuse. Isaak le reconnut immédiatement, car, dans un élan fluide, la créature abandonna sa forme équine pour adopter celle d’un humain. Il savait que ce n’était qu’un leurre, une illusion destinée à attirer les imprudents dans ses eaux sombres et glaciales.

Le vampire s’immobilisa, observant la créature d’un regard perçant. Le Kelpie, à la fois fascinant et dangereux, projetait un sourire perfide dans sa direction, ses yeux luisant d’une lueur qui trahissait sa vraie nature. Isaak sentait que ce monstre, aussi féroce qu’ingénieux, pouvait, s’il ne faisait pas preuve de vigilance, le happer d’un simple mouvement, l’entraîner dans les profondeurs glacées de la rivière. Ce piège n’était pas conçu pour le tuer, mais pour lui infliger une agonie interminable.

Il frissonna en imaginant cette éternité stagnante, prisonnier dans l’eau, incapable de se noyer mais piégé, privé de la liberté de la terre ferme. En tant que vampire, il survivrait dans cet enfer liquide, condamné à errer dans la noirceur des fonds aquatiques, ses forces progressivement absorbées par le Kelpie, qui se nourrirait de son âme pour l’éternité.

Isaak fit un pas en arrière, prenant garde à ne pas croiser le regard ensorcelant de la créature. Il savait que même les plus puissants des immortels n’étaient pas à l’abri de l’attrait maléfique de ces monstres. Il préféra attendre, attentif au moindre mouvement du Kelpie, espérant que la créature se désintéresserait de lui si elle réalisait qu'il n'était pas une proie ordinaire. Mais ce monstre aquatique, envoûté par la présence du vampire, semblait décidé à tester ses limites, à s’approcher lentement de lui comme un prédateur calculant le moment parfait pour frapper.

Isaak se prépara, en silence, à affronter cette créature mythique s’il le fallait.

Le Kelpie fit un pas de plus, sa forme humaine oscillant dans l’ombre comme une marionnette d’outre-tombe. Le sourire de la créature s’étira, révélant des dents trop longues et trop pointues pour un simple humain. Elle n’avait pas l’intention de le laisser partir sans tenter de le piéger, sans chercher à se délecter de la force d’un être aussi ancien qu’Isaak.

Soudain, avec une rapidité fulgurante, le Kelpie se transforma à nouveau, se muant en un cheval noir aux yeux vides et à la crinière trempée, ruisselante de cette eau maudite des rivières. Il chargea, la gueule béante et luisante d’une salive sombre, ses sabots frappant le sol humide en soulevant des éclats de terre. Isaak bondit de côté pour éviter la première attaque, mais la créature, agile, pivota aussitôt et fondit sur lui.

Le vampire esquiva de justesse un coup de sabot qui aurait pu briser ses os, mais une douleur vive se propagea dans son bras, où les crocs du Kelpie s’étaient refermés brièvement. Le monstre tirait, sa gueule puissante essayant de l’entraîner vers la rivière. Isaak sentit le froid mordant s’insinuer en lui, comme si les eaux mêmes du fleuve coulaient à présent dans ses veines. La créature le traînait inexorablement vers la rive, déterminée à le plonger dans son royaume d’agonie.

Mais Isaak n’était pas une victime docile. Avec un cri de rage, il planta ses ongles acérés dans le flanc du Kelpie, enfonçant ses doigts profondément dans la chair de la créature, à travers les muscles tendus et glissants. Un sifflement féroce lui échappa lorsqu’il enfonça ses crocs dans le cou du monstre, s’abreuvant de son sang noir et épais, chargé de la puissance maudite des rivières et des sortilèges anciens. Le goût était écœurant, amer, mais chaque gorgée augmentait sa rage, son désir de vaincre.

Le Kelpie se cabra, hurlant de douleur, mais Isaak ne lâcha pas prise. Dans un ultime effort, il arracha la tête du monstre dans une explosion de sang sombre, ses mains couvertes d’une mixture qui ressemblait plus à de la vase ensorcelée qu’à du sang véritable. Le corps sans vie de la créature s’effondra lourdement au sol, et sa tête roula, dégageant une vapeur spectrale, comme si la quintessence même du Kelpie se dissipait dans l’air nocturne.

Haletant, Isaak se laissa tomber à genoux, tenant la tête du Kelpie dans ses mains. Il plongea ses crocs dans ce qui restait de la créature, se délectant de son essence, de cette énergie maudite qui lui insufflait une vitalité obscure. Ce sang étrange le revigorait, se mêlant à sa propre nature vampirique, une fusion entre deux forces impies.

Il se redressa enfin, essuyant ses lèvres d’un geste lent, le regard fixé sur les restes inanimés de la créature. La forêt semblait retenir son souffle, les ombres elles-mêmes ayant reculé face à cette scène de carnage. Isaak sourit, un sourire sombre et satisfait. Le Kelpie n’était plus qu’une carcasse brisée, et lui, malgré la fatigue et les blessures, sentait sa puissance renouvelée.

— Infâme créature, murmura-t-il en balayant les restes du Kelpie d’un regard méprisant. Tu n’étais qu’un obstacle de plus sur mon chemin.

— Oh ! Oh ! Bravo, quel spectacle ! s'exclama soudain une petite voix aiguë.

Isaak se tourna brusquement, prêt à bondir à nouveau. Sur le côté, sautillant joyeusement, un petit bonhomme apparut, vêtu d’une cape verte élimée et d’un chapeau pointu qui lui donnait un air excentrique. Il frappait dans ses petites mains comme s’il assistait à une représentation de haut vol, ses yeux brillants d’un mélange de malice et d’émerveillement.

— Qui es-tu, toi, vermisseau ? gronda Isaak, frottant ses mains sur son manteau à moitié humide.

— Maggy Moulach, pour vous servir ! répondit le petit personnage en effectuant une révérence exagérée, ses bras repliés comme un véritable courtisan. Je suis l’esprit de ces bois et, entre nous, un amateur d’aventures et de combats grandioses. Je dois dire que votre démonstration était des plus divertissantes !

Isaak l’observa, méfiant. Ce Maggy Moulach semblait inoffensif, mais il connaissait trop bien les légendes pour ignorer qu’un esprit des bois, même minuscule, pouvait dissimuler un pouvoir redoutable. Maggy Moulach sautillait toujours, sans sembler perturbé par le regard noir que le vampire lui lançait.

— Es-tu là pour me ralentir, comme ce Kelpie pathétique ? siffla Isaak, ses yeux lançant des éclairs de méfiance.

— Oh non, non, rien de tout cela, assura Maggy, secouant ses petites mains avec ferveur. Voyez-vous, moi, je suis un... comment dire ? Un simple observateur. Un humble témoin des épopées nocturnes de ce bois. Et parfois, un... allié, si l’envie m’en prend.

Il s'approcha, plissant les yeux pour dévisager Isaak de plus près.

— Mais dites-moi, grand seigneur de la nuit, que faites-vous par ici, à massacrer de pauvres Kelpie et à dévorer leur substance? En quête de puissance, je suppose ?

Isaak laissa échapper un rire amer.

— Peut-être. Et pourquoi devrais-tu le savoir, minuscule fouineur ?

Maggy Moulach recula, feignant l’offense, mais son sourire espiègle ne fit que s’élargir.

— Parce que moi, brave sir, je pourrais vous être d’une grande utilité, répondit-il avec une étincelle dans les yeux. Les bois de Skerkrus sont aussi vieux que la nuit elle-même, et nombreux sont les secrets qui s’y cachent. Je suis peut-être petit, mais je connais chacun d’eux.

— Mhmm, un farfadet, ricana Isaak. C'est bien ma veine. Soit, petit vermisseau, je recherche la relique de Skerkrus.

Le visage de Maggy Moulach s’illumina aussitôt d’une lueur d’excitation. Il frappa dans ses petites mains d’un geste frénétique, trépignant de joie.

— La prophétie ! s'écria-t-il d'une voix exaltée. Oh, prince des ténèbres, c’est un honneur inespéré ! Je suis votre humble serviteur, et je vous guiderai droit vers la relique ! Suivez-moi, suivez-moi !

Isaak plissa les yeux, méfiant. Les légendes n'avaient de cesse de rappeler que les farfadets, aussi petits et insignifiants qu'ils semblaient, étaient tout aussi retors que les créatures aquatiques comme le Kelpie. Mais Maggy Moulach sauta sur place, agitant son chapeau pointu d’un air si convaincu que, malgré lui, Isaak sentit un intérêt grandir en lui.

— Voyons ce que tu vaux, murmura-t-il d’un ton grave. Mais sache que si tu me fais perdre mon temps, je n’aurai aucune pitié.

Maggy éclata d'un rire aigu, une note de malice brillant dans ses yeux.

— Oh, je n’en doute pas, mon bon seigneur. Pas une seconde ! Mais faites-moi confiance, moi seul peux déjouer les pièges des bois de Skerkrus. La forêt entière m’écoute et me respecte, voyez-vous, alors… vous n’avez rien à craindre.

Et sans attendre une réponse, le farfadet s’élança d’un pas vif dans les ombres de la forêt, virevoltant entre les troncs imposants, à peine visible dans la lumière spectrale de la lune. Isaak le suivit, ses pas silencieux dans l’épaisse végétation, prêt à tout, son regard sombre scrutant chaque ombre qui bougeait.

— Par ici, chuchotait Maggy avec enthousiasme, sans se retourner. La relique n’est plus loin, mais il y a… des choses que vous devez savoir.

— Des choses ? répéta Isaak d'un ton glacial.

— Eh bien, la relique de Skerkrus n’est pas une simple pierre brillante, si vous voyez ce que je veux dire. Elle a un esprit, un... caractère propre. Si elle ne vous accepte pas, elle pourrait... disons, ne jamais vous laisser repartir. Mais avec moi à vos côtés, la relique saura que vous êtes l’élu.

— Espérons-le, murmura Isaak, resserrant son emprise sur la dague à sa ceinture.

Arrivés devant l’entrée, après quatre heures de marche tellement le farfadet était lent, il virent se dresser devant eux une arche massive entourée de symboles gravés dans la pierre, Isaak et le farfadet s’arrêtèrent. Maggy Moulach poussa un sifflement d’admiration, ses yeux pétillant d’une excitation presque irrévérencieuse.

— Ah, les vieux esprits de la crypte ! ricana-t-il, sautillant sur place. Ils veillent farouchement, oh oui, toujours aussi vigilants ! Mais vous, mon seigneur, vous saurez les duper, n’est-ce pas ?

Isaak sentit l’atmosphère vibrer d’une énergie familière : les esprits des gardiens palpitaient autour d’eux, des présences invisibles mais puissantes. Un frisson d’anticipation parcourut sa peau, mais il ne laissa pas la moindre trace d’appréhension troubler son visage. Il étudiait les runes, parcourant du bout des doigts leurs lignes gravées, sentant l’écho d’énergies anciennes s’y imprégner. Derrière lui, Maggy Moulach le regardait, fasciné, comme s’il observait un spectacle des plus captivants.

— Ces esprits… Ils sont sensibles aux illusions et aux manipulations mentales, murmura Isaak pour lui-même.

Maggy acquiesça d’un hochement de tête frénétique, une lueur de malice dans le regard.

— Oh oui, oui ! De véritables sentinelles, mais naïves comme des enfants face à un maître des arts sombres tel que vous.

Avec un sourire en coin, Isaak ferma les yeux, concentrant son esprit. Il se projetta mentalement, une image de lui-même implorant leur pitié, feignant une innocence fragile et vulnérable. Dans cette illusion, il apparaissait comme une âme égarée, inoffensive et pitoyable, et cette ruse, il le savait, passerait pour de la faiblesse. Il perçut une relâchement subtil dans l’atmosphère, une tension qui cédait, les esprits de la crypte le jugeant moins menaçant.

Le vampire n’hésita pas un instant de plus. Il franchit la barrière invisible de l’arche et pénétra dans la crypte, un sourire satisfait aux lèvres. Maggy le suivit d’un saut léger, clignant des yeux dans l’obscurité qui les enveloppait.

À l’intérieur, l’air était lourd, chargé d’une odeur de pierre humide et de cendre. Des bruits étranges résonnaient, des murmures indistincts semblant émaner de tous les recoins, amplifiés par les murs sinueux de la crypte. Le sol lui-même vibrait sous les pas d’Isaak, comme s’il traversait un territoire hostile et conscient. Derrière lui, Maggy le suivait, frissonnant d’excitation, tout en jetant des regards inquiets vers les ombres mouvantes.

— Magnifique, magnifique ! susurra le farfadet, ses yeux écarquillés dans l’obscurité. Vous avancez comme si ces lieux vous appartenaient déjà, c’est merveilleux !

Isaak ignora ses exclamations. Son regard était fixé sur l’unique objectif de cette traversée infernale : la chambre centrale où reposait la relique. Ses pas résonnèrent d’une assurance glaciale jusqu’à ce qu’il atteigne enfin la salle voûtée, baignée de lueurs bleutées, étrangement surnaturelles.

Au centre de la pièce, la relique trônait, une pierre ancienne, de la taille de sa paume, gravée de symboles semblables à ceux de l’arche d’entrée mais chargés d’une intensité énergétique qui irradiait dans toute la pièce. Isaak s’approcha, hypnotisé, tendant une main pour saisir la relique.

— Oui, touchez-la, touchez-la, maître ! murmura Maggy dans un souffle d’adoration fiévreuse. La prophétie se réalise !

Isaak effleura la surface lisse et froide de la pierre. Une énergie bouillonnante parcourut ses doigts, remontant le long de son bras, semblant fusionner avec sa propre essence. La relique semblait l'accepter, résonnant d'une chaleur obscure et puissante. Il la souleva enfin, ses yeux scintillant d’un éclat sombre. Une puissance sans précédent s’éveillait en lui.

Derrière lui, Maggy Moulach dansa de joie, un rire aigu se répercutant dans la crypte.

— Oh, prince des ténèbres, vous êtes le seul digne de ce pouvoir !

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Nqadiri
Posté le 08/11/2024
Je trouve Isaak particulièrement réussi. On sent bien ses introspections et sa claustrophobie hhh

C’est réaliste, mais par contre le Tw est subjectif ;)
Lucinda
Posté le 09/11/2024
coucou ^^

Oh merci ça fait plaisir! merci.

Par contre le côté claustro' vraiment pas fait exprès ( je dois déteindre dans mes écrits lol)

En ce qui concerne le TW, je suis perdue lol, ont c'est dit avec Sola, qu'on allait en mettre un, au cas où. Mais si effectivement, il n'y a pas besoin, je vais l'enlever :D

Merci en tout cas d'être passée par là et on espère que la suite, sera tout autant plaisante :)
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