Je pus enfin voir, de mes propres yeux, quelques-uns de ces fameux dinosaures cachés sous les feuillages épais de la jungle qui nous entourait. Je reconnus certains d’entre eux pour les avoir étudiés à l’école. Les longs cous d’une meute de diplodocus s’élevaient à une vingtaine de mètres de haut, bien au-dessus de la cime des arbres. Ils ruminaient calmement, tout en nous observant.
Un archéoptéryx, effrayé par le bruit de notre véhicule, prit son envol lorsque nous passâmes tout près de lui. Il avait l’allure d’un vautour géant, mais sa tête chauve ressemblait toujours à celle d’un lézard. Ses ailes, recouvertes de plumes, lui permettaient d’évoluer dans les airs de façon bien plus élégante que les énormes ptérodactyles qui nous observaient de bien plus haut. Je n’avais encore jamais eu l’occasion de voir de tels volatiles !
En remarquant mon étonnement, un de nos convoyeurs m’expliqua qu’en plus de sa barrière électrifiée, notre village était entouré d’émetteurs à ultrasons, destinés à décourager ces terribles prédateurs de s’approcher de nos habitations.
La forêt vierge fit lentement place à une savane parsemée de petites collines. J’y aperçus quelques allosaures en quête de proies, ainsi qu’une meute de vélociraptors, plus petits, mais bien plus dangereux que la plupart des grands carnivores. Ces chasseurs voraces s’élancèrent soudain, comme animés par une seule et même conscience, vers un endroit où les herbes s’étaient mises à bouger.
Un éléphant isolé, sans doute malade, fut la cible de leur attaque foudroyante. Ces redoutables prédateurs mesuraient à peine un mètre de haut lorsqu’ils se tenaient à quatre pattes, mais ils arrivaient à scruter les plaines de la savane en se dressant sur leurs membres postérieurs. Ils étaient aussi rusés qu’intelligents et ne pesaient guère plus d’une bonne cinquantaine de kilos. Leurs longues jambes, leurs griffes acérées et leur formidable dentition ne laissaient que peu de chance à leurs malheureuses victimes, quelle que soit leur taille !
Une meute de lions les observait tout en gardant prudemment leur distance. Ils attendaient que les raptors aient fini de déchiqueter leur proie. Celle-ci s'avérait bien trop grosse pour être entièrement dévorée par ces petits lézards, bien plus excités par la chasse et la mise à mort que par la source de nourriture dont ils venaient de s’emparer.
Nous pénétrâmes, pour quelques instants, une brume épaisse qui ne m’était pas étrangère ; comme un souvenir intense enfoui au plus profond de moi… Des immeubles en ruine sortaient, çà et là, de ce mystérieux brouillard. Une dense végétation les recouvrait, illustrant l’insignifiance de notre espèce par rapport à la force suprême de la nature. Pour souligner cet état de fait, quelques tyrannosaures et autres animaux sauvages rôdaient dans les ruelles étroites, en quête d’une proie.
Lorsque nous sortîmes de cette cité fantôme, nous pûmes entrevoir, au loin, les détails de la gigantesque métropole qu’abritait notre dôme. Elle avait été bâtie sur une presqu’île, au milieu d’une large étendue d’eau. Je pus vaguement y distinguer les silhouettes immergées d’énormes mammifères marins…
Une fois traversée la membrane transparente du dôme, nous fûmes immédiatement entourés d’énormes bâtiments, de formes et de couleurs diverses. Ils étaient séparés par des allées suspendues, identiques à celle que nous empruntions. De nombreux véhicules s’y déplaçaient à grande vitesse. La surface du sol grouillait d’une multitude de petites silhouettes circulant entre les édifices, semblables à des milliers d’insectes emportés par le courant d’une véritable marée humaine. Qui étaient les habitants de cette énorme fourmilière, et que pouvaient-ils bien y faire ?
Il se mit à pleuvoir légèrement. C’était comme si, tombées du ciel, ces petites larmes provenaient directement de mes compagnes les étoiles. Elles qui m’avaient tant fait rêver par le passé ! La pluie vint s’écraser sur la membrane translucide qui recouvrait la cité. Les gouttelettes y ruisselèrent quelques instants, avant de se dissiper dans l’étendue d’eau qui nous entourait…
Un large faisceau lumineux, émanant de la plus haute tour de la ville, transperçait la voûte du dôme en son centre. Une coupole transparente émergea lentement du sommet sphérique de l’édifice, comme le ferait un œuf sortant des entrailles d’un serpent géant. Des éclairs l’embrassèrent, semblables à d’énormes langues de feu, tentant de l’empêcher de prendre son envol. Dès que sa base fut libérée, elle s’éleva rapidement le long du rayon vertical.
L’un de nos convoyeurs nous expliqua que ce faisceau était destiné à assurer le transport de matériaux et de passagers entre la surface de notre planète et l’espace. Il s’agissait d’un véritable « ascenseur des étoiles » qui aboutissait à l’un des six principaux astroports de la Fédération. C’était là qu’attendaient les vaisseaux de la « Flottille Spatiale », en orbite géostationnaire, à quelque trente-six mille kilomètres au-dessus de notre équateur…
Des voix synthétiques éclatèrent des haut-parleurs du véhicule. Je pouvais vaguement comprendre qu’elles nous indiquaient la trajectoire à suivre et la vitesse à adopter afin d’intégrer, sans risque, la circulation urbaine. Mon esprit était enivré par tout ce que je voyais. Ni mes institutrices ni mes parents ne m’avaient encore révélé les secrets de notre mystérieuse société.
L’enfant regardait, émerveillé, à travers les vitres de son habitacle, le spectacle extraordinaire qui s’offrait à lui. Les hauts bâtiments que longeait son véhicule étaient flanqués d’écrans géants affichant diverses images en provenance des colonies. Elles vantaient le mérite de leurs travailleurs tout en illustrant la puissance de la Fédération et de ses nombreux vaisseaux spatiaux.
On y voyait également des paysages idylliques où se baladaient des couples d’amoureux. D’autres montraient des forêts tropicales où des hommes et des femmes, en tenues de combat, traquaient de dangereux dinosaures…
D’immenses hologrammes tridimensionnels sortaient de la façade de certains immeubles. Ils représentaient des dragons et d’autres personnages fantastiques flottants quelques mètres à peine au-dessus de la foule. Un arc-en-ciel, provoqué par la pluie qui dégoulinait le long de la surface du dôme, surplomba alors la ville tout entière, ajoutant encore plus de panache à ce spectacle féerique !
Des dizaines de véhicules, identiques à celui dans lequel se trouvait le jeune garçon, revenaient des villages avoisinants. Ils empruntaient les multiples voies d’accès qui cheminaient vers une imposante pyramide hexagonale trônant au beau milieu d’un parc entouré d’arbres, de verdure et de petits étangs entre lesquels déambulaient de nombreux passants. Certains se reposaient, d’autres se promenaient ou s’adonnaient à diverses activités physiques…
Je fus littéralement hypnotisé par le gigantisme de cette pyramide qui s’élevait en face de nous. Elle était surmontée d’une bannière de couleur noire, brodée d’un hexagone doré. Plusieurs antennes paraboliques fleurissaient sous l’énorme étendard. Mes convoyeurs m’expliquèrent qu’elles permettaient aux nombreuses pyramides, réparties au sein des différents dômes, de communiquer entre elles.
L’exaltation provoquée par tant de découvertes me fit quelque peu oublier la mélancolie qui m’étreignait. Était-ce la raison des explications fournies par nos pilotes ? Leur gentillesse parvint, en tout cas, à me remonter le moral. Ils étaient presque devenus des amis à présent ; les seuls êtres humains que je connaisse en cet endroit étrange et inhospitalier.
Une brève sensation de tristesse m’envahit lorsqu’ils nous abandonnèrent face à cet énorme édifice qui semblait nous attendre. Mais j’oublierais bien vite ces compagnons éphémères…
Le véhicule qui abritait le garçon s’éloigna, faisant place à une multitude d’engins similaires d’où sortirent des dizaines d’autres enfants aux visages pâles et hagards. Abasourdis par tant de nouvelles découvertes, combinées à leur extraction soudaine du cocon familial, ils semblaient égarés, errant entre un passé qui s’était évanoui à tout jamais et un avenir, encore inconnu, auquel ils appréhendaient d’être confrontés.
Une voix émanant de puissants haut-parleurs disposés sur un alignement de pylônes métalliques leur ordonna d’avancer vers l’entrée de la pyramide. Un trou béant venait de s’entrouvrir à sa base, les attendant telle une gueule géante prête à engloutir sa ration trimestrielle d’enfants sacrifiés au bon fonctionnement de la société. Il était surplombé d’une plaque de marbre noir sur laquelle s’affichaient, en lettres d’or, les « Six Commandements de la Fédération » :
1. Tu ne liras pas les Ouvrages Défendus.
2. Tu n’iras pas dans les Territoires Interdits.
3. Tu obéiras aux décisions du Conseil Suprême.
4. Tu accompliras ta Tâche avec Ardeur et Courage.
5. Tu agiras dans l’Intérêt de la Communauté.
6. Tu resteras Sain de Corps et d’Esprit.
Ainsi soit-il…
Dans un ou deux paragraphes j'aurais peut-être enlever les trois points de suspensions à la fin qui sont moins utiles qu'à certains moments.
C'est toujours aussi fluide, et on a envie de savoir ce qui va se passer !
J'ai l'impression que cela se passe sur la Terre mais dans le futur du coup ^^ retour des dinosaures, immeubles mangés par la jungle. J'aime beaucoup !
J'ai effectué le changement que tu as proposé dans le chapitre précédent ; c'est beaucoup mieux, merci !
Et pour les "...", c'est une de mes faiblesses, il y en a effectivement beaucoup trop (à corriger durant mes relectures).
Pour la ponctuation, ma formation de musicienne pourra certainement t'aider (rythme, respiration), si tu veux je relèverais dans les prochains chapitres les endroits où j'aurais rythmé autrement ? Bien-sûr, c'est à toi de ressentir si ça te va ^^
Tant mieux si ma proposition a pu t'inspirer ! Je vais relire ça alors