Je n’eus ni l’envie ni le temps d’analyser ce que ces quelques phrases pouvaient signifier. Bien que cette dernière petite épitaphe, qui semblait avoir été placée là en guise de conclusion, me rappela ce que ma mère avait l’habitude de nous répondre lorsque nous lui posions trop de questions…
Nous fûmes très rapidement pris en charge par d’autres adultes qui nous guidèrent vers l’intérieur de l’énorme édifice. Tout y était étrange : ces gens en uniforme, ces machines, ces hologrammes affichant des informations incompréhensibles. Je n’avais jamais rien vu de tel. Je n’aurais pu imaginer qu’un pareil endroit puisse exister.
Nous entrâmes ensuite dans une gigantesque salle aux murs flanqués de statues d’hommes et de femmes en combinaisons spatiales et décorés de bas-reliefs illustrant l’histoire de notre civilisation. Ces derniers se rejoignaient à plusieurs dizaines de mètres au-dessus de nos têtes, sous la forme d’une énorme voûte. D’autres enfants nous y attendaient. Ils avaient sans doute subi le même sort que nous dans la journée qui venait de commencer. Une journée que nous n’oublierions jamais !
Nous nous regardâmes sans oser prononcer le moindre mot. Une indescriptible peur de communiquer, de sourire au premier venu, de découvrir ce qui allait nous arriver, nous paralysait. Nous avions l’impression d’être de vulgaires insectes pris au piège du dédale de couloirs qui nous avait menés jusqu’ici. Cette sensation extrêmement désagréable s’intensifia lorsqu’on nous rasa entièrement le crâne. Nous étions devenus tous et toutes identiques, semblables à de petits robots asexués.
Je fus alors conduit dans une minuscule salle où m’attendait un médecin accompagné de plusieurs infirmières. Leurs silhouettes disparurent lentement, se transformant en vagues souvenirs au fur et à mesure que les sédatifs, que l’on venait de m’injecter, m’entraînaient dans un profond sommeil…
Les chirurgiens entamèrent leur opération de façon rapide et routinière. Leurs gestes ne laissaient paraître aucune hésitation. Un senseur hexagonal, fait d’une matière flexible, fut placé dans la paume de la main droite de chaque petit patient. Ils le fixèrent à l’aide d’un gel qui le souda littéralement à leur épiderme, le reliant directement aux connexions nerveuses aboutissant à cet endroit.
Une paire d’implants cybernétiques fut appliquée sur leurs tempes, unis l’un à l’autre par une plaque métallique souple, recouvrant entièrement leur front. Des bandages furent ensuite placés sur leur crâne et leur main droite. Ils avaient enfin l’air sereins, plongés dans les souvenirs d’une existence idyllique qu’ils ne voulaient pas oublier.
Ils ne tardèrent pourtant pas à se réveiller, effrayés par la gêne que les implants provoquaient, s’interrogeant quant à leurs mystérieuses fonctions…
Nous ne savions pas encore à quoi ces étranges objets pouvaient servir. On nous expliqua qu’il nous faudrait attendre quelques mois avant de pouvoir maîtriser correctement ces nouveaux organes, ainsi que d’être libérés des sensations d’inconfort et des migraines, parfois très désagréables, qu’ils pouvaient entraîner.
Je me souvins alors que tous les adultes qui vivaient dans mon village portaient également les marques de cette opération. Leurs vêtements amples, surmontés par une capuche ou un bandeau, ne laissaient généralement entrevoir que leur visage. Ils voulaient sans doute dissimuler ces étranges attributs… dont ils semblaient avoir honte !
On nous installa ensuite dans un amphithéâtre aux sièges disposés en cercles concentriques. Ils faisaient face à une énorme sphère flottant dans le vide ; comme suspendue à un filament invisible.
La luminosité ambiante diminua lentement. Un épais brouillard rouge vint graduellement envahir la salle, puis nos esprits. Il provenait de cette sphère, qui se mit soudainement à nous parler. Nous comprenions son message sans même l’entendre ! Elle nous expliquait pourquoi nous avions été amenés ici. Nous étions littéralement hypnotisés par ses variations harmonieuses d’intensité et de couleur.
Elle nous informa que chacun d’entre nous allait être sélectionné, en fonction de ses capacités et de ses talents, afin d’assumer la tâche qui lui conviendrait au sein des multiples dômes, villages ou vaisseaux spatiaux de la Fédération. Le « Système Préparatoire » déciderait pour nous, dans son intérêt suprême et, par conséquent, dans le nôtre également ! Cette logique se heurta à mes convictions les plus intimes, réveillant une injustice révoltante que je n’eus, ni la force ni le courage de dénoncer…
C’est complètement exténués par cette première journée dans la pyramide que les enfants se rendirent dans les dortoirs où un lit et une petite armoire leur furent assignés. Ils s’assoupirent sans oser se parler, emportés par la fatigue et paralysés par la peur de ce monde nouveau qui venait de les arracher à leurs rêves d’enfance.
Malgré l’obscurité ambiante et le fait que sa main droite soit bandée, le garçon sortit son carnet de sa petite valise. Il y inséra quelques notes et croquis illustrant son voyage ainsi que son entrée dans le dôme. Ces derniers souvenirs étaient tout ce qui le reliait encore à son passé. Il réalisa également quelques dessins de sa ferme, de son village et de ses parents, en espérant ne jamais oublier ce monde qui l’avait vu grandir.
Le bandage qui recouvrait son front fut retiré quelques jours plus tard, révélant la petite plaque métallique qui rejoignait ses deux tempes. Décorée d’un hexagone portant, en son centre, un petit orifice circulaire, elle était faite d’un alliage mou qui s’adapterait au léger changement de taille que son crâne allait encore subir.
Les journées se succédèrent à une cadence effrénée, rythmées par de nombreux examens médicaux et quelques courtes périodes de repos. Petit à petit, les langues se délièrent et des affinités commencèrent à unir certaines recrues. Mais la plupart de ces relations n’allaient pouvoir durer bien longtemps…
Tu décris très bien les ressentis et sensation du jeune garçon. On est pris dans ce monde si froid, sans cœur, et la lecture en est à la fois inquiétante et palpitante. Le déroulement est bien mené, ton style toujours aussi clair et agréable à lire. Bravo pour l’orthographe et la grammaire d’ailleurs, c’est un sacré point fort ^^
Pour la relecture :
« Nous les regardâmes sans oser leur parler. Une indescriptible peur de communiquer, de sourire au premier venu, de découvrir ce qui allait nous arriver, nous paralysait. »
Ici, je n’ai pas compris l’utilisation du « les » (nous les regardâmes) juste avant tu parles des enfants, et c’est le héros qui parle à la première personne. Si tu parles bien des enfants qui se regardent entre eux, ce serait plus clair avec « nous nous regardâmes », si tu parles d’autres chose, du coup ce n’est pas clair on ne sait pas qui tu désignes par « les », et il faut clarifier cela.
Très bien faite cette transition en récit narratif (passage sans italique) pour conserver une logique dans ce chapitre : l’enfant est endormi, sous sédatifs, il ne peut pas raconter, et en plus, cela fait passer la scène plus facilement. Car cette opération fait peur. Ce n’est plus à la première personne donc c’est moins angoissant (ce qui se passe est absolument terrible !!) Dans ce même paragraphe, je ne sais pas si les points de suspensions sont vraiment utiles à la fin.
A très vite pour la suite !
Et je vais revoir tous mes "..."
Mercimercimerci !