Il y avait beaucoup de monde dans ce boulevard. Des hommes qui marchaient d'un pas rapide l’air beaucoup trop sérieux, des femmes qui s'émerveillaient devant les vitrines des magasins et surtout des enfants qui couraient partout en réclamant des jouets à leurs parents un brin dépassés.
Mathurin était émerveillé de voir autant de gens qui semblaient heureux à l'approche des fêtes. L'esprit de Noël était là. Les chants, les décorations… il ne manquait que la neige !
Mathurin longea la rue d'un pas de pingouin bien décidé.
- Bonjour monsieur, auriez-vous une petite pièce ?
C'était une voix rauque. Mathurin se retourna et vit un vieil homme assis sur le bord du trottoir. Il était plutôt sale, avec des chaussures trouées mais n'avait pas de sacs provenant des boutiques comme les autres passants.
- Bonjour monsieur, dit timidement le pingouin…
Mais le vieil homme ne l'écoutait pas.
- Évidemment, les humains ne parlent pas le pingouin, se rappela Mathurin.
La tête levée vers le haut, le vieil homme regardait les passants défiler devant lui.
- Bonjour madame, auriez-vous une petite pièce ? Et vous monsieur ? Ou quelque chose à manger ?
Le pauvre bougre alpaguait chaque passant. Mais curieusement, les passants ne semblaient pas l'entendre. Le pingouin regarda dans son petit sac. Il n'avait plus de fromage, mais il lui restait un poisson fumé et un petit pain. C'étaient ses seules provisions.
- Il en a sûrement plus besoin que moi, se dit le pingouin. Et puis je pourrais toujours chiper quelque chose comme m'a appris le rat.
Et le pingouin laissa son poisson fumé et son son petit pain dans la corbeille tandis que le vieil homme, qui semblait ne l'avoir toujours pas vu, continuait à alpaguer les passants.
- Espérons le meilleur pour lui et continuons notre route, se dit le pingouin.
Mathurin reprit son pas classique de pingouin. Il avançait en dandinant et en zigzaguant entre les pieds des passants. Hop-là des chaussures de sport, hop-là des bottines, hop-là des chaussures pointues.
Au bout d'une dizaine de minutes il arriva près de l'opéra Garnier. Il regarda de plus près, les yeux remplis d'émerveillement. C'était un magnifique monument ! Avec de grandes colonnes et de belles pierres.
A côté de cette grande bâtisse, il lui semblait voir un attroupement. Mathurin s'approcha pour voir ce qu'il se passait. Mais il n'eut pas le temps d'avancer plus que, sorti de la foule, venait d'apparaître devant lui… un dragon ! Un dragon qui fonçait sur le pingouin.
- Pousse-toi ! lui cria la bête.
Mathurin écarquilla les yeux devant cette étrange bête. Il se prépara à se déplacer. Mais trop tard, le dragon, qui était finalement assez petit, percuta le pingouin et les deux roulèrent sur le pavé.
- Zut, zut, zut, se plaignit le reptile. Ils vont m'attraper !
Au loin, trois hommes, dont un avec une épuisette, couraient vers lui. L'un d'eux cria aux passants de se pousser :
- Poussez-vous !!
Puis en parlant aux deux autres hommes qui allaient un peu moins vite.
- Vite, il n'est pas loin ! Et là, regardez, un autre qui s'est échappé !
L'homme montrait le pingouin du doigt.
- Pas le choix, petit oiseau, il faut courir ! dit le reptile.
Et les deux se mirent à courir le plus vite possible.
- Pourquoi est-ce qu'ils te poursuivent, lui demanda Mathurin en pleine course.
- Et bien j'étais dans la cage de l'animalerie et la famille qui voulait m'acheter ne m'avait pas du tout l'air commode, alors j'ai fait semblant de dormir et dès qu'ils ont ouvert la cage, je me suis fait la malle !
- Attend, une famille voulait... t'acheter ? Toi un dragon ? s'étonna Mathurin, le souffle saccadé par la course.
- Je ne suis pas un dragon ! répondit celui-ci. Vite, ils nous rattrapent.
Alors que le pingouin et le reptile qui n’était finalement pas un dragon passait devant le SDF auquel le pingouin avait donné le pain et le poisson, ils s’arrêtèrent net. En face d’eux venaient deux autres personnes, deux femmes, mais cette fois avec une grande marmite.
- Mais ils sont fous, se dit le pingouin.
Ils ne pouvaient pas aller plus loin. Derrière eux, les trois hommes avec une épuisette avançaient vers eux en écartant avec force les autres passants qui leur gênaient le passage. Devant eux, les deux femmes s'approchaient dangereusement.
- Zut, zut, zut, comment faire ???? glapi le petit reptil.
Le pingouin essaya de réflechir pour trouver une solution. Mais il était comme paralysé par la peur. Il ne savait que faire et où aller. Il ne s'attendait absolument pas à se retrouver dans cette situation. C’est alors que le vieil homme les prit d'un coup de ses deux mains et les mit dans une sorte de petite boîte en carton avec une couverture.
- Chut, pas un bruit, dit-il d'une voix rauque.
Le pingouin et le reptile tentèrent de maîtriser leur respiration. Les trois poursuivants avec l’épuisette arrivèrent à hauteur du vieil homme.
- Bonjour monsieur, n'auriez-vous pas vu passer un gecko et un pingouin ? Le premier s'est échappé de la boutique d'animaux à côté et le deuxième est sûrement dans le même cas.
- Bonjour messieurs, de quoi parlez-vous ? répondit-il doucement.
- Un gecko et un pingouin ! Vous les avez-vu ? Peut-être dans votre boîte en carton ? insista l'un des hommes.
- Ça ? C'est la niche de mon chien.
C'était effectivement une niche de chien. Il y avait quelques restes de croquettes, et cela sentait très fort.
- Vous permettez qu'on regarde, demanda un deuxième homme, celui qui avait une épuisette.
- Bien sûr, dit le vieil homme, mais avant, auriez-vous une petite pièce ?"
Les trois hommes firent alors une moue du visage
- Non, désolé, nous n'avons rien sur nous..
- Vous êtes sûr ? Même pas un morceau de pain ?
- Non, non, écoutez, nous devons partir, au revoir !
Et ils partirent. Le vieil homme ouvrit alors la boîte, prit le pingouin et le gecko et les posa sur le sol.
- Allez, oust ! Sauvez-vous les petits animaux ! dit alors celui-ci.
- Merci, répondit le pingouin, soulagé.
Mais le vieil homme ne semblait toujours pas comprendre le pingouin ou le gecko. Il leur fit cependant un clin d'œil, puis se remit à mendier.
Les trois hommes avec une épuisette étaient assez loin.
- Sauvons-nous avant qu'ils ne reviennent, dit le gecko. Retournons vers le début du boulevard.
- Attend, répondit le pingouin, il y a encore les deux femmes avec la marmite de ce côté là.
Les deux femmes ne les avaient pas encore vu, mais s’approchaient doucement vers eux.
- Zut, dit le gecko.
Le vieil homme se leva alors et marcha quelque pas pour récupérer son panier. Derrière là où il se tenait, il y avait comme une toute petite ruelle bien sombre qui s'enfonçait au loin. C'était inéspéré.
- Par la ruelle, s'exclama le gecko.
Mais Mathurin se raidit.
- Je ne peux sortir de la grande allée, dit-il, on me l’a déconseillé.
- Comment ça ? Il le faut ! Moi, en tout cas, je ne veux pas finir dans une marmite.
Et sans attendre la réponse du pingouin, le gecko s’engouffra dans la toute petite ruelle sombre. Mathurin fut quelque peu mal à l’aise, puis voyant la marmite s’approcher et le groupe avec l’épuisette revenir, il se décida à le suivre...
J'aime toujours ta façon d'écrire, très fluide. Je trouve également que tu doses bien le côté enfantin mais aussi plus ...espiègle je dirais, pour qu'un adulte puisse aussi apprécier les aventures de Mathurin
A la prochaine fois
En tout cas, merci pour tes retours, c'est précieux !