Les évènements s’étaient rapidement enchaînés après les accusations de l’homme qui, en plus d’être son sauveur, se trouvait également être son requérant.
Charlie avait été prise en charge par les services de soins alors que les pompiers s’affairaient à éteindre l’incendie. Les forces de l’ordre s’étaient rapidement présentées et elle dut, malgré elle, répondre à leurs interrogations.
Aucun déclencheur n’avait été retrouvé ni sur place, ni dans ses affaires, ce qui avait suffit à la mettre provisoirement hors de cause. Pour autant, le mystère quant aux circonstances de l’incendie restait entier.
Après avoir refusé de passer la journée en observation à l’hôpital, elle était rentrée à pied jusqu’à la bâtisse qu’elle savait vidée de tous ses locataires à cette heure tardive de la matinée.
La route lui parut aussi pénible qu’un entraînement d’escrime, à la différence que le seul effort demandé était de mettre un pied devant l’autre.
En arrivant devant la maisonnette en brique rouge, sa capacité pulmonaire lui semblait diminuée de moitié. Elle haletait si bruyamment que le chat noir à la barbe blanche installé sous le porche et occupé à se lécher l’arrière train, finit par détaler à la vitesse d’un lévrier. Ses jambes s’apparentaient à du coton et elle n’arrivait pas à se défaire du goût de brûlé qui habitait ses papilles.
Il lui fallut plusieurs heures pour retrouver une respiration silencieuse et régulière. Elle avait occupé ce temps à ausculter chaque centimètre carré de son corps, à la recherche d’éventuelles brûlures ou de plaies. Rien a signaler de ce côté, le traumatisme était psychologique.
En se déshabillant, Charlie récupéra le livre qu’elle avait habilement subtilisé et qui se trouvait caché sous la ceinture de son jean. Elle savait pouvoir être bannie de l’université si son méfait était découvert, mais elle se sentait désormais irrémédiablement liée au vieil ouvrage.
Elle ne fut pas surprise quand la pierre s’éclaira d’abord faiblement, puis avec la même intensité que l’instant qui avait précédé le drame. Malgré son scepticisme quant au rôle qu’avait joué le livre, Charlie décida de s’éviter toute déconvenue et le cacha sous une pile de vêtements sales.
Elle se sentait écrasée par la fatigue et chacun de ses membres l’implorait de s’allonger. Son cerveau, lui, ne semblait pas vouloir trouver de repos et lui infligeait une répétition continue des évènements. Elle devait en parler à quelqu’un, elle devait exorciser ces instants qui la hanteraient certainement pendant de longues années.
Assise au bord de son lit, la jeune fille choisit d’appeler ses parents mais se ravisa avant la première sonnerie. Ce n’était vraiment pas une bonne idée, ils se seraient inquiété inutilement et l’auraient assailli de questions dont elle n’avait pas les réponses.
Blair fut la deuxième personne qu’elle pensa contacter mais il ne faisait aucun doute que sa cousine se serait empressée d’alerter grands-parents, oncle et tante, qui auraient immédiatement fait le lien avec la prophétie.
Ce fut finalement Gwen qui, malgré leur récente dispute, hérita du récit de Charlie. Loin de lui en tenir rigueur, elle se contenta d’écouter attentivement son amie.
— Il s’agit tout de même d’une sacrée coïncidence, fit remarquer Gwen au bout du fil.
Ce n’était rien de le dire. Charlie était partagée entre son pragmatisme qui lui soufflait d’oublier toute cette histoire, et son intuition qui accusait irrémédiablement l’ouvrage au rubis.
— Il n’y a qu’une seule façon d’exclure définitivement cette possibilité, acta Charlie. Je vais devoir me servir à nouveau du livre.
La conversation entre les deux amies s’était achevée par de nouvelles perspectives. D’un commun accord, elles avaient décidé qu’il était nécessaire pour Charlie de rejoindre immédiatement Gwen.
Son amie logeait dans un cabanon attenant à la maison d’une vieille dame qui cherchait de la compagnie. Elles seraient probablement un peu à l’étroit, mais cela leur permettrait de se retrouver et d’élucider le mystère du livre en toute tranquillité.
Charlie ne prévint aucun membre de sa famille. Il lui semblait préférable de s’éviter des remontrances et personne ne remarquerait la place qu’elle laisserait vacante au sein de l’amphithéâtre.
Elle déposa simplement un mot à l’attention de ses colocataires, les informant qu’elle serait absente pour la semaine et s’enfuit en direction de la gare avec la désagréable sensation d’être suivie.
*
C’était la première fois que Charlie visitait le cabanon de Gwen. Celle-ci avait emménagé trois semaines plus tôt à l’occasion de la rentrée universitaire et disait s’être découvert une passion pour la décoration d’intérieur. À en juger par les photos de l’annonce trouvée dans le journal local, le logement était proche de l’insalubrité mais il avait le mérite d’être présenté à un prix abordable.
Gwen aurait aisément pu rester chez ses parents, dont le domicile se trouvait à quelques dizaines de minutes en métro du campus, mais elle disait rêver d’indépendance. Elle avait donc déniché un poste d’employée à temps partiel dans un food-truck et se plaisait à toucher du doigt la vie d’adulte.
La taxi déposa Charlie à l’entrée d’une rue pentue, composée de maisons mitoyennes d’un côté et d’un square arboré de l’autre. Elle vit au loin son amie faire de grands signes de main à son attention et la rejoint aussi hâtivement que ses jambes, toujours endolories, le lui permettaient.
D’extérieur, l’habitation devant laquelle se trouvait Gwen ne se différenciait de ses voisines que par le chat noir à la barbe blanche, posté sur la plus haute marche de l’escalier menant à la porte d’entrée.
— Oust ! pesta Gwen en direction du félin qui décampa aussitôt. Si Madame Steadworthy te voyait, tu finirais empaillé dans son salon.
— C’est qu’elle à l’air commode, ta propriétaire, se moqua Charlie.
— Si tu savais... D’ailleurs, on ferait mieux de rentrer avant qu’elle nous mette à contribution pour nettoyer son dentier.
L’éclat de rire qui secoua les deux jeunes filles fut de courte durée. A peine entrée dans le couloir commun qui menait au jardin, Charlie se sentit prise d’un irrépressible frisson. La seule lumière qui lui permettait de savoir où elle mettait les pieds, était celle d’une suspension en verre vieilli dont l’ampoule clignotait fébrilement. Les murs foncés décrépits étaient tapissés de vieux cadres suspendus de travers et de tâches de moisissures. L’odeur qui s’en dégageait rappelait à Charlie celle de la cave de ses grands-parents dans laquelle étaient entreposés les grands crus.
En passant le pas de la porte de service, elle accueillit la lumière du jour avec soulagement et se plut à inhaler une grande bouffée d’air frais, malgré les réticences de ses poumons.
Le cabanon se trouvait au fond du jardin, niché sous deux vieux tilleuls. Sa façade de planches de bois grises, usées par le temps, laissait place à une fenêtre à croisillons de chaque coté de la porte d’entrée.
— Bienvenue chez moi, dit Gwen d’un ton enjoué.
Le logement n’était composé que d’une seule et même pièce, intelligemment agencée. A droite de l’entrée se trouvait le coin nuit, avec un lit une place surplombant un futon posé au sol. Dans la continuité se trouvait un paravent en bois clair quadrillé de panneaux en tissu, qui cachait certainement un espace salle de bain.
Restée sur le pas de la porte, Charlie pouvait observer à sa gauche une petite table accompagnée de ses deux chaises accolées à la cuisine. Le fond de la pièce servait de salon grâce à un canapé deux places et une table basse en verre sur laquelle était posée une pile de livres. Une odeur de café embaumait la pièce et les bougies disposées sur le rebord des fenêtres lui donnait une ambiance chaleureuse.
— Qui êtes-vous et qu’avez-vous fait de ma meilleure amie ? demanda Charlie en s’esclaffant. La dernière fois que je suis allée chez tes parents, les murs de ta chambre étaient rouges vifs et décorés de posters de loups-garous à trois têtes.
— Ne t’inquiètes pas pour mes posters, ils sont bien au chaud sous mon lit, la taquina Gwen. Tu es ma première invitée, je me devais de sortir le grand jeu.
— C’est trop d’honneur pour moi !
Les deux amies s’assirent sur le canapé, un mug de café à la main. Le soleil n’allait pas tarder à se coucher et Charlie avait bien besoin d’un remontant pour tenir jusqu’à l’heure du coucher. Aidée par la caféine, elle détailla ensuite scrupuleusement les évènements survenus le matin même. En se replongeant dans l’action, elle ressentit à nouveau toutes les émotions qui l’avaient habitées.
— Je voudrais voir le livre, dit Gwen une fois le récit terminé.
Charlie avait presque oublié l’objet de toutes les attentions, toujours caché sous sa ceinture. Son amie avait suggéré de commencer par vérifier si la pierre brillait aussi en sa présence.
Les deux jeunes filles furent surprises de constater que rien ne se passait entre les mains de Gwen. Charlie pouvait lire la déception dans son regard et regretta un instant de l’avoir mêlée à cette histoire.
— Quel est le texte que tu as lu avant l’incendie ? demanda Gwen.
— Celui-là, dit Charlie en montrant la page dont le titre lui fit tourner la tête.
— Alors, lis-le ! C’est le seul moyen de savoir si tout est lié ou non.
Charlie prit une profonde inspiration et lut avec appréhension les quelques mots qui avaient précédé le drame.
— Puisse le feu envelopper de son brasier, l’objet de ma contrariété. Puisse le vent l’aider à se propager, dans un souffle il...
— Je ne ferais pas ça, si j’étais vous ! l’interrompit une voix masculine.
Pourquoi une femme demanderait à d’autres personnes de nettoyer son dentier ?
C’est malsain, en plus de nos jours pour nettoyer un dentier il suffit de le plonger dans un verre d’eau dans lequel on rajoute un produit.
Ma source la pub de stéradent.
J'aime beaucoup Charlie (je savais que je l'apprécierais dès sa réplique cinglante à sa grand-mère lors du repas), et les chapitres suivants ne font que confirmer mon impression : une héroïne bien ancrée sur terre et qu'il va falloir beaucoup chambouler pour qu'elle croit à la magie !
Petite remarque : je ne sais pas si ça a été noté, lors de la description du couloir de la vieille dame, "tâches" ne prend pas d'accent circonflexe (il en prend lorsqu'il est synonyme de travail) :)
Comme le commentaire précédent, cet étrange chat m'interroge, il est bien trop décrit et tu insistes bien trop dessus pour qu'il soit anodin. Un familier peut-être ? Ou bien un sorcier transformé ? (ou alors en fait c'est juste un chat et je me monte un peu trop le bourrichon toute seule, comme souvent xD)
Je suis très contente que tu arrives à cette partie qui est, je pense, en peu plus qualitative que la précédente :)
Chat noir à la barbe blanche deux fois en une journée ? Les « sorciers » ont-ils des familiers ? Ou des dons de métamorphose ? Je l’ai dans le collimateur, moi, ce matou.
Puisque-que, selon le prologue, Charlie est vouée à rencontrer un acolyte, et qu’Ezra est potentiellement en lice pour le rôle, je le verrais bien faire son entrée, ce Monsieur qui voyage à travers le temps. Et ne pas être allergique aux poils, par la même occasion 😉.
Ce chapitre offre une forme de transition. On le calme avant la tempête. Je te soupçonne de bientôt nous en mettre plein les yeux avec les revers de la magie et la découverte de l’étendue des pouvoirs de Charlie.
Je me demande toujours si son amitié avec Gwen tiendra. Je trouve intéressant qu’une « non initiée », si je puis dire, ou du moins, quelqu'un en dehors du cercle familial, soit au courant de l’existence de « cet autre monde ». Alors soit la meilleure amie est humaine et le reste, soit elle est davantage. L’avenir nous le dira.
A bientôt pour la suite !
Effectivement, ma partie préférée arrive ! On va y découvrir deux personnages qui vont avoir un rôle déterminant et qui ont une psychologie assez complexe et bien éloignée de celle des perso présentes jusqu’à maintenant. Ce sont eux qui vont rendre l’histoire plus intéressante, selon moi.
Merci beaucoup pour ton retour, à très vite :)
Ce chapitre est plus calme (il faut bien respirer !) mais non moins appréciable. La lecture est plutôt fluide et les quelques détails pimentés que tu ajoutes à droite et à gauche permettent de ne pas me désintéresser jusqu'à la fin de la page ! Par exemple, pourquoi Charlie a-t-elle eu l'impression d'être suivie à la gare ? Était-ce par le mystérieux personnage qui intervient à la fin du chapitre ? Et qui est-il, d'ailleurs...le fameux protagoniste du prologue ?
haha, hâte de voir où tout cela va nous mener !
Cette fois-ci, j'ai noté mes remarques au fur et à mesure pour ne rien oublier, alors il y en a plus que les fois précédentes ! Encore une fois, elles sont à prendre ou à laisser, je ne me formaliserai pas pour ça :)
Sans plus attendre :
"arrière train" = il faut mettre un tiret ici ! c'est "arrière-train"
"rien a signaler de ce côté" = il faut mettre un accent sur le "à" ;)
"quand la pierre s'éclaira" = j'ajouterais une virgule après "s'éclaira", je trouve ça plus agréable pour le rythme
"la jeune fille choisit d'appeler ses parents" = j'aurais mis "décida" et pas "choisit". Choisir implique qu'elle avait la possibilité de n'appeler personne, or ce n'est visiblement pas le cas ici !
"ils se seraient inquiété inutilement et l'auraient assailli de questions" = deux petites fautes ici : "inquiétés" et "assaillie" ;)
"Blair fut la deuxième personne qu’elle pensa contacter" = tu utilises beaucoup de verbes "simples" si j'ose dire. Tu pourrais peut-être remplacer "pensa" par "songea à", c'est plus riche pour le texte ! D'ailleurs, en passant, je mettrais une virgule après "contacter" personnellement ;)
"— Il s’agit tout de même d’une sacrée coïncidence" = je ne connais pas beaucoup Gwen, mais "il s'agit" sonne un peu faux. Je trouve ça "trop bien dit" pour une une ado, je mettrais plutôt "c'est tout de même une sacrée coïncidence" !
"Il lui semblait préférable de s’éviter des remontrances et personne ne remarquerait la place…" = j'ajouterais une virgule après "remontrances"
"Celle-ci avait emménagé trois semaines plus tôt à l’occasion de la rentrée universitaire" = ici aussi, j'aurais mis une virgule après "plus tôt" et une autre après "rentrée universitaire". La phrase est assez longue, mieux vaut proposer des pauses au lecteur !
"inhaler une grande bouffée d’air frais, malgré les réticences de ses poumons" = ici, je sais pas pourquoi mais j'aime pas trop "les réticences de ses poumons". Peut-être que "la réticence" suffirait ? Ou encore, si on reformule, "malgré ses poumons réticents" ? Je sais pas du tout x)
"Le logement n’était composé que d’une seule et même pièce" = la formulation "une seule et même" alourdit ta phrase. Je te conseille quelque chose comme "une simple pièce", c'est plus fluide
"— Ne t’inquiètes pas pour mes posters" = pas de "s" à "t'inquiète" : c'est un ordre, donc c'est de l'impératif = pas de "s" à la deuxième personne du singulier
"— Je ne ferai pas ça, si j’étais vous !" = cette fois il faut un "s" à "ferais" par contre XD C'est du conditionnel = s
voilà, je propose beaucoup de virgules mais elles permettent de rythmer le récit et le rendent plus fluide et agréable à lire ! n'en tiens pas compte si ça t'ennuies
à bientôt pour la suite !
Merci beaucoup pour ton retour, tout est à prendre puisque j’ai laissé passer beauuuucoup trop de fautes :(
Pour ce qui est de la ponctuation, tu as entièrement raison. J’ai commandé un livre pour m’aider parce que je me rend vraiment compte de l’importance du rythme des phrases (et notamment grâce à tes écrits).
A très vite :D
j'ai cru comprendre que les prochains chapitres seraient hauts en couleur, je t'attends au rendez-vous ;)
Pour Gwen, j’ai eu du mal à appréhender les choses mais je voulais imager le fait que finalement, elle aussi a de gros doutes quant aux pouvoirs du livres