Chapitre Quatre : Saint-Valentin (1)
Le quatorze février était sans doute le jour de gloire de Valentin. C’était le jour des amoureux, sa fête et son anniversaire. C’était donc trois bonnes raisons pour que cela soit son jour favori de l’année. Néanmoins, il ne pouvait ressentir une petite pointe de dépression. Une nouvelle année lui tombait sur le dos. Il galopait tout droit vers ses trente ans, et ça le rendait malade. Il avait toujours rêvé d’arrêter le temps, mais il savait que c’était impossible. C’est donc triste, le nez rouge, caché derrière une énorme écharpe et sous une doudoune bien rembourrée qu’il fit son entrée au 36, quai des Orfèvres, le quatorze février.
À peine eut-il franchi le seuil de la porte, qu’un chœur de voix féminines l’accueillit.
- Bonne fête Valentin !
Standardistes et secrétaires, bouches en cœur, battaient des paupières, dans l’espoir d’être la Valentine du jeune homme. Ce dernier avait retrouvé le sourire.
- Merci les filles.
- Hey, tu fais quoi ce soir ?
- J’ai rendez-vous avec la femme de ma vie.
- Oh…
Elles étaient toutes déçues par la sincérité de Valentin. Il s’échappa vers l’escalier A qu’il monta à grande vitesse. Lorsqu’il arriva dans son bureau, il trouva Gabrielle qui travaillait. Il sentit qu’elle était très agacée, et il comprit pourquoi quand il jeta un regard sur son propre bureau. Il y’avait tellement de bouquets de roses rouges dessus qu’on ne voyait plus son ordinateur et son téléphone.
- Waw…fit-il, impressionné. Si je m’attendais à ça !
- Vingt femmes sont venues me déranger pour déposer ça sur votre bureau, expliqua la jeune femme, d’un air dégoûté. Vous avez une explication ?
- Euh…oui mais…
La porte s’ouvrit, laissant apparaître Anthony et Berthier dans l’encadrement.
- Joyeux anniversaire Val’ ! s’exclamèrent-ils en cœur.
- Merci.
- Oh Gabrielle, c’est toi qui lui as offert tout ça ? s’étonna Anthony, en voyant les vingt bouquets de rose sur le bureau de Valentin. Que c’est adorable !
La jeune femme lui décocha un regard noir.
- C’est où que vous avez mis la paperasse à photocopier ? demanda-t-elle à Valentin.
- Dans le deuxième tiroir.
Gabrielle fouilla dans son bureau et en sortit une cinquantaine de feuilles volantes, puis elle les tendit à son élève.
- Allez, va faire des photocopies en deux exemplaires, s’il te plaît !
- C’est pas juste ! grommela Anthony, accablé.
Gabrielle avait rapidement adopté la méthode de Valentin. Il suffisait que celui-ci dise quelque chose qui leur déplaise à tous les deux pour qu’il se retrouve de corvée de photocopies.
- Je me vengerai ! menaça l’élève, en sortant du bureau.
- C’est ça, acquiesça Valentin.
- Bon Val’, ça te fait quoi d’avoir 29 ans ? demanda Berthier, avec un sourire aux lèvres.
- Ça fait que ça m’emmerde.
- Bah pourquoi ?
- Parce que.
Fin de la conversation. Valentin ne voulait visiblement pas donner ses raisons, ses raisons de détester autant le temps. Berthier haussa donc les épaules et sortit de la pièce.
- Bon, voyons un peu toutes ces conneries, décida Valentin en prenant les lettres roses posées sagement sur son bureau.
Il lut toutes ses lettres d’amour une par une, et il les jeta à la poubelle l’une après les autres une fois sa lecture terminée. Gabrielle le regardait faire, stupéfaite. Plus tard dans la matinée, une dizaine de flics débarquèrent à nouveau dans leur bureau, dont Berthier et Anthony.
- Bonjour, on est bien chez « Valentin, agence matrimoniale » ? demanda un policier.
- Mais bien sûr les mecs, je vous en prie, servez-vous ! s’exclama l’officier, qui connaissait déjà leurs intentions.
Chaque flic prit l’un des bouquets de roses rouges qui étaient posés sur son bureau pour le rapporter à sa femme le soir même. Valentin était derrière, mais personne ne le voyait à cause des fleurs. Gabrielle soupirait de « la bêtise des hommes ».
- Hey Anthony, pourquoi t’en prend deux ? demanda Valentin, énervé.
- Un pour Sophie, et un pour Rachel, ma petite sœur. Sinon, elle va me tuer.
- Bon…ça marche ! Mais laissez-moi en au moins un s’il vous plait !
Les hommes, ravis, sortirent rapidement du bureau en file indienne, avec leur bouquet dans les bras. Bientôt, il ne resta plus que Gabrielle et Valentin qui travaillaient silencieusement. Au bout d’une heure, le jeune homme releva la tête, et regarda sa collègue.
- Qu’est-ce que vous avez eu, vous, pour la Saint-Valentin ?
Elle releva le visage, surprise par la question.
- Rien.
- Ah bon ? s’étonna Valentin.
- Oui.
- Mais…pourquoi ?
- Et bien, je suppose qu’il faut d’abord plaire à quelqu’un avant de recevoir quelque chose…répondit-t-elle, amère. Mais comme vous le voyez, ce n’est pas le cas de tout de monde !
- Mais…vous n’avez rien eu du tout ?
- Valentin, arrêtez avec vos questions ! Vous commencez à m’énerver !
Contrariée, elle replongea dans son travail, c’est-à-dire, lire attentivement un dossier pour discerner des indices. Valentin continua de l’observer pendant deux minutes, puis il se tourna vers le dernier bouquet qui restait, et saisit la plus belle rose rouge. Puis, il fit glisser son fauteuil jusqu’à celui de Gabrielle et lui mit la rose sous le nez. La jeune femme releva encore la tête, mais cette fois-ci, elle était très étonnée et très gênée.
- Tenez, c’est pour vous. Comme ça, vous aurez eu votre Saint-Valentin.
- Euh…je ne sais pas si je dois accepter…
- Mais si, mais si, j’insiste.
- Bon…fit-elle en prenant délicatement la rose qu’il lui tendait. Merci.
Elle se leva brutalement et farfouilla la pièce à la recherche d’un vase. À la place, elle trouva un verre qu’elle remplit d’eau fraîche et elle y glissa la tige de la rose. Puis, elle posa le verre sur le devant de son bureau, bien en évidence, et se rassit, avec un petit air fier. Valentin aussi se sentait fier, fier d’avoir fait plaisir à Gabrielle…
Il pleuvait. Encore. Valentin et Gabrielle attendaient devant la porte d’un duplex. Ils avaient beau sonner, mais personne ne venait ouvrir.
- Il n’ouvre pas.
- Je peux défoncer la porte ? demanda le lieutenant, impatient.
- Non, répondit sèchement la jeune femme.
Un hurlement terrifiant se fit attendre, plus loin derrière. Gabrielle eut un sursaut, et Valentin parut soudainement inquiet.
- Défoncez la porte ! Qu’est-ce que vous attendez ?!
Le jeune homme s’exécuta. La porte ne résista que quelques secondes. Les deux officiers s’engouffrèrent dans l’appartement. Gabrielle monta à l’étage, et laissa Valentin inspecter le rez-de-chaussée.
- Oh, y’a quelqu’un ? appela-t-il.
Il fit quelque pas, regarda tous les recoins, se rendit dans toutes les pièces, se retourna de temps en temps pour voir s’il n’avait rien oublié, mais il n’y avait personne. Un autre cri retentit dans le duplex. C’était Gabrielle. Le jeune homme grimpa les escaliers à toute allure. Il la trouva dans une chambre presque vide, près d’une fenêtre ronde ouverte. Elle était blanche comme morte.
- Qu’est-ce qu’il y a ? s’inquiéta Valentin en la serrant contre lui.
- Il…il…en bas…
Il jeta un regard par la fenêtre et grimaça. Il vit vaguement un cadavre dans la cour arrière, et il comprit que l’homme en question venait de se suicider.
- Suivez-moi.
Il la prit par la main, et ils descendirent dans la cour, sous la pluie. Les deux officiers s’accroupirent au pied du corps et l’examinèrent.
- Suicide, constata Valentin, après un silence.
Gabrielle ne répondit pas ; elle ne semblait pas du même avis que lui.
- C’est un suicide, insista le jeune homme. Il a dû se dire « Tiens voilà les flics, ils me soupçonnent, plutôt mourir que d’avouer que j’ai flingué ma maîtresse ». Et voilà.
- Non.
- Mais si ! Qu’est-ce vous croyez ? Qu’une force ténébreuse et invisible l’a pris par le col et l’a jeté par la fenêtre ?
Au moment où elle allait répondre, ils entendirent une porte claquer très fort à l’intérieur de l’appartement. Valentin et Gabrielle arquèrent un sourcil en même temps.
- Non, répéta la jeune femme. Je n’ai pas fermé la porte dans la dernière pièce où on était.
- C’est la force ténébreuse et invisible qui l’a fait à votre place, plaisanta Valentin.
- Et vous ne lui courez pas après.
- Non, ça ne sert à rien. Je ne vais pas me fatiguer si…
Le bruit d’une voiture qui démarrait rapidement se fit entendre, et coupa le jeune homme.
- …s’il est déjà loin !
- C’est un meurtre Valentin, pas un suicide.
- J’admets que vous avez peut-être raison pour une fois.
Elle lui décocha un regard noir.
- Venez, on rentre, nous sommes trempés.
Ils retournèrent dans le duplex, laissant le cadavre dans la cour arrière. Valentin appela les techniciens et les scientifiques pour qu’ils interviennent le plus rapidement possible sur les lieux, tandis que Gabrielle réajustait son chignon mouillé. Ensuite, ils montèrent à l’étage, dans la chambre presque vide d’où l’homme s’était jeté. Il y’avait seulement une grande armoire faite en bois ancien.
- S’il y’avait quelqu’un, je l’aurais vu, remarqua la jeune femme.
- Sauf si ce quelqu’un était caché.
- Dans ce cas…
Valentin enfila des gants et ouvrit l’armoire qu’il observa minutieusement. Elle était assez grande pour accueillir un homme ou une femme ; la poussière s’était estompée à certains endroits (Valentin jugea que c’était des marques de chaussures). Il remarqua aussi, après une profonde inspection à la loupe, un petit fil très fin qu’il reconnut comme un cheveu brun.
- C’est pour ça que je vais vous engueuler Gabrielle, dit-il gentiment.
Il prit une grande bouffée d’air et se mit à hurler, sans laisser le temps à sa collègue de parer l’attaque.
- Vous avez oublié de fouiller l’armoire ! C’est quoi votre boulot au juste ?! Enquêter ou regarder les étoiles ?!
- C’est pas la peine de passer vos nerfs sur moi ! se défendit-elle.
- Maintenant, grâce à vous, le mec est hyper loin ! Si vous l’aviez trouvé, on n’en serait pas là !
- J’ai été déstabilisée par ce cadavre en bas de la cour !
- Putain, mais vous voyez des morts tous les jours ! Vous êtes habituée, non ?!
- Mais là, je ne m’y attendais pas ! hurla Gabrielle encore plus fort.
Puis elle se calma, visiblement émue.
- Et puis, c’est…c’est la première fois que j’entends un cri aussi…déchirant ! fit-elle d’une petite voix.
Gabrielle pouvait toujours affirmer que c’était difficile de travailler avec des hommes, mais pour Valentin, c’était aussi difficile de travailler avec elle.
- Je vous pardonne, soupira le jeune homme. Moi aussi, ça m’a beaucoup inquiété. On rentre ?
Ils se posèrent des questions toute la journée sur la victime dont la mort n’était pas encore véritablement éclaircie. Ils se demandèrent aussi qui pouvait bien être l’homme (« ou la femme », disait Valentin) qui s’était caché(e) dans l’armoire, et qui était à 99 % le meurtrier (ou la meurtrière).
Le soir, le jeune homme débarqua dans le bureau qu’il partageait avec Gabrielle. Il la regarda fixement pendant deux minutes, sans aucune gêne apparente. Puis, il s’installa en face d’elle, prêt à un entretien.
- Je vais vous demander une faveur, dit-il enfin.
- Oui ?
- Je suis censé finir à 23 heures, mais j’ai quelque chose de prévu pour ce soir. Est-ce que vous pouvez échanger vos horaires exceptionnellement avec moi ?
- Non, fit sèchement Gabrielle.
Elle n’avait aucune envie de s’éterniser au bureau jusqu’à une heure si tardive pour faire plaisir à Valentin. Celui-ci écarquilla les yeux.
- Pardon ? fit-il, certain d’avoir mal entendu.
- J’ai dit « non » ! Il est hors de question que je reste ici pendant que vous vous amusez en boîte !
- Mais j’ai vraiment besoin de…
- Non !
Valentin fronça les sourcils et Gabrielle pu voir qu’il était en colère. Pire que ça même, il y’avait quelque chose de menaçant dans son regard, et à cet instant, elle en avait peur.
- Écoutez-moi ! s’écria le jeune homme. J’aimerais que vous arrêtiez de me refouler vos préjugés ! Je ne vais pas en boîte ! Si ce n’était pas pour quelque chose d’important, je ne vous aurais jamais demandé d’échanger vos horaires !
- Valentin, je ne…
- Ma mère a un cancer ! hurla-t-il, furieux. Elle n’en a plus que pour six mois à vivre ! Est-ce que votre Altesse me permet de passer le peu de temps que j’ai avec elle ?! Putain, mais ça ne va pas vous tuer !
Gabrielle resta muette. Elle n’avait jamais vu Valentin être autant en colère contre elle, et pour une fois, elle comprenait pourquoi il l’était. Elle se sentit honteuse, surtout parce qu’elle n’avait pas envisagé le fait que la mère du jeune homme eut été atteinte d’une leucémie.
- Excusez-moi…bafouilla-t-elle, de plus en plus gênée. Bien sûr…bien sûr que vous pouvez prendre mes horaires…à chaque fois que ce sera nécessaire…si vous voulez…
- Ben dis donc ! On aura eu du mal, hein ! pesta Valentin.
Il saisit le dernier bouquet posé sur son bureau et sortit de la pièce sans dire au revoir à Gabrielle. La jeune femme ferma les yeux et soupira, gênée par son erreur. Comme elle ne savait pas trop quoi faire jusqu’à 23 heures, elle fouilla dans les affaires de Valentin. Elle trouva notamment dans un casier un classeur rouge et elle le feuilleta, curieuse. Il avait listé toutes les personnes qu’il avait envoyées en prison depuis qu’il était entré dans la police judiciaire. Et il y’en avait beaucoup. Près de 15 pages. Il avait rajouté des petits commentaires à côté de chaque nom, et il avait noté les dates où chaque prisonnier sortirait de leur cellule. Gabrielle remarqua aussi que quelques rares noms étaient surlignés au feutre rouge. Elle n’en comprit pas la raison et reposa le classeur rouge à sa place, encore plus troublée qu’au départ.
Appartement presque neuf, situé en centre-ville, avec des fonctions haute-technologies comme interphone, parking privé, code d’accès… La résidence où habitait Valentin était très récente, et surtout, très confortable. Ce dernier en était d’ailleurs ravi, d’autant plus qu’il ne payait pas le loyer (l’État français se faisait un plaisir de le lui financer).
Valentin était rentré tard chez lui. Il n’avait pas menti à Gabrielle lorsqu’il lui avait dit qu’il allait chez sa mère. Il n’avait pas non plus menti aux autres flics en leur affirmant qu’il avait rendez-vous avec la femme de sa vie. Non, parce que justement, c’était sa mère, la femme de vie. Il s’était couché dans son lit, mélancolique, et n’avait pas tardé à s’endormir, fatigué par la grosse journée qu’il avait passé.
Vers deux heures du matin, quelqu’un se défoula sur sa sonnette. Puis, la personne tambourina à la porte, visiblement pressée. Valentin dut faire un gros effort pour se réveiller et pour se retenir de tabasser le visiteur. Il se dépêcha d’ouvrir, et sa colère disparut aussitôt.
C’était sa jolie voisine. Elle était affolée. Elle parlait très vite et le jeune homme ne comprenait pas ce qu’elle disait. Derrière elle, il y’avait des flammes. Il faisait chaud, très chaud. Et Valentin comprit finalement que son immeuble prenait feu.
- Mon fils…il…hurla la jeune femme, horrifiée.
- Sortez d’ici, je m’en occupe.
Valentin avait une grande qualité que peu d’hommes possédaient : il savait toujours garder son calme dans les situations les plus pressantes et les plus dangereuses. D’une main, il saisit son téléphone portable pour appeler Gabrielle. Il ne savait pas pourquoi il fallait à tout prix qu’il lui téléphone, mais il était certain qu’il devait le faire. Il savait que la jeune femme était très loyale. De plus, il avait gardé son numéro de téléphone qu’il lui avait volé dans son bureau, il y’avait plusieurs mois de cela. En attendant qu’elle décroche, il rangea d’une autre main les clés de sa voiture et ses papiers importants dans la poche de son bas de pyjama (il ne portait que ça).
Gabrielle dormait profondément lorsque son téléphone sonna. Elle eut une grande envie de le jeter contre le mur, mais elle se ravisa et décrocha. C’était Valentin, qui lui expliquait de façon brève que son appartement prenait feu et qu’il avait besoin d’elle. Avant qu’elle ne dise quoique ce soit, il lui avait donné son adresse et avait raccroché. La jeune femme fut terrifiée en apprenant la nouvelle. Elle se leva de son lit, enfila ses talons-aiguilles et passa une simple veste par-dessus sa nuisette. Elle cavala dans les escaliers pour rejoindre sa voiture, et se rendit rapidement sur les lieux de l’incendie.
De son côté, Valentin sortait de son appartement lorsqu’il vit une petite silhouette debout dans la cage d’escalier. Il reconnut le fils de sa voisine, apeuré.
- Viens-là bonhomme, faut qu’on sorte d’ici.
- Je veux ma maman !
- Justement, on va la rejoindre. Moi aussi, je veux la mienne, tu sais…
Il prit l’enfant dans ses bras, et tenta de descendre les escaliers, ce qui était une tâche très difficile à cause des flammes.
- J’ai peur !
Le petit garçon tremblait dans les bras de Valentin et celui-ci ne savait pas comment le rassurer. Il slalomait entre les flammes pour rejoindre au plus vite la sortie. Bientôt, il ne lui manquait plus qu’un étage à descendre, mais c’était celui qui était le plus en feu.
Gabrielle ne cessait de tourner la tête à droite et à gauche. Elle voyait beaucoup de personnes derrière le périmètre de sécurité, ainsi que des pompiers, mais il n’y avait pas l’ombre de Valentin, et cela l’inquiétait. Elle décida de traverser la foule et se rapprocher des sapeurs-pompiers. Évidemment, le seul moyen d’y parvenir seine et sauve était de donner son identité.
- Poussez-vous, je suis de la police !
- Madame, intervint un pompier, veuillez vous reculer s’il vous plait !
- Mademoiselle ! corrigea Gabrielle, furieuse. Qu’est-ce vous comptez faire au juste ?! Y’a encore mon collègue de bureau là-dedans !
- Et c’est parce qu’il est encore dedans qu’on ne peut pas balancer la mousse ! s’exclama-t-il, énervé.
- Je m’en tape ! Sortez-le de là tout de suite !
- Hey ! hurla une voix lointaine.
Cette voix, Gabrielle ne l’entendit pas, contrairement aux pompiers qui s’étaient rapprochés prudemment du bâtiment en feu. C’était Valentin, la tête qui dépassait par la porte d’entrée, collé contre le mur avec le petit garçon dans les bras. Tous devinèrent que les flammes étaient juste derrière lui. Quelques soldats du feu arrivèrent en renfort avec un épais tuyau rouge, prêts à envoyer l’eau sur le feu. Gabrielle s’aperçut qu’il y’avait un changement, et s’agita aussitôt.
- Laissez-moi passer !
- Non, Madame ! Restez en dehors du périmè…
- Mademoiselle ! hurla la jeune femme, de plus en plus énervée.
Elle franchit la limite et accourut vers la troupe de pompiers.
- Valentin ! appela-t-elle.
Celui-ci lui lança un regard plein d’espoirs. Il toussait. Son visage était tout barbouillé, et il était pieds et torse nus. Gabrielle l’attira vers elle et l’éloigna de l’incendie, le petit garçon toujours entre eux deux.
- Vous m’avez fait peur ! murmura-t-elle sur un ton de reproche.
Valentin parut très surpris, surtout lorsqu’elle l’enlaça d’un air protecteur. Instinctivement, il passa son bras autour de sa taille. Cependant, ce moment d’intimité ne dura pas ; il fut brisé par la jeune maman qui arrivait vers eux.
- Julien !
Gabrielle et Valentin se séparèrent vivement, gênés. Ils avaient oublié que le petit Julien était encore entre eux. La jeune femme courut jusqu’à sa voiture pendant que le petit garçon se faisait serrer tendrement par sa mère. Lorsqu’elle revint vers eux avec une épaisse couverture bleu marine dans la main, la jeune maman était suspendue au cou de Valentin et le remerciait au moins mille fois.
- Et merci à vous aussi Madame !
- Mademoiselle, corrigea Gabrielle avec un sourire. Mais je n’ai rien fait.
- Si, intervint Valentin, vous avez été là. Je vous remercie pour ça.
Il y eut un silence. Le petit garçon et sa mère décidèrent de les quitter. Dès qu’ils s’éloignèrent, Gabrielle se hâta d’envelopper Valentin dans la couverture. Ils étaient au milieu du mois de février, les nuits parisiennes étaient froides, et le jeune homme n’était vêtu que d’un bas de pyjama.
- J’ai chaud ! protesta-t-il.
- M’en fiche, répliqua Gabrielle. Si vous ne vous couvrez pas, vous allez attraper la mort.
Il y eut un nouveau silence dans lequel Gabrielle frictionna lentement le dos de Valentin.
- Bon…je vais y aller, décida le jeune homme.
- Vous avez quelque part où aller ?
- Ouais, y’a un hôtel deux étoiles pas loin. Je ne préfère pas aller chez ma mère, inutile de la fatiguer encore plus.
- Et vous allez rester à l’hôtel jusqu’à ce qu’on vous trouve un nouvel appartement ? s’enquiert Gabrielle.
- Bah ouais.
- Mais ça va vous coûter une fortune ! Connaissez-vous au moins le prix d’une nuit dans un simple hôtel ?!
- C’est pas un problème…
La jeune femme soupira. Elle prit le bras de Valentin et le tira vers sa voiture.
- Hey mais…
- Allez, venez ! insista-t-elle.
- Mais où… ?
- Chez moi.
Il se pétrifia. L’appartement de Gabrielle faisait renaître en lui certains souvenirs qu’il préférait mettre de côté pour le moment.
- Mais…protesta Valentin.
- Écoutez, je ne vais pas vous laisser tout seul dans la rue, dans le froid, ni même à l’hôtel ! Surtout si vous en avez pour six mois avant de retrouver un toit !
- Mais…
- J’ai l’air d’être si cruelle que ça ?
- Non mais…
- Je vous conseille de monter dans cette voiture sans discuter, sinon je vous bâillonne et je vous enferme dans le coffre ! C’est compris ?
- Oui, mon commandant ! s’exclama le jeune homme, en se mettant au garde-à-vous.
- J’aime mieux ça, déclara Gabrielle en lui ouvrant la portière.
Aussitôt dans la voiture, elle monta le chauffage au maximum, au grand désespoir de son réfugié.
- J’ai vécu l’enfer, et vous osez monter le chauffage !
- Fermez-la si vous ne voulez pas que je revienne sur ma décision.
Valentin ne se le fit pas dire deux fois. Il était gêné par sa proposition, mais toutefois content qu’elle l’invite chez elle. À cette pensée, il se jeta sur la jeune femme
- Vous êtes trop adorable ! s'écria-t-il en l’embrassant sur les deux joues.
- Lâchez-moi !
- Mon ange Gabrielle !
- Certes ! Maintenant, rasseyez-vous et attachez votre ceinture !
Il obéit sans montrer une quelconque opposition.
- Selon vous…commença Gabrielle, après plusieurs minutes de silence.
- Oui ?
- Croyez-vous que cet incendie était un accident ?
- Non. On a rarement vu un immeuble super récent prendre feu comme ça…
- Je pense comme vous.
- Ne vous inquiétez pas, on ouvrira une enquête. Je veux absolument retrouver le petit con qui a foutu le feu à mon appartement le jour de mon anniversaire !
- Vous n’avez pas eu de chances aujourd’hui. Bonne fête quand même Valentin…soupira la jeune femme, en hochant la tête.
La petite scène de la rose était mimi comme tout. Gabrielle me semble un peu moins sur la défensive que dans les chapitres précédents. Quant à Valentin, bah égal à lui même XD
Et la punition de la photocopieuse, hein, t'as pas de coeur. Ce pauvre Anthony, cruelle, cruelle auteur :P
Petit détail peut-être sans importance que ce classeur avec le noms de tous ceux que Valentin a arrêtés, mais peut-être que c'est justement un de ceux-là qui a décidé de se venger en faisant crâmer l'immeuble.
Cette incendie justement est l'occasion pour une scène chouette comme tout (bon si on met de côté le bâtiment en flammes) où nos deux collègues se retrouvent. Gabrielle a en effet revu son comportement envers Valentin en allant jusqu'à lui proposer de l'héberger. Plus qu'à les faire tomber dans les bras l'un de l'autre et le tour est joue... Comment ça, non ? XD
Tu as bien relevé le petit détail. ^^ Le classeur de Valentin contient le nom de celui qui a crâmé son appartement. Mais je me demande si ce classeur était bien utile à l'histoire... Bref.
Si c'était aussi facile de faire tomber Gabrielle dans les bras de Valentin... Ah Sejounette ! XD Qui lira verra. ^^
En tout cas, merci ! ^^
Bisous-bisous !