Hazel fut tiré de sa somnolence par le chant gracieux de Galerna. Si elle n'était pas sympathique il fallait au moins reconnaître que sa voix avait une douceur surprenante. Il la regarda lisser ses cheveux devant un miroir. Ses doigts fins démêlaient les mèches d'un geste sûr. Sa coiffure prenait forme, révélant un visage à la beauté dure. Elle s'observait amoureusement, ajustant les derniers détails de son apparence.
« Tu es réveillé, intolérable isocèle immature ! Cette journée s'annonce des plus fantastiques, vois-tu. Grâce à toi, je serai l'élue d'entre tous. Ton sacrifice marquera le début de mon ascension vers l'honneur éternel. Ortzi fera de moi sa dévouée servante. Tous les pouvoirs seront miens : il m'accordera la magie. Mes ancêtres ont échoué là où je réussirai. Ces faibles femelles n'avaient aucun ambition ! Elles se sont soumises au fil du temps, laissant les autres peuples les martyriser, les asservir. Mais moi, Galerna, je donnerai à notre Dieu ce qu'il réclame : du sang ! Et ainsi, je redonnerai aux Naïades la place qu'elles méritent par dessus tout, celle de diriger les peuples magiques et ses traitres d'animaux comme toi et plus encore, ces infâmes inconscients infirmes de loups ! Nous vaincrons, gloire à Ortzi ! »
Hazel, tremblant, prit son courage à deux main pour lui répondre :
« Je ne sais pas qui est Ortzi, mais je crois qu'il y a erreur sur la personne. Je ne suis qu'un ours perdu. Connaissez-vous les Carpates ? Je viens de par là... Est-ce loin d'ici ? Ma mère doit me chercher, il faut que je la retrouve...
- Assez, insensible ignare irrespectueux ! le coupa la reine des Naïades. Peut m'importe de quelle contrée tu viens, ni qui t'attend. Aujourd'hui, tu ne seras plus. Tu me feras reine de tous. Gardiennes ! Récupérez cet ignoble insecte indompté et préparez-le pour la fête. »
Deux jeunes femmes entrèrent à ses mots et menèrent le prisonnier dans d'autres salles. Désemparé, Hazel essaya tant bien que mal de discuter libération avec ses bourreaux, sans succès. Elles l'amenèrent dans une salle aux dimensions extraordinaires. Il régnait un calme absolu dans ce lieu. Des points lumineux, judicieusement placés, révélaient la splendeur de la roche. L'ours se tut devant tant de grandeur et de magnificence. Les deux femmes l'obligèrent à rentrer dans l'eau du bassin central.
Il fermait les yeux, attendant et se demandant à quelle sauce il allait être mangé quand il sentit sur son pelage un va et vient rapide avec une matière souple et agréable. Il se faisait brosser le poil ! L'autre lui prit les pattes et entrepris de lui curer les griffes, les décrottant de la terre qui s'y était amassée. Il n'en revenait pas. Son imagination fertile lui avait soufflé qu'il se ferait torturer avant son sacrifice, pas qu'on allait le rendre aussi pimpant qu'un ver-luisant.
Après une toilette élaborée et chassant chacune des infimes saletés qui le recouvraient, les naïades le firent passer à table.
« Tu as intérêt à apprécier ce qu'on te met sous la dent, l'ourson, parce que c'est moi qu'ai été te dégoter tout ça, et je peux te dire que je porte encore les stigmates de ces sales abeilles. Voulaient pas donner leur miel ces canailles.
- Merci, dit Hazel entre deux bouchées. Pourquoi faites-vous ça ? Je croyais qu'on allait me faire du mal.
- Ah, mais mon petit gars, la journée n'est pas finie. »
Sur ces douces paroles, pour le moins, peu réconfortantes, il se retrouva seul, attablé dans une pièce exigüe que les femmes prirent soin de fermer à clé.
Les insectes qu'il avait en bouche au moment s’imprégnèrent d'un goût de cendre et il eut l'appétit coupé. Il regarda d'un oeil toutes les victuailles qui s'amoncelaient devant lui. C'était son dernier repas. En dépit de sa tristesse, il se remit à manger : autant qu'il en profite.
*
Hazel focalisait ses pensées sur les derniers moments agréables qu'il avait passé. Heureusement pour lui, il ne chercha pas trop loin : le bain chaud, le repas prolifique lui étaient maintenant d'un secours inespéré. En témoignait sa position actuelle : ligoté contre un poteau, en équilibre sur une sorte de bûche bancale. Il se devait de maîtriser ses mouvements. S'il venait à tomber, les cordes lâches mais criblées de pointes lui mâcheraient ses membres, sans compter la horde de scorpions qui s'attroupait sous lui, dardant leur queue en signe de défi. La hauteur de son piédestal le mettait hors de portée, toutefois, il lui suffisait d'un faux mouvement pour se retrouver assiégé par ces créatures. Et il n'avait pas une folle envie de tenter l'expérience.
Plongé dans ses souvenirs moelleux, le temps glissait sur lui sans aucune prise. Un besoin de se gratter ? La douceur de sa forêt natale apaisait sa démangeaison. Un muscle au bord de la crampe ? La saveur du miel roulant dans sa bouche avec délectation détendait ce dernier.
Le son sourd et régulier d'un tambour le sortit de ses rêveries.
Tam. Tam. Tam. Tatam.
Tam. Tam. Tam. Tatam.
Tam. Tam. Tam. Tatam.
D'autres sons de percutions se joignirent peu à peu les uns aux autres et formèrent une nuée envoutante. Les naïades, toutes de blanc vêtues, illuminaient par leur présence la clairière qui était désormais plongée dans la pénombre. Une flûte jaillit soudain. Puis, la voix de Galerna raisonna et se mêla à la mélopée. L'ensemble était saisissant et Hazel en aurait été subjugué. Mais sa posture incertaine lui gâchait le moment.
Bien que la musique se stoppa net, elle persista un moment dans l'air avant de s'évaporer vers les étoiles naissantes.
« La cérémonie peut commencer, déclara une naïade, Galerna, reine parmi les reines, libérez-nous du joug de l'infériorité ! Invoquez Ortzi et toute sa puissance pour que nous renaissions souveraines du monde !
- Gloire à Ortzi ! Gloire à notre reine ! entonnèrent en coeur le reste du groupe.
- Merci, très chères, merci. »
Galerna, rayonnante, s'avança au centre de ses comparses (pas moins d'une cinquantaine) rassemblées en demi-cercle. Hazel sentit son coeur se serrer dans sa poitrine. Il allait bientôt manquer d'air. Ses efforts pour se maintenir en place sans tomber et l'angoisse de la suite le terrorisait de seconde en seconde.
« Maintenant, l'heure a sonné. J'en appelle à Ortzi, dans toute sa grandeur, de bien vouloir accepter le présent que je lui fais, cet irascible inconvénient ingénu. Puisse ce cadeau nous enlever ce fardeau ! »
Ses yeux reflétaient la folie. Elle sortit du fourreau une lame. Un miroitement mit en lumière une dague faite de pierre et d'eau.
« Gloire à Ortzi ! » cria Galerna. Elle s'approcha d'Hazel à grand pas et ses bras effectuèrent un geste résolu et franc. Ça y est, c'en était fini de lui.
Me revoilà !
Alors dis donc il lui en arrive des choses à Hazel, le pauvre, il ne comprend pas ce qui lui arrive et le lecteur non plus ! Euh par contre à la fin du chapitre il est vraiment dans une mauvaise position ! Je t'ordonne d'être plus gentille avec lui, espèce d'auteure sadique ! :p
Les Naïades ne sont vraiment pas sympas ! J'adore toujours autant leurs jurons qui commencent toujours par la même lettre c'est vraiment très drôle :). Coquillettes :<br />aucun(e) ambition<br />prit son courage à deux main(s)<br />Il sentit un va-et-vient rapide<br />Peut (peu) m'importe de quelle contrée tu viens <br />L'autre lui prit les pattes et entrepris (entreprit)<br />Hazel focalisait ses pensées sur les derniers moments agréables qu'il avait passé(s)<br />entonnèrent (entonna) en coeur le reste du groupe.
qes efforts pour se maintenir en place sans tomber et l'angoisse de la suite le terrorisait de seconde en seconde. => Phrase maladroite, je pense qu'il manque des virgules <br />Elle s'approcha d'Hazel à grand(s) pas
A bientôt pour la suite :)
bisous volants
^^ auteure sadique, je ne m'étais jamais vu comme ça, c'est vrai que je ne le ménage pas... mais malheureusement pour Hazel ce n'est pas fini ! ;) Donc je ne pourrais pas obéïr à ton ordre ^^ du moins, pas encore, pour les besoins de l'histoire, il va souffir encore un peu.
Merci pour ce relevé de coquillettes ! Et merci d'être passé lire !
à très vite <3