CHAPITRE IV – Tachycardie.
« Il arrivait à Lily-Rose de se demander comment sa vie avait pu l'emporter là où elle se trouvait aujourd'hui. Assez régulièrement, d'ailleurs. Et, en cet instant, dans les bras du bel Adam, dans un silence reposant, cette question la taraudait.
Qu'avait-elle fait ? Son amant s'était endormi quelques minutes après l'orgasme, et la serrait dans ses bras. La jeune femme ne comprenait pas. C'était bien la première fois qu'elle se donnait ainsi, corps et âme, une nouvelle fois au même homme. Et qu'elle souhaitait continuer. Recommencer. À nouveau. Constamment. Son regard se porta vers le visage fin de son compagnon. Paupières fermées, lèvres légèrement entrouvertes, son souffle chaud et régulier faisait voleter une mèche de cheveux de la belle. Elle se surprit à le trouver mignon, ainsi perdu dans les bras de Morphée. Ses pupilles ambrées descendirent le long de sa mâchoire carrée, puis sur ses épaules, larges et musclées. Son torse légèrement recouvert de poils, son abdomen si bien dessiné, puis la fine toison brune partant de son nombril, débouchant sur son sexe encore tendu. Lily-Rose ne put s'empêcher de sourire en voyant ce dernier. Si long, si droit, si parfait. Et, malgré le sommeil de son propriétaire, au garde à vous.
Adam n'était pas simplement beau. Il irradiait de beauté. Tel apollon, son corps respirait grâce, élégance, et virilité.
Les doigts de Lily-Rose se perdirent dans les poils ornant le torse de ce dernier. Ils étaient doux. Ils sentaient bon. Le jeune homme lui même avait une senteur épicée qui plaisait à la belle. Sauvage, purement masculine. Son odeur naturelle valait tous les parfums du monde.
La belle aux cheveux auburn s’endormit ainsi, le nez perdu dans les pectoraux de son amant, les yeux fermés. Une moue satisfaite ornait son visage, lorsque Morphée l'emporta à son tour.
*
En ouvrant les yeux, Lily-Rose s'étira de tout son long. Elle mit quelques secondes à reconnaître cette lampe de chevet noire. Puis, en remarquant qu'elle n'était pas sienne, elle se releva d'un bond, créant un fulgurant mal de crâne par la même occasion.
En se laissant tomber dans les coussins moelleux, elle se rappela de la veille, maintenant par la même occasion sa tête douloureuse entre ses mains. C'est vrai. Je suis chez Adam. Et j'ai bien trop bu hier soir.
Et, naturellement, elle se trouvait à nouveau seule dans ce lit bien trop grand.
Elle se releva alors, plus lentement cette fois-ci, grimaçant néanmoins de douleur. Elle empoigna la chemise que son cher Adam portait la veille, laissée à terre, puis l'examina quelques instants. Et puis mince. Autant être niaise jusqu'au bout.
La jeune femme l'enfila alors, jouissant du parfum l'enivrant instantanément. Que c'était bon. Ce n'était pas comme dans les films, où la jeune femme sexy portait une chemise bien trop grande pour elle, couvrant son corps dénudé. Ici, vu la grande taille de la jeune femme, les manches dépassaient à peine de ses poignets, et le vêtement s'arrêtait juste en dessous de son pôle Sud. Mais qu'importe. Elle était bien, ainsi, dans ses vêtements. Elle prit quelques secondes pour elle, le nez dans les manches, les yeux fermés, profitant de l'instant. Se remémorant.
Et, contrairement à la dernière fois, elle décida de rester quelques instants dans l'appartement vide, avant de partir.
Ce fut alors, uniquement vêtue de la simple chemise noire et satinée, que ses pieds nus marchèrent sans but précis dans l'antre d'Adam. Le parquet esquissait par moment quelques craquements doux à l'oreille en soutenant son poids. La chambre du jeune homme était sobre, élégante, et charmante. Elle ressemblait parfaitement à son propriétaire. Murs blancs, une reproduction d'une peinture de Salvador Dalí ornant l'un deux. Une grande penderie noire laquée dans un coin, un bureau en verre aux pieds noirs en dessous d'une large fenêtre où reposait un simple cadre photo et un cendrier vide. Elle s'approcha de la photo, plissant les yeux. On pouvait y discerner Adam, encadré de trois belles jeunes femmes aux cheveux de jais. Elles avaient toutes les mêmes yeux océans transcendants de l'Adonis.
_ Soit ce sont toutes des conquêtes, soit il s'agit de ses sœurs, murmura Lily-Rose à elle-même, en esquissant un sourire.
Continuant son inspection, elle jeta un coup d’œil distrait à sa bibliothèque, impeccablement rangée, à côté du bureau. Douglas Kennedy, Salinger, Baudelaire, Gustave Flaubert, Schmitt, de beaux ouvrages d'artistes plus ou moins célèbres. Cultivé, en plus de cela. Et avec de bons goûts. La main toujours au visage, elle sortit à pas feutrés de la petite chambre. Elle déboucha sur le salon, qu'elle n'avait pas prit la peine de bien regarder la dernière fois. Spacieux, le salon à lui seul devait faire dans les quarante mètres carrés, soit la taille du studio déjà grand de Lily-Rose. Cette fois-ci encore, la sobriété était de mise. Un grand canapé d'angle en cuir brun chaud face à un écran plasma géant, une table basse en bois, un grand tapis crème tout doux sous les pieds habillant la salle. Elle remarqua également le piano à cordes droit noir contre un mur. Son visage s'alluma à sa vue, s'imaginant Adam, habillé de son beau costume, jouer la Sonate au Clair de Lune. Ses longs doigts parcourant les touches, les traits détendus et perdu dans sa musique.
L'autre bout de la pièce abritait une cuisine américaine, et elle s'imagina de la porte à côté devait être la salle d'eau.
Cet appartement était beau. Propre. Voir même un peu trop. Elle aurait presque aimé tomber sur des journaux pornographiques, juste pour casser le mythe du prédateur chez qui elle avait passé la nuit. Tout semblait parfait.
La paire d'yeux ambrés de Lily-Rose se posèrent sur la grande table en bois, où quelques papiers étaient laissés à l'abandon. Certainement son travail.
Elle n'y porta pas attention. Curieuse, mais pas envahissante. Et puis, ses pupilles furent attirées par autre chose, de bien plus important.
Un mot, laissé à son attention, au même endroit où elle avait abandonné sa carte la dernière fois. En le saisissant, un léger son bienheureux pas franchement intelligible sortit de sa bouche.
Cette nuit fut délicieuse.
Reste autant que tu veux.
Je suis sortis déjeuner avec un collègue, mais je rentre dans l'après-midi.
Ce serait un plaisir de te voir à mon retour.
Adam.
La même écriture calligraphiée à la plume que la dernière fois. Et cette fois-ci, il n'était pas question de jeu. Ni de séduction.
Adam avait juste été gentil.
En se dirigeant vers la salle de bain pour se laver, Lily-Rose cru faire une crise de tachycardie, tant son cœur battait fort.
*
En sortant de la douche, la jeune femme s'enroula dans une grande serviette moelleuse. Elle essora rapidement ses cheveux, les noua en un chignon rapide, puis partit à la quête de son sac à main. Habituée à ne pas réellement savoir où se terminerait ses soirées, elle avait prit le réflexe de constamment mettre quelques affaires de toilette dans son sac, ainsi que des sous-vêtements propres. Aimer le sexe, oui. Garder la crasse de la nuit passée, ça, jamais.
Elle avait abandonné son sac à l'entrée de la chambre. Ou plutôt, balancé négligemment dans le feu de l'action.
Nouveau sourire lorsqu'en fouillant dedans à la recherche de sa trousse de toilette, Lily-Rose se souvint de la fougue dont son partenaire avait fait preuve la veille.
Après son « possèdes-moi » des plus excitants, elle avait fondu sur sa bouche, avide de lui. Elle ignorait un peu comment ils avaient fait pour monter les escaliers et rentrer dans l'appartement, étant donné qu'ils n'avaient pas réellement décollé leurs deux corps du rez-de-chaussé jusqu'au lit. Mais peu importait. Pour reprendre les mots du bellâtre, cette nuit avait été délicieuse.
En allant terminer sa toilette, Lily-Rose se mordit l'intérieur de la joue.
Elle ne comprenait réellement pas ce qui lui arrivait. Être ainsi, dans l'attente d'un homme, ce n'était pas elle. Elle le voulait, Adam, à en crever. C'était certain. Elle le ressentait, là, dans son organe vital. À peine songeait-elle à lui que ce dernier s'agitait inutilement.
Elle avait assez de sang dans le corps, pas besoin de le pomper autant.
Lily-Rose s'assena une gifle mentale. En fixant son reflet, elle ne reconnu pas cette étincelle gisant dans son regard. Ses yeux ambrés brillaient. Étaient dilatés, et ce, même sans aucun acte sexuel.
Putain Lily. Tu nous fais quoi là ?
Elle s'assit sur le rebord de la baignoire, toujours enveloppée dans sa serviette, ses pupilles fixant un point fixe sans but précis.
Ce qu'elle ressentait pour cet homme était bien différent que ce qu'elle avait bien pu interpréter ces dernières années. Était-elle à ce point en manque d'estime de soi ? Se sous-estimait elle autant ? Elle avait l'impression de ne plus se reconnaître.
Ou plutôt de se retrouver. Elle se revoyait, comme une ombre de souvenir, face à Lucas, au lycée. Ce grand blond un peu potelé dont elle était tombée amoureuse. En ce temps, il avait de l’acné, de la ferraille dans les dents, mais de beaux yeux verts en amande. Et à vrai dire, malgré son physique pas franchement convaincant de l'époque, elle le trouvait quand même beau à tomber. Elle s'était souvent dit que, si jamais il ne l'avait pas quitté pour une autre, elle ne serait pas devenue celle qu'elle était aujourd'hui. En tout points. Mais, ce n'était pas forcément une mauvaise chose. Depuis, détestant la loque qu'elle était devenue à la suite de leur séparation, elle s'était reprise en main. Et comme jamais. Elle avait enfin commencé à prendre soin d'elle, s'était tuée dans le travail pour l'oublier, et c'était ainsi que, débutant d'un baccalauréat eu de justesse, elle s'était retrouvée avec un master. Qu'elle avait rencontré Noa et Grégoire à sa faculté. Qu'elle pouvait aujourd'hui se qualifier de vivre une belle vie.
Mais, désormais, avec Adam, elle avait l'impression d'être redevenue cette petite lycéenne frêle et peu sûre d'elle qu'elle avait été jadis. Et, il fallait bien l'avouer, elle n'aimait pas du tout ce sentiment. Elle se sentait faible, et au dépend d'un homme qu'elle venait juste de rencontrer.
Et se sentir dépendante, Lily-Rose, elle aimait pas ça. Elle voulait continuer de jouer. Elle souhaitait plus que tout ne pas se perdre, et garder le peu de contrôle qu'elle avait au fond d'elle.
Se relevant, fixant une ultime fois son visage dans la glace, elle sortit alors de la salle de bain.
En partant, elle écrivit tout de même un mot à l'attention d'Adam sur le verso du papier.
Effectivement, cette soirée fut mémorable.
Je n'ai pas pu rester aujourd'hui, mais pourquoi pas retenter l'expérience un autre jour.
À toi de voir, bonne journée,
Lily.
*
En rentrant chez elle cette après-midi là, un sentiment désagréable pesait sur le cœur de Lily-Rose. Malgré sa décision de retourner dans son antre, elle avait l'impression de porter tout le poids du monde sur ses épaules. Et c'était pas très agréable.
Elle se servit alors un verre de son cher Chardonnay, sortit une cigarette de son paquet, puis s'enroula dans un plaid bien chaud et confortable.
En ouvrant la large fenêtre de son studio et en s'installant en son rebord, la jeune femme se demanda pourquoi elle rendait les choses si compliquées. Parce qu'en réalité, tout ce qui se passait en ce moment dans sa vie était d'une simplicité fulgurante.
Rencontre, sexe, et pourquoi pas à nouveau. Pourtant, si Lily-Rose avait été une machine, elle aurait aisément pu se contenter de ce résumé.
Mais là était le problème.
Lily-Rose était peut-être une femme forte. Une prédatrice. Une femme indépendante et libérée. Une lionne qui contrôlait à la perfection ses sentiments.
Mais, avant tout, Lily-Rose restait humaine.
Et la nature de l'Homme a comme grande capacité de toujours voir les choses de manière compliquée.
Donc, par nature, Lily-Rose se rendait les choses compliquées.
Elle vit son chat trottiner vers elle, sautant quelques toits avant de la rejoindre et de se frotter à ses jambes. Ronronnant avec force, elle lui gratta la tête affectueusement avant qu'il ne s'assoit à ses côtés, faisant sa toilette.
C'était comme une habitude. À chaque fois que la jeune femme s'asseyait au bord de sa fenêtre, les pieds sur le toit, il finissait par la rejoindre, sans pour autant quémander plus d'attention que ça.
Ce qui convenait parfaitement à Lily-Rose. De la simplicité. Une simple présence. Le jeune chat noir ressemblait trait pour trait à sa « maîtresse ». Indépendant, quémandant le minimum vital d'affection, mais présent néanmoins. Et lui aussi, était un grand chasseur, à sa manière.
Lily-Rose ne l'avait jamais nommé. Elle se contentait de petits surnoms, ne jugeant pas nécessaire de lui trouver une appellation spécifique.
Assis côtes à côtes, le chat et la lionne restèrent ainsi un bon moment. Suffisamment pour voir le soleil hivernal se coucher, et pour que Lily-Rose ressente suffisamment l'air froid de décembre pour s'y habituer.
Plus qu'une semaine avant Noël. Elle retournerait voir ses parents en Bretagne pour célébrer cette fête. Puis, se préparerait pour le Nouvel An qu'organisait Grégoire.
Elle prévoyait ça comme une parenthèse à sa vie, un retour aux sources dont elle avait bien besoin. Une manière comme une autre pour s'occuper l'esprit. Pour effacer quelque peu la présence qu'Adam occupait en ce dernier.
La jeune femme prit une longue inspiration avant de rentrer dans son appartement douillé.
En ce dimanche soir, une bonne nuit de sommeil s'imposait.
*
En traversant l'open-space de la maison d'édition, un tout nouveau manuscrit entre ses mains, Lily-Rose se félicita une nouvelle fois d'avoir la chance de pouvoir travailler à domicile. Un simple rendez-vous avec son patron chaque lundi matin pour faire le point, puis la voilà de retour pour une nouvelle traduction à peaufiner chez elle.
Rien qu'à observer toutes ces personnes assises derrières leurs ordinateurs, des bribes de discutions entre collègues en bruit de fond, ainsi qu'une désagréable odeur de désinfectant flottant, elle en avait la nausée. Elle adressa quelques sourires polis à des personnes dont elle ignorait les prénoms, serra quelques mains d'hommes soit-disant hauts placés, puis s'enfuit avec hâte de l'édifice. En ces instants là, pleins d'hypocrisie et de faux semblants, elle avait le sentiment de devenir agoraphobe.
Ses bottines sillonnaient le trottoir, évitant les flaques d'eau, trébuchant de temps à autre. L'appartement de Noa n'était pas bien loin de son travail, et elle avait convenu avec la jeune femme de déjeuner chez elle ce midi. Depuis samedi, elle n'avait pas vraiment eu de nouvelles, et le message pour le moins désespéré reçu ce matin avait quelque peu inquiété Lily-Rose.
« Hey ma belle, tu penses que tu pourrais venir manger à la maison ce midi ? J'ai absolument besoin de te voir. Et d'un bon verre de vin. Tiens-moi au courant, et peut-être à plus tard. »
Bon, désespéré était possiblement légèrement exagéré. Mais le ton n'était pas à la bonne humeur, c'était certain. Il était plausible que le reste de la soirée de Noa se soit mal passé, qu'avec Grégoire ils se soient disputés. Lily-Rose ignorait ce qui avait bien pu se dérouler, et cela l'angoissait. En réalité, elle se faisait un sang d'encre pour son amie. Et, il fallait bien se l'avouer, Lily-Rose voulait également lui parler de sa soirée avec Adam. En définitif, ce déjeuner purement féminin tombait à point nommé.
En gravissant les marches de la petite résidence jusqu'au deuxième étage, Lily-Rose ne put retenir un sourire malgré sa légère angoisse. Elle était réellement heureuse de voir Noa.
Cette dernière lui ouvrit la porte avant même que la jeune femme n'ait le temps de frapper.
_ Lily-Rose ! Tu ne peux imaginer à quel point je suis contente de te voir ! S'exclama-t-elle en l'enlaçant.
_ Un jour, il faudra que tu songes à m'appeler Lily, chère Noa.
_ Jamais. Ton prénom est bien trop beau. Le prénom de chacun, c'est son identité, et t'enlever la tienne serait blasphème, répondit-elle en s'effaçant pour la la laisser pénétrer en son antre.
L'appartement de Noa était lumineux et... Encombré. Un véritable appartement d'artiste. Des toiles jamais réellement finies, des centaines d’œuvres théâtrales ornant ses étagères, et un bordel monstre mais voulu avec des bibelots de toute part. La première fois que Lily-Rose était rentrée dans ce petit deux pièces, le désordre l'avait étonné. Elle s'imaginait Noa comme une femme maniaque et ordonnée, vu comment elle semblait constamment parfaite extérieurement. Puis, en découvrant cette véritable taverne d'Ali Baba, elle avait compris qu'il reflétait parfaitement le personnage. Complexe, riche, et accueillant. Plein de caractère également.
Lily-Rose se laissa tomber sur le gros canapé moelleux, se déchaussa, puis s'assit en tailleur. Elle attendit que Noa revienne de la cuisine, tout en laissant traîner ses yeux sur les quelques tasses de thé vides jonchant le coffre vintage faisant office de table basse.
_ Ma belle, désolée, mais tu vas avoir droit au monologue de la jeune fille désespérée, annonça la grande blonde en arrivant, deux verres de vin rouge à la main.
_ J'espère bien. Grégoire a refusé tes avances, c'est ça ?
_ Bien pire. Laisse moi boire avant de commencer.
Lily-Rose ne put s'empêcher de laisser échapper un léger rire quand elle vu son amie boire le contenu de son verre d'un trait. Puis, repartir quelques secondes dans la cuisine. Pour revenir, la bouteille de vin à la main.
_ Donc, reprenons là où ça a commencé. Ton départ. Donc, tu pars, tout va bien, avec Grégoire on continue à boire un peu trop de verres, on rigole, tout ça. En fait, tout se passe merveilleusement bien. Puis, la fermeture du bar. Jusqu'ici, je n'ai pas trouvé le courage de lui dire quoi que ce soit, et en plus, j'étais réellement atteinte. Trop d'alcool, ça me tuera un jour. Donc bref, il propose de me raccompagner. Le scénario de rêve, tu t'en rends compte ? En même temps, j'habite bien plus près du Rockwood que lui. Mais on est d'accord que c'est absolument à l'exact opposé de son appartement, hein ? Donc moi, en tant que pauvre idiote naïve, je me fais plein de films. Allant du bisou d'au revoir à la nuit torride chez moi. Enfin. Je continue. Donc voilà, on marche, on parle, je ne sais plus trop de quoi, mais je me souviens que j'étais juste contente d'être là. Qu'à un moment, il a passé ses bras autour de mes épaules, et que mon cœur, il a fait une crise de tachycardie tellement que j'en pouvais plus. Et puis, arrive le moment où on se retrouve en bas de ma résidence. Je le remercie de m'avoir raccompagné, et prends mon courage à deux mains en lui proposant de monter.
_ Et il a refusé, la coupa Lily-Rose.
_ Attends, j'ai pas fini, la sermonna Noa avant de reprendre son souffle et en se resservant un verre. Non, il accepte, ou comment me donner encore plus d'espoir.
_ Et donc ?
_ Et donc on monte, on ouvre une bouteille de vin, enfin bref, ce scénario continu jusqu'à bien quatre heures du matin. Et puis là, alors que je lui fais une allusion pas franchement fine, du genre « je suis sûre que Jessica devait adorer être au lit avec toi » -je te rappelle que j'avais franchement trop bu - il rigole et m'embrasse. C'était fou. Tu ne peux pas imaginer les papillons que j'avais dans le ventre. En réalité, je ne lui ai pas lancé de perche, c'est juste venu comme ça. L'alcool aidant, j'imagine.
_ Noa, j'en peux plus, abrège, la pressa Lily-Rose, impatiente de connaître le bout de cette histoire.
_ J'ai presque finis, ne t'en fais pas. Hélas. Enfin bref, on s'embrasse, comme dans les films, mais pas ceux à l'eau de rose, plutôt ceux interdits aux moins de seize ans. Le bisou torride qui te fait frissonner de partout et qui t'excite à mort. On se déshabille au fur et à mesure, et au moment où les choses deviennent intéressantes, soit en sous-vêtements, il se recule, me fuit du regard, et me dit « Excuse-moi Noa, je suis vraiment trop bourré. Je vais rentrer. ». Quand je te disais que l'alcool c'était de la merde, conclut-elle en buvant une longue gorgée de vin.
Lily-Rose en avait la bouche grande ouverte. Dieu, quel imbécile ce Grégoire. La jeune fille comprenait malgré tout son comportement. Qu'il ait des sentiments ou non pour son amie, faire quelque chose risquant leur amitié en étant alcoolisé n'était certainement pas l'idée du siècle.
_ Tu lui as répondu quoi ? Demanda la jeune brune en trempant ses lèvres dans le vin fruité.
_ Quelque chose de débile. J'étais prise au dépourvu, en sous-vêtements, et ma fierté était piquée au vif. Je lui ai dis « Pars, alors ». Rien de plus, soupira Noa en enfouissant son visage dans ses mains.
Prise au dépourvu, Lily-Rose l'était. Face à la démonstration d'abattement dont faisait preuve Noa, elle se retrouvait totalement incapable de faire quoi que ce soit. Devait-elle l'enlacer ? La réconforter ? Cette intimité nouvelle dont elle jouissait avec la jeune femme la décontenançait. Elle n'était pas habituée. Malgré leur proximité, elle se sentait impuissante en cet instant. Noa avait toujours été fière. Belle. Intelligente. Une réelle muse. L'icône de la femme forte et indépendante, cette même idole que Lily-Rose avait toujours secrètement admiré. La voir, ainsi, en cet instant de faiblesse, la perturbait grandement. Comme quoi, même les supers-héros avaient des failles.
Lily-Rose se laissa guider alors par son instinct. Leur relation n'avait pas changé. Elles n'étaient pas ce genre de filles, à se prendre dans les bras, à mentir et à promettre monts et merveilles. Elles étaient des femmes. Ou du moins, elles se croyaient comme telles.
_ Tu sais Noa, je ne pense pas que tu devrais te laisser abattre. En réalité, à part un échange de salive entre deux personnes bourrées, il n'y a rien eu qui compliquerait votre situation. Et il a eu raison de refréner vos ardeurs. Ça prouve que Greg est vraiment un garçon bien. Que, si jamais il attend quelque chose de plus, il veut le faire convenablement. Et, dans le cas contraire, il a fait ce qu'il fallait en se jetant la faute sur lui, mettant ça sur le compte de l'alcool, et ainsi te donner la possibilité de reprendre comme si de rien était avec lui. Si je peux te donner un conseil, tu devrais prendre cet événement comme moteur pour la suite. Obliger Greg à en parler, autour d'un café, et lui avouer ce que tu ressens, affirma Lily-Rose, fixant les pupilles océan qui lui faisaient face.
Noa sembla réfléchir quelques instants. D'un coup, son visage attristé céda place à une moue déterminée. Ses prunelles avaient l'air d'irradier de puissance. Lily-Rose songea que, face à ce regard, si Noa avait été reine, tout un peuple l'aurait suivi dans la mort. Face à cette force, n'importe qui aurait cédé à l'actrice. Et la jeune brune aurait bien été la première.
_ T'as raison. Je ne me laisserais pas démonter. Je vais me battre, comme je l'ai toujours fait.
_ Je suis heureuse de te l'entendre dire.
*
Après un appel à son metteur en scène prétextant une mauvaise grippe, Noa et Lily-Rose passèrent l'après-midi entière à discuter. De tout, de rien, juste entre filles. Comme elles en avaient rarement eu l'occasion. La bouteille de vin fut vite terminée puis remplacée par une nouvelle. Elles en avaient oublié de manger. Mais qu'importe, elles étaient juste joyeuses, et riaient à gorge déployée. Lily-Rose se sentait bien. Entière. Elle ne pensait à rien d'autre qu'au moment présent. Et c'était tellement bon.
_ Au fait, t'as pas vu Adam finalement samedi ! Tu as eu des nouvelles ? Demanda Noa tout en se mettant à croquer son amie sur une feuille vierge.
_ Oui et non. En réalité, au lieu de rentrer chez moi la dernière fois, je me suis rendue chez lui. Et j'y ai à nouveau passé la nuit, avoua l'intéressée en essayant de bouger le moins possible sous l'ordre de la jeune blonde.
Noa leva quelques instants ses yeux de son dessin, le crayon en suspend, la bouche en O.
_ Et tu m'as laissé raconté mes histoires avec Grégoire pendant tout ce temps ? Raconte moi tout ! S'exclama-t-elle.
_ Rien de spécial. J'ai passé la nuit chez lui, et en me réveillant, il m'a laissé un mot expliquant son absence et me proposant de l'attendre. Je suis partie, fin de l'histoire, murmura Lily-Rose en fuyant le regard insistant de son amie.
Aujourd'hui, Lily-Rose regrettait amèrement son choix. Mais, fort heureusement pour elle, Noa sembla s'en apercevoir et ne releva pas. Retournant à son dessin, elle se contenta de clôturer le sujet, le sentant momentanément glissant.
_ Ce sera pour une prochaine fois alors, affirma-t-elle.
_ Je l'espère.
Et, en prononçant cette simple phrase, Lily-Rose fut surprise de sa véracité.
C'était un fait.
Elle espérait plus que tout le revoir.
**
En rentrant chez lui en milieu d'après-midi, Adam ne fut guère surprit de retrouver son appartement vide.
Aucune trace de la jolie brune, mise à part un petit mot à son attention.
En le lisant, il laissa échapper un sourire satisfait.
Il allait réussir à l'avoir, cette lionne. Et cela sera un nouveau défi accomplit.
Il la fera succomber. Comme toutes les autres.
Adam jeta le mot de la jeune femme à la poubelle, sans vergogne.
Ce jeu commençait juste à l'intéresser.
**
J'ai été complètement pris par ton histoire. C'est bien écrit, malgré parfois un peu trop d'emphase, peut-être. C'est intrigant. Et en plus, le personnage masculin s'appelle Adam alors...
Bref, je suis fan. J'ai hâte de lire la suite.
Merci beaucoup pour ton avis, t'imagines pas le plaisir qu'il me procure ! Et puis, chouette, un nouveau lecteur !
T'appellerais-tu Adam par hasard ? Quoi qu'il en soit, je suis heureuse que mon histoire te plaise. Pour ce qui est du surplus d'emphase, oui peut-être, je vais y faire attention, merci de me l'avoir fait remarquer ! Je suis nouvelle pour ce qui est du point de vue externe, et avec la personnalité complexe de Lily-Rose, on va dire que je galère légèrement beaucoup.
Merci encore en tout cas, j'espère que la suite te plairas, je te souhaite une très agréable et journée, et à bientôt peut-être !
A.