Chapitre 4 – Têtards et gélatine

Hélios ?

Encore une fois, Solène n’a même pas l’air inquiète. Pfft ! Sans cœur !

— Je viens d’empêcher mon crapaud de manger des têtards ! je lui réponds néanmoins, plus surpris que choqué.

— Oh, c’est rien ça tu sais, me répond-elle. Ce n’est pas pour rien si les grenouilles en pondent des tonnes. Quelques-uns de plus ou de moins…

— Oui, mais quand même, je n’ai pas envie de manger des bébés moi…

Je suis un peu gêné tout de même. C’est vrai que j’ai lu que ça pouvait arriver, que certaines espèces d’anoures mangent des têtards et même d’autres grenouilles s’ils en ont besoin. Mais tout de même, heureusement que j’ai compris juste à temps ce que ça pouvait être. C’est que je n’ai pas envie de devenir cannibale[1] moi !

Je trouve que ce n’est vraiment pas facile d’être un crapaud. J’ai la peau qui tire, mal au ventre, fais de tout petits bonds, et en plus, je dois faire attention à rester humain dans mon crapaud si je ne veux pas être trop dégoûté une fois de retour dans mon corps.

Solène, j’ai mal au ventre. Les crapauds, ça peut bien manger n’importe quoi ?

— Tu n’as mangé que des insectes ?

— Oui.

— Alors normalement tu ne devrais pas avoir de problème, je ne vois pas comment un insecte pourrait te faire du mal, c’est toi leur prédateur !

Moi non plus. En tous cas, je n’ai rien lu sur le sujet. Alors, je m’inquiète juste pour rien ? J’ai envie de croire Solène.

Continuant de nager pour aller plus loin et sortir enfin de ce grouillement de têtards, je me retrouve soudain au beau milieu d’une masse visqueuse et gluante.

Ah !

— Quoi encore ? me demande aussitôt Solène, blasée.

Ben quoi, ce n’est pas de ma faute si mes cris mentaux m’échappent plus facilement que des cris normaux aujourd’hui !

C’est rien, j’ai juste été surpris par la gélatine dans laquelle je suis en train de nager.

— Je sais ce que c’est ! Je sais ce que c’est ! Se met à crier Solène dans mes oreilles.

— Bah oui, moi aussi j’ai compris hein ? Pas la peine de me casser les oreilles, je grommelle.

La gélatine visqueuse avec des sortes de petits points noirs, c’est une ponte de grenouille.

Afin de sortir du paquet gluant, je plonge dans l’eau, nageant avec une aisance et une facilité déconcertante vraiment géniale, même si je vois encore moins bien qu’à la surface.

— T’es trop lent, monsieur balourd !

Le ricanement de Solène résonne encore dans ma tête lorsque je sens des vibrations toutes proches et vois une forme disparaître au fond du lac, m’ayant dépassé à fond de train. Ah non, c’est pas juste ! Solène nage plus vite que moi !

D’une impulsion, je me propulse également vers le fond de l’eau, essayant d’apercevoir ou de ressentir Solène, mais sans succès. Je ne vois que des filaments bizarres qui ondulent, accrochés aux algues, et que je devine être des œufs.

— Waouh ! Il y en a vraiment partout des œufs, aussi bien à la surface que sous la surface ! je m’exclame avec admiration. Et ceux-là, ce sont les miens ! Enfin, ce sont des œufs de crapauds et pas de grenouilles je veux dire.

— Et il n’y a pas que ça ! lance Solène, que je ne vois toujours pas.

Mais où est-elle donc passée ?

 

*** Informations documentaires ***

Têtard signifie « qui a une grosse tête ».

Les œufs d’anoures se transforment en têtard, puis en crapelet (petite grenouille). Cette transformation leur permet de passer d’un stade totalement aquatique à un stade semi-aquatique.

À noter également que les têtards peuvent se régénérer. S’ils perdent leur queue, ils peuvent la faire repousser (ils perdent cette capacité à l’âge adulte).

 

Les grenouilles pondent généralement leurs œufs en « grappes » (= en tas) à la surface de l’eau, alors que les crapauds le font en « chapelets » (= en ligne), et en profondeur.

De plus, une membrane se forme autour de chaque œuf une fois en contact avec l’eau, ce qui forme une sorte de gélatine. Les œufs se retrouvent donc agglutinés entre eux, leur offrant ainsi une petite protection contre les prédateurs.

Malgré tout, il y a énormément de perte et sur une ponte (2 000 à 10 000 œufs selon les espèces), seuls deux ou trois anoures parviennent à l’âge adulte.
Il est également vrai qu’à part pour quelques espèces, les anoures ne s’occupent généralement pas de leurs bébés.

 

[1] Cannibale = Qui mange un individu de sa propre espèce.

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