Chapitre 4 : Un soleil

Par Camice

Il fait froid, j'ai si froid… 

 

Ariane se réveilla en sursaut, haletante et se releva avec précipitation. 

Son corps tomba à la renverse et elle glissa d'une faible hauteur, se trouvant sur un sol dur et froid, débattant avec une couverture immaculée qui entravait ses mouvements. 

 

Puis elle se figea, elle n’était pas dehors. 

 

Ni blessée, d’ailleurs. Par précaution la jeune fille se mit à palper son corps pour vérifier si elle avait mal quelque part mais rien, elle était comme neuve. La collégienne se trouvait dans une chambre avec de nombreux lits immaculés d'une maison en bois. La lumière du jour rayonnait à travers une unique fenêtre, et faisait son chemin jusqu'à elle.

 

Ariane était seule.

 

Prise d'une grande angoisse, elle regarda sa montre, les aiguilles fines demeurèrent immobiles. Encore, pourquoi ? 

Sa montre avait pourtant le cœur bien accroché, voilà 4 ans qu’il battait sans s’arrêter, elle ne comprenait pas. 

Plus terrible encore, Ariane n'arrivait pas à déterminer combien de temps s'était écoulé depuis sa chute. Impossible de réparer son erreur. Elle ne pouvait que fixer le cadran avec anxiété, priant pour que quelque chose bouge.

Comment allait-elle faire si elle ne savait pas ? Comment se repérer ? Comment je vais -

 

Maï Rose.

 

Où est-elle ?

 

Ariane se leva d'un bond, voulant quitter la chambre vide le plus tôt possible. Elle devait plutôt être un dortoir, composé uniquement de lits blancs simples et de coffres en bois usés. Ils étaient tous soigneusement placés au pied de chaque lit. Pendant un bref instant elle songea à crier le nom de son amie jusqu’à ce qu’elle réponde mais…

 

Elle était dans un endroit inconnu… 

 

N'y aurait-il pas un objet pour se défendre quelque part ?

La jeune fille se mit en quête d'une arme, ouvrant un premier coffre, mais fut très vite déçue en apercevant des tas de vêtements marrons propres. Elle alla fouiller d'autres coffres mais le contenu se révéla être exactement la même chose.

Il n’y avait pas l’ombre d’un objet pour se défendre. A moins d'une pauvre chaise en bois qui trainait contre un mur près de la porte.

Elle leva la tête pour examiner les charpentes de la cabane. Le tout semblait solide mais, pour combien de temps ? Des traces d'usure étaient clairement visibles et certaines poutres présentaient des craquelures sous le poids du toit. On pouvait apercevoir quelques motifs décoratifs pour égayer la structure mais même ces derniers semblaient terne et usés. 

S'approchant d'une fenêtre, elle tenta d'y voir à travers, mais tout ce qu'elle pu apercevoir n’était que des arbres à portée de vue.

 

Une forêt ? 

 

Posant sa main sur la vitre froide, elle ne réalisa qu’à cet instant qu’on l’avait changé. Elle n’avait plus son pull bleu qui s’était déchiré aux manches mais un t-shirt marron, son pantalon, lui, était le sien et intacte si on ignorait les éraflures aux genoux. Qui aurait bien pu la changer ? En remontant ses manches, elle constata avec décontenance que ses blessures avaient disparues, il n’y avait plus rien. Voilà qui explique qu’elle n’avait pas mal.

Non, non, je suis persuadée qu’il y avait du sang. Maï Rose s’en était même inquiétée ! 

 

Il n’y avait finalement qu’une seule explication.

 

Je deviens complètement folle.
 

Sa mémoire commençait progressivement à lui revenir, elle avait sauté de ce château et Maï Rose était restée en sécurité en haut. Elle était donc bien folle. Comment pouvait-elle être encore vivante après une chute pareille ? A moins d’un miracle, elle devait être morte. La folie s’expliquerait, songea-t-elle silencieusement, écoutant les alentours avec attention.

 

Des pas.

 

Ils se rapprochaient rapidement de la cabane, si rapidement qu’Ariane eut à peine le temps de se cacher derrière la porte d'entrée qui s’ouvrit en grand.

Pas un bruit, la vision de la jeune fille était obstruée par la porte, elle n'apercevait pas son futur adversaire, ou que partiellement. Ariane serra les poings en gardant son calme, son cœur se mettant à battre à tout rompre, tendant une main pour récupérer la chaise en bois en guise d’arme de fortune. Sans faire de bruit, elle examina son adversaire qui ne bougeait pas. Il avait une petite taille, un manteau noir, des petites mains, des chaussures noires, avec des petits soleils dessus. Ariane leva la chaise au-dessus de sa tête, prête à l’abattre sur l’inconnu.  Des soleils…

 

''Maï Rose ?''

 

La silhouette eut un sursaut à l'entente du prénom. Sa meilleure amie se retourna en catastrophe.

''Ariane ! Qu'est ce que tu fais là !''

 

Pétrifiée, Ariane ne répondit pas, lâchant la chaise, qui s'abattait au sol dans un fracas, et elle s’écroula par terre, le cœur battant à tout rompre, sans pouvoir s'arrêter. 

''Ariane ça va ? Respire''

 

La jeune fille se mit en boule en tentant de se reprendre, elle avait failli encastrer une chaise dans le crâne de sa meilleure amie. Si elle n'avait pas fait attention, Maï Rose ne serait pas en train de parler, elle serait gisante au sol sans-

 

''Ariane !''

 

Elle sentit deux mains fermes sur ses épaules, l'arrachant à cette image monstrueuse de sa meilleure amie en sang. La remplaçant avec le visage de Maï Rose avec une mine inquiète, sa boucle d'oreille en forme de soleil brillait. Elle lui faisait signe de respirer calmement.

 

''Voilà, tout va bien… Sourit la jeune vietnamienne. Personne n'est blessé, je vais bien !''

 

Ariane sentit un poids se libérer, et se concentra sur sa respiration. Inspirer pendant 4 secondes, retenir pendant 7 secondes, expirer pendant 8 secondes, répéter. 

 

Inspirer, retenir, expirer.

 

4, 7, 8.

 

Répéter. 

 

 

“Tu te souviens quand tu as fugué ?” Souffla Maï Rose tout bas.

Ah elle recommence… se dit Ariane.

“Tu as foncé jusqu'à chez moi et t’es introduite dans la maison ! J’ai eu la peur de ma vie !” Ria son amie.

C’est vrai… Elle avait hurlé si fort que j’ai crié autant qu’elle…

“En même temps qui se faufile silencieusement dans ta chambre à une heure du matin ??”

Moi et puis… C’était quand même amusant…

“Et après on a regardé ensemble des films débiles toute la nuit ! Tu faisais de ces têtes face aux alpinistes”

 

Ariane lâcha un petit rire en repensant au moment où le mari de la protagoniste a glissé et qu’elle avait lâché un cri. Maï Rose l’a embêté avec ça durant des semaines.

Ariane tendit finalement les bras pour enlacer son amie, soulagée. Maï Rose s'assit à côté d'elle, lui faisant un câlin elle aussi avant de finalement rire en tapotant son dos.

 

''Moi aussi j'ai eu peur- Tu es enfin réveillée !''

 

Ariane ne dit rien, rassurée par son amie qui est si proche, en sécurité tant qu'elle est avec elle. Puis quelque chose lui parut étrange. 

 

'' Comment ça ? Questionna Ariane en se reculant pour regarder son accoutrement.

- Ça fait plus de deux jours que tu dors !

- Deux jours ?''

 

Ce qui explique pourquoi son horloge interne était perdue. Ma montre !

 

''Quelle heure est-il ? Ça fait combien de temps exactement ?

- Il est 11 heures je crois. Répondit sa meilleure amie sans questionner sa hâte''

 

Ariane ne se retint pas plus longtemps et modifia l'heure de sa montre afin qu'elle corresponde à celle de son amie. Soupirant de soulagement en entendant son cœur battre. Tic tac. 

 

Rien n'est plus doux que-

 

''On est restées enfermées dans cette cabane pendant un long moment avant qu’ils nous laissent sortir ! On a pas vu grand chose, mais il faut qu'on t'explique ce qui se passe c'est… inconcevable ! ''

 

La jeune fille releva la tête attendant que son amie développe sa pensée. Puis finit par lâcher : 

''Du type, comment as - tu trouvé ce manteau ?''

 

Maï Rose lâcha un petit rire, mais il y avait quelque chose de nerveux à ce rire, trop rapide, pas assez dans le rythme.

''On me l'a donné parce que j'avais pas d'autres vêtements… Mais c'est pas ça le plus important- Tu te rappelles de quoi ?

- Avant de m'être évanouie ? Cette folle qui m'a jetée de la fenêtre-''

 

Elle sentait encore le vent lui fouetter le visage et la panique la prendre au cœur. Le sol lui avait paru si proche à ce moment-là. 

''Oui, c'était la seule solution pour qu'on sorte, je t'ai suivi juste après et une femme a amortie notre chute avec…''

 

Mai Rose cherchait le bon mot.

''Avec de la magie…''

 

De la magie… Son esprit vagabonda sur la possibilité de l'existence d'une telle chose. ''Mais la magie, ça n'existe pas Ariane'' Chuchota une petite voix dans sa tête. Si ce n'en était pas comment expliquer les garçons ailés ? Les anges ? Il devait y avoir une part de vérité là dedans. Elle ne pouvait pas vraiment se permettre de douter après avoir vécu tout ça. 

''Je te crois… Quelle est cette histoire de magie ?

- Eh bien… Commença Maï Rose en tripotant nerveusement son nouveau manteau noir. Il faut croire qu'on se soit retrouvé dans un monde magique…

- … développe ?''

 

La brune pesta un peu et prit Ariane par la main, la tirant à l'extérieur de la petite maison de bois.

Non ! Je ne suis pas en sécurité !

 

Le soleil l'aveugla un instant avant que sa vision ne s'adapte, trébuchant sur les marches de la petite maison. Ils étaient dans une forêt très bien éclairée, le soleil tapait fort et Ariane prit une bouffée de chaleur. D'autres petites maisons en tout point semblables à la sienne et recouvertes de lierre formaient un petit village étrangement calme.

Une fontaine sans eau donnait à cet endroit un air abandonné, laissé pour compte. Pas un bruit aux alentours, ni animaux, ni cris d'enfants d'un après-midi tranquille.

Du coin de l'œil, elle aperçut d'autres personnes étranges qui les regardaient avec méfiance. 

 

Sa gorge se noua de stress, pas encore remise de ses émotions. Elle ne pouvait pas protéger sa meilleure amie si elle était aussi inconsciente tout le temps. Dire qu'elle a survécu deux jours sans elle.

 

''Maï, je ne suis pas sûre que l'on devrait sortir…

- Les gens d'ici ne sont pas… méchants… Mais comme tu peux le voir, on n'est plus au château, on en est même loin !''

 

Ariane tenta d'apercevoir une quelconque structure imposante au-dessus des arbres mais rien. Par contre, une silhouette familière se tenait près des arbres. Aude.

Et en regardant plus haut elle aperçut ce que Maï Rose voulait lui montrer.

Un gigantesque arbre au loin, bien loin d'une taille normale, il semblait faire la taille d'une montagne et de la neige semblait le recouvrir. Il s'effaçait et se mêlait aux peu de nuages.

 

''Qu'est ce-

- L'arbre des fées… Il paraît qu'il y à des petits êtres magiques là-bas… Ça suffit à te convaincre ?

- Mais comment est-ce possible ? fit Ariane en cherchant à se relier au rationnel.

- Je ne sais pas… Je ne suis pas allée demander… Tout ce que je sais c'est que ce monde est magique, qu'on est dans un pays qui s'appelle Norrow…

- Comment tu sais ça ? L'interrompit son amie.

- Sofia… La fille qui- Maï Rose déglutit avant de continuer. Qui s'est battu et nous à sorti du château.''

 

La folle avec aucun sens du danger ? Stressa Ariane intérieurement. Je vais la tuer pour m'avoir fait sauter d'une telle hauteur- Puis elle se demanda pourquoi Maï Rose parlait avec une personne comme elle.
 

''Bref, dans un pays qui s'appelle Norrow qui est, bien évidemment une dictature -

- Quel style ?

- Comme un pays en grosse dictature de ce que j'ai entendu… Et eux ce sont les 'résistants', Eleo et Mike en font partie, c'est pour ça qu'on a été libérées. 

- Qui ça ?''

 

Maï Rose laissa échapper un soupir, mais pas d'exaspération, juste de fatigue.

 

''Les anges qui nous ont secouru. C'est pour eux que la résistance a attaqué et ils nous ont sauvé dans le processus…

- On a juste eu… de la chance…''

 

Être dans la cage à côté de ces anges leur avait sauvé la peau. S'ils n'avaient pas été si proches, elles seraient encore dans le château, à subir on ne saurait quelle torture.

Un frisson lui parcourut le dos, qu'est ce qui leur prouvait que tout cela était la réalité ? On ne peut pas nier la partie magique, mais celle d'une vaillante résistance se battant contre leur Etat en sauvant des inconnus prisonniers ? Leur système ne semblait pas viable.

 

''On est juste bloquées ici jusqu'à ce qu'ils trouvent un moyen de nous ramener chez nous.'' Soupira Maï Rose.

 

Bloquées.

 

Ariane jeta un œil à sa montre. 11h23

Est ce que le temps passé dans un monde magique avait de l'importance ? 

 

''Les autres filles sont là aussi, enfin surtout Aude, vient !''

 

Maï Rose la tira jusqu'à celle-ci. Elle avait changé de sujet de conversation aussi rapidement qu'Ariane désarmait un adversaire. 

 

''Toujours en train de lire ?''

 

La norvégienne releva la tête vers les deux filles, son uniforme orange était toujours impeccable et ses lunettes aux branches vertes miraculeusement saines et sauves. Assise sur un banc près d’une fontaine vidée de son eau et le livre qu'elle tenait était rempli d'écriture incompréhensible, et la couverture était d’un rouge vif et sanglant. 

 

''J'essaie, ce n'est pas facile… Leur écriture ressemble plus à l'arabe qu'à l'Anglais ou le norvégien…

- Personne ne veut t'apprendre ? Demanda Maï Rose.

- Ils sont tous occupés'' 

 

Maï Rose glissa tout bas à son amie :

 

''On s'occupe comme on peut, moi je tente de comprendre ce qui se passe en parlant aux autres, Aude a trouvé des livres et Liz… Rien…

- Rien ?

- Je compte sur toi pour m'aider… Elle s'est enfermée dans un coin et refuse de parler et manger- Je voulais aller lui ramener son déjeuner tout à l'heure

- Maï Rose… Tu es trop…

- S’il te plait ! Supplia son amie, ses yeux remplis d’espoir. Elle va se laisser mourir de faim si on ne lui ramène rien !”

 

Ariane soupira, vaincue par sa plus grande faiblesse. 

 

“D’accord… Mais seulement pour cette fois…

- Ne… ne dit pas ça, on ne va pas rester ici indéfiniment, on va retourner chez nous.” Encouragea Maï en lui tapotant l’épaule.

 

Je l’espère de tout cœur moi aussi. 

S’arrâcher à sa routine lui fait bien des torts, à commencer par ses excès. Maintenant elle était en danger tout le temps et protéger sa meilleure amie allait se révéler fastidieux.

 

Aude émit un toussotement poli.

“Sans vouloir vous déranger…”

 

Ariane releva la tête de sa conversation et fixa Aude longuement. Cette fille, elle cachait quelque chose, elle est trop calme, trop propre sur elle dans une situation où toute personne rationnelle aurait céder à la folie et finit recluse. Pas elle.
Aude continua calmement, mais son regard fixait Maï Rose et pas elle. 

“Je pense que quelqu’un aimerait vous parler.”

 

Maï Rose eut ce visage souriant de celle qui va pouvoir parler et socialiser avec une nouvelle personne, avait de se pétrifier en regardant Aude pointer la personne concernée.

Sofia, la folle qui l’avait fait sauter de ce chateau. Elle avait un grand sourire, des cheveux frisés sauvages mais surtout, deux épées, plus vraies que nature. Une dans chaque main, elle se dirigeait avec précipitation vers les trois filles.

Ariane mit un bras devant Maï Rose pour la faire reculer et fit barrière de son corps. Avant de retrouver une épée sous la gorge.

“On m’a vendu que tu sais te battre fillette !''

 

Sofia fit un sourire qui révéla des crocs acérés.

 

 

''Montre moi''

 


 

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Baladine
Posté le 12/10/2024
Bonjour Camice,
Un chapitre plein de surprises et de rebondissements. L'univers dans lequel se retrouve Ariane commence à s'organiser, même s'il reste toujours des mystères à éclaircir. Je trouve intéressant que le personnage principal soit le plus résistant au fantastique et le plus terre à terre, ça permet de tester la solidité de ce nouveau monde qui prend forme. Je me demande si Sofia est vraiment folle ou si c'est sa manière d'entrainer Ariane et ses amis (enfin, ses camarades) aux inévitables combats qu'elles vont devoir mener. Et si elles se retrouvent embarquées dans une révolte qui ne les concerne pas, qu'est-ce qui va faire qu'une Ariane consente à se mêler des affaires des autres alors que ce n'est pas du tout dans son caractère de faire ça ?
J'ai hâte de voir comment nos personnages vont faire leur chemin.
A bientôt!
Leyslav
Posté le 05/08/2024
Oula... Je confirme Sofia a de sérieux problèmes, jeter Ariane dans le vide puis vouloir se "battre" avec elle alors qu'elle a deux épées c'est pour la tuer !

Je trouve que ce chapitre est plus clair car il explique ce qu'il s'est passé depuis, j'ai mis beaucoup de temps à comprendre car elles changent d'environnement lorsque la montre de Arianne lui joue des tours ( enfin c'est ce que j'ai compris si ça se trouve je suis encore à côté) :)

C'est un plaisir de lire ton histoire ;)

''Les autres filles sont là aussi, enfin surtout Aude, vient !''

le "vient" ce n'est pas avec un "s" dans ce cas ?
Camice
Posté le 28/08/2024
Merci beaucoup !
Sofia est très motivée et aime voir les talents des autres
Bonne lecture !
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