Chapitre 4 : Une mercenaire dans le salon

Par Rouky

Je sentis une légère secousse sur mon épaule, me tirant de mon cauchemar. J’ouvris les yeux avec difficulté.

Les rayons du soleil filtrant dans la chambre me firent aussitôt refermer les paupières, ma rétine brûlée par ce brusque éclat lumineux.

Je grognais en rabattant la couverture sur ma tête.

- Gallant, fit doucement la voix de Thomas. Réveille-toi, Gallant. Il y a une femme pour toi, dans le salon.

- Non, susurrai-je. Je ne veux pas d’une femme...

- Une femme qui t’attend dans le salon. Elle s’est présentée comme “une messagère du Duc”. Je l’ai questionné, mais elle n’a pas voulu m’en dire davantage. Elle est armée, Gallant. Et elle ne veut parler qu’en ta présence. Elle a dit que ça concernait une mésange...

Je bondis de ma couche de fortune, manquant de peu de cogner ma tête contre le menton de Thomas.

- Le Duc ? M’écriai-je.

Je me précipitais vers le cabinet de toilettes sous le regard étonné de Thomas. Tout en lui expliquant ma rencontre de la veille, je me passai de l’eau sur mon visage, m’aspergeai un peu de parfum, et descendit dans le salon en courant, Thomas sur mes talons.

Mon ami n’eut même pas le temps de dire quoi que ce soit.

Là, assise dans un canapé, je vis une femme en chemise et pantalon, les muscles saillants sous le fin tissu. Portant un holster d’épaule, elle était armée de deux revolvers. Je lui aurais volontiers donné la quarantaine.

Les cheveux coupés courts, du maquillage noir cernant ses paupières, elle me jeta à mon arrivée un regard sombre qui me déstabilisa.

- Il était temps, me reprocha-t-elle. Je dois te parler, détective. A toi seul.

Je me tournai vers Thomas. Son visage était pâle, affaibli, mais ses yeux perçants me défiaient de le congédier.

- Non, dis-je en me tournant à nouveau vers notre invitée. Mon associé reste avec moi. Cette affaire le concerne également.

- A ta guise, petit. Je m’appelle Alva Blom. Je travaille pour Swerker. C’est lui qui m’a demandé de venir ici.

- Pourquoi cela ?

- Il veut que je t’accompagne au Manoir des Paridés. Il pense que tu auras besoin d’aide. Ton ami est mal en point, et toi tu as acquis la réputation de ne pas savoir te battre.

- Comment savez-vous que je ne sais-

- Prépare-toi, nous avons un train qui part à neuf heures. Rejoignez-moi à la gare. Ne traînez pas, je déteste attendre.

- Pas besoin d’attendre. Nous sommes prêts.

Je sentis Thomas me tirer par la manche, mais je ne me retournai pas.

Alva Blom se leva, jeta son manteau sur ses épaules.

- Alors allons-y, ordonna-t-elle.

- Euh... Attendez, soupirai-je. Finalement, je dois juste discuter d’une chose ou deux avec mon associé...

Alva leva les yeux au ciel en soupirant.

- Je vous attends dehors...

Elle claqua la porte en sortant.

Je me tournai vers Thomas et, comme je m’y attendais, la colère se lisait sur son visage.

- Ne t’énerve pas, murmurai-je.

- Je ne suis pas énervé.

- Tu m’as tout l’air de l’être...

- Je ne suis pas énervé.

Un ange passa, et il ne cessa de me dévisager.

- Tu es énervé, constatai-je.

- Evidemment que je suis énervé ! Tu rencontres un magnat du crime la veille, et voilà que tu nous traînes aux côtés d’une femme qui empeste la mort à des kilomètres ! Imagine seulement si ce Duc t’as menti, et qu’il veut ta peau !

- Il aurait pu me tuer hier.

- Dans un parc rempli de monde ?

- Quand il est parti, nous n’étions plus que deux.

- Bon, alors partons du principe que ce criminel est notre “allié”, pour le moment. Tu veux quand même te jeter dans la gueule du Vicaire ? Tu as bien vu de quoi il était capable. A cause de lui, la petite Margot est morte, tu l’as déjà oublié ?

- Non, évidemment, grondai-je.

- Alors pourquoi n’as-tu de cesse de te mettre en danger ?

- C’est toi qui, lorsque nous sommes sortis du bureau de Jacques Barnet, m’a demandé pourquoi j’avais lâché l’affaire du Vicaire. Je t’ai dis qu’à moins que ce dossier ne revienne vers nous, je ne m’en occuperai plus. Et voilà qu’il est revenu, en nous offrant des détails et des informations inconnus de la police.

- Justement, parlons-en à la police !

- Tu ne comprends rien ! Barnet nous a déjà révélé que des policiers corrompus et des personnalités haut-placées ne voulaient pas que le Vicaire soit arrêté. Si nous en parlons à la police, ils préviendront ce criminel, et il nous échappera avant même que nous arrivions au Manoir.

Je m’arrêtai, reprenant mon souffle, puis je poursuivis d’une voix adoucie :

- Tu n’as qu’à rester ici. Au moins, je te saurai en sécurité.

Thomas secoua la tête, les lèvres pincées.

- Ce que tu peux être idiot, parfois, marmonna-t-il. Bon, ne faisons pas attendre la tueuse sur notre palier... Il y a un train qui nous attends, non ?

Sans me laisser le temps de répondre, il passa à côté de moi.

Je le suivis, et nous rejoignîmes Alva Blom.

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