Palais de la mer éternelle, Citée d'Ys - Brocéliande
Morgane s’éveilla et contempla à la lumière du jour la somptueuse suite où elle et Bryn avaient passé la nuit. Un mélange du parfum naturel de son Ceffyl Dwr et d'une fraîcheur marine flottait dans l'air du quartier résidentiel du Palais, et ils se préparèrent avec nonchalance en vue de leur audience avec la Reine Dahut.
Souriant à l’homme qui l’avait convaincue d’envisager une relation sérieuse en l’espace d’à peine quelques jours, Morgane débrancha sa batterie de secours et s’assura que son ordinateur était opérationnel.
Une fois leur déjeuner pris et leurs tenues typiques brocéliandaises enfilées, Eilidh, leur guide sylvestre aux cheveux argentés, vint les chercher.
Un léger stress envahit Morgane, lui permettant de se mettre en condition et d’organiser ses pensées en vue de les présenter, alors qu'ils traversaient le palais jusqu'à arriver à la salle du trône ; une grande arche sans porte marquait l’entrée, laissant passer des créatures dont certaines frisaient les quatre mètres.
La pièce était monumentale, elle n'arrivait pas à en saisir l'entièreté en un regard alors qu'ils s'engageaient dans l'allée centrale. Une sensation de profonde connexion avec la nature l'enveloppa, ses doigts la picotaient et son souffle grandissait comme si un poids s'était levé de sa poitrine.
La salle était un chef-d'œuvre architectural où des murs de pierre blanche et d'autres marbrés arboraient des motifs complexes qui évoquaient des lianes, des algues et des créatures marines en tout genre. Ces motifs semblaient s'animer en réaction à la lumière qui pénétrait par de grandes fenêtres en arc, laissant filtrer une douce lueur dorée.
Des bassins avec fontaines tout en longueur longeait les flancs de l'allée et des fées, ondins ou des êtres qu'elle ne connaissait pas s'y baignaient ou jouaient avec l'eau.
Plus ils avançaient, plus la style de la salle changeait, dans la seconde section, la nature prédominait, des sculptures de bois et des lianes rampaient sur les murs. Des végétaux, de la mousse basse, à l'arbre majestueux en passant par le buisson de fleurs parfumées les faisaient évoluer dans une sorte de serre. Des oiseaux, fées et créatures plus ou moins humanoïdes ainsi que des korrigans se suspendaient aux branches, mangeaient des fruits qui y poussaient, chantaient de leur sifflement harmonieux. C'était presque trop pour Morgane qui serra plus fort la main de Bryn.
Eilidh, la femme arbre glissait sur le sol avec aisance et ses cheveux scintillants semblaient animer par un vent invisible. Elle se stoppa à la sortie de la « forêt » alors que la salle s'ouvrait plus largement sur une coupole baignée de lumière.
La sylvestre se redressa, annonçant d'une voix harmonieuse.
— Bryn McAllister, citoyen d'Avalorn et Morgane Meyer, sa compagne.
Ses bras s'étendirent vers les deux visiteurs, les invitant à la suivre. Immédiatement, l'atmosphère changea. Les êtres mystiques qui vaquaient à leurs occupations s'arrêtèrent pour venir observer, curieux. Elle prit le temps de regarder autour d'elle : les murs étaient cette fois purement minéraux, des pierres taillées veinées de métal travaillé avec délicatesse.
Ils avancèrent jusqu'au centre de la pièce, où un trône majestueux, vide, était placé. C'était le mélange parfait entre la roche, le bois sculpté et le métal forgé en de riches motifs marins, terrestres et végétaux, mettant en avant la beauté de chaque règne et rehaussé de pierres précieuses qui semblaient avoir poussé là, vacillant d'une douce lumière comme vivantes.
Une assemblée se réunis autour du trône, certains ayant du mal à cacher leur excitation comme les korrigans ou certaines fées qui virevoltaient encore, d'autres plus solennels se saluaient de mouvements de têtes gracieux.
Des femmes et hommes ailés arrivèrent à pied ou en volant et une procession composée de gardes elfiques en armure légère pénétra dans la salle par l'arrière.
Un loup garou annonça d'une voix vibrante l'arrivée d'une magnifique femme brune à la beauté elfique qui évoluait avec grâce et dignité jusqu'au trône où elle s'installa :
— Reine Dahut, souveraine de Brocéliande.
Elle avait des cheveux d'un noir de jais, animés d’une brillance éthérée. Sa peau était d'une pâleur diaphane contrastant avec ses lèvres rouges comme une rose épanouie. Sa silhouette était gracieuse et longiligne, évoquant la finesse des nymphes des forêts. Elle se tenait avec une dignité royale, le regard empreint d'une profonde sagesse, souriant à l'assemblée pour finalement fixer son regard sur Morgane et Bryn.
— Bienvenue à Brocéliande Bryn et Morgane citoyens d'Avalorn.
Morgane se sentit intimidée par sa présence, elle décida de prendre sa voix la plus calme et vibrante, celle qu'elle prenait lors de réunions ou d'interviews importantes.
— Merci de nous accueillir Reine Dahut, souveraine de Brocéliande.
Les yeux de la Reine s'écarquillèrent légèrement et elle jeta un bref regard à Eilidh qui hocha la tête silencieusement. Puis alors que Bryn remerciait à son tour la Reine, le loup garou qui était à sa droite s'approcha d'elle, souriant de sa large gueule.
— Pourriez-vous me confier votre médaillon ?
Morgane s'exécuta et il rapporta celui-ci à la Reine qui le pris entre ses doigts pour l'observer un instant avant de lui rendre satisfaite.
« Ils ne plaisantent pas avec les contrôles de sécurités ici» se dit-elle.
— J'ai bien reçue votre missive et vous autorise à circuler librement sur le territoire. Vous pouvez expliquer à l'assemblée vos découvertes afin de mettre chacun à contribution. Tous sont tenus à conserver le silence en dehors de ces murs.
Bryn commença à parler de ses inquiétudes et des migrations marines inhabituelles.
— Une exploration des fonds marins le long de la faille « Seirvor » pourrait nous en apprendre plus.
La Reine hocha la tête en signe d'accord et Morgane enchaina avec ses trouvailles : les troubles climatiques, les tremblements de terre, puis les disparitions multiples sur Terre près de la forêt de Brocéliande. Elle en rajouta une couche disant s'inquiéter de la position du royaume quant au sort des humains alors qu'ils les avaient implicitement bannis en fermant les frontières.
Certains dans l'assemblée poussèrent de sifflements de désapprobation que la Reine fit taire.
— Je comprends votre inquiétude et sachez que les humains retrouvés sont en parfaite sécurité. Votre expertise sera indispensable pour stopper ce phénomène durablement. (S'adressant à l'assemblée) Tout humain retrouvé non accompagné devra être immédiatement amené au domaine Coedwig sous la responsabilité du clan Pennel, afin d'éviter des pertes ou une panique de la population. Je profite également de cette rencontre pour vous annoncer officiellement notre souhait de rediscuter l’ouverture de nos frontières. En tant que voisins de notre royaume, Avalorn pourrait faire partie des pays avec lesquels nous pourrions tisser des liens. Gardez cela en mémoire. Maintenant, je vais m'entretenir en privé avec nos hôtes. Merci à tous pour votre présence.
La reine se leva sans plus de cérémonie alors que l'assemblée se dispersait en discutant bruyamment. Ils ne semblaient pas surpris par l'annonce de la Reine ce qui signifiait que tous étaient au courant et que l'annonce était surtout à son attention, ainsi que Bryn en tant que citoyen d'un pays voisin.
Eilidh pris congé et le loup garou les escorta jusqu'à un petit salon en dehors de la salle du trône. C'était comme un jardin intérieur avec des lianes croulant sous les fruits, une table ronde prônant en son centre. La Reine sembla s'adresser silencieusement au loup avant qu'il ne s'éclipse, les laissant seuls à trois.
— Reine Dahut, de quoi souhaitez-vous discuter en privé ? commença Bryn, tenant Morgane par la taille comme si c’était le geste le plus naturel au monde.
— Vous êtes bien enflammé pour un Ceffyl Dwr... J'avoue avoir cru à une supercherie en lisant la missive, mais votre attitude confirme vos dires, vous êtes vraiment son compagnon.
— Pourquoi nous avoir accueilli si vous pensiez que nous mentions ? Repris Morgane.
La Reine écarquilla légèrement les yeux et se mis à rire.
— Si vous aviez été totalement humaine, je n'aurai pas accepté si facilement.
Morgane se figea, sentant un frisson la parcourir, elle repensa à son sang, au médaillon et la réaction de la Reine.
— Il y a quelques choses dans mon sang... chuchota Morgane en serrant la main de Bryn.
— Avez-vous déjà entendu parler des Rå ?
Bryn réagis et sembla comprendre la question de la Reine.
— Non..., répondit Morgane, crispant légèrement sa main sur le bras du Ceffyl Dŵr.
— C'est un peuple aquatique originaire du nord qui ressemble aux sirènes occidentales, susurra Bryn à l'attention de sa compagne.
— Votre sang contient des traces de ce peuple et j'ai eu confirmation que ce n'était pas une dilution lointaine lorsque vous avez pris la parole tout à l'heure.
— Il y a quelque chose dans ma voix ? Si j'ai des ancêtres sirènes, est-ce qu'il y a des vibrations particulières ?
— Effectivement ! J'aime votre vivacité d'esprit ! Si vous n'aviez pas déjà votre Ceffyl Dwr, je vous aurais convaincu de devenir un sujet de mon royaume.
— Je ne choisirais pas d'autre compagnon... Mais merci pour le compliment.
La Reine fit un sourire énigmatique tandis que Bryn fronçait les sourcils. Morgane lui caressa discrètement l’avant-bras pour le calmer ; il avait très mal pris qu'elle propose implicitement de lui faire rencontrer quelqu'un de son territoire.
La porte s'ouvrit et le loup garou qui était avec la Reine entra de nouveau, suivit de deux créatures semblables à Eilidh et un être ondin dont la pupille apparaissait bleu sombre changeant.
Ils s'installèrent eux aussi autour de la table et ils se présentèrent.
Ivinus, l'homme-arbre qui semblait plus âgé, était un Sylvestre, un esprit des arbres, spécialiste des énergies vibratoires. Yspaden, l’autre Sylvestre, s'occupait de recenser la population. Olvath, l'ondin qui la fixait avec intensité, connaissait bien toute la zone côtière et servait d'intermédiaire avec le gardien Calys, qui était occupé. Puis, le garou prit l’apparence d'un bel homme brun et s'installa derrière la Reine, se présentant comme Niall, son gardien principal, appartenant à l’espèce des Bugul Noz.
— Donc, voici une cartographie des disparitions sur Terre dont j'ai eu vent, ainsi que des événements climatiques observés ! reprit Morgane en montrant son écran d’ordinateur. Yspaden, si vous pouvez comparer avec les humains apparus en Brocéliande, cela pourrait donner des indices sur les zones à risques.
— Nous avons commencés à regrouper ces informations à la demande de la Reine et d'incidents rencontrés parmi les Brocéliandins, répliqua Ivinus.
Niall et la Reine semblaient de nouveau communiquer et il partit quelques instants plus tard, en pleine discussion. Morgane en était certaine, la Reine et le Bugul Noz communiquaient par télépathie.
Après une bonne heure de travail en recoupant leurs documents, ils avaient représenté sur une carte du royaume de grandes failles traversant tout le pays. La Reine semblait préoccupée et Bryn soupira en aidant Morgane à se lever, foudroyant Olvath du regard car il s'était penché pour le faire.
Elle sentait que leurs recherches n’en étaient qu'à leur commencement et deux questions restaient en suspens : pourquoi la barrière entre leurs mondes s'était fracturée à ce point et comment juguler cette montée d'énergie magique qui créaient plein d'incidents en Brocéliande le long de failles ?
Il semble qu'elle va jouer un rôle quelque peu politique dans les relations entre les mondes. Ce qui me fait penser autant des humains peuvent "tomber" dans ce monde, arriverait-il que des Brocélandins puissent accidentellement "monter" dans le monde humain et y rester coincés? Cela a-t-il été le cas de l'ancêtre sirène de Morgane?
Je continue à répondre à tes messages au fur et à mesure de la réécriture des chapitres.
Effectivement, il y a la révélation de ses origines qui viennent de son père. J'ai semé des indices : son "lien" avec l'élément eau, le fait qu'elle ressente l'appel de la mer, sa voix particulière qui lui permet d'agir sur les émotions des gens, ou encore son père qui ne pouvait pas rester en France car il ne pouvait plus s'éloigner de son pays à cause de ses racines.
Oui, tes suppositions sont bonnes. La grand-mère de Morgane est une Rå et a rencontré son grand-père, marin, dans le nord. Elle a abandonné son fils qui ne pouvait pas la rejoindre en mer.