Chapitre 40 : Hans

Par Zoju
Notes de l’auteur : J'aimerais beaucoup avoir votre avis sur ce chapitre et savoir s'il vous semble naturel. Je vous souhaite une bonne lecture. :-) Modifié le 06/11/20 J'ai réécrit le chapitre, mais ce qui s'y passe en la même chose que dans la précédente version.

Je prends appui sur mes bras pour essayer de me redresser. La douleur dans mon dos me fait vite renoncer. Je grimace lorsque je retrouve ma position initiale. Les infirmiers auraient pu mieux m’installer, pesté-je. Quelqu’un pénètre dans la pièce. Je tourne la tête vers la porte de ma chambre. M’attendant à trouver Vincent, je suis surpris de découvrir Nikolaï à la place. Je croise le regard de mon ainé et ne peux m’empêcher de constater qu’il a une mine affreuse. Il est rare que mon frère se néglige à ce point. La culpabilité m’envahit. J’ignore ce qui est arrivé après que je me suis évanoui, Vincent a refusé de me répondre, mais une chose est sûre, si Nikolaï est dans cet état, j’ai ma part de responsabilité. Je n’ai pas le temps de déchiffrer son expression qu’il s’avance vers moi. L’instant d’après, il me serre contre lui. Mes bras passent d’eux-mêmes autour de la taille de mon grand-frère.

- C’est bon de te voir en vie, Hans.

Sa voix tremble légèrement. Mes doigts s’agrippent à la veste de son uniforme alors que je retiens tant bien que mal les larmes qui me montent aux yeux. J’ai bien conscience de la chance que j’ai eue. 

- Ne me refais plus jamais un coup pareil, me murmure-t-il. J’ai déjà perdu une sœur. Je refuse que cela soit également ton cas.

- Je suis désolé, Nikolaï, articulé-je. J’aurais dû faire plus attention.

Mon interlocuteur s’écarte.

- Ça, tu peux l’être ! me rétorque-t-il un peu brusquement, puis il se radoucit et un sourire apparait enfin sur ses lèvres. Mais le plus important est que tu sois tiré d’affaire.

Il empoigne une chaise et s’assoit à mes côtés. Son visage a retrouvé une certaine gravité lorsqu’il poursuit :

- Et sinon, comment te sens-tu ?

- J’ai connu des jours meilleurs, toutefois cela aurait pu être pire.

- Tu m’étonnes. C’est normal après avoir reçu trois balles.

- Je sais, Vincent m’a expliqué.

Je ne rajoute rien sur le fait qu’il a aussi été très clair : cela aurait pu être plus préoccupant si ma colonne vertébrale avait été touchée. Je m’en sors plutôt bien. Mon frère se laisse aller contre le dossier de son siège et semble se détendre quelque peu.

- Quand penses-tu pouvoir quitter l’hôpital ?

- Je l’ignore. On ne m’a encore rien dit, mais une chose est sûre, ce n’est pas pour tout de suite.

- Tu dois te reposer.

Le silence est de nouveau revenu. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression qu’il y a un certain malaise. Je décide d’aborder le sujet qui me brule les lèvres :

- Au fait comment s’est terminé le combat ? Vincent a refusé de me le dire.

- Retraite, se contente de répondre mon frère avant de rajouter. Avec Elena…

À la mention de la jeune femme, je me redresse violemment avant de retenir une grimace de douleur du fait de ma réaction trop brutale. Cela n’échappe pas à mon interlocuteur.

- Doucement, Hans ! s’exclame-t-il. Qu’est-ce qui t’arrive tout à coup ?

La dernière scène avant que je prenne les balles repasse en boucle dans ma tête. Si j’ai fait barrière, c’est justement pour que ma collègue soit épargnée. Les battements de mon cœur s’accélèrent et désormais j’appréhende de plus en plus de connaitre la vérité.

- Comment va Elena ? lâché-je finalement dans un souffle.

Mes mains moites s’enfoncent dans le matelas de mon lit, alors que je suis suspendu à ce que mon ainé va me dire. Je crains déjà le pire. Le silence s’étend avant que mon frère me réponde d’une voix que je trouve quelque peu instable :

- Je l’ai retrouvée à tes côtés sur le champ de bataille, m’apprend-il. Elle m’a rapidement expliqué ce qui s’était passé. Je voyais bien qu’elle avait dû mal à se calmer. J’ai donc pris le commandement et j’ai ordonné la retraite.

- Et Luna ? Que faisait-elle ? m’enquiers-je en m’étonnant qu’il ne l’ait toujours pas mentionnée.

Nikolaï fixe un point derrière moi et parait ignorer ma question lorsqu’il continue :

- Elena va bien. Elle n’a rien eu. Un peu chamboulée, mais vivante. Elle viendra sans doute plus tard.

Le soulagement me gagne, toutefois je réitère ma demande sur mon amie :

- Et Luna, Nikolaï ?

Celui-ci croise enfin mon regard. Ses mains se contractent sur ses genoux. Cela me confirme qu’il s’est passé quelque chose d’anormal. Mon frère reste muet. J’insiste, mais ce n’est qu’après une longue attente qu’il lâche finalement la voix brisée :  

- Hans, Luna est morte.

Il me faut un certain temps pour que l’information atteigne mon cerveau et même quand j’ai retrouvé la parole, je n’arrive qu’à demander :

- Comment ?

- Elle est tombée de la falaise. Elena l’a vue.

Je passe une main sur mon front tout en fermant les yeux. Les évènements s’emboitent dans mon esprit. Cela devait être pour ça qu’Elena était paralysée durant le combat. Rien d’étonnant, après qu’elle a assisté, impuissante, à la mort de sa sœur. Je serre les poings alors qu’un mélange de tristesse et de culpabilité émerge en moi. Je regarde mon frère. Il a baissé le menton dans l’espoir de cacher les émotions qui le traversent. Je sais à quel point il ne supporte pas d’inquiéter les autres, quand bien même, il obtient tout l’inverse. Je me rends bien vite compte qu’il y arrive à grande peine. Il me suffit de voir les soubresauts qui se sont emparés de son corps pour comprendre qu’il est à deux doigts de s’effondrer. Soudain, il relève son visage et je ne peux constater, amer, qu’il a retrouvé son impassibilité. Je me redresse délicatement cette fois-ci et pose ma main sur la sienne.

- Nikolaï, pour Luna, je suis désolé. C’est moi qui ai proposé ce plan. Si nous étions restés groupés, elle serait peut-être encore vivante.

Il secoue la tête avant d’affirmer :

- Ce n’est pas ta faute. Personne ne pouvait savoir que cela allait tourner aussi mal.

- C’est sans doute vrai, mais je m’en veux.

- Tu n’as pas à l’être.

- Comment s’est passée l’autre mission ?

- Même échec. Le camp était piégé.

- Si je comprends bien, nous avons échoué, soupiré-je.

- J’en ai bien peur.

Mon frère se lève. Cette discussion lui coûte plus qu’il ne veut l’admettre. J’aimerais le retenir. Il n’est jamais bon de garder ce genre de poids pour soi, mais je n’ignore pas que Nikolaï ne fera que détourner mes questions. Je le connais assez pour savoir que, pour l’instant, il préfère se taire. Et puis, cela se termine toujours de manière similaire lorsque nous ne sommes pas d’accord. Nous nous engueulons jusqu’à ce que l’un de nous deux parte. Honnêtement, aujourd’hui, je n’ai ni la force ni l’envie de me fâcher avec mon ainé. Comme pour Elena, même si je dois avouer qu’avec elle je n’ai pas été des plus subtils, j’attendrai qu’il soit prêt à m’en parler.

- Je vais te laisser te reposer, me dit-il. Si tu as besoin de quelque chose, n’hésite pas à m’appeler.

Un coin de ma lèvre monte vers le haut.

- Merci et retiens bien que cela vaut pour toi aussi. Si tu as besoin de vider ton sac, je serai là.

Il n’y a que ça que je puisse lui proposer. Il hoche la tête.

- Je n’y manquerai pas. Merci, frérot.

Il s’éloigne. Toutefois, avant qu’il ne quitte la pièce, je l’interpelle :

- Nikolaï.

- Quoi ?

- Si jamais tu vois Elena, dis-lui qu’elle ne doit pas se sentir obligée de venir.

- Pourquoi ? demande-t-il, sceptique.  

- Elle a sans doute d’autres préoccupations.

Il fronce les sourcils puis me répond :

- Si c’est ce que tu souhaites.

C’est un vœu égoïste, mais j’ai besoin de temps pour mettre de l’ordre dans mes idées. Il y a plusieurs mois quand Elena n’était qu’une collègue que je détestais, j’ignore si j’aurais agi pour elle de cette manière. J’aurais beau le nier, ce que j’ai accompli n’est ni plus ni moins qu’un sacrifice. J’ai fait passer sa vie avant la mienne. Je repense à la demande de Vincent lorsque la jeune femme était revenue de sa mission avec Tellin. Que représente-t-elle pour toi ? Cela ne remonte qu’à quelques jours et, sur le coup, j’avais répondu qu’elle était une collègue que je commençais à apprécier. Mais depuis mon réveil, je doute. La seule certitude que j’ai est que je ne voulais pas la perdre. Je reporte mon attention sur Nikolaï qui semble attendre une confirmation de ma part. Pour toute réaction, j’opine du menton. Sur ce, il me salue. Toutefois, au moment où il ouvre la porte, il sourit et s’exclame :

- Tu as pu venir. Entre, j’allais partir !

Pendant un instant rien ne se passe, mis à part que je perçois un juron rapidement étouffé. D’un coup de tête, mon frère invite la personne à l’extérieur à pénétrer dans la pièce. Il s’écarte pour laisser entrer Elena. Un dernier signe de la main et Nikolaï disparait en claquant la porte derrière lui.

 

J’observe la nouvelle arrivée et retiens la grimace qui ne demande qu’à apparaitre. C’est bien ma veine, moi qui espérais avoir du temps avant cette rencontre ! Pourtant, la voir vivante devant moi me réchauffe quelque peu et malgré mes craintes, je dois reconnaitre que j’éprouve une certaine joie. Joie qui s’atténue instantanément quand je prends la peine de la détailler des yeux. Comme Nikolaï, Elena ne semble pas avoir eu beaucoup de repos ces derniers jours et ses cheveux décoiffés soulignent davantage la fatigue qui lui pèse. Je croise son regard une fraction de seconde avant qu’elle ne détourne son visage. Je retrouve dans son expression sa froideur habituelle. Toutefois, alors qu’elle enroule une mèche de cheveux autour de son doigt, j’ai l’impression qu’un fin sourire se dessine sur ses lèvres. Néanmoins, je serais bien incapable de le certifier. Le malaise entre nous est palpable. Aucun de nous n’ose faire le premier pas. Après avoir dégluti, je décide de me lancer :

- Salut !

J’en veux à ma voix d’être à ce point hésitante.

- Salut, me répond mécaniquement mon interlocutrice.

- Tu vas bien ?

- Oui, et toi ?

- Aussi.

Elle a mis ses mains derrière le dos et se balance d’un pied sur l’autre. J’ai l’impression que nous sommes tous les deux très gênés par la situation.

- J’ai appris pour Luna. Je suis désolé, déclaré-je, sincèrement.

Elle cesse son balancement.

- C’est dur, mais on s’y fera, me répond-elle avec un pauvre sourire.

- Il le faut bien.

Je me gratte l’arrière du crâne tandis que le silence s’empare une nouvelle fois du lieu. Elena me surprend en déclarant :

- Je suis contente que tu ailles mieux, Hans.

C’est rare qu’elle exprime ce genre de pensée à voix haute. Le poids dans ma poitrine semble s’alourdir.

- Je suis désolé de vous avoir inquiété, toi, Nikolaï et même Vincent. Si j’avais été plus prudent…

Pendant que je lui parle, je fixe la petite fenêtre dans la pièce qui donne sur l’extérieur. Je n’ai pas la force de soutenir son regard. J’ignore ce que j’y verrais, mais la crainte d’y déceler une quelconque vérité me paralyse. Je m’interromps lorsque je sens des doigts froids se poser sur le dos de ma main. Je m’arrache à la contemplation du ciel pour porter mon attention sur ma collègue. C’est la première fois qu’elle s’approche de sa propre initiative.

- Tu n’as pas à t’excuser, Hans, murmure-t-elle. Ce serait plutôt à moi de...

Elle se tait avant de poursuivre :

- Je te dois la vie.

Son ton assuré contraste avec ses yeux brillants qui clignent plus qu’il ne faudrait. Je ne regrette pas mon geste et, pourtant, en me rendant compte à quel point elle s’est inquiétée, je m’en veux. Puis comme l’abruti que je suis, je fais la première chose qui me passe par la tête. Je retourne ma main pour serrer la sienne, avant de la porter à mes lèvres. Elena la retire vivement. Elle qui est souvent relativement pâle a viré écarlate.

- Je… Je vais te laisser, bafouille-t-elle. Re… Repose-toi bien.

Je n’ai pas le temps de la retenir qu’elle est déjà partie. J’appuie mes paumes sur mon front et la honte m’envahit. Mais qu’est-ce qui m’a pris ?

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Sklaërenn
Posté le 16/01/2021
Il se passe que tu pince pour elle mon gars :D Bon sinon, je m'attendais à ce que ça tourne au vinaigre au camp, j'ai quelques noms en tête, mais que des suppositions. À voir par la suite. Je ne m'attendais pas à la chute de Luna qui impliquerait sa mort ( ce dont je doute ), ça explique son comportement plus présent avec Elena avant l'assaut. Cela dit, en repensant à ça, ça fait vachement chelou, comme si elle savait ou comme si c'était prévu. Bizarre bizarre. ( ou je me gourre complètement et c'est totalement possible XD )
annececile
Posté le 18/05/2020
En reponse a ta question preliminaire, oui, ce chapitre me semble naturel, et les dialogues sont bien menes. Mais la declaration de Hans semble precoce alors qu'il sort juste de son coma. On se dit qu'il realise peut-etre que la vie est courte et tient a peu de choses donc il se precipite pour etre sur qu'Elena connaisse ses sentiments. Il sait qu'une autre bataille est sans doute imminente. A mon avis, il faudrait integrer une explication de ce genre (ou tout a fait autre chose) pour justifier ce tournant si rapide vers une telle declaration.
"J’ai déjà perdu Anna" : je suggere a la place "j'ai deja perdu une soeur" car les prenoms Anna et Luna sont proches et pendant un instant, on se demande de laquelle des deux il parle.
"...qu’il a aussi été très clair que je suis passé à deux de doigt de plus pouvoir bouger les jambes si ma colonne avait été touchée..." : une phrase complexe, peut-etre a simplifier? "il a ete clair que j'ai failli etre paralyse. La balle est passee si pres de la colonne vertebrale." ?
"Luna l’a finalement donné." : donne l'ordre? ou "l'a finalment donne, cet ordre"
"Elena et elle ?" : je me suis demande s'il voulait dire : Elena et elle, elle voulant dire Luna. Peut-etre ajouter de la ponctuation? "Elena.... Et elle? Elle est vivante?"
"J’ai réagi inconsciemment et je remarque à la grimace que fait Nikolaï que je l’ai blessé en oubliant si vite Luna" : c'est une reaction instinctive plutot inconsciente. Nikolai est blesse qu'il passe si vite a un autre sujet, ce n'est pas vraiment un oubli, me semble-t-il?
"Je sais, mais je culpabilise." C'est parfaitement correcte, mais ca me fait un effet bizarre. Je verrais plus ce jeune homme actif dire "je m'en veux."
"Je ne veux pas la dérange." derangeR. La aussi, une phrase qui me donne une impression bizarre. Dans les circonstances ou ils sont, il ne s'agit pas d'un derangement, une notion qui appartient a la vie "normale". Je l'imagine plutot dire qqchose comme "Elle a deja tellement passe de temps dans cet hopital... il est plein de mauvais souvenirs pour elle".
"Attend S"
"Tu n’as pas une idée de la réponse." ce n'est pas tres clair, j'ai du relire et voir qui parlait pour saisir, peut etre quelque chose comme "tu ne devines pas la reponse?"
J'ai hate de lire la suite, bon courage!
Zoju
Posté le 18/05/2020
Merci pour ce long commentaire ! Concernant les sentiments d'Hans, tu rejoins l'avis d'une amie qui m'avait fait aussi cette remarque. En me disant que c'était très soudain chez Hans. Je suis toujours en train de chercher la solution pour mieux l'apporter. Je vais creuser ton idée. Toutefois, je suis contente que le chapitre te parait naturel. J'aime beaucoup ce chapitre, mais c'est aussi un que j'ai du mal à écrire. Pour les tournures de phrases, je vais changer ça, car il y en a que tu as mentionné qui ne convenait pas. Encore merci de continuer à me lire. La suite arrive très vite. :-)
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