Chapitre 40 - Jack

Par Keina

C’était… impensable. Inconcevable. Inimaginable.

Ianto Jones était mort, Jack en avait assez souffert, il s’était suffisamment lamenté de cette mort inepte et injuste. Lui annoncer cela, c’était comme le plonger à nouveau dans les affres du deuil, lui faire revivre sa douleur, son désarroi.

Malgré tout, et parce que c’était Martha, il la suivit jusqu’à Cardiff. Pendant le trajet, elle lui révéla tout ce qu’elle savait.

Ils venaient d’un autre monde, un univers parallèle. Peut-être l’univers de Pete ? pensa Jack, et il fit la remarque tout haut, même s’il savait que tout ce qui évoquait Rose Tyler, la précédente compagne du Docteur, celle que Martha n’avait jamais pu – jamais su – remplacer dans les deux coeurs du Seigneur du Temps, la rendait, de façon compréhensible, légèrement nerveuse. Les mains braquées sur le volant, et les yeux résolument fixés sur la route, elle secoua la tête.

— Non, pas que je sache. Ce monde s'appelle le Royaume Caché, et ils ont pu atterrir chez nous grâce à un trou entre les univers qu’ils nomment le Passage. Je ne pourrais pas t’en dire plus, sinon qu’à ce qu’ils disent, le Docteur est au courant. Il leur a demandé de n’ouvrir le Passage vers notre monde qu’en cas d’extrême urgence, et de l’avertir aussitôt par le biais de l’UNIT.

— Et ce… Ianto Jones, il viendrait de leur monde, c’est ça ?

Martha acquiesça.

— Ils sont venus à son secours, c’est tout ce que je sais à ce stade. UNIT a établi un quartier général près de Cardiff Bay, et ces gens y attendent ta venue. Pourquoi, je ne saurais te le dire. J’ai laissé Mickey là-bas, peut-être que lui en a appris plus long… En tout cas, sache que tu n’as pas été très facile à trouver, monsieur Jack Harkness ! J’ai d’abord cru que tu avais à nouveau déserté la Terre…

— Sans te dire au-revoir ? C’est mal me connaître, répondit le capitaine avec un sourire qu’il espérait goguenard, mais qui masquait son trouble.

Martha rit, et ils terminèrent leur voyage en silence, ruminant leurs pensées chacun de leur côté.

 

Elle les conduisit au pied d'une vieille école désertée, qui avait été investi par UNIT d'une façon plus que flagrante. Deux militaires au béret rouge gardaient l'entrée, jetant des regards mauvais à tous les passants qui se ratatinaient dans leurs manteaux. Ils se mirent au garde-à-vous au passage de Martha et du capitaine. Ce dernier, en réponse, envoya au plus jeune un clin d'œil coquin qui le fit rougir jusqu'aux oreilles. Martha pouffa, et ils s'introduisirent joyeusement, bras dessus, bras dessous, dans l'ancienne salle de classe qui avait été transformée en Quartier Général.

Il y avait beaucoup de monde dans la petite salle, beaucoup trop de monde. Jack fronça les sourcils. Il n'aimait pas spécialement les militaires de l'UNIT, et les voir réunis dans un espace aussi confiné le mettait extrêmement mal à l'aise. Cependant, après un rapide examen, il se rendit vite compte que ceux-ci ne constituaient, à tout prendre, qu'un tiers de l'assemblée. Il avisa Mickey posté dans un coin et le salua d'une claque dans le dos. Il se rembrunit en constatant que tous l'observaient d'un œil critique. Pour détendre l'atmosphère et dissiper sa gêne, il lança une plaisanterie sur sa personne qui retomba dans un silence de plomb.

— Bon, hum. Je vous présente donc le capitaine Jack Harkness, fit le major qui commandait cette minuscule faction de l'UNIT, et paraissait bien trop jeune pour cette tâche. Il est, avec Gwen Cooper, tout ce qui reste de Torchwood. J'ignore ce que vous cherchez mais…

— Voilà le fameux Jack Harkness, le coupa une jeune fille, une très jeune fille, dont les cheveux noirs, coupés au carré, encadraient un regard scrutateur aux nuances assassines.

Elle plissa les yeux et se leva de sa chaise pour s'approcher de Jack, faisant naître chez lui un sentiment de panique inexplicable, puisqu'elle ne semblait pas plus dangereuse qu'un moustique. Ou qu'une Gwen en colère… C'était peut-être de là, finalement, que lui venait sa panique soudaine ! Elle se posta devant lui, un peu trop près à son goût, et pointa un doigt déterminé sur son torse.

— C'est à cause de vous qu'on en est là, alors vous avez plutôt intérêt à nous aider. J'ignore ce qui est arrivé à votre Ianto, mais je refuse qu'il arrive la même chose au mien, pigé ?

— Angie, la coupa d'un ton un peu blasé un homme accoudé à la table, ne brusque pas le capitaine Harkness. Déjà qu'il doit se demander dans quel bordel il est tombé…

— Est-ce que je peux reprendre ? demanda le major, légèrement agacé par l'interruption de la jeune fille. Il indiqua une chaise à Jack et continua d'une voix qui manquait d'autorité : Capitaine Harkness, docteur Smith, installez-vous je vous prie.

— Oh, alors comme ça on te donne du Smith, maintenant ? chuchota Jack avec une grimace appuyée en s'installant à côté de Martha.

Encore une fois, il cherchait, par la plaisanterie, à masquait sa nervosité grandissante. Une autre jeune femme, installée à côté du major, se leva à son tour et posa les mains sur la table, comme si elle incarnait l'autorité qui faisait défaut à ce dernier.

— Bon. Vous avez raison, major Morris. Maintenant que Martha nous a ramené le capitaine Jack Harkness, nous n'allons pas attendre le retour de Kat et de Jane pour expliquer la situation. Capitaine, elle a déjà dû vous dire que l'un des nôtres étaient actuellement en grand danger… Et elle vous a peut-être dit aussi comment il s'appelait. Je vais vous présenter le reste de notre équipe. (Elle se tourna vers chacune des personnes installées autour de la table, les présentant de sa voix aiguë, un peu tremblotante, un peu enrouée.) Le major Greg Morris, ici présent, est celui qui dirige la délégation de UNIT qui a bien voulu nous porter assistance. Le Docteur nous avait laissé, en contact, le nom du brigadier Leithbridge-Stuart, mais celui-ci se trouve actuellement au Pérou. Bref, c'est sa fille Kate Stewart qui nous a dirigé vers le major que voici. Elle s'est également occupée de laisser un message au Docteur, qui est injoignable. Voici également les agents Hodge et… Mitchell, c'est ça ?, ainsi que les agents Forster et Taylor qui ont bien voulu rester à l'extérieur pour garder le bâtiment - bien que j'en ignore la raison. Et Mickey Smith, mais je crois que vous le connaissez déjà. Nous avons aussi tenté de contacter Gwen Cooper, votre acolyte de Torchwood, mais elle n'a pas souhaité nous accompagner.

Beve fit une pause, se mordit une lèvre. Martha en profita pour se pencher vers Jack et lui souffler à l'oreille : « Elle est enceinte de son deuxième, et c'est une grossesse un peu difficile… Rhys veille sur elle comme une louve sur ses petits. Elle nous a demandé de la tenir au courant. »

Beve reprit la parole :

— Notre équipe, à présent. Je m'appelle Beve White, je suis la… co-dirigeante de notre groupe. Voici Andrew Ist Arthur et Angèle Vanoverveldt, les deux amis les plus proches de Ianto (proches à quel point ? se demanda Jack tandis que la jeune fille continuait à le dévisager, pointant l'index et le majeur entre son regard et le sien pour lui signifiait qu'elle le gardait à l'œil), et plusieurs de nos agents : Elodie Marchand, Ruben Kabash, Mårten Erickson et Malik Morales. Nous attendons encore notre co-dirigeante Katerine Berling ainsi que Jane Ist Ekat, qui sont actuellement sur la piste de celui – ou ceux – qui ont enlevé Ianto.

— Ianto est mort, cracha Jack, sans pouvoir s'en empêcher.

Jusqu'à présent, il avait essayé de garder ça pour lui, d'éviter de leur jeter à la figure sa rancœur, sa colère, son ressentiment. Car, quoiqu'ils lui révèlent à propos de cet autre Ianto, ça ne ferait jamais revivre l'autre, le sien, celui qu'il avait perdu.

La dénommée Beve baissa le menton et soupira.

— Le Ianto de ce monde est décédé, nous le savons et nous en sommes désolé. Mais il ne s'agit pas de lui…

— Alors en quoi cela me concerne-t-il ?

Encore une fois, il avait parlé un peu trop durement, et il regretta immédiatement ses paroles. Angie renifla bruyamment, et Martha coula vers lui un regard concerné. Il ouvrit la bouche pour dire autre chose, s'excuser peut-être, mais les deux nouvelles venues sur le seuil de la porte ne lui en laissèrent pas le temps.

— On l'a retrouvé ! fit, essoufflée, la plus grande des deux, une punkette aux cheveux roux flamboyant ébouriffés sur le dessus de son crâne. Jane a trouvé la planque du Collectionneur…

La jeune blonde à ses côtés, menue et discrète, acquiesça d'un mouvement du menton. Elle se déplaçait curieusement, comme si elle ne voyait pas, et les lunettes teintées qui cachaient son regard soufflèrent à Jack que c'était sans doute le cas.

— Le seul endroit de Cardiff où je n'ai perçu aucune émotion. Sur la zone industrielle… Mais ça va être plus compliqué que prévu, ils ont réussi à l'envelopper d'un bouclier magique quasi inviolable.

— Et il y a autre chose, reprit aussitôt la punkette. On a un gros, très gros problème. Notre Collectionneur a appelé ses copains. Ils ont toute une armée, maintenant, là-bas. Et, selon toute probabilité, ils projettent de réouvrir la faille spatio-temporelle de Cardiff.

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