Chapitre 42

Notes de l’auteur : MAJ : Nouveau chapitre du 3 juillet

Palais de la mer éternelle, Cité d'Ys – Brocéliande


Quelques heures avant l’arrivée de Morgane et Bryn

Lirion sortit de la salle du conseil où venait de s’effectuer un regroupement des différents Hoper œuvrant pour le royaume. Sans surprise, les Pennel, messagers de la Reine, avaient rapporté les différents faits relatés par les grandes familles gérantes des territoires, dont les Drindods. Cette réunion avait pour but de repérer des anomalies similaires à celles qu’il avait rapportées, mais la réunion s’était éternisée à cause de petites querelles entre familles. Son oncle lui avait soufflé l’arrivée future d’un couple d’invités venant d’Avalorn, première visite officielle d’étrangers depuis un long moment.

Le Hoper rejoignit sa compagne, Elara, qui était en pleine discussion avec une Harpie qu’elle affectionnait : Aeronwy, fascinée par les humains, reconnaissable par sa chevelure flamboyante et son esprit libre. Il se faufila dans le laboratoire de cette dernière, surprenant les deux femmes en pleine discussion au-dessus d’un bassin de vision.

— La petite Noémie est au domaine Dourgrenat comme tu peux le voir là, et ici c’est Calys, celui à qui elle doit la vie.

Lirion se faufila derrière Elara pour regarder par-dessus son épaule, en profitant au passage pour frotter sa joue contre sa nuque.

— Ah… je comprends pourquoi l’énergie qu’il dégageait a disparu, s’exclama Lirion. Ce matin, la tempête s’était calmée quand nous sommes sortis de notre auberge.

— Tu veux dire que c’est CE gardien qui était au bord du gouffre ?

— Oui, et apparemment cette Noémie était impliquée.

— Elle est retournée auprès de lui et ça a stabilisé son état émotionnel, répliqua Aeronwy, prenant part à la conversation.

Elara soupira, se frottant la crispation entre ses sourcils.

— Noémie est très jeune et je l’ai sentie assez perturbée, dans un état de faiblesse, quand nous avons discuté au Palais.

— Au moins, tu sais où elle est, il ne reste plus qu’à chercher ses amies.

— Ah ! Vous savez ce que je viens d’apprendre ? demanda la Harpie, l’air ravie.

— Si tu veux nous annoncer que deux émissaires viennent d’Avalorn, j’ai déjà l’information, répliqua Lirion.

— Quoi ? Non, ce n’est pas de ça dont je voulais parler, mais de Léa, une des amies que Noémie m’avait demandé de chercher ! Elle vient d’arriver au Palais avec le gardien Donnon et ils sont attendus en même temps que vous auprès de la Reine.

— Et concernant sa troisième amie, est-ce que tu as des informations récentes ?

— Niall est parti en trombe quand je lui ai dit qu’elle arrivait à la capitale, mais il ne m’a rien dit depuis son retour…

Un petit oiseau Tylwyth Teg brun et bleu toqua à la fenêtre de son bec, avertissant de son arrivée. Aeronwy se précipita pour lui ouvrir et il lui chuchotta quelques mots à l’oreille de son piaillement adorable. À peine avait-il terminé que la Harpie se retourna, furieuse.

— Je suis outrée ! Je viens d’apprendre que Niall avait trouvé Alice et la séquestre dans une aile du Palais… sans m’avoir prévenue, le traître. Je dois vous laisser. Il est avec la Reine en ce moment, je dois profiter de son absence pour la voir.

— D’accord. On se retrouve plus tard, Aeronwy !

La Harpie acquiesça avant de filer par la fenêtre, ouvrant ses ailes immenses qui envoyèrent valdinguer des dizaines de papiers avec le courant d’air. Après avoir grossièrement ramassé les dégâts, Elara aperçut par la fenêtre un Tylwyth Teg au plumage rouge qui s’éloignait dans le jardin.

***

Léa arpentait les couloirs aux côtés de Donnon pour faire leur rapport concernant le drame de la clairière aux fées et la présence d’un corrompu particulièrement dangereux. La lande était de plus en plus instable par endroits, et l’état des humains au domaine Coedwig la préoccupait. Si c’était le sort réservé à tous les humains non accompagnés, il fallait retrouver Alice en urgence et quitter le royaume de Brocéliande, qui n’était pas un endroit sûr pour elles.

Une fois face à la salle du trône, leur escorte, un garde Teirionnour, les annonça auprès de la Reine, qui recevait déjà cinq autres personnes : une femme brune d’une trentaine d’années au bras d’un homme à la chevelure tricolore, rouge, blanche et noire ; puis un autre couple de blonds à l’apparence nordique, dont la femme tenait un ordinateur sous le bras ; et enfin, une sorte de loup-garou au pelage noir, qui se tenait en retrait derrière la Reine. Son côté hirsute et effrayant contrastait avec la perfection des traits de la Reine qu’il semblait garder.

— Ah ! Nous voici au complet, annonça la Reine, dont la bouche rouge avait quelque chose d’hypnotique.

— Bonjour Reine Dahut, je vous délivre mon rapport en personne.

— Fais donc, Donnon. Pour que tu te déplaces aussi rapidement après avoir été déployé sur le territoire, il doit y avoir une raison sérieuse.

Il hocha la tête, l’air grave, et expliqua la situation à laquelle ils avaient été confrontés. Léa remarqua que la brune semblait atterrée, recevant un geste réconfortant de son compagnon, alors que la blonde avait une attitude fermée, analytique, comme le font les personnes habituées à encaisser ce genre d’informations. Elle-même avait du mal à oublier la puanteur de l’être qui l’avait poursuivie et la peur qu’elle avait ressentie, pensant sa fin arrivée, une nouvelle fois.

Alors que la Reine commençait à prendre la parole, un fracas assourdissant retentit et une porte en bois vola en éclats, la faisant sursauter.

Un homme gigantesque, mesurant bien deux mètres et à la musculature impressionnante, déboula sur le côté de la pièce, tenant sur son avant-bras… Alice, qui poussa un juron sonore.

Mais qu’est-ce qu’Alice fichait là, dans les bras d’un homme dont la carrure semblait similaire à celle de Donnon ? Léa réalisa que ce devait être le géant Garen, celui qui l’avait attaquée à son arrivée dans ce monde, et baissa les yeux après avoir accroché ceux d’Alice un instant, afin de calmer la peur qui lui enserrait la gorge.

Après cela, ce fut la panique : des dizaines de gardes entrèrent dans la salle pour encercler le géant, qui déposa Alice sur ses pieds avec délicatesse, puis se mit en position de combat, comme pour la défendre.

— Arrête, Garen ! demanda Alice, le ton suppliant.

— Donnon, immobilise ce géant et conduis-le au cachot. Mes gardes ! Aidez-le à le maîtriser, demanda la Reine Dahut.

Donnon obéit à l’ordre direct et s’empressa d’immobiliser Garen, qui semblait hésitant à attaquer, gardant une posture défensive.

— Ne lui faites pas de mal, laissez-moi venir avec lui ! implora Alice, qui tentait de rester près de Garen, maintenant immobilisé au sol, les bras restreints.

— Laissez-la rester avec lui, soupira la Reine, dont l’amusement premier s’était mué en exaspération face à l’attitude de la rouquine.

En l’espace de quelques minutes, l’agitation cessa et le calme revint. Léa parvint enfin à respirer normalement, mais l’absence de Donnon lui donnait une sensation de vulnérabilité qu’elle détestait.

Alors que la réunion semblait sur le point d’être ajournée, elle prit la parole, ressentant le besoin de reprendre son destin en main.

— Reine Dahut, puis-je vous poser une question ? demanda Léa poliment.

— Certainement, que souhaites-tu savoir ?

— Que va-t-il arriver à mon amie Alice, qui vient de partir ?

— Il ne lui sera fait aucun mal ; elle est totalement libre de quitter le cachot.

— Merci, remercia Léa en soupirant de soulagement.

— Nous allons ajourner nos échanges pour l’instant, je vous ferai appeler, annonça la Reine aux personnes présentes.

Tout le monde quitta la pièce, et la brune lui tendit la main pour la saluer dans un geste très humain.

— Bonjour, Léa, je suis Elara, une humaine comme vous.

— Bonjour. Comment me connaissez-vous  ? Est-ce que vous savez ce qui va m’arriver, tant que Donnon n’est pas de retour ?

— Je l'ai appris d'une harpie qui travaille ici et personne ici ne vous fera du mal. Pourquoi vous inquiétez-vous ? demanda Elara, surprise.

— J’ai vu un camp où des humains étaient mis dans une sorte de coma… Hafgan, le druide qui y travaille, m’a conseillé de vous parler, mais je ne pensais pas que vous étiez humaine.

— Si vous parlez du domaine Coedwig, je comptais y aller pour voir. Est-ce que vous voulez y retourner? Tant que le gardien Donnon est en service, je peux vous accompagner, mais je ne pourrai pas rester longtemps.

— Oui, j’ai déjà travaillé avec un autre druide et ça me rassurerait de ne pas être seule, ni ici ni ailleurs…

— Nous allons vous donner une médaille afin d’être reconnue et de pouvoir circuler dans Brocéliande sans vous faire arrêter.

— Merci beaucoup, je ne voulais pas rester désœuvrée… et Alice risque de s'éterniser un moment au cachot, répondit Léa, soucieuse.

Elara lui sourit calmement, plissant ses yeux de chat, verts mouchetés d’or. Puis le groupe de trois, composé de son compagnon Lirion, d'Elara et de Léa, partit pour le domaine Coedwig.

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