Chapitre 41
« On pédale dans la semoule, marmonna Nialh.
- On a peut-être juste pas bien compris l'inscription dans la Temple... suggéra Sibéal.
- On serait dans une impasse ?
- Peut-être...
- Et on fait quoi si c'est le cas ? On rentre chez nous et on vit au mieux les dernières années qui nous restent avant de nous faire noyer ? soupira Nialh. Sympa comme programme. »
Sa sœur mordilla machinalement son pouce, les paupières paillonnant de fatigue sur les clichés déjà vus et revus. Il n'y avait rien de probant. Ils étaient bien dans une impasse, restez à savoir si c'était dû à un indice qu'ils étaient incapable de voir ou s'ils s'étaient trompés. En secret elle se demandait si c'était tout simplement parce qu'il n'y avait juste pas d’échappatoire à cette malédiction. Le dieu des sirènes n'avait peut-être pas ménagé une porte de secours à l'Humanité par magnanimité... Cette pensée la saisissait d'incertitudes et de découragement.
« Tu pourrais continuer toi à travailler sur le Mod en faisant mine que les Archipels vont pas disparaître ?
- Je ne sais pas, avoua-t-elle, je me vois pas faire autre chose...
- Faire la fête avec toutes nos économies et profiter des sœurs et des parents ? suggéra-t-il.»
Elle eut une grimace suggestive. Si elle devait passer ses dernières années de vie avec quelqu'un ce ne serait certainement pas avec sa mère dont la ferveur religieuse et le favoritisme non dissimulé pour Nialh faisait de chaque visite bi-annuelle un sacerdoce. Elle rassembla les photos éparpillées sur la table dans le portfolio avec lassitude. Elle ne se voyait pas revenir vivre à l'année à Bleá Cliath et y attendre la fin du monde en sirotant une pinte de bière tous les soirs. Elle finirait folle avant.
« On rentre ?
- Nodens, c'est pas trop tôt ! S'exclama Nialh. »
Il rangea avec soin les copies des clichés de Moh et ils sortirent de la bibliothèque de Tenochtitlan. Ils remontèrent les ruelles étroites du quartier historique de la ville. Des lignes avaient été tendues entre les hautes maisons et du linge multicolore séchait tranquillement sous un ciel nuageux. Ils rejoignirent le port de plaisance et aperçurent le Yak amarré à nouveau au ponton. Yakta, Murdock et l'équipage du navire étaient rentrés de leur petite expédition dans les îlots du sud de l'île. Nanak leur adressa de grands signes de la main depuis le pont de catamaran, auxquels ils répondirent avec enthousiasme.
« Alors ? Demanda Nialh.
- Tout roule selon les capitaines ! Assura-t-elle, et vous ?
- Pas grand chose, soupira Sib, on en parle ce soir ?
- Ce soir ? répéta son frère, comment ça ? Vous sortez sans moi ?!
- C'est une soirée entre filles, expliqua Anak désolée. »
Il eut une petite moue vexée, assurant qu'il était tout à fait capable de tenir une conversation « de filles ». Sibéal leva les yeux au ciel, lui piquant les côtes d'un coup de coude. Anak qui semblait sensible à son air de chiot abandonné, allait lui proposer de les accompagner. Sibéal la coupa vivement, s'arrogeant les foudres de Nialh parfaitement outré d'être ainsi ouvertement exclu.
« Tu feras le compte rendu à Yakta ? »
La Sioux le lui assura et ils s'en furent plus loin sur le quai rejoindre le Modsognir. Ils trouvèrent le carré déserté, un petit mot d'Oriag leur apprit qu'elle et Apllo étaient partis à la capitainerie régler un problème administratif pour leur visa de séjour sur l'île. Les Aztèques étaient ouvertement en guerre commercial avec les nains, ils étaient tatillons sur l'amarrage d'un vaisseau de commerce rival dans leurs ports. Sibéal leur souhaitait bien du courage.
« Bon, va falloir faire un truc à manger pour ce soir, réfléchit-elle en ouvrant les placards.
- Pousse-toi là, s'agaça-t-il avec un petit air supérieur, j'veux pas avoir d'intoxication alimentaire.
- Hé !
- Aloooors bon on va faire un petit gratin…
- Tu veux de mon aide ou bien… ?
- Vas-y épluche les patates, concéda-t-il avec mansuétude. J'vais prendre ma douche !
- Nodens, tant de responsabilité… je me demande si je vais m’en sortir.
- Bonne question…, lâcha-t-il narquoisement, Allez, j'reviens vite ! »
Elle eut une petite moue face à son air arrogant mais s'attela de bonne grâce à la tâche. Son frère disparut. Tout en épluchant la peau, elle ne pouvait s'empêcher de songer aux clichés de photos, elle les connaissait maintenant tous par cœur et le site n'avait plus de secret. Ils avaient passé en revue la plupart des ouvrages spécialisés sur Kosh mais il n'y avait rien de probant. Le culte n'avait même jamais été identifié comme étant celui du dieu de la mer des sirènes et les raisons de la disparition de la cité sous les eaux étaient encore débattues par les géologues et archéologues. Pour certains, un séisme avait provoqué la destruction du site et l'exil des habitants, pour d'autres il s'agissait d'une guerre – la cité semblait avoir été construite sur pilotis. Ils ne faisaient pas mention d’éléments plus concrets et leur esprit scientifique avait légitimement évacué toute intervention surnaturelle expliquant le départ d'une ville aussi florissante.
«Salut, vous êtes rentrés tôt. »
Elle sursauta, faisant échapper une patate qui tomba au sol qui glissa jusqu'aux pieds de Murdock. Il se pencha pour la ramasser et la mettre dans le saladier d'eau froide sur la table. Elle lui décocha des petits regards maladroits en coin, bêtement mal à l'aise alors que quelques jours plus tôt ils avaient échafaudé conjointement un plan pour retrouver le Yak.
« ça a rien donné ? Fit-il en décapsulant sa bière.
- Non... secoua-t-elle la tête piteusement, c'est frustrant. C'est le bon site, vraiment, mais il n'y a rien. Je vais finir par brûler ces fichues photos.
- T'as besoin d'un remontant, lui en tendit-il sa boisson, Et la poiscaille, elle en dit quoi ?
- Fran et Esteban n'ont aucune idée... fit-elle après une gorgée. Mais ils ont regardé tous les clichés aussi.
- Eh ben bordel, ça vaut le coup de les avoir comme alliés... ironisa-t-il.
- Hum... »
Elle éplucha sa patate, songeuse puis la laissa tomber dans un « ploc » dans le saladier.
« Peut-être... peut-être qu'on court juste derrière des indices pour rien.
- Pourquoi tu dis ça ? Fronça-t-il les sourcils.
- Pourquoi ce dieu aurait laissé une chance à l'Humanité de s'en sortir s'il voulait la faire payer pour le génocide des sirènes ? »
Murdock, pensif, se gratta la barbe avant de boire une gorgée de bière.
« Aucune idée.
- Peut-être que ça sert à rien... fit-elle avec dépit.
- Nan... j'pense pas. Pourquoi sinon y'aurait eu tous ces indices qui s'enchaînent parfaitement les uns après les autres ? C'est pas un hasard Sib.
- Oui… c'est sûr, concéda-t-elle.»
Il avait raison, il y avait forcément une explication derrière ces éléments qui s'imbriquaient si bien les uns dans les autres comme un immense jeu de piste à l'échelle des Archipels. Elle était soudainement rassurée dans ces accents pessimistes et abattus. Elle espérait simplement que ce « jeu » menait réellement à la fin de la malédiction comme le pensaient les sirènes et pas à un élément retord et mesquin comme le suggérait pourtant la façon dont la divinité avait révélé les sirènes aux équipages humains engagés dans le course de Gojo Mauro.
« Mais on ne trouve rien, soupira-t-elle. On est dans une impasse.
- T'inquiète pas, ça va venir. »
Elle sourit faiblement, derrières ses paupières défilait une suite sans fin de clichés de ruines sous l'eau. Elle aurait aimé avoir sa confiance en leur capacité à décoder cette énigme. Elle craignait qu'il ne faille retourner sur le site pour soulever chaque pierre à leur portée pour trouver une inscription. Il faudrait peut-être s’y résoudre s’ils n’avançaient pas.
Murdock s'assit sur la banquette face à elle, et entreprit de découper les patates pour le gratin de Nialh. Le silence qui s’était installé était aussi assourdissant que pesant. Elle chercha fébrilement un moyen de le briser tout en se demandant, avec chagrin, si ce n'était simplement pas sa manière à lui de lui signifier qu'une distance était irrévocablement édifiée entre eux. Sibéal lui glissait de petits regards attristés. Son économe s’activant entre ses mains, il fronçait les sourcils la mine pensive.
« J'aurais pas dû te l'annoncer comme ça. »
Le visage de Gauvain s'imposa aussitôt, ramenant avec lui un désagréable sentiment de rancœur et de honte. Elle riva son attention sur ses ongles devenus terreux par la tâche. Le chanteur et ses paroles blessantes avaient été relégués au fond de son cerveau en même temps que son prénom avait été supprimé de son répertoire. Les événements stressants s'étaient enchaînés à une telle vitesse que leur rupture lui semblait dater d'un mois.
« Tu méritais pas de l'apprendre comme ça, insista-t-il.
- Depuis combien de temps tu savais ?
- Quelques mois, avoua-t-il, j'l'ai croisé dans un bar avec des filles quand il faisait un concert à Tønsberg. Ça avait pas du tout l'air d'être son coup d'essai...
- Il a dit que ça avait commencé depuis le festival d'Izmir.
- Sérieux... grimaça-t-il. Quel connard.
- Pourquoi... pourquoi tu me l'as pas dit plus tôt ? souffla-t-elle, blessée. Tu sais, ce qui m'a vraiment fait de la peine, c'est pas de l'apprendre comme ça mais le fait que tu me l'avais pas dit. On... on est ami, non ?
- Bien sûr qu'on est ami. »
Il avait un sourire triste. Cette affirmation prononcée avec douceur apaisa aussitôt l'inquiétude au creux de sa poitrine. Sibéal ne put s'empêcher d'afficher une mine intensément soulagée. L'impression qu'elle n'avait pas tout irrémédiablement brisé l'enveloppait avec chaleur.
« J'voulais pas te faire d'la peine. »
Murdock la fixait, incertain et mal à l'aise. Sibéal le dévisagea, troublée et désarçonnée par une expression qu'il ne dévoilait jamais. Ses yeux chocolat la regardaient avec insistance, portant un éclat apitoyé et résigné. Comme s'il craignait d'avoir perdu son amitié. Son cœur eut un petit raté Elle aurait presque pu rire de cette situation, qui soudainement s'inversait, si sa mine ne la transperçait pas.
Les mots d'Eanna, ceux d'Anak, résonnaient à ses oreilles.
« Je comprends, avoua-t-elle doucement. Je comprends, c'est... une situation impossible à tenir.
- J'ai pensé de te le dire plein de fois, j'te promets, insista-t-il. Mais t'avais l'air tellement... heureuse.
- Je vivais un mensonge, j'sais pas si c'est vraiment le bonheur...
- Je suis désolé Sibéal, fit-il maladroitement, j'ai cru que c'était mieux d'attendre. C'était stupide et cruel.
- Je sais, murmura-t-elle, je sais. Juste... c'est de ma faute à moi aussi, j'ai été aveugle... sûrement parce que j'étais pas assez investie dans notre relation. »
Elle eut un pincement au cœur. La seule fois où elle s'était véritablement investie et engagée sérieusement dans son couple, ça avait été pour renoncer à Murdock. Un nœud serrait douloureusement son ventre, dur et triste comme une pierre. Elle ravala cette plainte au fond de sa gorge, tout ne pourrait pas être réparé. Elle esquissa un faible sourire.
« Merci.
- De quoi ?
- De me l'avoir dit.
- J'ai été horrible.
- Oui, c'est vrai, acquiesça-t-elle avec de souffler faiblement, et c'était en partie à cause de moi... mais si tu n'avais rien dit... »
Gauvain lui avait juré que c'était la seule fois, lui avait menti sans sourciller, sans même y faire attention. Il l'avait prise pour une véritable imbécile, une pauvre cruche. Son estime d'elle-même, bien plus que son cœur, était durablement abîmé. Elle secoua la tête, tout ça était à conjuguer au passé. Elle ne devait pas lui accorder plus de place qu'il ne le méritait. Elle ouvrit la bouche pour se faire couper par le demi-nain.
« Tu sais je... commença Murdock avec maladresse.
- BON ! On en est où de ces patates ? »
Nialh avait soudainement déboulé dans le carré, sa tignasse humide en bataille retombant sur son front et son vieux sweat-shirt sur les épaules. Instantanément un masque tomba sur les traits de Murdock, Sibéal lui décocha un petit regard déçu et mélancolique qu'il ne perçut pas.
« C'est quoi ce chantier ?!
- T’es aveugle ? C’est tes patates, répondit agacé Murdock.
- Non mais vous prévoyez de faire à bouffer pour qui ? On en a assez pour un régiment !
- Ah oui euh... je... je suis désolée, lâcha-t-elle.
- On va bouffer chez Yakta ce soir, lâcha leur capitaine. »
Nialh arqua un sourcil dubitatif de cette explication, Murdock entreprit de finir d'éplucher sa patate en l'ignorant royalement. Sibéal prit le parti d'assurer qu'en effet, ils mangeraient tous sur le catamaran. Son frère sembla finalement trouver l'idée séduisante et s’attela à découper une montagne d'oignons en reniflant bruyamment au-dessus des bulbes.
Son arrogance culinaire jurait furieusement avec ses yeux rouges de larmes. Murdock et Sibéal échangèrent un regard amusé. Il se détourna pour finir sa tâche. Elle resta une seconde de trop à lui sourire doucement avant de baisser les yeux sur sa planche en bois en rougissant, et de découper machinalement ses légumes.
OoOoOo
Sibéal et Anak avaient trouvé une table près de la fenêtre où un crachin tapotait doucement contre la vitre. Elles discernaient quelques passants qui se pressaient en maintenant leur veste au-dessus de leur tête, appréciant la chaleur des petites bougies du bar et l'ambiance tamisée. Le gratin de Nialh avait conforté leur faim et Sibéal riait à gorge déployée des histoires d'enfance d'Anak tout en sirotant un Amaretto on the rocks.
« C'est vraiment gentil de la part de ton père d'avoir accepté de prendre soin de Chad comme ça quand Yakta vous l'a ramené.
- Oh tu sais, c'est normal. On est une tribu, quand l'un des nôtres nous demande de l'aide, on se serre tous les coudes!
- Et Chad fait partie de la tribu maintenant j'imagine.
-Peut-être pas pour tout le monde, haussa des épaules Anak, mais Yakta est la future cheffe donc ils osent rien dire.
- Et puis il pourrait les clouer sur place d'une réplique bien sentie ! Renchérit Sibéal en gloussant.
- Exactement ! »
Elle songea au propre sens du collectif de sa mère, fondée sur les valeurs de la paroisse du village. Ça faisait bien longtemps qu'elle n'était pas allée les voir, et elle oubliait bien trop souvent de l'appeler. Peut-être pour ne pas avoir à se faire rabattre les oreilles des conseils maternants et rétrogrades de sa mère sur son mode de vie quand tous les enfants de ses amies s'étaient installés et projetaient d'avoir des enfants...
« Il te manque ? Ton père je veux dire.
- Oui, assura la Sioux, mais on s'appelle souvent donc ça va ! Et Avec Yakta on revient souvent à Hokianga-nui donc on est jamais séparé longtemps. Enfin à part là quoi... »
La mine attristée d'Anak l'attendrit. Elle posa gentiment sa main sur son épaule.
« Je suis sûre qu'il pense à toi tous les jours et qu'il est fière de toi.
- C'est vrai ! Sourit-elle.
- Et tu vas peut-être le revoir dans pas longtemps si on continue de patiner sur ces photos... soupira Sibéal.
- C'était encore bien chiant aujourd'hui, hein ?
- M'en parle pas... je peux te dessiner toute la ville de mémoire maintenant. Et puis Fran et Esteban ont été sympas aujourd'hui mais je crois qu'ils sont aussi perdus que nous dans cette affaire.
- Hum... »
La mention des deux sirènes avait plongé soudainement Anak dans ses pensées. Elle mordillait pensivement la paille de son mojito, les yeux rivés sur son nouveau téléphone. Sibéal lui laissa le temps de décider si elle voulait aborder le sujet, elle devinait que celui-ci avait des yeux intensément bleus et un chignon savamment négligé sur le haut du crâne. Pudiquement, elle préféra aborder la question de la suite des opérations quand la Sioux l'interrompit abruptement.
« Valérian m'a laissé un message, tu sais quand on était... « injoignable ».
- D'accord...
- Et j'ai rompu avec Koffi.
- Oh... »
Sibéal, précautionneusement, ne chercha pas à la brusquer, ni à la bombarder de questions. Anak avait un regard hagard. Elle resta doucement attentive et souriante. La Sioux semblait perdue dans ses pensées, comme si elle ne savait pas par laquelle commencer pour être intelligible. Sibéal sortit de sa réserve gentiment.
« Est-ce que tu as rompu avec lui à cause de Valérian ?
- Un peu oui... avoua-t-elle, je... je sais que j'ai des sentiments pour lui... Koffi est super et tout mais juste, ça veut pas partir. »
La mine d'Anak déchirée entre l'abattement et la tristesse tranchait si distinctement avec son humeur positive et naïve... Sibéal eut un profond élan de tendresse pour elle et l'incita à continuer en lui caressant doucement l'omoplate. La Sioux lui tendit alors son téléphone.
« Tu veux l'écouter ? »
Sibéal hocha la tête. Anak lança l'appel à son répondeur, le message avait été précieusement archivé. Elle entendit la voix éraillée par l'inquiétude de Valérian, elle l'imagina tourner machinalement en rond en débitant tout ce qu'il avait sur le cœur pour celle qui avait alors disparu des radars. Le ton de sa voix, lorsqu'il souffla vivement son amour à la Sioux, semblait à la fois bouleversé et plein de regrets. Elle releva les yeux sur son amie quand la tonalité de fin lui annonça que le message était terminé. Anak la regardait avec espoir, comme si elle espérait que Sibéal pourrait démêler l'énorme nœud qui embrouillait ses pensées.
« Il était vraiment inquiet pour toi, fit-elle, et... et je pense qu'il est sincère quand il dit qu'il est amoureux de toi.
- Il n'est même pas sûr, souffla Anak.
- Oui mais... peut-être qu'il n'a pas osé être plus... éloquent, parce que vous avez rompu à cause de ce qu'il t'a fait. Il se sent coupable.
- Ça je sais... soupira-t-elle, mais je lui ai pardonné tu sais.
- Ah oui ? Fit-elle avec un sourire.
- Je sais que... que vue sa situation il devait penser aux autres sirènes, à leur secret et qu'il a fait ça pour les protéger...
- Pourquoi tu ne lui as pas dit alors ?
- Je sais pas trop... »
Anak jouait machinalement avec son téléphone. Sibéal se demanda alors combien de fois elle avait écouté ce message. Cette situation douloureuse pour les deux partis lui faisait de la peine. Valérian en prouvant son engagement, son courage et sa sincérité lors d'un sauvetage à haut risque avait réussi à gagner sa sympathie.
« J'ai peur qu'il dise ça parce qu'il se sent coupable et parce qu'il était inquiet tu vois.
- Je comprends, c'est vrai que dans ces moments là on peut être un peu perdu dans ses émotions mais... même après que vous ayez été mis en sécurité tu sais, il était quand même triste. Je veux dire, soulagé mais quand même triste.
- Mais si... si on recommence est-ce qu'il va être sincère ? Je veux dire, ya pas longtemps il détestait les humains alors est-ce que vraiment maintenant il peut... en aimer une ? murmura-t-elle d'une petite voix.
- Anak, lui prit-elle la main, il a risqué sa vie pour toi. Il n'a pas hésité une seconde tu sais.
- Je sais...
- Il t'a fait mal pour protéger les siens, c'est vrai et c'était honteux et il t'a brisé le cœur... mais il les a trahi pour te sauver aussi. Et il a marqué Ulmer parce qu’il te menaçait toi.
- Oui mais c'était une situation extrême et... et je sais pas si lui il est au clair avec ses sentiments, soupira-t-elle.
- Je pense que tu ne devrais pas te poser la question de ses sentiments, sourit-elle, mais des tiens et du risque que toi tu es prête à courir pour vous laisser une deuxième chance.
- J'ai peur de me faire avoir, avoua-t-elle, c'est arrivé un peu trop souvent... »
Sibéal eut un petit pincement au cœur, songeant à ses propres déboires amoureux. Elle comprenait parfaitement, la trahison même pardonnée avait porté un coup à la confiance aveugle qu'Anak lui avait portée.
« En tout cas, il a vraiment été honnête et peu importe ce que tu feras de ça mais c'est toujours mieux que la culpabilisation et le déni que m'a sorti Gauvain, la réconforta-t-elle.
- C'était un vrai enfoirée c'est clair, asséna Anak. »
Soudainement, un éclair passa dans ses yeux et un sourire mystérieux lui découpa le visage. Sibéal arqua un sourcil vers elle alors qu'elle brandit son téléphone avec impatience.
« Voyooons voir si la petite magouille de Wanda a tué son compte Insta, héhéhé. »
Amusée, Sibéal glissa un œil par-dessus son épaule. Un gloussement échappa à Anak et arracha un sentiment de satisfaction à Sibéal. Wanda était décidément pleine de talent.
OoOoOo
La bibliothèque étant fermée le dimanche, Anak et Sibéal avait relocalisé leur étude des clichés dans le carré du Mod. Les photos étaient scotchées sur la moindre surface visible tandis que Valérian, Fran et Nialh assis par terre feuilletaient une encyclopédie sur les civilisations antiques des Archipels à la recherche d'un indice. La mousson approchait, et le ciel nuageux abattait une pluie fine et constante sur Tenochtitilan.
Lasse, emmitouflée dans son pull, Sibéal sirotait son thé songeuse tandis qu'Anak dépitée gribouillait sur le petit calepin de notes.
« Et si les indices étaient sur les plaques en or du toit ? Fit-elle.
- Tu veux dire celles qui ont disparu ? grimaça Sibéal. J'espère pas... »
Elle s'empara d'un des clichés des ruines du toit. Les petites pierres rectangulaires étaient effondrées, dans leur chute elles avaient emporté la structure. Elle supposait que les dorures avaient été pillées pendant les siècles qui séparaient le chute de la ville et ces photos. Il n'y avait rien qui laissait supposer qu'elles avaient même recouvertes la toiture si ce n'est les traces en creux des décorations disparues.
« Il reste que les traces des sculptures... c'est pas grand chose.
- Hum... Anak se pencha sur le cliché, c'est marrant, c'est pas du tout symétrique.
- Ah ouais ? lâcha Nialh les yeux plissés derrière ses lunettes de repos, c'était apparemment pas du tout le style de l'époque, ils copiaient tous la symétrie grecque.
- T'es devenu spécialiste ? Le taquina Sibéal.
- J'peux faire guide sans problème ! »
Valérian s'étira en un soupir, proposant de refaire de l'eau chaude et en passant glissant un regard à Anak. Celle-ci dissimulait mal l'incertitude fébrile que provoquait l'attention qu'il lui portait. Le regard entendu de Fran croisa celui de Sibéal. Elle resta de marbre, ne souhaitant pas palabrer même silencieusement sur la relation tumultueuse d'Anak avec la sirène. Celle-ci eut un petit sourire puis se redressa pour venir les rejoindre sur la banquette. Elle s'empara du cliché qu'elles commentaient.
« C'est vrai, c'est pas du tout comme sur les autres temples... fit-elle, ces petits traits dans tous les sens, c'est pas du tout la mode de l'époque.
- Ils sont plutôt fan de poissons et de dauphins, marmonna Nialh.
- Est-ce que parce que c'est différent c'est un indice ? proposa Sibéal en désespoir de cause, c'est sûrement pas anodin, si ?
- Si le temple est vraiment ancien alors non mais... »
Fran fronça les sourcils, rapprocha le cliché de son visage.
« C'est pas des éléments décoratifs, souffla-t-elle soudain, c'est du binaire.
- Du binaire ? Fronça des sourcils Sibéal. Comme du morse ?
- Oui c'est ça... c'est une forme archaïque de communication.
- Mais du coup, ça peut être un message ? s'enthousiasma aussitôt Anak. »
Fran hocha la tête, elle semblait incertaine de son interprétation mais ils n'avaient pas d'autres idées pour le moment. Nialh qui avait bondit pour lire par dessus leur épaules comme s'il était capable de cette exercice linguistique s'exclama soudainement :
« Et tu saurais le lire ?
- Non mais... on pourrait essayer de le décoder.
- Est-ce que ça pourrait être traduit dans notre alphabet ? Fit Anak.
- Ça peut prendre des années, grimaça Sibéal, il faudrait un texte intermédiaire pour pouvoir le traduire dans une langue archaïque puis la langue commune... »
Valérian posa alors l'encyclopédie sur la table, désignant une photographie de tablette d'argile. Il avait un petit sourire satisfait et impatient sur les lèvres.
« Et pourquoi pas le cunéiforme ? A l'origine, c'est un système binaire.»
Fran eut un sursaut avant d'hocher la tête avec enthousiasme.
« ça pourrait le faire. »
Le sourire enchanté qu'Anak adressa à Valérian fit naître une expression radieuse sur le visage du tritton.
Brusquement, Nialh déblaya la table d’un revers de la main.
« Qu'est-ce qu'on attend alors ? Au boulot ! »
OoOoOo
Anak s'était endormie, lovée dans le plaid sur la banquette. Sibéal lui remonta gentiment le bord de la couverture sur ses épaules, la respiration profonde et paisible de son amie berçait leur étude studieuse. Chad, Valérian et elle s'étaient attelés à la traduction des traces laissées sur la toiture du temple sans réel avancement depuis déjà plusieurs heures. Fran était partie se coucher, elle devrait probablement en faire de même. Il y avait peu de chance qu'ils soient bien plus efficaces à cette heure tardive.
« Vous voulez un truc chaud ? »
Apollo dans un élan de solidarité s'occupait de les sustenter. Chad secoua la tête, griffonna avec agacement sur des feuilles éparpillées, Valérian releva la sienne et acquiesça. Il fit chauffer l'eau et bientôt on n'entendit plus que le sifflement de la bouilloire sur le gaz. Sibéal se frotta les yeux et fit craquer ses doigts raides. Elle relut le début des ce qu'ils avaient été capable de déchiffrer, une sorte d'incantation.
« C'est peut-être une prière, proposa-t-elle. Ça aurait du sens sur un site religieux.
- T'es en train de dire qu'on se casse le cul pour rien ? marmonna Chad en consultant le dictionnaire informatique.
- Toute indication est bonne à prendre, temporisa Valérian. On avance bien.
- On va en avoir pour la vie des rats et la moitié des pierres sont illisibles à cause des coraux dessus.
- On a déjà réussi à déblayer pas mal de chose, fit Sib pour le remobiliser.s»
Apollo leur tendit à chaque une tasse de tisane fumante, se penchant pour souffler quelque chose à l'oreille de Chad, effleurant sa tempe d’un baiser, avant de leur faire signe qu'il allait se coucher. Chad lui adressa un petit sourire. Sibéal lui fit un petit geste de la main et bailla. Elle se rendit compte qu’ils n'entendaient plus la discussion de Murdock et Yakta sur le pont du Modsognir.
« J'ai besoin d'une pause, lâcha-t-elle. »
Valérian lui signifia du menton son entendement, elle se glissa hors de la banquette et enfila sa veste pour trouver l'air frais et humide sur le pont. Elle prit soin de porter des mugs sur le petit plateau en bois avec elle. Yakta et Murdock étaient toujours assis dans le cockpit extérieur, silencieux. Elle s'assit précautionneusement à côté de lui, et leur proposa de la tisane.
« Vous vous en sortez ? demanda Yakta.
- On fait de notre mieux, lui assura Sibéal. Mais ça prend du temps.
- On a besoin d'un peu de temps de toute façon pour s'préparer, lâcha Murdock.
- Se préparer ?
- On va éviter de se faire prendre au dépourvu de la même façon qu'avec le Kozak, expliqua la Sioux en sirotant précautionneusement sa boisson.
- Faut s'équiper en conséquence, explicita le demi-nain. »
Sibéal songea aussitôt aux armes à feu dans le coffre sous la banquette entre les sachets de pattes et les conserves. Elle trouvait qu'il y avait déjà bien assez de fusils sur le Modsognir mais c'était tout à fait logique... Il fallait équiper convenablement le Yak... Elle n'aimait simplement pas l'idée que leur coursier devienne une armurerie, et elle savait pertinemment que ce n'était pas d'armes dont il avait besoin mais de gens capables de s'en servir efficacement.
« Est-ce que ça changera quelque chose ? La plupart d'entre nous ne savent pas tirer, avoua-t-elle. Ou ne pourrait pas tirer sur quelqu'un...»
Murdock lui adressa un discret sourire en coin, la réconfortant un peu de cet aveu de faiblesse. Il savait très bien qu'elle avait été incapable de tirer sur Hanabi, même en sommation et même pour protéger Valérian et sauver l'équipage du Yak.
« Il s'agira surtout de dissuasion, expliqua Yakta, et puis si jamais une nouvelle marque apparaît il faudra être capable de se défendre.
- On avait acheté des lances-harpons avec Anak...
- C'était une bonne idée de votre part, reconnut la capitaine du Yak, mais il va falloir voir un peu plus grand. »
Elle hocha la tête, un peu déprimée par ces questions qui ne le rassuraient pas vraiment. Les jours paisibles qu'ils venaient de passer à Tenochtitlan l'avaient incité à croire l'orage passé. Elle porta la tisane à ses lèvres, l'odeur de tilleul lui monta au visage comme une bouffée de douceur. Yakta proposa à Murdock d'aller demain faire un tour en ville à l'armurerie, puisque les aztèques avaient légalisé l'achat d'armes à feu. Puis, elle se leva, le visage un peu lasse, et signifia qu'elle allait se coucher.
« Anak dort sur la banquette, lui apprit Sibéal. Tu veux que j'aille la réveiller ?
- Non, secoua-t-elle la tête, laisse la se reposer. »
La capitaine s'en fut silencieusement retrouver son navire. Sibéal se demanda à quoi elle songeait pour être capable d’abattre un monstre marin… le souvenir de la pieuvre rampa dans son esprit lui provoquant un frisson.
« T'inquiète Sib, t'auras pas à tirer sur quoi qu'ce soit okay ?
- De toute façon, grimaça-t-elle, j'en serai pas capable et c'est sans parler de viser juste !
- Ça peut se régler ça, va.
- Ah oui... tu comptes devenir mon prof de tir ? »
Il s'esclaffa, pensant à une blague et secoua la tête. Elle se rembrunit aussitôt. Elle avait espéré une affirmative, un prétexte, juste pour passer un peu de temps seule avec lui. C'était stupide. Elle n'avait pas le droit d'espérer une nouvelle chance. Elle avait dit non. Toute avance de sa part serait aux yeux de Murdock perçue comme une sorte de revirement vers le second choix. Un choix par dépit. Elle ne voyait pas comment elle pouvait le convaincre du contraire... et c’était douloureux à admettre, il fallait renoncer à ça maintenant. Elle devait l'accepter, se contenter du fait inespéré que leur amitié avait survécu à cette épreuve. Même si une partie d'elle bouillonnait encore de frustration attristée.
« On va laisser Polochon gérer ce genre de chose, j'voudrais pas que tu m'tires dans le pied !
- Faut dire que vue ta légendaire patience...
- Ah Sib, j'suis heureux que tu l'reconnaisses !
- Tant d'aveuglement ! On se demande comme tu peux encore barrer convenablement le Mod. »
Murdock partit dans un éclat de rire, la bouscula avec amusement. Elle lui adressa un petit regard mélancolique. L’obscurité dissimulait assez son visage pour qu’il ne le perçoive pas de toute façon.
« Sibéal ? »
Elle se détourna, pour porter son attention sur Valérian. Des cheveux s'échappaient de son chignon fatigué mais un éclat pétillant brillait dans ses yeux. Il brandissait une feuille vers elle. Elle se redressa aussitôt.
« J'ai trouvé un truc qui devrait nous aider à aller plus vite.
- Vraiment ?!
- Regarde, ça va devenir bien plus clair ! »
Elle se pressa jusqu'à lui pour se pencher sur sa belle écriture déliée. Elle fronça les sourcils avant de relever les yeux, admirative, vers lui.
« Eh beeeen, on arrête plus l'prince charmant, commenta narquoisement son capitaine derrière sa tisane, après nous avoir marqué son territoire en amoureux transit, v'là qu'il nous décode le truc !»
Le visage de Valérian devint aussitôt écarlate, pour la plus grande satisfaction du demi-nain. Magnanime, Sibéal l'entraîna à sa suite loin du chambrage en règle de son capitaine. Le triton parut soulagé d'esquiver à nouveau un tir en rafale de Murdock. La voix de ce dernier retentit pourtant jusque dans le carré pour le poursuivre.
« Non mais te vexe pas joli cœur ! Faut le prendre comme un compliment ! »
OoOoOo
« C'est une prière ! s'exclama Anak. »
Sibéal avait de larges cernes sous les yeux, Chad les traits tirés et Valérian une coiffure échevelée par la réflexion. La Sioux à leurs côtés affichait le même sourire qu'eux sous les yeux perplexes du reste des trois équipages et capitaines.
« Super... ? Lâcha Nialh.
- Est-ce qu'il y a des indices importants dedans sur leur culte ? demanda Oriag. Ou sur quoi que ça soit sur la malédiction ?
- Mieux, sourit Anak.
- Bon ben crache le morceau, s'impatienta Wanda.
- La malédiction est une sorte de chant d'incantation, expliqua Valérian méthodiquement, dans une forme archaïque, les vers en octosyllabes sont difficiles à comprendre et cela nous a donné du fil à retordre mais…
- Abrège, coupa Murdock.
- Le chant est une lamentation pour la clémence d'une divinité marine. Elle indique un lieu important, qui serait source de potentielles catastrophes, finit Sibéal. C'est une grotte, et le chant implore le dieu des océans d'y reposer pour épargner le commerce des hommes. »
Oriag arqua un sourcil, Yakta et Murdock se redressèrent avec attention. La nouvelle jeta un silence pensif dans l'assemblée, c'était la première fois qu'était mentionné un lieu où aucun homme ne devait se rendre, le lieu où se trouvait le dieu. Sibéal avait l'intime conviction qu'ils touchaient au but, sans être capable de le rationaliser. Ce furent Laureline et Fran qui brisèrent le silence après avoir échangé un regard rehaussé par leurs sourcils arqués.
« La grotte de la légende ? demanda Laureline.
- Il semblerait bien, répondit Valérian.
- Et cette grotte, elle est réelle ou c'est encore une lubie de prêtres pour entuber les foules ? lâcha Murdock.
- On en a aucune foutue idée, lâcha Chad avant d'ajouter avec scepticisme. Enfin, rien de concret.
- Ah ben super... soupira Nialh dépité. »
Sibéal et Anak échangèrent un regard malicieux, la Sioux étendit la carte des îles des Tuvalu sur la table et désigna un chapelet d'îlots au nord du petit archipel qui ne semblaient pas être plus gros que des rochers dans l'eau, inhabités et inhospitaliers.
« On pense que c'est là, en tout cas c'est ce qu'on a calculé.
- Comment vous avez fait ? s'enquit Yakta.
- Anak a pu déterminer cette destination à partir de l'angle vers lequel est orienté la base du temple. »
Ils semblèrent peu convaincus par les explications apportées par Valérian, celui s'était planté à côté de la Sioux comme pour donner plus de crédit à ses calculs et défendre tout contre-argument que le reste pourrait arguer contre elle.
« Les temples de l'Antiquité des Archipels sont tous différents mais dans tous les panthéons ils orientent leurs lieux de culte vers le lieu le plus symbolique du culte, expliqua Sibéal. Celui-ci ne fait pas exception et il mentionne aussi une étoile...»
Elle ouvrit l'encyclopédie aztèques pour montrer la photographie du temple de Kosh ainsi que son dessin. Tout le cérémonial était tourné vers une niche en direction de l'est. L'incantation divinatoire faisait référence à l'étoile Vaya comme messagère entre la cité de Kosh et l'antre du dieu, qui ne pouvait avoir lieu qu'à minuit selon le chant. Cette indication stellaire, couplée à l'orientation du temple et à l'heure, avait permis à la navigatrice qu'était Anak de tracer une ligne droite. Celle-ci rencontrait des kilomètres d'océans à l'exception de ces grains rocheux dans les Tuvalu. La Sioux expliquait avec patience ses calculs aux équipages, Oriag hocha la tête d'assentiment face à cette expertise.
Un sourire satisfait se dessinait sur le visage des deux capitaines tandis que Laureline attendait patiemment la fin des explications, les yeux plantés dans ceux de son frère pour y asseoir sa décision.
« Il me semble que ça vaut la peine de tenter cette direction, dit-elle.
- Combien de nav' ? fit Murdock.
- Environ deux jours, répondit Anak.
- On pourrait mouiller pour couper la nav’... ici, proposa Oriag penchée sur la carte.
- Ouais, c’est une bonne idée. Ça m'paraît recevable.»
Yakta acquiesça aussi et tout d’un coup ce fut l'effervescence. Sibéal vit alors l'ensemble des personnages assemblées commencer à parler tous en même temps, proposer des idées et se répartir les tâches pour préparer le départ et la navigation. On aurait dit une ruche bourdonnant et énergique. Ce spectacle était réconfortant, quelques semaines auparavant rien de tout cela n'aurait été envisageable.
Si c'était le bout du voyage, songea-t-elle, au moins étaient-ils tous ensemble, soudés, pour y faire face.