Chapitre 43

Notes de l’auteur : MAJ : nouveau chapitre du 3 juillet, suivant chronologiquement le chapitre 42.

Sous-sol du Palais, Citée d'Ys – Brocéliande

Le géant Garen s’était résigné à avancer sans résistance après qu’on lui ait assuré qu’Alice ne risquait rien et qu’elle n’était pas prisonnière du Palais. Deux gardes Teirionnours guidèrent le groupe jusqu'au sous-sol, dans de longs couloirs bordés de cavités qui semblaient servir de réserves de nourriture. Des sortes de calebasses luminescentes pourvoyaient une lumière tamisée, et quelques créatures de petite taille, comme des korrigans, venaient remplir les alcôves de sacs ou de cageots en bois. Ils déverrouillèrent, au bout d’une rangée, une pièce sans fenêtre contenant des sacs de foin, des bancs et des tables de petite taille, semblable à une salle de repos au cœur d’un espace de stockage vide. La seule ouverture consistait en un trou au plafond, permettant sûrement d’évacuer la fumée du poêle se trouvant en dessous.

Le gardien Donnon s’avança, se frottant le front, alors que Garen était poussé sans ménagement sur une paillasse composée de sacs de paille.

— Je ne te comprends pas, Garen ! Après l’attaque de Léa dans la lande, il fallait que tu t’introduises en pleine salle du trône, mais qu’est-ce qui te passe par la tête ? demanda Donnon.

Garen fixa le gardien sans répondre, les bras toujours attachés dans le dos, montrant bien son mécontentement.

— Tout ça, c’est la faute de Niall, pas de Garen, répondit Alice en s’énervant. Il m’avait enfermée dans une suite du Palais, c’est Aeronwy qui m’a sortie de là.

— Il doit avoir une bonne raison de l’avoir fait.

— Si par bonne raison, tu veux dire tenter de me convaincre de sortir avec lui, je pense que Garen n’est pas plus en tort.

— Est-ce que l’esprit du Bugul Noz t’a reconnue comme compagne ? demanda-t-il, surpris.

— Q...Quoi ? Jamais entendu parler de ça. Il m’a juste capturée dans la rue et m’a fait du rentre-dedans, en prétextant qu’il me protégeait d’ennemis qui n’existent pas. C’est n’importe quoi !

— Il n’aurait pas dû, soupira-t-il, mais ça ne règle pas le problème d’agressivité de Garen.

— Je sais qu’il peut être maladroit et je sais qu’il a fait peur à Léa, mais il a changé. Il comptait se faire pardonner auprès d’elle...

Un garde entra dans la cellule de fortune et chuchota quelques mots au géant, qui se tourna vers Garen.

— La Reine te propose un arrangement, dit-il. Si tu réussis les tests pour être gardien, elle te permettra de rentrer à son service.

Garen se décida à répondre, le ton plein d’arrogance :

— Pourquoi est-ce que je voudrais être gardien ? J’ai déjà un territoire et les Brocéliandins de la lande me font confiance.

— C’est un honneur d’être gardien, tu pourrais administrer ton territoire de façon officielle et recevoir les avantages dus à ta mission.

— Je me fiche des honneurs, répondit Garen en ricanant.

— Et Alice ? Tu penses qu’elle voudrait rester avec un gérant isolé fauteur de trouble, ou qu’elle préférerait un gardien pour garantir votre situation ?

— Ne me prends pas comme excuse pour lui forcer la main ! coupa Alice, toujours contrariée. Même s’il choisit de rester indépendant, il aura le droit à un procès ou quelque chose, non ? Il ne va pas rester enfermé ici.

Donnon grogna, clairement contrarié à l’idée qu’Alice se mêle de la discussion.

— Oui, quoi qu’il décide, ses actes ne méritent pas une lourde sentence. Il est gardé ici à titre d’avertissement, en attendant que la Reine décide de son sort. Pense à la proposition, Garen.

— Est-ce que vous pouvez nous laisser un instant pour réfléchir ? demanda Alice.

— Je vais le faire ! annonça Garen, le regard plein de défis.

— Tu es sûr ? lui demanda Alice. Si tu décides ça à cause de moi, ne le fais pas.

Donnon prit une inspiration et se tourna vers les deux Teirionnours qui étaient restés en retrait, stoïques.

— Laissons-les discuter.

Puis il referma la porte, laissant Alice et Garen seuls pendant quelques minutes, jusqu’à ce qu’il entende un coup frappé à la porte. Alice sortit de la pièce, défiant Donnon du regard.

— Garen accepte la proposition de la Reine et je vais rester avec lui pour m’assurer qu’il n’est pas malmené jusqu’à ses tests, mais pour l’instant, je voudrais voir Léa.

Le géant acquiesça, remontant du sous-sol avec Alice et laissant les deux gardes sur place. À peine avait-il posé le pied à l’étage, qu’une harpie au plumage et à la chevelure de feu arriva à grandes enjambées.

— Ah ! Aeronwy, tu tombes bien. Où est-ce que vous avez installé Léa ?

— Léa… Elle vient de partir pour le domaine Coedwig avec Elara Drindod.

Il se prit la tête entre les mains, au désespoir.

— Mais qu’est-ce qui vous passe par la tête, à vous, les humains ? Pourquoi personne ne l’a retenue ici le temps que je revienne ?

— Tu ne nous as rien demandé, répondit la harpie, perplexe. Elle n’est pas seule, Elara et Lirion sont avec elle. Ou est-ce qu’il y a quelque chose d’autre que tu ne peux pas dire ?

— Oui, non, arg… Je vous laisse, grogna le géant, pris de panique, avant de se diriger vers la sortie à grandes foulées.

Alice se mit à pouffer, retrouvant sa bonne humeur.

— Je suis la seule à trouver cette situation amusante ? Après ce qu’il a fait à Garen, et le voir courir après Léa qui ne l’a pas attendue sagement.

— Pff ! Je trouve ça aussi très drôle de voir Donnon perdre sa contenance ; il a toujours été un peu trop sérieux, s’amusa la harpie.

— Je suppose que Léa reviendra pour la nuit, il n’y a pas de quoi s’affoler. Léa est forte, elle se sort toujours de situations impossibles… C’est plutôt pour Noémie que je m’inquiète. Je dois trouver un moyen d’aller la voir chez ce Calys.

— Suis-moi, on va en discuter dans mon laboratoire.

Alice acquiesça vivement, coiffant ses cheveux en une natte grossière avant de suivre, ou plutôt de courir derrière Aeronwy dont les longues jambes terminées par des pattes d’oiseau lui octroyaient une rapidité effrayante. Alice pensa aux courses d’autruches et se remit à pouffer sous le regard amusé d’Aeronwy.

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