Chapitre 44

Notes de l’auteur : MAJ : nouveau chapitre du 4 juillet

Palais de la Mer Éternelle, Cité d'Ys – Brocéliande

Elara prenait une pause bien méritée à l’ombre d’un avel, croquant un de ses fruits dorés et juteux. Elle réfléchissait à l’enchaînement des événements de la journée : la réunion avec Aeronwy, puis l’audience avec la Reine qui avait été interrompue avant qu’elle n’ait pu parler avec les deux invités venant d’Avalorn, et leur trajet au domaine Coedwig où ils avaient accompagné Léa avant de la laisser entre les bonnes mains du druide.

Dès leur retour, Lirion s’était rendu directement au centre médical afin d’aider à stabiliser les Brocéliandins qui perdaient le contrôle de leur magie et risquaient de muter. Ils avaient même revu le chapalu ramené de leur territoire, qui se remettait bien de l’incident.

Puis Elara s’était installée dans la bibliothèque pour se renseigner sur Avalorn, leur histoire, et leurs relations avec Brocéliande, en vue d’une rencontre avec la Reine qui attendait son avis quant aux futures relations diplomatiques. Elle se sentait revivre depuis qu’elle était ici, depuis que Lirion l’avait rencontrée. Elle sourit en pensant qu’elle ferait bientôt la connaissance de ses parents, ses frères et sœurs, puis continua à griffonner sur son carnet tout en revenant du jardin, la tête encore chargée de choses.

Quand elle passa le long d’enfilades de pièces dans l’aile ouest, à l’écart de la salle Kestell Coed, elle entendit quelques bruits. Elle passa rapidement pour ne pas déranger les personnes qui devaient être en discussion privée, jusqu’à ce que le mot « sacrifice » résonne derrière elle. Stoppée nette dans son mouvement, elle recula légèrement pour tenter de saisir ce qu’il se disait. Elle détestait écouter aux portes, mais en vue des événements du moment, la prudence était de mise.

Posant délicatement son dos au mur, elle tendit l’oreille, le cœur battant.

— Je vous avais demandé de vous occuper d’eux avant que les gardiens s’en mêlent.

— Nous faisons notre possible pour rester discrets, nous respections le plan comme convenu.

— Oui, c’est comme cela que nous pourrons restaurer notre puissance.

— Pour Brocéliande.

— Pour Brocéliande.

La conversation s’interrompit brusquement et Elara, prise de panique, fit tomber son carnet. Elle entendit des pas se rapprocher d’elle et courut après avoir ramassé l’objet, s’inquiétant d’être repérée.

Elle tourna au coude le plus proche, mais un long couloir se profilait devant elle et elle entendit la porte s’ouvrir au loin. Elle n’avait aucun endroit où se cacher et elle commença à s’essouffler après son sprint. Elle vit alors un Tylwyth Teg rouge arriver dans sa direction.

— Suis-moi, dit la petite voix fluette en la guidant vers une tapisserie du couloir.

Il chanta une trille et la tapisserie se mit à bouger, ouvrant un passage où ils s’engouffrèrent, avant qu’elle ne retombe derrière eux.

Ils se trouvaient dans une sorte de remise où des sacs de grains et des caisses étaient entreposés, ainsi que plusieurs nichoirs placés en hauteur, d’où une autre petite tête rouge sortit. Les deux oiseaux lui indiquèrent un passage exigu au fond, de la taille d’un Korrigan. Elle dut donc se déplacer à quatre pattes, relevant sa robe pour ne pas la déchirer sur le sol rugueux. Après avoir traversé le tunnel, qui était éclairé par des sortes de fioles luminescentes, elle poussa une caisse qui bouchait la sortie et arriva dans une remise, dotée d’une lucarne.

Elle se redressa, s’épousseta, et écouta à la porte en bois face à elle. Ne captant aucun bruit suspect, elle poussa la porte et déboucha sur une pièce assez grande qui semblait être une salle d’entraînement. Elle entendit des voix au loin et s’empressa de sortir du bâtiment, se trouvant dans une cour : elle était face à la caserne des gardes.

Un garde Teirionnour courut dans sa direction.

— Pouvez-vous me dire où se trouve Lirion Drindod actuellement ? lui demanda-t-elle, le cœur encore agité.

— Oui. Il est sorti de l’infirmerie et est reparti en direction du bâtiment principal.

— Merci, dit-elle en essayant de s’orienter.

— Vous allez bien ?

— Je... oui, ça va, je dois juste trouver Lirion.

— Je vous accompagne.

Elle acquiesça et suivit le garde qui remit sa ceinture et son épée à sa taille en passant. Ils arrivèrent dans le hall principal où Lirion était en pleine discussion avec deux Sylvestres qu’elle connaissait. Dès qu’il l’aperçut, il se tourna vers elle, ravi, et l’embrassa.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il, conscient de l’agitation intérieure qui faisait rage chez Elara.

— Je t’en parlerai quand nous serons seuls.

Il hocha la tête, clairement soucieux, mais ils en restèrent là et poursuivirent leur discussion avec les Sylvestres concernant le couple venant d’Avalorn. Un document circulait, représentant différentes zones sur Terre où des perturbations étaient apparues, et ils avaient comme travail de recouper ces signalements sur leur propre royaume, pour comprendre où se situaient les perturbations d’énergie.

Elara n’avait clairement pas la tête à ça, trop préoccupée par la discussion qu’elle avait surprise. Elle se rappela son arrivée à la cour, alors que certains Brocéliandins n’avaient pas l’air ravis de la voir arriver au bras de Lirion. Il y avait clairement des Brocéliandins qui n’appréciaient pas les humains, mais cela allait au-delà, et elle imaginait que la Reine Dahut n’avait pas que des partisans. Il fallait agir.

Elara n’eut malheureusement aucun moment pour parler seule avec Lirion et il fallut se rendre auprès de la Reine. La porte de son boudoir de réception près de la salle du trône ayant été cassée, ils se réunirent dans une chambre qui donnait sur la mer et les falaises Dourgrenat. L’ambiance apaisante la calma un peu, lui permettant de faire de l’ordre dans ses idées, alors que la Reine exposait son projet d’ouvrir les frontières.

— Vous voulez rouvrir le royaume car vous considérez que les Brocéliandins y sont favorables dans la majorité, mais est-ce que ce n’est pas un peu prématuré ?

— Je pensais que tu serais pour l’idée de permettre aux humains de s’intégrer davantage à la population, dit la Reine avec son habituel demi-sourire.

— Bien sûr, j’aimerais travailler à l’intégration de mon peuple, mais pas si vite. Les problématiques actuelles nécessiteraient l’intervention de spécialistes, des mystiques par exemple ou ceux qui arrivent à lire le flux de l’énergie magique, reprit Elara.

— Invinus, le Sylvestre avec qui nous discutions juste avant, nous a parlé de leur difficulté à trouver la cause de ces fuites d’énergie, renchérit Lirion.

La Reine prit un instant pour réfléchir.

— Nous sommes en contact avec la famille Kokonoe, spécialistes de l’énergie et des voyages entre Aldaria et la Terre.

— Ils ne viennent pas d’ici, n’est-ce pas ? demanda Lirion.

— Effectivement.

— Dans ce cas, cela ferait deux délégations étrangères qui entrent dans le territoire, ce qui permettrait de semer les graines d’une ouverture future et d’avoir de l’aide pour comprendre les phénomènes en Brocéliande, proposa Elara.

— La seule chose qui m’inquiète, ce sont les problèmes de sécurité, Reine Dahut.

— Nous allons convier un émissaire Kokonoe chez nous urgement, et Niall ainsi que son frère pourront gérer la surveillance.

— J’aimerais également en savoir plus sur les invités d’Avalorn, demanda Elara.

La Reine acquiesça et fit appeler Eilidh, la Sylvestre qui avait été en contact avec eux, pour expliquer la raison de leur venue et donner toutes les informations en sa possession.

Une fois la journée terminée, au calme de leur chambre, Elara eut enfin l’occasion de raconter ce qui lui était arrivé. Lirion pinça les lèvres et l’enlaça fermement.

— Tout s’est bien terminé, ne t’inquiète pas, dit-elle en se blottissant plus près encore.

— Je ne peux pas te laisser seule si jamais ça se reproduit. Pourquoi est-ce que tu as proposé à la Reine de repousser l’ouverture et l’intégration des humains ?

— Tu ne peux pas rester collé à moi sans arrêt, ton travail est important, surtout en ce moment. Et je pense que c’est une mauvaise idée de forcer la population à accueillir l’inconnu, des étrangers. Il faut d’abord changer leur vision des humains avant de leur imposer leur présence.

— C’est une des choses que j’aime chez toi, dit-il en frottant affectueusement sa joue contre le cou d’Elara.

— Hum ?

— Tu vois les choses d’un autre œil et tu penses aux autres dans tes décisions.

— Je ne suis pas si vertueuse, Lirion ! Je me base juste sur ce qui a pu arriver avec des populations sur Terre et l’intérêt de jouer plus finement pour convaincre la foule plus tard en évitant au maximum la guerre civile…

— Tu penses que ça pourrait créer des émeutes ?

— Je pense surtout que des factions proches du pouvoir n’aimeraient pas perdre ce qu’elles ont et craignent une véritable ouverture du royaume.

— Et nous ne savons pas encore pourquoi les événements d’il y a 40 ans se reproduisent, dit-il pensif.

— Reposons-nous pour l’instant, proposa Elara, je suis épuisée.

— Oui, reposons-nous ma chérie, répéta le Hoper en glissant ses mains sous sa robe.

Elara lui sourit, l'embrassant avec tendresse. Elle était fatiguée mais savait qu’ils ne dormiraient pas tout de suite.

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