Orn ne ressentait plus rien. Il avait seulement le vague souvenir d’une sensation de brûlure et d’une explosion de douleur. Ce sentiment était loin pourtant, et se rapprochait plus d’un rêve que d’un instant vécu, face à l’engourdissement qui enveloppait tendrement ses membres. Il ne sentait pas la caresse du drap posé sur lui, ni les aiguilles qui rentraient dans sa peau, guidées par une main experte. Si ces yeux s’ouvraient de temps à autre, ils ne voyaient rien, et se refermaient aussitôt. Le chasseur était constamment dans les vapes, restant détaché de toute réalité. Il n’avait conscience de rien, et s’enfonçait dans des sommeils longs vides de rêve. Lorsqu’il se réveillait, c’était pour immédiatement se rendormir, sans pensée aucune. Ses yeux suivaient parfois les figures floues qui se mouvaient devant lui, par réflexe, mais ils étaient vitreux et ne comprenaient pas ces silhouettes dansantes. Orn était comme dans une bulle, coupé du monde, dont les sons lointains parvenaient à ses oreilles sans n’être retenus ni entendus. Il n’entendait que les battements de son sang contre ses tempes, mais même ce bruit si familier semblait distant, presque imaginé.
Tout autour de lui, la Galaxie continuait à tournoyer, tandis qu’il semblait coincé dans un état second qui ne voulait pas partir. Il ne bougeait que légèrement, par réflexe, mais son corps entier resté cloué à un lit dont il ne connaissait pas l’existence. Son conscient endormi ne comprenait pas ce qui arrivait à son corps, qui pourtant se démenait pour survivre. Chaque sensation de douleur était minime, traduite par son cerveau comme étant une simple impression désagréable, facilement oubliée. Toute notion échappait au chasseur, qui ignorait tous des soins qui lui étaient fournis, et de l’endroit où il était, bien que plus le temps passait, plus sa compréhension grandissait. Au fil des jours, la bulle qui le coupait de tout s’amincissait. Chaque nouvelle aiguille lui faisait un peu plus mal, chaque mouvement inconscient était un peu plus difficile et douloureux. Les silhouettes qu’il apercevait lorsque ses yeux, qui étaient de moins en moins vitreux, s’ouvraient étaient de plus en plus nettes et compréhensibles, se dessinant clairement contre le tissu brunâtre qui était tout autour de lui. Sa conscience sortait de la brume et ses sommeils profonds étaient de plus en plus rares. Les bruits environnants devenaient doucement compréhensibles, forçant Orn à sortir des vapes qui l’entouraient avec une poigne de fer. Son entourage prenait un véritable sens, de véritables formes et devenait réel.
Inconsciemment, le chasseur grinçait des dents face à la douleur qui transperçait son corps de toute part. Sorti d’une énième sieste sans rêve et sans distinction avec le réveil, il bougea, sans pour autant se lever. Il ouvrit les yeux sans s’en rendre compte, retrouvant une obscurité différente mais apaisante. Avec difficulté, Orn se redressa pour s’assoir, grognant légèrement. Sa tête tournait, lui donnant vaguement l’envie de vomir. Des étoiles dansaient dans ses yeux à cause de ce mouvement soudain, qui rompait avec son éternelle immobilité. Il prit quelques secondes pour s’ajuster à cette conscience qu’il venait de recouvrir entièrement, puis observa doucement l’environnement autour de lui. Il ne savait pas où il était. Il n’en avait pas l’ombre d’un indice non plus. Orn se trouvait sous une grande tente brune, dont les tissus se mouvaient au rythme du vent. Une faible brise, fraîche et douce, entrait dans l’abri, renouvelant l’air intérieur.
À la gauche du Twi’lek, une fine source de lumière perçait l’ombre de la tente, provoquée par deux tissus qui se rejoignaient et s'éloignaient doucement. Près de son lit, un chevet en bois était recouvert de différents outils médicaux. Des capsules de Stim, des seringues et des bouteilles remplis de liquide étaient jonchés en désordre sur la petite table. Le chasseur ne reconnaissait presque aucun de ces produits. Il lâcha un soupir, s’arrachant une grimace. Ses côtes lui faisaient mal, tout comme son bras gauche, qui avait souvent tapé contre la paroi du Vautour Couronné. Le pire était sa douleur au crâne. L’esprit encore embué, il décida néanmoins qu’il n’avait pas suffisamment mal pour rester sur ce lit qui déjà le repoussait. Orn se déplaça doucement, avant de poser ses pieds au sol. Il commença à se soulever, avec lenteur, avant de suspendre son geste. Ses bras tremblaient autant que ses jambes, comme si toute leur force les avait quittés. Têtu, il s’obligea à recommencer. Il poussa sur ses bras, les enfonçant dans le lit, tout en étendant ses jambes. Bientôt, le chasseur se retrouva debout, sur des jambes tremblantes et vacillantes.
Négligeant cela, il se força à avancer un pied. Une fois cela fait, il souleva l’autre jambe, basculant tout son poids sur celle qui était devant. Avant même qu’il puisse faire un pas, Orn s’écroula lourdement au sol. Il se protégea avec ses bras, mais poussa un cri de douleur mêlé à de la frustration. Lentement, le Twi’lek ramena ses membres sous son corps, avant de se redresser avec difficulté. Il sentit couler le long de sa lèvre un petit filet de sang, dont une goutte s’écrasa sur le sol terreux et couvert d’herbe sombre. Orn s’apprêta à se relever à nouveau avec obstination, lorsqu’un grand rayon de lumière se posa sur lui, suivi d’une ombre qui le recouvra. Un petit cri d’exclamation retentit dans la tente, puis une femme s’agenouilla devant le Twi’lek, qui planta ses yeux jaunes dans les siens avec un air dangereux. Il ne connaissait pas cette femme qui semblait avoir la trentaine, à la peau mate et au nez aquilin. Un chignon tirait sur ses cheveux bruns et bouclés, donnant à son visage inquiet un air sévère.
"Est-ce que ça va ? Qu’est-ce qui t’as pris de te lever après ce qui t’es arrivé ?" lui demanda-t-elle d’une voix légère mais accusatrice.
Sans attendre la réponse du chasseur, elle l’aida à se lever, puis le força à s'asseoir sur le lit. Ensuite, elle examina minutieusement ses bras et ses jambes, à la recherche d’une énième blessure.
"Où est Twik ?" demanda Orn, observant la femme d’un œil mauvais.
"Avec Nasha. Il a subi beaucoup de dommages pendant l’explosion de l’Étoile Noire, mais il va bien. Tu es sur la lune d’Endor, dans un village d’Ewoks, et tu es ici depuis presque trois semaines. Je suis Ryvia, et c’est moi qui s’occupe de toi," expliqua-t-elle.
"Comment avons-nous survécu ?
— Grâce au Général Calrissian. Il a utilisé le grappin du Faucon Millénium pour qu’il s’accroche à ton vaisseau, puis s’est mis en sécurité, avec toi et Twik derrière. Vous avez beaucoup été secoués, tous les deux… On vous croyait morts lorsqu’on vous a sorti du Vautour. J’ai été obligé de te poser une prothèse cybernétique à ton lekku gauche, qui était presque amputé… Tu as perdu énormément de sang, et ton corps doit se reposer, alors je t’en prie, reste couché.
— Mon vaisseau…," murmura Orn en guise de réponse, n’ayant pas pensé au Vautour jusqu’à cet instant.
En réalité, il ne pensait pas qu’au Vautour. Son esprit se préoccupait de Twik, de Nasha, et même de son Mandalorien, tout en assimilant ce que disait Ryvia. Beaucoup d’émotions se bousculaient en lui, contradictoires et encore inhibées par les semaines passées dans les vapes. Il était inquiet pour ses amis, triste pour ceux qui étaient morts, heureux de leur réussite. Il brûlait de rejoindre son équipage, sa famille, mais il voulait faire le deuil de son vaisseau. Le chasseur se souciait également de lui-même, et de son état de santé. Si la jeune femme devant lui ne paraissait pas inquiète, ce qu’elle lui avait dit n’était pas rassurant. Certes, il avait déjà été blessé de nombreuses fois, mais jamais il n’avait dû avoir de prothèse. Son bras gauche était recouvert de bandages blancs, qui maintenaient deux barres métalliques entourant l’avant-bras. Son lekku amputé était lui aussi enveloppé de tissus, qui étaient rougeâtres, qui recouvrait sa peau rouge, qui à mi-chemin, laissait sa place à un métal léger gris. La prothèse complétait parfaitement la partie amputée de son appendice, mais faisait souffrir le chasseur, bien que la douleur fût limitée par les médicaments. Toujours déphasé, Orn se sentait détaché des sentiments qui l’animaient, bien qu’il en eût conscience et les ressentait. C’était un état étrange qu'il n’aimait pas. Il oscillait entre la confusion et la clarté, qui se mélangeaient et se croisaient dans son esprit. Ryvia lui parlait, parfois, mais il oubliait rapidement la majorité des mots qu’elle avait prononcés. Elle voulait que le chasseur se couche sur le lit, pour mieux se ménager, mais ce dernier ne voulait pas. Orn refusait de la regarder à nouveau, de se concentrer sur elle.
Il ne pouvait s’empêcher de voir à travers elle la Maraudeuse d’Enfys Nest qui l'avait guéri après son embuscade. Cette Rebelle mercenaire avait cru Twik, lorsque le droïde lui avait emmené son co-pilote à moitié mort en prétendant qu’ils étaient tous deux des Rebelles. Orn l’avait laissé prendre soin de lui, bien qu’il fût rempli de haine et de détresse après la trahison de son compagnon à l’armure verte. C’était la Maraudeuse qui lui avait dit où se trouvait Enfys Nest, permettant au chasseur désireux de reprendre sa réputation en main de l’assassiner. Il avait également tué la Maraudeuse. Le chasseur avait tout fait pour oublier cela, même s’il devait à ces actes cruels une réputation redoutable et salvatrice. Se retrouver à nouveau gravement blessé et aux soins d’une Rebelle le forçait à affronter cette part de son passé qu’il refusait inutilement, et il avait du mal à supporter cela. Il ignorait donc Ryvia, qui, quant à elle, n’acceptait pas ce qu’elle considérait être comme du mépris. La Rebelle poussa donc le chasseur sans ménagement sur le lit, sans se soucier de l’air outré de ce dernier.
"Reste couché, ou je t’enlève tes anti-douleurs, stormtrooper," menaça-t-elle.
"Je ne suis pas un stormtrooper," rétorqua Orn, fronçant les sourcils.
Ryvia leva les yeux au ciel, puis s’empara de deux tubes sur le chevet. Le chasseur avait reconnu une capsule de Stim, et la regarda mettre le produit dans une seringue fine et stérile.
"Stormtrooper, Chasseur Impérial… C’est du pareil au même. Donne-moi ton bras droit.
— Je n’ai jamais été un soldat," contesta-t-il tout en tendant son bras vers elle.
La soigneuse ne répondit pas immédiatement, mais prit le bras et y enfonça la seringue d’un geste expert et rapide. La piqûre était si légère que le Twi’lek ne ressentit rien, aidé par les médicaments calmants qui coulaient dans ses veines. Une fois la seringue retirée, Ryvia saisit une compresse et appuya sur la piqûre doucement.
"Tu obéissais aux ordres, pourtant," fit-elle remarquer, avec un léger sourire.
"Tout le monde obéit à des ordres…"
Ryvia le regarda avec une expression illisible.
"Tu parles beaucoup, pour un Twi’lek qui a failli mourir," lâcha-t-elle finalement en riant doucement.
Le concerné sentit son cœur manquer un battement. Alors qu’il allait lui demander comment elle savait qu’il était un Twi’lek, il réalisa enfin qu’il n’avait plus son casque, ni son armure. Orn se redressa brutalement, ignorant la douleur soudaine, et chercha avec frénésie ses biens, en vain. Le reste de la brume qui enveloppait son esprit venait de partir définitivement. La soigneuse perçut son trouble et sa panique soudaine, et le força à la regarder pour le calmer.
"Tout va bien, Orn. C’est Nasha qui a ton armure et les armes que tu avais sur toi.
— Qui m’a vu ?"
Ryvia baissa les yeux. Elle savait, comme l’entièreté de la Galaxie, que le chasseur était resté en sécurité pendant toutes ses années grâce à ce casque, qui lui enlevait toute vulnérabilité.
"Beaucoup de personnes… Tous attendaient le retour des escadrons et de Lando, désolée. Lorsque l’on t’a sorti de ton vaisseau, on ne savait pas si tu étais encore vivant, alors on a dû enlever ton casque," expliqua-t-elle d’une voix douce.
Ce fut au tour du Twi’lek de détourner le regard. Bien que l’Empire ne fût plus, et qu’il était un Rebelle, il se sentait en danger, sans son casque. Pour lui, c’était comme si on lui avait arraché tout un morceau de son identité. Orn avait l’impression d’être incomplet, presque vide sans ce casque près de lui. Il avait tellement l’habitude de cacher son visage au reste de la Galaxie qu’il ne pouvait s’empêcher de ressentir une peur profonde. Pourtant, que son identité soit révélée n’était pas un véritable problème. L’Empire et Jabba ne régnaient plus en maîtres cruels sur les mondes et la pègre ; le chasseur avait libéré Ryloth, et grâce à lui, Lando avait pu détruire l’Étoile Noire, tuant sans doute l’Empereur dans la foulée. La Rébellion conférait de fait une protection au Twi’lek, qui avait prouvé une nouvelle fois sa volonté de se racheter pour ses fautes. Si Orn savait cela, il n’arrivait pas à se détacher de cette peur habituelle et familière, qui l’avait accompagné toute sa vie, ou presque. Il fixait le vide, perdu dans des pensées dont la rationalité était ternie par la panique et la crainte. Ryvia ressentait son trouble profond, mais ne pouvait pas l’aider seule. Elle posa sa main doucement sur le chasseur, pour l’obliger à reporter son attention sur elle et non sur ces pensées noires qui ne l’aidaient pas.
"Orn, reste ici, je vais chercher Nasha," lui dit-elle, avant de se lever puis de quitter la tente.
Un énorme sourire se dessina sur le visage du concerné, qui oublia immédiatement tous ses soucis. Il tendit l’oreille, écoutant les bruits hors de son abri à la recherche de la voix claire de son amie. Seul le bruissement des feuilles et des voix étrangères parvenaient à lui, mais, bientôt, il vit l’ouverture de la tente s’agrandir pour laisser entrer une jeune Twi’lek à la peau violette. Toujours vêtue de l’armure bleue et noire de Xyrr, Nasha affichait un grand sourire éclatant. Ses yeux verts brillaient de joie, et des larmes menaçaient de couler sur ses joues tandis qu’elle se précipita dans les bras du chasseur, qui n’eut pas le temps de remarquer qu’elle n’avait plus qu’un bras. Ce dernier l'enlaça avec toute la force qui lui restait, sans se soucier de son bras gauche blessé. Il réfugia sa tête dans l’épaule de Nasha, refoulant un sanglot et riant en même temps. Il était si heureux de la revoir. Entendre son rire, sentir sa respiration et pouvoir enfin être avec elle était un soulagement qui dépassait l’entendement. Il pouvait enfin respirer, enfin se sentir en sécurité. Orn savait désormais que tout était fini. Les combats, les luttes, les angoisses, la peur et la mort, tout ça n’avait plus de sens maintenant qu’il était avec elle, et que tous deux étaient en vie. Il pouvait enfin lâcher prise.
Nasha, de son côté, sentait qu’un poids énorme quittait enfin ses épaules, et elle laissait ses larmes couler librement. Elle l’avait cru mort au retour de la flotte Rebelle, et voilà qu’il était toujours en vie, pas indemne mais sorti d’affaires. La jeune Twi’lek savourait cette embrassade. Orn lui avait terriblement manqué, et elle était si fière qu’il ait réussi à vaincre ses peurs et rejoindre la Rébellion. Elle ne voulait plus jamais le quitter. Nasha n’aurait pu contenir son sourire même si elle l’avait voulu, tant elle débordait de joie et de soulagement. Les bras de son ami étaient son refuge, une maison qu’elle avait depuis trop longtemps quitté, et y revenir était une sensation de bonheur et de joie intense. Entre les larmes, les deux Twi’leks riaient et reniflaient, n’ayant pas besoin de mots pour faire comprendre à l’autre leur joie et l’amour qu’ils ressentaient. Lorsqu’enfin ils brisèrent l’étreinte, Orn observa Nasha avec un sourire. Elle portait l’insigne des Généraux Rebelles, et son beau visage avait récolté au fil de son combat plusieurs cicatrices, presque toutes à droite. La plupart ressemblaient à des brûlures, mais ce n'étaient pas ces blessures qui inquiétaient le chasseur. Non, c’était ce bras droit qui lui manquait qui le fit s’alarmer.
"Qu’est-ce qu’il t’est arrivé ?" demanda-t-il d’une voix hésitante.
La concernée rit doucement, avant de le regarder de haut en bas.
"Je pourrais te dire la même chose ! Un TS-TT Impérial m’a visée, et disons qu’il a atteint sa cible… Mais je vais bien, je t’assure.
— J’espère que les Impériaux ont regretté de t’avoir fait ça…
— Rex s’en est occupé : il a fait exploser le TS-TT. C’est grâce à lui que je suis encore là," expliqua-t-elle avec un léger sourire.
Orn hocha la tête, à moitié satisfait de cette réponse, puis Nasha reprit la parole, les yeux brillant de malice.
"Tu sais, je crois que tu as fait regretter à l'Empire son existence même, Orn. Lando nous a dit ce que tu as fait lors de la Bataille d’Endor… Sans toi, l’Empire serait encore là," fit-elle avec un grand sourire.
Le concerné esquissa un sourire, mais ne se sentait pas légitime d’une telle gratitude. Il avait seulement fait ce que tous les autres pilotes avaient été prêts à faire. Certains même avaient dû faire bien pire que se sacrifier, comme le frère survivant Zabrak de l’Escadron Rogue. D’autres encore n’avaient pas eu la chance du chasseur, et n’avaient pas choisi de faire partie de cette longue lutte, qui enfin était terminée. À lui seul, Orn savait qu’il n’aurait jamais pu faire ce sacrifice utile. Les autres pilotes, ainsi que l’équipe de Solo et Nasha, avaient tous contribué à cette victoire tant attendue. Il était étrange de se dire que l’Empire n’était plus, que la Rébellion n’avait plus raison d’être. Mon Mothma n’était plus la Chancelière de l’Alliance, et nul doute qu’elle allait devenir la dirigeante de la Nouvelle République qui devait désormais s'implanter et réparer les torts de l’Empereur. Tout allait changer, ou du moins tous l’espéraient. Le combat n’était pas fini en réalité, Orn le savait. Il fallait reconstruire un gouvernement juste et digne, apporter un soutien aux peuples qui avaient souffert de l’Empire, comme les Wookies ou les Lasats.
La politique était à revoir également, car de nombreuses personnes, haut-placées, avaient trop profité du règne de l’Empereur. Toutes les corruptions devaient être éliminées et remplacées par ceux qui se souciaient réellement de leur peuple. De même, seul l’Empereur et quelques-uns de ses commanditaires avaient été tués dans l’attaque de l’Étoile Noire. Il restait encore des Impériaux puissants en liberté, qui continuaient à sévir et à détruire des vies. Ils devaient être arrêtés à tout prix. Le chasseur pensait également à la pègre. Si ce monde de mercenaires avait toujours agi comme il l’avait entendu, que ce soit sous l’Empire ou la République, il était certain que des Impériaux allaient s’y faire une réputation et se réinventer une vie. Bien sûr, Orn était la personne la mieux placée pour savoir qu’il fallait savoir pardonner et laisser une nouvelle chance aux Impériaux - tout comme l’Alliance lui avait laissé une chance. Cependant, un Impérial intelligent dans la pègre pouvait œuvrer encore pour l’Empire, même si ce dernier était détruit. Beaucoup avaient trop prospéré lors du règne de l’Empereur pour ne pas agir pour son retour, même sans un Empereur ou son bras droit. Tant de choses restaient à faire, dans une Galaxie qui était changée et différente.
Nasha resta avec Orn, et tous deux discutèrent longuement de leurs aventures. La jeune Twi’lek avait fait des prouesses dans la Rébellion, exactement comme le chasseur s’y attendait. Lorsqu’elle avait rejoint les Fulcrums de Tatooine, elle avait rencontré Fulcrum, la personne à l’origine de ce groupe d’espions Rebelles. Selon Nasha, c’était une Togruta qui avait la quarantaine, à la peau brune et à la coiffe blanche et bleue. La Twi’lek était très admirative de cette Rebelle, qui avait appartenu à l’Ordre Jedi, avant de le quitter de son plein gré. Orn, qui écoutait Nasha avec grande attention, repensa à Taano. Sa sœur devait sûrement être heureuse que l’Empire qui l’avait tué, elle et ses semblables, avait fini par tomber. En vérité, son frère jumeau savait qu’elle n’aurait jamais désiré la vengeance, si elle avait survécu. La jeune Padawan n’aurait fait qu’agir pour les protéger les victimes de l’Empire. Le chasseur espérait avoir fait cela même, et que Taano reposait désormais en paix. La vérité allait pouvoir être rétablie, après des années de mensonges. Orn devait donc assurer l’héritage de sa sœur. Par réflexe, il chercha de sa main le sabre-laser de la Padawan, avant de suspendre son geste, se souvenant que ses affaires avaient été données à Nasha. Inquiet du seul souvenir qu’il avait de Taano, il se tourna vers son amie.
"Sais-tu où est l’arme de Taano ?
— Oui. Ce n’est pas moi qui l’ai, par contre. Luke Skywalker l’a pris, pour pouvoir l’étudier. À vrai dire, il était surpris que tu ais un sabre-laser, mais il voulait surtout s’assurer que personne ne le prenne. Je peux aller le chercher, si tu veux," proposa son amie d’un ton doux.
Orn hésita. D’un côté, il voulait que Skywalker lui rende cette arme si précieuse. De l’autre, il ne voulait pas que Nasha parte. Comprenant son hésitation sans qu’il ait besoin de le dire à voix haute, Nasha se leva pour partir. Orn allait contester, mais elle lui assura que cela ne la dérangeait pas, et que le chasseur n’allait pas regretter, avait-elle dit avec un clin d’œil. Elle partit sans explication, laissant son ami confus et perdu. Il ne comprenait pas ce qu'elle avait voulu dire par là, ni pourquoi elle avait fait un clin d’œil. Seul à nouveau dans la tente brune, il posa son dos contre le matelas du lit, regardant le toit bouger avec le vent. Il poussa un soupir, puis attendit. Quelques minutes après, la porte se rouvrit.
Rechignant à se redresser face à la douleur que ce geste lui apportait, il tourna seulement la tête en souriant, s’attendant à voir Nasha. Au lieu de se poser sur la jeune Twi'lek, son regard se posa sur un homme à la peau mate et au visage couvert de cicatrices. Reconnaissant immédiatement son compagnon, Orn ouvrit la bouche pour la refermer, ne sachant que dire. Il ne s’était pas attendu à le revoir ici, mais il brûlait de se précipiter vers lui, bien qu’il ne voulût pas. Sachant cela, Fett s’avança vers lui puis s’agenouilla à côté de son lit, affichant un grand sourire. Une grande cape noire enveloppait son armure verte, cachant son identité à tous ceux qui ne savaient pas qu’il était un clone. Lorsque le chasseur voulut se relever pour mieux l’accueillir, le Mandalorien posa une main sur son torse, pour l’en empêcher.
"Je n’ai pas envie que la soigneuse m’assassine, alors reste posé, Orn," souffla-t-il, les yeux emplis de tendresse.
Le chasseur leva les yeux au ciel, tout en lâchant un petit rire. Il reposa à nouveau ses yeux sur son compagnon, et l’observa tendrement, sentant ses yeux devenir brillant.
"J’ai eu peur de ne jamais te revoir, tu sais…," avoua le Twi’lek d’une voix serrée.
Le concerné tentait de retenir ses larmes, tout en lui prenant la main d’un geste doux.
"C’est moi qui devrais dire ça. Je suis venu ici dès que Nasha m’a appelé, en me disant dans quel état tu étais… Je-je suis content que tu ailles bien," rétorqua le Mandalorien de sa voix grave.
Le chasseur sourit, comprenant derrière les mots ce que son compagnon avait avoué, pour la deuxième fois dans sa vie. Sans porter attention à l’inquiétude de Fett, il se redressa en faisant une grimace. Une fois assis, il fit signe au Mandalorien de s'asseoir également à côté de lui. Ce dernier s'exécuta en souriant, tout en secouant la tête. Il savait pertinemment que le Twi’lek n’était pas le genre de personne à prendre grand soin de lui-même et à écouter ceux qui s’inquiétaient pour lui. Plantant ses yeux dans ceux d’Orn, il attendit qu’il se décide à révéler ce qu’il avait derrière la tête.
"Je te pardonne… à une condition," souffla le chasseur.
Le Mandalorien fronça les sourcils, lui signalant de continuer d’un geste de la tête. L’expression espiègle sur le visage du chasseur ne présageait pour lui rien de bon, mais il savait également que jamais il ne rigolait sur ce sujet. Après quelques secondes, Orn reprit la parole avec un petit sourire.
"Tu restes avec moi."
Le Mandalorien regarda son compagnon avec des yeux doux, hochant la tête pour signifier son accord. Il n’avait pas besoin d’une telle condition pour rester avec lui, de toute manière. Fett n’était pas simplement revenu pour s’assurer que le Twi’lek aille bien. S’il était à nouveau à ses côtés, ce n’était pas pour encore le quitter, bien au contraire. Le Mandalorien voulait rester avec son compagnon, aussi longtemps que ce dernier voudrait de lui. Et il n’avait pas non plus besoin d’un discours comme celui-ci pour savoir que le chasseur le voulait à ses côtés pour toujours. L’expression tendre et déterminée qui faisait briller ses yeux était bien suffisante pour lui.
"Est-ce que je peux t’embrasser ?" demanda Fett d’une voix faible, presque murmurée.
Un grand sourire éclaircit le visage du Twi’lek, qui hocha la tête. Fett, qui souriait également, ajusta sa posture tout en faisant attention à ne pas le blesser. Il se posa devant Orn, avant de poser une main sur sa joue et d’avancer doucement son visage. Le chasseur se rapprocha imperceptiblement, ignorant la douleur du mouvement, puis embrassa Fett avec force et tendresse. Il amena ses mains à la taille de son Mandalorien pour le rapprocher de lui, tandis que ce dernier lâcha un petit rire contre ses lèvres. Leurs deux corps enlacés, les mercenaires savaient que si jamais leur chemin se séparait à nouveau, ce ne serait que contre leur gré. Ensemble, ils pouvaient trouver la force d’avancer dans cette Galaxie nouvelle, sans l’Empire qui avait pourtant défini leur vie. Ils allaient devoir se reconstruire, trouver une nouvelle signification, un nouveau but. Cela, ils le trouveraient ensemble, à leur rythme, en se protégeant mutuellement.
La Galaxie pouvait bien changer, que ce soit pour le meilleur ou pour le pire. Leur amour, ainsi que la force et le courage qui les animaient lorsqu’ils étaient ensemble, ne changeraient jamais, telle une ancre à laquelle s’accrocher. Avec Nasha et Twik, ils formaient un équipage soudé, immuable et uni. Orn avait une famille, qui était là pour lui, tout comme il était là pour elle. Cette famille, il se promit de ne plus jamais la quitter. Ils avaient affronté l’Empire seuls et isolés, aux quatre coins de la Galaxie. Ils allaient affronter ce renouveau ensemble.