Arnitan :
Le paysage était chaotique : sol rougeâtre, villages en ruines, parfois presque engloutis sous la terre. Pas une âme, pas une créature étrange. Seulement quelques bêtes qu’ils chassaient pour survivre.
Pour l’instant, Aelia avait eu raison d’imposer un petit groupe. Ils avançaient vite, sans attirer l’attention. Pourtant, le roi de Cartan, Calir et d’autres avaient prévenu : ces terres étaient mortelles. Mais à part les sorts ratés d’Aelia, rien n’avait encore justifié leurs craintes. Ils restaient pourtant sur leurs gardes, jours et nuits.
Depuis quelques temps, Arnitan sentait des yeux sur eux. Jamais il n’avait trouvé d’où. Peut-être un simple délire… puisque personne d’autre ne semblait le remarquer.
Et malgré lui, ses yeux revenaient sans cesse vers la jeune comtesse. Comme s’il craignait qu’elle disparaisse. Toujours entourée de ses amies, toujours souriante de jour… mais la nuit, elle partageait avec lui la chaleur du feu. Ces instants, il les attendait. Après sa confession — la vision de la mort de Gwenn qu’elle n’avait pas osé lui dire —, il avait songé à ne plus la rejoindre. Mais dès le lendemain, il était revenu. Il venait même s’il n’avait pas fait de cauchemars. Il en avait besoin.
Qu’aurait-elle pu faire ? Et lui ? Aurait-il foncé tête baissée pour sauver Gwenn, au risque de tout perdre ? Il ne voulait plus y penser. Son seul but, désormais, était de détruire ce dieu. Brelan l’avait remis sur le droit chemin.
Aelia avait aussi confié avoir vu les champs de Dralan en flammes, mais pas la tour. Ça le rongeait, est-ce que les armées de Cartan et de Balar avaient remporté la bataille ? Ou la forteresse était-elle tombée ? Et si sa famille s’y trouvait encore ? Mais que pouvait-il faire d’ici ? Rien. Alors il devait trouver ce rocher, coûte que coûte.
Depuis, aucune nouvelle vision. Mais autour du feu, elle avait avoué que son comté lui manquait… tout en se disant plus heureuse ici. Cela l’avait troublé. Lui aurait tout donné pour retrouver sa vie d’avant, mais il comprenait : dans son domaine, elle était prisonnière de son statut. Ici, elle était libre.
— Tan, t’as entendu Calir ? lança Draiss.
Arnitan sursauta. Le messager discutait avec Brelan et Gabrielle.
— Non. Qu’a-t-il dit ?
— Je le savais… tu n’écoutes jamais rien.
— C’est normal, intervint Céleste en souriant.
— Ah bon ? Pourquoi ? demanda Draiss.
Elle tourna la tête vers Aelia. Draiss suivit son regard.
— La comtesse… ne va pas bien ? risqua-t-il.
Céleste se frappa le front.
— Tu es irrécupérable…
Draiss balaya du regard Arnitan puis Aelia, avant de s’écrier :
— Oh. D’aaacccord.
— Vous n’avez rien compris, protesta Arnitan, gêné.
— Petit frère, tu sais ce que j’en pense. Va de l’avant. C’est ce qu’elle voudrait, dit doucement Céleste.
Un silence pesa. Draiss finit par souffler :
— Tan… je sais que c’est dur. Pour moi aussi, ce n’est pas facile. Mais si tu ressens quelque chose… fuis pas. En plus… c’est une comtesse, elle doit avoir plein —
Il s’interrompit sous une gifle magistrale de Céleste.
— Mais t’es folle !
— Tu commençais bien et t’as tout gâché, abruti !
Arnitan éclata de rire.
— Merci. Tous les deux. Je sais que je dois continuer à vivre… Mais c’est encore trop tôt. Quand je vois Aelia... Quand elle s’approche, c’est encore Gwenn que je ressens.
Ses deux compagnons le regardèrent avec tendresse.
— Arnitan ! Aelia ! appela Brelan.
Ils lui sourirent d’un air entendu. Irrécupérables, pensa-t-il.
Il rejoignit Brelan, Calir, Gabrielle et Sylros, qui s’étaient arrêtés.
— Que se passe-t-il ? demanda Aelia.
Machinalement il se tourna vers elle. Ses yeux croisèrent les siens, une chaleur douce l’envahit. Il détourna vite le regard.
— Selon Calir, le rocher serait à l’ouest, dans une tour encerclée par l’océan, expliqua Brelan.
— Des récits des anciens, précisa le messager.
— On va se baser sur des légendes de villages inconnus ? protesta Gabrielle.
— Et vous, Sylros ? demanda Calir.
— Certains récits parlent bien d’une tour isolée, confirma le mage. Mais je ne sais pas si c’est vrai.
Arnitan fronça les sourcils. Pourquoi lui et Aelia devaient-ils être présents ? Mais les quatre doyens tournèrent leurs regards vers eux.
— Vous êtes liés à ce destin, dit Brelan. C’est à vous de choisir.
Calir souriait, les yeux étrangement brillants.
Aelia prit la parole :
— Vous disiez que les récits en parlaient que ce soit en Cartan ou vers les frontières des Terres Abandonnées. Ne vaudrait-il pas qu’on les écoute ?
— On ne va tout de même pas se laisser guider par des enfants, grommela Gabrielle.
— Nous ne connaissons pas les Terres Abandonnées. Et ce sont eux qui doivent détruire l’ennemi, pas nous. Alors oui, je leur confie ma vie, déclara Brelan avec fierté.
Arnitan hocha la tête, ému.
— Je suis d’accord avec Aelia. De toute façon il n’y a personne aux alentours pour nous renseigner. Suivons ce que les récits disent, nous n’avons pas d’autres options. Plus nous tardons, plus de vies seront perdues.
Il sentit le regard d’Aelia mais ne se retourna pas.
Calir sourit toujours. Sylros acquiesça. Gabrielle râla, mais céda.
— Alors cap à l’ouest, trancha Brelan.
Arnitan était heureux d’avoir été écouté et en même temps il sentait une pression nouvelle sur ses épaules. La dernière fois il avait laissé Aelia choisir leur chemin mais à présent ils avaient choisi ensemble. Et s’il s’était trompé ? Que se passera-t-il ?
Il pria d’avoir pris la bonne décision. Pourquoi Talharr ne me l’indique pas ? se demanda-t-il.
Le dieu ne lui était plus jamais réapparu après la blessure que lui avait faite Wolfrharr. D’ailleurs où était le loup géant ? Ou même Hirtyl, l’hirondelle d’Aelia ? Sûrement quelque part à nous épier.
Ils reprirent leur marche des heures durant. Des ruines, des forêts oppressantes, puis le crépuscule.
Soudain, des sifflements.
— Guerriers ! En position ! hurla Brelan.
Un cercle protecteur se forma autour des femmes, de Calir et de Sylros.
Les sifflements continuaient mais pas une seule forme de vie ne fit surface. Les Terres Abandonnées n’avaient jamais été aussi suffocantes.
Arnitan aperçut alors une silhouette immobile, au loin. Une migraine atroce le plia en deux. Une voix transperça son esprit. Ses amis vinrent à son aide.
— Jeune Loup… vous mourrez tous. Jamais vous ne vaincrez notre dieu !
Un rire noir éclata, résonna, puis s’éteignit. La douleur s’évapora. La silhouette avait disparu.
Tous étaient pétrifiés.
— Où est-elle passée ? Comment s’est possible ? se questionnèrent les guerriers.
Les sifflements s’étaient également éteints mais les épées scintillaient toujours sous le soleil qui allait bientôt disparaitre.
— Que s’est-il passé ? demanda Brelan.
— Une voix. Elle a dit qu’ils nous tueraient tous, que jamais nous vaincrons leur dieu, expliqua Arnitan.
Son maître resta songeur.
— Alors nous allons dans la bonne direction, dit son maître. Sinon, ils ne nous auraient pas avertis. Continuons à marcher encore quelques heures.
— Et comment peux-tu en être si sûr ? demanda Gabrielle, quelque peu déconcertée.
— Pourquoi indiquer qu’ils veulent nous tuer alors qu’ils auraient pu le faire en cet instant ? dit Brelan.
Sylros leva les yeux vers l’horizon.
— La tour. C’est là que la bataille nous attend. Devant leur dieu. Quel meilleur moyen de se montrer digne ?
Gabrielle jura, mais acquiesça.
Ça fit sourire Arnitan. La vieille herboriste ne changerait jamais.
Les épées retrouvèrent leur fourreau puis ils reprirent leur route plus vigilants que jamais.
— Tu penses qu’on va réussir ? lui souffla Aelia.
— Je ne sais pas ce qui nous attend et c’est certain que ce sera difficile. Mais nous n’avons pas le choix, nous devons réussir. Il est hors de question d’échouer. Ensuite nous pourrons retrouver nos familles et vivre.
Il sentit la paume de la main de la jeune comtesse se mettre sur le dos de la sienne. Arnitan ne frémit pas un seul instant, laissant la vie le reprendre.
Nous n’avons pas le choix, se dit-il, un espoir nouveau naissant en lui.
-Ils reprirent leur marche des heures durant. Des ruines, des forêts oppressantes, puis le crépuscule.
Soudain, des sifflements. ( je trouve la coupure un peu brutale encore une fois, j'aurais peut-etre rajouté une plus grande mise en contexte pour nottament poser le décors).
A la prochaine,
Scrib
J'ai vraiment du mal avec ça, dans ma tête c'est tellement clair, que je me dis ça fera l'effet "qu'est-ce que c'est ?", mais je devrais peut-être mettre plus d'infos, je vais regarder ça :)
Encore merci et à plus ! ^^