Chapitre 45 : La Dynastie des Damnées [1/2]

Notes de l’auteur : Enfin le chapitre qui porte le nom de mon univers ^^ Quelques petites explications sont dues !
Bonne lecture ;)

Les vingt étaient réunis de nouveau autour de la Table des Dix, cette fois-ci non pas à l’aurore mais après le banquet qui fit office de déjeuner. Les débats sur la sixième proposition s’étant terminés le matin, il avait été décidé d’un commun accord que les débats sur la septième débuteraient dès l’après-midi afin de rationaliser le temps.

Tous les chefs, les souverains et dignitaires étaient silencieux, jetant des coups d'œil impatients aux personnes en face et à côté d'eux.

Puis, la Présidente prit la parole d’un ton calme et autoritaire.

— Bien, nous souverains de l'Ouest avons déjà pris la Parole ou y avons renoncé, annonça-t-elle en glissant un regard vers le roi Christian, avant de se tourner vers l'autre extrémité de la Table. Souverains de l'Est, en tant que nouveaux membres de la Table des Dix, vous avez droit à la Parole. La cheffe Taravahë l'a fait hier et nous lui en sommes reconnaissants. Alors, roi du Sskiar, Impératrice Noire, je vous en prie. Que l'un de vous prenne la Parole. C'est votre tour.

Après la traduction effectuée, le roi du Sskiar braqua ses yeux jaunes sur la Présidente et lui adressa un sourire lumineux, mais il leva ses mains en croix. Marina fronça les sourcils avant de se tourner vers l'Impératrice Noire.

À son tour, elle leva ses bras pour former une croix devant son buste, et son mouvement brusque fit cliqueter sa robe de fer et souleva légèrement le voile noir qui recouvrait son visage.

— Êtes-vous sûrs que vous ne souhaitez pas prendre la Parole ? demanda Marina, son ton inquiet. Je me dois de vous rappeler que la Table des Dix ne se réunit qu'une fois tous les soixante-dix ans. Êtes-vous sûrs que vous ne souhaitez pas saisir cette occasion ? Faites-vous assez confiance à vos descendants pour défendre l'intérêt de votre pays à la prochaine Table des Dix ?

Les bras et les mains de l’Impératrice Noire commencèrent à s’animer dans un chaos de gestes furtifs, sous l’œil attentif de Madame Ren.

— L’Impératrice Noire vous dit qu’elle trouve que la Loi Sacrée a été assez modifiée comme cela. Elle ajoute qu’elle n’a rien à vous dire.

Marina haussa un sourcil irrité mais hocha la tête, avant de se tourner vers le roi du Sskiar qui ne se départait pas de son sourire éblouissant. Il s’exprima d’une voix claire et enthousiaste, ses yeux jaune brillant de bienveillance, et sans tarder, Boris procéda à la traduction sur un même ton enjoué.

— « De ce que j’ai pu constater, nous avons réalisé de nombreux progrès ces derniers jours grâce à toutes les interventions successives. Je suis navré, je ne connais que peu les coutumes et habitudes de vos royaumes de l’Ouest. L’unique raison pour laquelle je me suis rendu en Indeya était pour vous témoigner de mon amitié et vous prouver que nous pouvions entretenir des relations apaisées entre l’Ouest et l’Est. Je crois que c’est chose faite ? »

À peine les interprètes eurent-ils terminé de traduire les mots du roi du Sskiar que Taravahë joignit les mains devant son visage dans un sourire ravageur, reflet parfait de celui de son homonyme du royaume voisin. Lorsqu’elle prit la parole, sa voix était chaude, douce et vertigineuse.

— « Oui », traduisit Boris avec un certain temps de latence. « À présent, Notre Monde est uni comme vous l’avez dit, n’est-ce pas, Reine-Diamant ? »

Les souverains de l’Ouest marquèrent un temps d’arrêt jusqu’à ce que les yeux noirs de Taravahë se posent sur la reine des Ospales. Cette dernière soutint le regard de charbon, ses prunelles claires traversées d’un éclat furtif, à peine visible, avant d’hocher la tête avec solennité. La cheffe des Îles Taravané poursuivit alors, satisfaite.

— « Vos révolutions sont nos révolutions. Nos progrès sont vos progrès. À l’origine, à Taravané, on ne voulait pas changer le monde. On voulait juste être là pour le voir. Qu’il éclose ou qu’il s’effondre. »

Un long silence suivit sa déclaration, tous les regards braqués sur la guerrière aux cheveux de plumes, tantôt circonspects, tantôt admiratifs. Des rictus naissaient et mouraient sur les lèvres, et les têtes s’animaient, se secouaient, se penchaient.

Finalement, la reine Marina se dressa de toute sa hauteur, faisant crier sa chaise qui racla le sol.

— Très bien. Nous prenons acte de votre abstention, Impératrice Noire et roi du Sskiar. Alors, reprit-elle en posant son regard sur tous les visages les uns après les autres. En tant que Présidente de la Table des Dix, la Parole me revient en dernier. À présent, la Parole est donc mienne.

Les yeux ambrés de la reine d’Elesther croisèrent un instant les iris brillants de Diane, qui souriait avec arrogance. Néanmoins, la Présidente reprit dans le même ton assuré, sans appel.

— Ma proposition sera simple, clama-t-elle, posant les mains à plat sur le marbre. Et elle devrait, je l’espère, emporter l’adhésion de la majorité sans trop de débats.

Un ricanement hautain retentit.

— Ma foi, je vous trouve bien confiante, Madame la Présidente. Je suis bien curieuse de savoir quelle est donc votre proposition. Elle doit être bien séduisante pour que vous la voyiez déjà couronnée de succès…

Marina glissa un regard oblique, vénéneux en direction de la reine Diane, mais ne broncha pas.

— Vous verrez cela par vous-même, je suppose, rétorqua-t-elle froidement. Je vais vous l’énoncer dès à présent.

Elle marqua une pause après avoir recueilli tous les regards des membres de l’assemblée qui étaient dans l’attente de sa déclaration.

— Je crois que nous souhaitons tous la même chose ici, continua-t-elle, son regard trouvant les yeux charbon de la reine Garance. Nous voulons sauver la Dynastie des Damnées, lever sa malédiction…

Nul ne réagit, ni pour objecter, ni pour confirmer. Alors dans un air grave, sa bouche vermillon s’entrouvrit de nouveau.

— Mon souhait est simple, vital. Je veux que la Loi Sacrée reconnaisse l’existence des femmes. Ne serait-ce qu’une seule fois.

Devant le silence d’incompréhension qui lui fit face, Marina chercha les prunelles de diamant.

— Alors, reine Diane, oserez-vous dire que ma proposition ne vous sied pas ?

L’intéressée esquissa un fin sourire, ses mains croisées posées élégamment sur la table.

— Absolument pas. Contrairement à ce que vous semblez penser, Madame la Présidente, je ne vis pas pour vous contrarier. Enfin… disons plutôt que je ne vis pas uniquement pour cela.

Le coin des lèvres de Marina s’enroula dans une grimace de rage, mais elle n’eut pas le temps de répliquer, car Diane poursuivit, impitoyable.

— Votre proposition ne me semble pas négative, en revanche j’ai peur de ne pas comprendre son intérêt. Pourquoi donc souhaitez-vous que la Loi Sacrée mentionne les femmes ? Trouvez-vous peut-être que nos royaumes les traitent de la mauvaise manière ? Bien sûr, j’ignore ce qu’il se passe en Elesther sous votre gouvernement, Madame la Présidente, mais sachez qu’en Ospales, il n’en est rien.

Un léger toussotement retentit, et quelques regards se posèrent sur la reine d’Indeya qui portait une main devant sa bouche, échouant à dissimuler son sourire. La reine Diane ne suivit pas le mouvement et resta tournée vers Marina, dont les yeux mordorés s’assombrirent tout à coup.

— Ce n’est pas le traitement des femmes que je décrie ici. La Loi Sacrée est, comme vous le savez tous, le texte qui édicte les règles gouvernant et organisant le pouvoir dans tous les royaumes. Il ne concerne donc pas toutes les femmes, mais celles qui sont amenées à détenir le pouvoir. Voyez-vous donc où je veux en venir ?

— Ah ! s’exclama enfin Juliette. La Loi Sacrée ne mentionne pas les femmes, ce qui voudrait dire qu’une femme ne peut pas avoir le pouvoir ?

Marina offrit un sourire crispé à la reine de Crystallide, mais la parole lui fut volée.

— D’accord, mais dans les faits, c’est pas tout à fait vrai, remarqua Amalric d’un ton bourru. Il suffit de jeter un œil autour de cette Table.

Alors qu’il parcourait l’assemblée de ses petits yeux froids, tous les souverains l’imitèrent. Ses yeux se posèrent sur la reine de Crystallide et son Attendante, la reine d’Indeya, la reine de Percée, la reine des Andes, sur l’Impératrice Noire et Madame Ren, sur la guerrière Taravahë et enfin sur sa propre sœur et Kiryana, immobile à ses côtés.

— Moi, très franchement, ça m’est égal. Mais juste, il faut reconnaître la réalité. Il faudrait être aveugle pour pas le voir : autour de cette Table, vous, les femmes, êtes largement majoritaires.

— Il est vrai que nous ne pouvons pas défendre l’idée que les femmes ne peuvent pas accéder au pouvoir, renchérit Garance, son ton légèrement hésitant. Ou plutôt, nous ne le pouvons plus. Aussi, je me demande : quel est donc votre projet, Présidente ?

Marina serra les dents, et ferma les yeux un court instant.

— Alors si vous êtes persuadés que tout est parfait, considérez ma requête comme un caprice.

— Ce n’est pas ce qu’a dit la reine Garance, intervint Christian de sa voix douce. Néanmoins, vous voulons seulement comprendre les raisons qui se cachent derrière une telle proposition qui semble – à première vue seulement, sans nul doute – superfétatoire.

La Présidente observa longuement le roi Christian, comme scrutant la moindre trace de doute sur son visage, mais ses traits étaient parfaitement lisses, imperturbables. Finalement, elle acquiesça avec lenteur, et tout aussi lentement, elle se rassit et s’appuya contre son dossier, les bras croisés sous sa poitrine.

— Je vois, très bien, admit-elle, ses lèvres rouges formant une ligne stricte. Peut-être vous ai-je exposé le problème dans le mauvais sens. Dites-moi donc, reine Garance, reprit-elle, posant son regard brûlant sur la reine des Andes, pourquoi appelle-t-on notre dynastie la Dynastie des Damnées ?

Une ombre recouvrit un court instant les yeux de la reine des Andes, avant qu’elle ne réponde d’un ton morne, éteint.

— Elle est appelée ainsi car une légende dit que toutes les aînées sont maudites.

Marina hocha la tête, satisfaite.

— Et pourquoi cette malédiction toucherait les aînées filles en particulier, à votre avis ?

Garance fronça les sourcils mais répondit néanmoins.

— La raison, nous l’ignorons tous et toutes, malheureusement. Cependant, ce dont nous sommes sûrs c’est que ce sont bien les femmes nées dans cette dynastie qui semblent partager un destin funeste. Nous avons déjà cité l’exemple de la princesse Adélaïde, portée disparue, la reine Juliette qui a fui son royaume, vous-même qui avez perdu le contrôle à cause de votre magie, et ma propre fille…

— En effet, reconnut Marina. Je crois que l’on peut également ajouter à cette longue liste la reine d’Indeya ici présente qui s’est engagée dans la résistance pour s’opposer à sa propre mère.

Marina croisa les yeux émeraude de Jade qui pencha la tête de côté, l’air faussement étonné. La reine d’Elesther répondit par un sourire amusé.

— Sans oublier la reine Diane, souffla-t-elle, son ton se faisant mielleux. Forcée d’épouser un roi sans envergure plus âgé qu’elle, et désormais menacée de mort par la résistance qui aspire à renverser son gouvernement.

La Présidente de la Table des Dix ignora avec brio, et une pointe d’arrogance satisfaite, les yeux glacials de la reine Diane.

— Je ne sais pas si on peut vraiment considérer que ce qui menace la reine Diane est une malédiction, nuança Juliette dans un petit rire. Si la résistance menace son royaume, c’est peut-être pour mettre fin à la terreur qu’elle a instauré elle-même, non ?

Les lèvres rouges de Marina se fondirent dans un demi-sourire, et le regard implacable de Diane glissa de la Présidente vers la reine de Crystallide. Celle-ci n’en menait pas plus large.

— Certes, je suis obligée de vous rejoindre là-dessus, reine Juliette. Mais permettez-moi de vous présenter la chose sous un autre angle. Savez-vous combien d’années a régné le jeune roi Léon avant d’épouser la reine Diane ?

Juliette secoua la tête négativement, et Garance répondit à sa place.

— Il me semble qu’il a régné seul pendant trois ou cinq ans, avant d’épouser la reine Diane. Cette dernière a commencé à régler officiellement deux ans plus tard, si mes souvenirs sont exacts.

— Je remercie votre mémoire, reine Garance, répliqua Marina dans un sourire, avant de balayer l’assemblée du regard à nouveau. Maintenant, reines et rois, répondez à ma question : pourquoi, selon vous, la résistance est-elle née seulement après l’arrivée de la reine Diane sur le trône, alors même qu’elle a appliqué la Loi Fondamentale des Ospales comme tous ses prédécesseurs, celle-ci n’ayant jamais été modifiée ?

— Sans doute parce que la politique du roi Léon était bien plus souple que celle menée par son épouse à sa suite, argua Christian.

— N’avez-vous jamais entendu ce dicton qui décrit la politique des Ospales : « la loi est la loi et rien d’autre » ? insista Marina.

Tandis que Christian secouait la tête, Jade baissait les yeux, l’air sombre.

— Vous pourrez interroger votre épouse si vous ne me croyez pas, mais sachez que cela signifie que, peu importe la personnalité et la volonté du souverain, il est forcé d’appliquer la loi et les coutumes. Il ne peut ni les adoucir ni les durcir.

— Êtes-vous en train de dire que le roi Léon a conduit une politique tout aussi tyrannique que la reine Diane, reine Marina ? l’interrogea Juliette, ses sourcils dorés marquant une courbe sceptique sur son front.

— Bien sûr que non, nia Marina d’un ton sec. J’essaie simplement de vous expliquer que les racines de l’oppression étaient présentes depuis le début. Elles étaient là, contenues dans la Loi Fondamentale du royaume. Le roi Léon a été forcé de les appliquer. Il a été forcé d’arrêter, de torturer, d’exécuter. Lui aussi. La reine Diane n’a fait que reprendre le flambeau, avec plus de conviction. Elle a simplement appliqué avec zèle les principes et les valeurs d’un royaume déjà corrompu.

— Excusez-moi, Madame la Présidente, l’interrompit Christian, son ton grave. Seriez-vous à tout hasard en train de prendre la défense de la reine Diane ? En train de justifier sa position et sa politique de terreur en nous démontrant qu’elle n’avait pas d’autre choix ?

La première concernée portait un rictus d’une blancheur dédaigneuse, empreinte de fierté et de suffisance.

— Non, objecta de nouveau Marina, imperturbable. Je ne le nierai pas : elle avait naturellement le choix, comme j’ai eu moi-même le choix, et comme nous avons tous le choix. Néanmoins, là où je m’interroge, c’est plutôt sur ce point en particulier : jusqu’à quel point nos choix sont-ils libres ?

— Que voulez-vous dire ? l’interrogea Amalric dans un grommellement à peine décelable.

— Ce que je veux vous demander, c’est : à votre avis, jusqu’à quel point Diane a-t-elle choisi de mener une politique de terreur ? Jusqu’à quel point la princesse Adélaide a-t-elle choisi de disparaitre ?

Alors qu’elle ne recueillait aucune réponse, elle poursuivit, ses yeux se posant tour à tour sur chaque souverain.

— La jeune princesse Juliette a-t-elle choisi sciemment de fuir son royaume, ou son choix a-t-il été forcé par des contraintes extérieures ? Par son mariage imposé, par son père tyrannique, par sa mère impuissante ?

Une grimace désolée se forma sur le visage lumineux de Juliette, tandis que la reine Eléanor baissait la tête encore plus bas, son front touchant presque ses bras posés en désordre sur la table.

— La princesse Helena a-t-elle réellement choisi de quitter ses parents et de signer un pacte avec la déesse du Néant, ou son choix était-il déterminé d’avance ?

— Selon vous, les héritières ne seraient donc pas responsables de leur choix ? demanda Garance, les sourcils froncés.

Marina braqua ses yeux enflammés sur la sage reine des Andes.

— Je ne dis pas que le choix ne leur appartient pas, ni qu’elles doivent être totalement dédouanées de toute responsabilité. Simplement, je crois que leur choix – notre choix – n’a jamais été totalement libre. Il est influencé, déterminé par des contraintes indépendantes de notre volonté. C’est pourquoi il est irréaliste, voire injuste, de nous reprocher ces choix de la même manière que si nous les avions pris en toute âme et conscience.

— Je crois que… commença Eléanor de sa voix fluette, hésitante. Je comprends… Ce que vous voulez dire. Les héritières ne seraient que… partiellement responsables des choix… qu’elles font ? Mais alors… comment savoir… à quel degré elles sont réellement responsables ?

— Oui, je crois que votre raisonnement comporte une part de danger, reine Marina, confirma Christian après avoir échangé un regard entendu avec son épouse. Il ne faut pas tomber dans l’excès de croire que tous les choix – y compris ceux déraisonnables, tyranniques et cruels – doivent être expliqués et pardonnés. Ainsi nous excuserions les pires horreurs sous prétexte d’une prétendue fatalité…

— Vous avez raison, concéda Marina. Il est impossible de déterminer à quel point une personne a été influencée dans sa prise de décision. C’est justement pour résoudre cette question que je vous propose non pas de réfléchir à la responsabilité des héritières, mais plutôt de réfléchir à leur offrir cette liberté totale dans leur choix.

— Et selon vous, ajouter le mot « femme » dans la Loi Sacrée offrirait cette liberté aux héritières ? demanda Amalric dans une grimace défiante. Je suis désolé, mais je ne vois pas bien en quoi ça aiderait.

— Si vous n’êtes pas capable de faire le lien par vous-même, je vais vous expliquer ma façon de penser, trancha la reine d’Elesther. Je crois que le choix des héritières n’est pas libre parce que les héritières elles-mêmes ne sont pas libres. La reine Juliette n’était pas libre de choisir si elle souhaitait se marier ou pas. La princesse Helena n’était pas libre de choisir si elle voulait régner ou non. Et peut-être que la reine Diane n’a pas été réellement libre de régner de manière raisonnable, parce que son autorité aurait alors été contestée, niée.

Les yeux de diamant croisèrent un instant les iris de braises de la reine Marina, mais la reine Diane demeura muette.

— Alors, donc, vous êtes en train de dire que la reine Diane est un tyran parce qu’elle n’a pas d’autre choix si elle veut se faire respecter en tant que femme ? l’interrogea Juliette, abasourdie. Excusez-moi, reine Marina, mais je trouve cette excuse un peu facile, même en admettant que le royaume des Ospales est de toute manière régi par une loi sévère. La reine Garance, moi, ou vous-même, malgré votre passé troublé, nous parvenons toutes très bien à régner de manière apaisée, il me semble…

— Attention, la coupa Marina. Pas un seul instant je n’ai dit que la reine Diane n’avait pas d’autre choix que de devenir tyran. Je dis simplement que peut-être, elle a eu l’impression qu’elle n’avait que ce choix-là. Et le problème est là : nous, héritières, faisons des choix parce que nous avons le sentiment qu’il est notre dernier recours. Mais un choix, pour qu’il soit réel, doit pouvoir être pris parmi un éventail de possibilités toutes accessibles, vous ne croyez pas ? Or, nous devons nous rendre à l’évidence : nous ne sommes pas libres de choisir.

— Et pourquoi donc ?

Marina se tourna de nouveau vers Amalric, un sourcil haussé.

— Parce que dans la Dynastie des Damnées, à l’origine, les femmes n’étaient pas nées pour avoir le pouvoir. La Loi de l’Aîné est claire. Elle dit que l’aîné de la fratrie royale héritera du trône. L’aîné est écrit sans e, l’intention est limpide : l’héritier ne peut être qu’un homme, le trône ne peut jamais appartenir à une femme. La question ne se pose même pas. Car devant la Loi Sacrée, les femmes n’existent pas. Tout simplement.

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Edouard PArle
Posté le 05/02/2023
Coucou !
Avant de passer au cœur du chapitre, un petit mot sur l'impératrice noire et le roi du sskiar. Si le passage où le roi dit qu'il est venu témoigner de son amitié est intéressant, je n'ai pas trouvé leur intervention (ou plutôt non intervention) ultra convaincante. De manière générale, les personnages venus se greffer à la Table des Sept sont moins intéressants que les originaux je trouve. Je me demande parfois si la présence de plusieurs souverains étrangers est vraiment nécessaire. Un seul (l'impératrice plutôt ?) suffirait peut-être à apporter ce point de vue venu de l'extérieur et pourrait ainsi être davantage développé. N'étant pas arrivé à la fin du roman, cette remarque vaut ce qu'elle vaut. Ils auront peut-être un rôle majeur dans quelques chapitres.

Ahhh j'ai l'impression qu'on arrive aux choses sérieuses dans ce chapitre ! Ca fait très plaisir de voir la cause féminine évoquée à la Table, il y a énormément de choses à dire. Ce qui est très intéressant c'est qu'il y a une majorité de femmes à la Table donc ça rend la manière d'aborder le sujet très différent que dans notre monde / la plupart des mondes de fantasy. Franchement les discussion sont intéressantes, notamment sur le choix.
A la fois, je suis d'accord sur le fond avec Marina à la fois ses arguments ne m'ont pas encore complètement convaincu (je sais pas si tu vois ce que je veux dire). J'espère que son discours ne s'arrête pas là car je pense qu'il y a moyen de pousser encore plus. Bon, je vais aller voir ça de ce pas !
Contesse
Posté le 05/02/2023
Yo Edouard, contente de te revoir (t'as vu ça rime !)
Marrant de te voir passer par ici aujourd'hui alors que je m'apprête moi aussi à passer te voir ahah

Ta remarque sur les nouveaux perso est très pertinente, j'avais commencé à m'interroger dessus effectivement ! En revanche, je ne suis pas d'accord sur les personnages que tu estimes utiles : l'impératrice sans nul doute en fait partie, mais pour moi Taravahë (cheffe des îles Taravané) a une grande importance notamment pour sa réflexion sur le mariage. Sans elle il n'y a pas de modification et pas d'i horana (concept que tu avais apprécié je crois ?). J'avoue que le roi du Sskiar je m'interroge sur lui en effet ! Mais faudrait une sacré bonne excuse pour que juste lui ne vienne pas à la Table. Ils apprennent tous tardivement qu'elle a lieu et ils décident de venir ensemble pour avoir plus de poids, donc si y en a un qui vient pas parce qu'il a la flemme, ça va faire bizarre aussi xD Mais peut-être que je réfléchisse à lui donner plus d'importance, ou alors lui trouver une vraie bonne excuse. Genre, lui il ne se sent pas du tout concerné par les problèmes politiques du continent de l'Ouest, ce qui pourrait s'entendre. Je vais réfléchir à ça :) Mais Taravané et l'Impératrice non je ne peux pas vraiment renoncer à elles ^^

Contente que tu aies apprécié la discussion sur les femmes, effectivement tout l'intérêt je pense ici c'est de développer ce paradoxe : oui les femmes sont majoritaires mais pourquoi ? Comment elles en sont arrivées là et à quel prix ? Elles sont majoritaires mais quel est leur vrai pouvoir ? Et oui normal que Marina ne t'ait pas encore convaincu elle n'a pas fini, le gros de son argumentation arrive dans la deuxième partie du chapitre ahah ^^
Tu me diras ce que t'en penses à ce moment-là, je suis curieuse de savoir ;)

Merci pour ton commentaire, à tout bientôt !
Edouard PArle
Posté le 05/02/2023
Ahah oui, on se croise souvent xD
Je comprends pour Taravané, mais le concept de l'ihonora pourrait être apporté par l'impératrice justement ? Après je comprends que ça demande des changements sur l'univers qui ne sont pas envisageables. Je te livre mes ressentis, tu en fais ce que tu veux.
Du coup tu as ta réponse dans mon 2e commentaire...
A bientôt !
Contesse
Posté le 05/02/2023
Oui bien sûr, je sais bien que c'est simplement ton ressenti que tu me partages et je t'en remercie ;)
Non, l'impératrice ne peut vraiment pas proposer l'i horana parce que c'est une coutume des Iles et au Nihil, la coutume est au contraire de régner seul (et faire sa vie seul aussi, notamment quand on est au pouvoir) et c'est vraiment ancré dans les coutumes de chacun des royaumes et c'est cohérent avec mon worldbuilding donc je ne peux pas trop changer ça ahah ^^
Mais je peux réfléchir à des solutions :) Merci pour ton aide en tout cas !
Edouard PArle
Posté le 05/02/2023
"et c'est cohérent avec mon worldbuilding donc je ne peux pas trop changer ça ahah ^^" ah oui ça peut se comprendre !
Après c'est vrai que passer de 3 à 2 peut déjà les mettre plus en valeur. Bonne réflexion ahah
A plus !
Contesse
Posté le 05/02/2023
Oui je vais réfléchir à ça déjà, merci pour tes éclairages là-dessus ;)
Sklaërenn
Posté le 07/09/2022
Holà, c'est moaaaaaaaa :D

"— « Vos révolutions sont nos révolutions. Nos progrès sont vos progrès. À l’origine, à Taravané, on ne voulait pas changer le monde. On voulait juste être là pour le voir. Qu’il éclose ou qu’il s’effondre. »" Franchement, ce peuple, je l'aime de plus en plus <3

" Néanmoins, vous voulons seulement comprendre les raisons qui se cachent derrière une telle proposition qui semble – à première vue seulement, sans nul doute – superfétatoire." Oh dear, c'est la première fois que je lis le mot "superfétatoire" dans une histoire. La seule autre fois où je l'ai entendu ( et découvert xD ) c'était dans la chanson de Bigflo et Oli suite à un défi :') Oui, pas grand chose à voir avec ce qui est dit ( cela dit pauvre Marina qui pensait visiblement faire mouche avec sa proposition et qui - pour l'instant - à l'air de faire chou blanc ^^' ) mais je n'ai pu m'empêcher de le souligner ahah

"Si la résistance menace son royaume, c’est peut-être pour mettre fin à la terreur qu’elle a instauré elle-même, non ?" instaurée ?

"— La princesse Helena a-t-elle réellement choisi de quitter ses parents et de signer un pacte avec la déesse du Néant, ou son choix était-il déterminé d’avance ?" Elle a des arguments qui remette les choses en perspective. Clairement.

"— Attention, la coupa Marina. Pas un seul instant je n’ai dit que la reine Diane n’avait pas d’autre choix que de devenir tyran. Je dis simplement que peut-être, elle a eu l’impression qu’elle n’avait que ce choix-là. Et le problème est là : nous, héritières, faisons des choix parce que nous avons le sentiment qu’il est notre dernier recours. Mais un choix, pour qu’il soit réel, doit pouvoir être pris parmi un éventail de possibilités toutes accessibles, vous ne croyez pas ? Or, nous devons nous rendre à l’évidence : nous ne sommes pas libres de choisir." En vrai, son explication fait tellement écho chez moi, c'est dingue, je l'avais pas vu venir ^^'

Avec ses explications, même s'il y a des opposants, elle va sans aucun doute rallier des gens à son avis. Est-ce que ça sera suffisant, je l'espère, mais tu as déjà démontré une fois, même si les arguments étaient là, les esprits étaient encore réfractaire au changement, donc je ne vais pas crier victoire trop vite pour elle x)
Contesse
Posté le 24/09/2022
Re re :D

« Franchement, ce peuple, je l'aime de plus en plus <3 » --> oui j’ai un gros gros faible pour le peuple de Taravahë aussi :) Ils sont très respectueux de la nature et des autres, et ils sont pas du genre à intervenir dans les affaires autres, ils savent reconnaitre quand ils sont pas légitimes :)

« Oh dear, c'est la première fois que je lis le mot "superfétatoire" dans une histoire » --> ah ouais ? C’est pourtant pas si rare mais écoute ravie que tu vives cette première fois avec cette histoire xD
« pauvre Marina qui pensait visiblement faire mouche avec sa proposition et qui - pour l'instant - à l'air de faire chou blanc » --> oui pour l’instant l’intérêt n’est pas évident à voir pour des personnes qui ne voient pas le problème, c’est sûr :/

« Elle a des arguments qui remette les choses en perspective. Clairement. » --> Oui c’est le but ahah, mais je pense que c’est peut-être pas évident à saisir et c’est pour ça que j’essaie de bien développer les idées et les arguments pour qu’on comprenne où est vraiment le problème, il est bien plus caché et subtil que ce qu’on croit et du coup c’est pas facile de le voir, surtout qu’en apparence les femmes ont l’air d’avoir le pouvoir ^^ Enfin j’espère qu’à la fin de la second parti de ce chapitre ce sera clair et logique, tu me diras :)

« son explication fait tellement écho chez moi, c'est dingue, je l'avais pas vu venir » --> ah bah écoute tant mieux, si ça te touche c’est que je pars pas dans des délires insondables et insensés et que peut-être dans tout ça il y a une part de vrai, et ça peut faire écho avec notre monde ^^

Ta méfiance et ta prudence sur l’acceptation de la proposition est totalement logique et raisonnable ! Tu as raison : on a vu plusieurs fois de supers propositions rejetées parce que mal présentées, mal défendues ou tout simplement parce que les esprits n’étaient pas prêts à évoluer... A voir ce qu’il advient de celle-ci, est-ce que Marina arrivera à toucher une majorité ? tu verras ça dans la prochaine partie ^^

Merci pour ton commentaire ! A bientôt sur Tempest, j’ai pris pas mal de retard à cause de ma rentrée, mon début de formation et mon stage mais je reviens peu à peu donc navrée, mais promis j’arrive bientôt xD
Désolée pour mes réponses très tardives aussi :/

Gros bisous <333
Vous lisez