Le lendemain matin, je me réveille à l’aube et je frissonne en me glissant hors de mon sac de couchage. Paul ne blaguait pas, la fraîcheur du désert est saisissante. Je regarde autour de moi à la recherche d’un vêtement à enfiler rapidement et mes yeux se posent sur le pull que Paul a pris dans la chambre d’Alex. Puisqu’il est là, autant qu’il serve à quelque chose. Je le passe et ne le regrette pas un seul instant.
En quittant la tente que je partage avec Kari, je trouve Yi assis devant celle de Sacha. Vu la tête qu’il a, il a dû monter la garde toute la nuit.
Je m’approche de lui.
- Va dormir un peu, je vais prendre la relève.
Il hésite un instant, puis finit par me laisser sa place. En soi, il n’y a pas besoin de monter la garde, Katarina se trouve à l’intérieur avec sa fille et je suis quasiment certaine qu’elle ne laissera rien lui arriver. Mais je comprends aussi les raisons de Yi… Le camping n’est pas vide et nous n’avons aucune idée de l’identité de tous ces prétendus touristes. Rien ne prouve que le couple installé à vingt mètres n’ait pas été payé pour nous surveiller, ou que le groupe de jeunes près des douches n’attende pas une erreur de notre part pour passer un coup de téléphone aux démons.
Je n’ai pas été élevée en ne faisant confiance à personne. Me méfier est un comportement nouveau pour moi et j’ai du mal à l’appréhender. J’aimerais bien aller parler à ces jeunes et demander à ce couple d’où ils viennent et ce qu’ils font là. Mais nous avons ordre de ne parler à personne en dehors des formules de politesse. Ne parler à personne et ne pas utiliser nos dons, voilà les deux règles imposées par Paul. À l’exception de Kari pour la deuxième, bien évidemment.
Hier soir, elle est restée éveillée à travailler sur des potions. Je l’entendais marmonner en faisant glisser la mine de son crayon sur les pages de son carnet de notes. Je n’ai pas veillé aussi tard qu’elle, mais je l’ai accompagnée un petit moment en noircissant moi aussi les pages d’un cahier. Celui d’Alex.
Maintenant que j’y repense, je culpabilise un peu de m’être approprié son cahier, mais c’est tout ce que j’avais sous la main pour écrire et j’avais besoin de me vider l’esprit. J’avais le cerveau en ébullition et les idées embrumées. En mettre une partie sur papier m’a permis de clarifier un peu le tout. Ce matin, j’ai l’impression de mieux comprendre où nous allons. Même si je ne réalise pas encore bien tout ce qui vient de se passer depuis l’arrivée de Paul dans mon jardin…
Je regarde mon bras et je pense que j’ai été blessée plus de fois en deux semaines qu’en dix ans, tout en n’ayant pas besoin d’aller à l’hôpital pour être soignée. Kari, qui croyait être complètement inutile au départ, s’avère en fait la plus indispensable de nous tous. Sans elle, nous serions tous en train de nous faire disséquer par des vautours affamés en plein désert.
Il y a du bruit derrière moi. Je me retourne et la fermeture éclair de la tente de Sacha s’ouvre lentement. Katarina en sort. Elle me regarde bizarrement. L’espace d’une seconde, j’ai peur qu’elle ne me reconnaisse pas et qu’elle me change en glaçon. Mais non, apparemment elle m’a reconnue. Elle me fait un signe de tête auquel je réponds par un autre signe de tête. Je crois qu’on vient de se dire bonjour. Elle ne prononce pas un mot et se dirige vers la tente de Paul.
Je la suis des yeux. Elle y entre sans s’annoncer.
Je savais bien qu’il y avait un truc louche avec ces deux-là ! Maintenant, j’en suis certaine, ils ne se connaissent pas que depuis hier.
Une loi de l’Assemblée interdit aux membres de se regrouper tant que la Voix ne le leur a pas ordonné. Paul ne respectait déjà pas cette loi avec mon père, mais un peu contre leur gré puisque leurs parents avaient choisi de rester en contact. Je me demande quelle raison il a bien pu avoir pour faire la connaissance de Katarina, surtout que comme je le disais à Kari hier, il ne s’agit pas de la personne la plus facilement joignable de la planète. Si je le pouvais, je quitterais mon poste et j’irais écouter ce qui se passe sous cette tente… Mais j’ai trop peur de la réaction de Yi s’il trouve la porte non gardée.
Le camping commence à s’animer quelques heures plus tard et tout le monde se lève petit à petit. Yi n’a même pas dormi quatre heures qu’il revient déjà vers moi et reprend sa place devant la tente de Sacha, où il passe toute la journée en se levant seulement de temps en temps pour s’étirer, mais sans jamais entrer.
Kari revêt son habit d’infirmière et s’occupe tour à tour de Sacha, de Paul et de moi. Sacha ne peut pas se lever et Kari lui déconseille de bouger, mais elle semble avoir retrouvé ses esprits. Elle grogne dès qu’elle doit avaler la boisson aux herbes. Sa mère reste à son chevet en permanence.
Paul boite toujours et il évite de marcher. Son ordinateur sur les genoux, il travaille avec David et Diego pour essayer de déterminer à quoi servent toutes les bases représentées par des points rouges sur la carte des démons trouvée la veille. David fait des allers-retours entre Paul et Yi pour avoir des détails sur tout ce que Yi a vu lors de sa dernière téléportation accidentelle.
J’aide Kari à concocter de nouvelles potions en jouant l’assistante et le cobaye en même temps. Elle ne me fait tester que les potions guérisseuses et je ne m’en plains pas. Je bouge mon bras comme s’il n’avait pas été lacéré par l’épée d’un démon vingt-quatre heures plus tôt et j’ai l’impression de n’avoir jamais été aussi en forme.
Nous ne sortons pas du camping de la journée et nous ne parlons à personne. Paul n’arrête pas de répéter que nous remettre sur pied et nous reposer constituent notre principale priorité.
En soirée, je propose à Yi de prendre sa place pendant quelques heures pour qu’il puisse dormir un peu avant de monter la garde toute la nuit. Il accepte sans trop ronchonner.
Cette fois-ci, j’ai pris de quoi m’occuper : le carnet d’Alex et un crayon. J’ai laissé Kari, plongée dans la fabrication d’un poison à partir des cendres de démon qu’elle a ramassées sur le champ de bataille.
Le carnet fermé posé sur mes genoux, mon doigt suit le tracé du symbole d’Alex sur le cuir. Encore et encore. Je le connais par cœur et je sais que c’est stupide, mais plus je touche son symbole, plus j’ai le sentiment qu’il y a une connexion entre nous. Je me demande si c’est aussi ce que cherche Yi quand il tourne et retourne le palet en bois entre ses mains. Il faudrait que je lui demande.
J’ai noirci quelques pages avant la tombée de la nuit et je viens de refermer le cahier en utilisant la photo de la famille d’Alex comme marque-page quand Katarina passe la porte de la tente. Elle a encore un regard étrange vers moi, suivi d’un hochement de tête, puis comme ce matin, elle va vers la tente de Paul et y entre comme s’il s’agissait de la sienne. Lorsque Yi vient prendre la relève, il fait nuit depuis quelque temps et Katarina n’est pas revenue au chevet de sa fille. Je m’abstiens de dire quoi que ce soit à Yi, je préfère garder ça pour moi pour le moment.
Les coups de crayon de Kari me réveillent et je me rends compte que le soleil est déjà haut dans le ciel. J’ai dormi plus longtemps que je ne l’avais prévu. Libérer mes pensées à l’écrit m’a apparemment libéré l’esprit suffisamment pour me permettre de profiter d’une bonne nuit de sommeil. Je prends le temps d’en apprécier la sensation.
Lorsque je vais prendre la relève, Yi examine le palet pour la énième fois. Il se frotte le visage à plusieurs reprises, l’air épuisé.
Je prends sa place et dès qu’il se trouve suffisamment loin pour ne pas entendre, j’ouvre lentement la fermeture éclair pour jeter un œil à l’intérieur. Sacha dort. Katarina n’est pas là. Aucun doute sur la toile sous laquelle elle a passé la nuit…
David et Diego se lèvent peu de temps après et viennent partager le petit-déjeuner avec moi devant la tente de Sacha. Ses grognements nous parviennent et David ouvre rapidement la porte.
- Et moi ?, demande-t-elle d’un air faussement énervé. Je n’ai pas le droit de manger ?
David lui offre son plus beau sourire en guise de réponse et va à son chevet pour lui faire boire le remède de Kari. Diego et moi portons le petit-déjeuner à l’intérieur et nous nous installons autour de son lit. Sacha arrive même à se redresser un peu et Diego vient mettre des couvertures dans son dos pour la soutenir. Elle a bien meilleure mine qu’hier et elle a de l’appétit. C’est bon signe. Les potions de Kari font vraiment des miracles.
David est en train d’amuser la galerie en détaillant la liste des armes originales et impensables qu’il pourrait utiliser pour se défendre et se battre lorsque Katarina entre à son tour. Le silence règne soudain sous la toile. Même le sourire de Diego s’efface de ses lèvres et il s’empresse de ranger notre petit-déjeuner que nous avons à peine fini. Je ne sais pas comment fait Paul pour la supporter si longtemps sous sa tente. Partout où elle passe, on dirait qu’une vague de froid la suit à la trace.
En tout cas, il est clair qu’aucun de nous n’est vraiment à l’aise en sa présence.
- Ne vous arrêtez pas pour moi, dit-elle en remarquant que nous nous mettons à tout ranger autour de Sacha.
Nous continuons quand même à ranger. Nous nous apprêtons à sortir quand la voix de Sacha nous arrête.
- Venez travailler sur la carte ici aujourd’hui. J’ai besoin de faire quelque chose et de me rendre utile.
Diego acquiesce d’un signe de tête et David d’un sourire. Les garçons vont prendre leur douche et je me remets à mon poste de garde.
Les alentours s’animent peu à peu. Il y a de nouveaux arrivants qui viennent placer leur camping-car à une trentaine de mètres de nous de l’autre côté du couple. Une famille avec un petit garçon. Il court dans tous les sens en découvrant le terrain à sa disposition, mais ses parents le retiennent lorsqu’il commence à se diriger vers nous. Mon sourire se dissipe alors que mon esprit ne peut s’empêcher de se demander si cette gentille petite famille est aussi inoffensive qu’elle en a l’air. Est-ce que les démons recrutent dès l’âge de cinq ans ? Je détourne le regard et je concentre mon esprit sur ce qui se passe à l’intérieur de la tente. Sacha et sa mère ont entamé une discussion.
J’entends le prénom de Yi et je tends l’oreille. Sacha vient de poser une question.
- Non, c’est Marina qui est devant, lui répond sa mère.
Est-ce que Katarina ferait attention à qui monte la garde pour que ses allers-retours ne soient pas remarqués de tous ? Je m’en veux un peu de faire d’elle une coupable dans l’affaire et j’essaye de me répéter qu’il faut que nous lui donnions une chance et que nous fassions sa connaissance, mais c’est plus fort que moi, je suis persuadée que Paul et Katarina nous cachent quelque chose et ça me retient de lui faire entièrement confiance.
- Pourquoi ne vient-il pas à ton chevet ?, interroge Katarina quelques instants plus tard.
Pas de réponse.
- Tu sais très bien de qui je parle, insiste-t-elle.
- Il n’a pas de raison de venir, finit par lâcher Sacha d’un ton distant.
- Sans lui, tu n’aurais pas survécu, mais il n’a pas de raison de venir ?
- Ce n’est pas parce qu’il m’a sauvé la vie qu’il doit rester auprès de moi vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
- Tu sais qu’il y reste presque vingt-heures par jour, de l’autre côté de cette toile de tente ?
Sacha ne répond pas.
Le silence dure plusieurs minutes. Pas besoin de connaître Katarina pour savoir que la mère et la fille doivent avoir l’habitude de communiquer en silence. Katarina reprend soudain la parole. Je suis tellement penchée pour écouter que je manque de tomber lorsque sa voix résonne contre la toile.
- Je ne sais pas ce qui se passe entre vous, mais ce que je sais, c’est que lorsque tu étais au plus mal, mon énergie ne te suffisait pas. Tu avais besoin de la sienne et c’est quelque chose que tu ne peux pas te permettre d’ignorer.
- Nous sommes tous les deux membres de l’Assemblée, la coupe Sacha.
- Et alors ?
- Il n’y a pas une loi qui…
- Depuis quand est-ce que je t’ai appris à vivre en respectant les lois ?, l’interrompt sa mère.
Elles se replongent dans le silence pendant des minutes qui me semblent interminables. Je meurs d’envie d’entendre la suite de cette conversation... On dirait que Katarina aussi a un cœur sous son armure de glace finalement.
Elle reprend la parole en premier une fois de plus.
- Il y a autre chose qui t’arrête, non ?
Encore un silence qui dure une éternité. J’ai envie de crier « réponds ! » à Sacha et je crois que je n’ai jamais fait preuve d’autant de retenue qu’en ce moment même. Elle finit par articuler une réponse que même sa mère lui demande de répéter tellement elle a parlé bas.
- Je ne veux pas le perdre.
Leur conversation est une séance de torture. Les silences deviennent de plus en plus intenables ! Maintenant, j’ai franchement hâte qu’elles en arrivent au but. Ce sont les reines du suspense.
- Perdre quelqu’un qu’on aime peut faire très mal, dit enfin Katarina d’un ton que je ne lui reconnais pas. Mais le bien que peut procurer le fait de s’attacher en vaut certainement la peine. Et ni lui ni toi n’êtes du genre à perdre, je me trompe ?
Sa voix a beau être glaciale, ses paroles me réchauffent le cœur. Peut-être que notre destin est de combattre ces démons, mais nous avons quand même le droit de goûter un peu au bonheur au passage.
Plongée dans mes pensées, je me rends soudain compte que Yi se tient juste devant moi. Je lui laisse la place en lui disant qu’il a aussi le droit d’aller auprès de Sacha s’il le veut. Il hausse simplement les épaules sans un mot et s’assoit pour monter la garde.
Paul, David et Diego ont investi la grande tente quand je reviens d’une douche bien méritée qui a permis de remettre un peu d’ordre dans mes pensées. Je les rejoins. Assise en tailleur, Sacha a la carte dépliée devant elle. Installés de chaque côté, David et Diego lui expliquent ce qu’ils ont réussi à déduire jusque-là sur les positions des démons. Paul est au bout du matelas, son ordinateur sur les genoux.
- Nous sommes à peu près sûrs que le gros point représente la base principale, dit Diego alors que je prends place à mon tour devant la carte.
- Celle où vous vous êtes téléportés par erreur et où Yi est retourné après, complète David.
Sacha tourne la tête vers Yi, collé à son poste, au coin de la porte ouverte. Elle garde les yeux fixés sur lui pendant que Diego continue.
- D’après les images satellites que nous avons pu trouver, il n’y a qu’un cimetière, celui que nous avons visité. Pas de tas de terre suspects sur les autres sites.
- Celui où on s’apprêtait à aller est un immense hangar qui nous a fait penser à un hangar à avions, poursuit David. Nous avons vérifié et il y avait bien un aérodrome dans la région, mais qui a fermé il y a une vingtaine d’années.
- Deux options donc, ajoute Paul. Soit ils l’utilisent pour autre chose, soit ils ont bel et bien un ou plusieurs avions là-dedans, ce qui ne m’étonnerait pas. Les unités que nous avons rencontrées en France, en Afrique et ici ne sont pas indépendantes. Nous faisons face à un réseau qui communique et qui se déplace.
David poursuit les explications en désignant un point rouge du doigt.
- Ce site-là se trouve en plein milieu d’un village. Sur Internet, les seules infos que nous trouvons sont que le village n’a plus d’habitants depuis un peu plus de deux ans et qu’il a été déserté pour des raisons économiques.
- Mais on ne comprend pas bien ce qu’ils feraient de tout un village…, dit Diego en soupirant.
- On a pensé qu’ils pouvaient simplement l’utiliser pour la station essence, comme celui que nous avons traversé en allant vers le cimetière, mais il n’était pas marqué sur la carte, donc ça n’a pas de sens, explique Paul.
- Et il n’y a plus aucun commerce, ajoute David. Plus rien qui fonctionne. Juste des bâtiments en ruine.
- Ça pourrait être un terrain d’entraînement ?, suggère Sacha.
Tous les regards se tournent vers elle. Paul esquisse même un sourire.
- Il faut bien qu’ils s’entraînent, non ?, interroge Sacha. Quoi de mieux qu’un village abandonné au milieu de nulle part ? Leurs tirs ne peuvent pas être entendus, personne ne voit leurs yeux noirs globuleux ni leur rapidité inhumaine.
- Ça pourrait coller, confirme Diego en se penchant sur la carte. Le site se situe loin de la route principale. Le village était une impasse, la petite route qui y mène ne doit plus du tout être empruntée.
- Nous n’avons pas encore réussi à identifier les deux autres points, conclut Paul. On aurait bien besoin d’une ou deux paires d’yeux en plus.
Sacha et moi nous joignons volontiers à la tâche.
Je ne peux m’empêcher de remarquer que de temps en temps, elle lève les yeux et les fixe simplement sur Yi pendant plusieurs secondes. Je suis sûre qu’il suit nos conversations d’une oreille, mais il n’a toujours pas mis les pieds sous la tente depuis deux jours.
Au bout de quelques heures de travail, Kari vient nous divertir un instant en nous expliquant qu’elle croit avoir réussi à concocter un poison qui réduirait les démons en poussière au moindre contact. Diego s’éclipse pour aller voir l’avancée de ses recherches. J’en profite pour prendre une pause également et je sors me dégourdir les jambes.
Je regarde Yi qui passe et repasse le palet avec nos symboles entre ses mains. Je repense aux paroles de Katarina ce matin et je me décide enfin. Il ne va pas me manger non plus.
- Yi ?
Il relève la tête vers moi.
- Qu’est-ce que tu essayes de trouver ?
Je vois dans son regard qu’il hésite. Il garde ses yeux dans les miens pendant quelques secondes, puis me fait signe de m’approcher en lorgnant vers les autres à l’intérieur. Je m’assois sur le sol à côté de lui. Il parle tout bas. Il ne veut pas qu’on nous entende.
- À chaque fois que je le prends dans mes mains, je ressens quelque chose, comme une vague d’énergie, mais très faible.
- Celle d’Alex ?, je lui demande d’un ton encourageant.
- Je ne sais pas. Hier, j’ai cru voir son symbole disparaître et réapparaître à plusieurs reprises.
- Tu veux dire s’effacer et revenir ?
- Oui, mais ça devait être mon imagination… Avec la fatigue et à force de tripoter ce truc…
Je ne réponds pas et je me contente de tendre la main vers lui. Il hésite de nouveau et finit par placer le palet dans ma paume.
La décharge me prend par surprise et le visage de Yi exprime lui aussi de l’étonnement. Je resserre mes doigts autour du palet et laisse son énergie m’envahir.
- Tu viens d’avoir la réaction que j’ai quand Sacha me touche. Exactement la même.
Je ne comprends pas où il veut en venir.
- Tu crois que c’est parce que tu as chargé le palet avec ton énergie en le tenant dans tes mains ?
- Non. Ce truc n’est pas chargé avec mon énergie. Il ne m’appartient pas.
Je le regarde en fronçant les sourcils. Je ne comprends toujours pas ce qu’il essaye de me dire.
- Tu as toujours la photo d’Alex ?, me demande-t-il ensuite.
- Oui, pourquoi ?
- On va essayer quelque chose, continue-t-il en se levant. Je vais aller chercher la photo pour que tu puisses visualiser son visage.
- Je n’ai pas besoin de la photo.
Yi cache mal sa surprise face à ma réponse. Il se rassoit et m’explique la suite de l’exercice.
- Concentre-toi sur le visage d’Alex, chaque détail dont tu te souviens, les émotions dans ses yeux sur cette photo, ce qui émanait de lui dans cette scène. Utilise tout ce que tu peux pour le visualiser et dis-moi ce que tu vois.
Je presse mes doigts sur l’objet dans le creux de ma main. La vague d’énergie s’est calmée et se transforme en un courant léger qui continue à circuler dans mon corps.
Le visage d’Alex. Ses cheveux châtains ondulés qui volent au vent. Son sourire qui respire la perfection et la joie de vivre. Ses yeux d’un bleu comme les profondeurs de l’océan. Ses yeux dans lesquels j’avais l’impression de me perdre après avoir fixé le cliché trop longtemps. Je ferme les miens pour me rappeler du moment.
Je me perds dans le bleu de ses iris et la vague d’énergie redouble de puissance en partant du palet pour se répandre dans mes bras, puis dans tout mon corps. Je prends une grande inspiration pour ne pas perdre l’équilibre. Et c’est là que je le vois.
Je vois Alex. Tout est gris, mais il se trouve bien là, au centre.
- Marina ! Marina !
Yi me secoue l’épaule. J’ouvre les yeux. Le retour à la réalité est brutal.
- Tu étais partie où ? Ça fait presque cinq minutes que tu ne répondais pas !, me dit-il en essayant de garder un ton discret pour ne pas attirer l’attention des autres.
- Cinq minutes ? Mais j’ai à peine eu le temps de le voir.
- Tu l’as vu aussi ? Assis en tailleur quelque part ?
- Oui. Les bras tendus vers le sol et le regard dans le vide. Et il y a ce brouillard tout autour de lui. Je serais incapable de dire où il se trouve.
- Tout est gris ?
- Oui.
- J’ai vu la même chose à plusieurs reprises. Au début, je ne voyais que le nuage gris, puis peu à peu, j’ai réussi à distinguer le visage d’Alex derrière. C’est tout ce que j’ai pu voir.
- Il y a autre chose, j’ajoute en continuant à serrer le palet dans mon poing.
- Quoi ?
- Ses bras tendus vers le bas. Ses mains sont posées par terre. Et sur le sol, tout autour de lui, il y a son symbole.
Yi me fixe et mille expressions traversent son visage.
- Dessiné ?, me demande-t-il simplement.
- Gravé.
Son regard se fige sur l’herbe à quelques pas de nous, mais je sais que ses pensées sont encore plus loin. Les miennes aussi.
- Sur sa jambe, il y avait un objet pointu. Comme un petit poignard. Ça brillait.
- Un objet en métal.
Yi plante de nouveau son regard dans le mien et nous restons un instant à nous fixer. Nous venons de réaliser la même chose au même instant.
Je me lève la première et il ne lui faut pas une seconde de plus pour m’imiter. Nous nous précipitons dans la tente et attirons l’attention de tout le monde.
Je leur présente le palet dans ma paume ouverte et Yi explique notre enthousiasme.
- Ce n’est pas qu’un simple souvenir de nos pouvoirs. C’est notre lien avec Alex.
Merci pour ton commentaire !
Les circulations d'énergie leur ouvrent plein de possibilités, c'est certain, mais ils auraient bien besoin de quelqu'un qui s'y connait pour leur servir de guide. Il y a encore beaucoup de choses qu'ils ne savent pas...
Hum, je m'égare XD.
Coucou Schumiorange !
Au départ, les 4k m'ont fait un peu peur, mais c'est passé tout seul ! Cela fait du bien de les voir plus actifs et j'ai hâte d'en savoir plus sur le résultat de leurs investigations.
La scène avec cette petite curieuse de Marina qui se penchait pour mieux écouter la discussion entre Sacha et sa mère, je l'imaginais vraiment trop bien. Et j'étais en mode "nan, c'est pas bien d'écouter aux portes" et "rapproche-toi, je veux tout savoir" XD.
Et du coup, ça confirme ma première impression. Paul et Katarina sont bien plus que des connaissances. Petits galopins. Ce qui peut également expliquer la retenue de Paul; non seulement, il brise une règle, mais de plus, c'est un peu leur vie privée après tout (même s'ils ne sont pas super discret).
J'espère qu'ils pourront sauver Alex. Si Alex ne peut pas se téléporter, est-ce qu'eux peuvent ? Cela risque d'être intéressant.
Je me réjouis de connaître la suite !
Comme toujours, un grand merci ! Tes commentaires sont un plaisir à lire !
Ce chapitre et les prochains sont un peu moins rythmés, mais ils vont normalement permettre de faire avancer les investigations pour trouver Alex, et aussi pour en savoir un peu plus sur le fonctionnement de l'Assemblée. Ils sont tous pas trop sûrs de ce qu'ils font, mais ils n'hésitent pas à remettre ces "lois" en cause : )
Je suis contente que le passage avec Marina la curieuse t'ait plu ! J'ai beaucoup aimé l'écrire : )
Bonne lecture pour la suite !