CHAPITRE 49
Apaisement dans la nuit, sur l’autoroute qui me ramène à Tacoma.
La présence de Milo a fait disparaître les douleurs physiques. Les pensées mortifères, si longues à se dissiper, sont parties elles aussi avec une telle rapidité qu’il y est sans doute pour quelque chose.
Incantation magique ? Manipulation d’énergie ? Je ne sais pas comment il a fait. Quand je commence à me reprocher le fait même d’exister, je suis dans des sables mouvants dont je m’extirpe lentement, péniblement.
Au contraire, mes idées sont à nouveau claires et je retrouve l'état d’esprit combatif qui était le mien quand j’ai décidé que Guillain ne perturberait pas la lune de miel d’Akira. Ses actions n’influenceront pas mon estime de moi non plus. Ou la réconciliation de Greg avec sa famille, un moment qu’il espérait depuis si longtemps.
Je me suis sentie bien avec Milo. Je pourrais nous imaginer un jour ensemble, s’il le voulait. Pas tout de suite : après ma rupture avec Greg, quelques années de célibat me seront nécessaires. Demain dimanche, je vais prendre les devants, et prévenir mon ‘bientôt ex’ fiancé que notre histoire est terminée. Depuis qu’il habite chez Tanner, ses actions montrent qu’il aspire à une vie sans attache romantique. En tout cas sans moi. Ce sera amical, nous resterons proches - comme je l'étais avec Jackson. Il sera secrètement soulagé, comme il prévoyait de l’être quand il voulait rompre avec Carol. Bien sûr, j’attendrai que le service et son sermon soient passés pour lui parler. Je me demande s’il voudra prendre Fury avec lui.
Cette décision m’apporte soulagement et paix de l'âme. Et tristesse aussi, bien sûr. Un nœud au creux de mon estomac persiste à se manifester. Mais il est temps que je cesse d'espérer en vain les signes prometteurs d’un homme qui agit déjà comme si je n'étais plus dans sa vie.
2.
La nuit est réparatrice, bercée par les ronronnements des chats qui se serrent contre moi. Ils ne sont pas habitués à être nourris plusieurs heures en retard. Ils tiennent à me rappeler qu’ils comptent sur moi. Ça m’amuse et m’attendrit.
Le silence de la maison est inhabituel. Depuis mon retour de Thaïlande, nous avons vécu à quatre adultes ici. La Thaïlande…. Comment va Bo, l’adolescente qui cuisine de si bons sushis ? J'espère que sa grand-mère lui apprend à se servir de son chalumeau.
Mon esprit vagabonde à Bangkok pour éviter de trop appréhender de revoir Greg, une bible à la main. Il va bien prendre la nouvelle de notre rupture, je le sais. Mais s’il se montre ostensiblement soulagé, j’en serai blessée.
Mes pensées tournent autour de ce thème après avoir garé ma voiture près de Trinity. Le culte est sur le point de commencer, je ne me suis pas pressée, j'étais même tentée de rester à la maison. Mais j’ai promis de venir, et comme je veux insister sur notre amitié à venir, j’agis en amie : je viens écouter le futur Révérend.
Les paroissiens, heureux de se revoir, bavardent et s’interpellent dans l’espace d'accueil aux portes du sanctuaire. Ce n’est pas une foule ni une bousculade mais brusquement sur le qui-vive, je regarde autour de moi. C’est devant cette église que Bergaud m’a vue, après avoir poignardé Libby. Me guette-t-il ?
Soudain, Greg est devant moi, radieux. Son visage exprime un soulagement de me voir si intense que j’en suis bouleversée.
- Je craignais que tu ne viennes pas ! Il faut que je te parle, là tout de suite. Viens.
Il fait un signe amical à une famille qui lui souhaite bonne chance pour son sermon, réfléchit un instant puis il saisit ma main et m’entraine dans le sanctuaire. La pianiste commence à jouer le prélude, les paroissiens prennent leur place.
Derrière la plate-forme d'où le pasteur s’adresse à la congrégation se trouve une pièce étroite : l’ancien bureau du pasteur au temps où Trinity était une toute petite église. Une aile a été ajoutée au bâtiment par la suite. Les pasteurs se servent de cet espace pour leurs derniers préparatifs avant le culte.
Libby, qui boutonne sa robe, nous voit surgir, surprise.
- Qu’est-ce que vous fabriquez ?? Greg, le culte a déjà commencé ! Tu entends Maryellen !
Greg enlève la veste de son costume, tout en répondant, essoufflé :
- J’ai besoin de deux minutes… non, trente secondes avec Max. Trente secondes !
Libby lève les yeux au ciel et s'éclipse. Greg me regarde, tout en enfilant sa robe.
- Max. J’ai cette urgence depuis ce matin. Je pensais attendre tout à l'heure, mais il faut que tu saches, maintenant.
- Sache quoi… ?
- Max, je t’adore, je ne peux pas - non, je ne veux pas - vivre sans toi. Ces deux dernières semaines, j’ai fait un effort pour vivre de mon côté. Je voulais savoir si je pouvais vivre seul. Bon, j'étais seul quand tu étais au Japon mais la mort de Jackson a tout bouleversé. Et puis Akira et Katsumi sont arrivés le jour de ton départ en Thaïlande. Il fallait que je sache que je pouvais vivre de mon côté, que je ne m’accrochais pas à toi par peur de la solitude. Et je peux ! Je peux vivre par moi-même. Tu m’as manquée affreusement mais…
- Je croyais que tu partais pour comprendre qui tu étais, en tant que Semblable !
- Oui, c’est l’impulsion que j’avais - et je t’en voulais de ton silence. Mais en quelques heures, c’était résolu. J’aurais pu revenir au petit matin ! Pourtant j’ai réalisé qu’il fallait que je fasse cette expérience.
- Ça aurait été sympa de me prévenir…
Greg reste silencieux un instant, pris de court. Libby chuchote, presque un sifflement :
- Greg !!! Viens ! Tout de suite !
Le prélude, après sa conclusion, se poursuit. La pianiste, notant l’absence de Greg, continue de jouer.
- Je peux vivre sans toi, me dit Greg, approchant son visage du mien. Et vivre bien ! Mais je ne veux pas. Je t’aime tant ! Tu es ma joie…
Brisart m’avait dit exactement ces mots, dans une autre langue, un autre siècle, un autre continent. Mais avec la même émotion. L’enthousiasme de Greg fait surgir l'océan d'affection que, ce matin encore, j’avais cru bien rangé dans mes archives cérébrales des amours bancales et inabouties.
Je l’aide à boutonner sa robe, tandis qu’il me presse de questions. Est-ce qu’il peut revenir habiter chez moi ? Tout reprendre entre nous ? Et notre mariage, bientôt ?
Je réponds oui, oui et oui. Comme avec Brisart, je dis oui à tout, sans hésiter et sans réfléchir, même si j’ajoute qu’il nous faudra parler de tout ça. Il m’embrasse et souffle “je t’adore” avant de se précipiter derrière le pupitre, entonnant de sa voix de basse “Oh Happy Day”.
Oh Happy Day, le jour heureux où Jésus a lavé mes péchés, m’a appris à me battre et à prier…
Sa famille est présente en nombre, assise au fond du sanctuaire et ils se joignent à lui pour chanter cet hymne qu’ils connaissent tous. L'assistance, dans une allégresse croissante, bat des mains en rythme et se tourne alternativement vers eux et vers Greg. Certains paroissiens persistent à chercher le chant imprévu dans le bulletin qui détaille le déroulement du service.
Amy me fait signe : une place est libre entre sa grand-mère et elle. Vilma me prend la main affectueusement avec un sourire complice. Amy passe son bras autour de mes épaules. Un moment à garder dans mes souvenirs. O Happy Day….
3.
Assise sur le divan, dans la torpeur qui me prend quand je suis tourmentée.
Tanner et son fils aîné ont aidé Greg à ramener ses affaires. J’ai invité toute la famille à dîner dans quelques jours, et j'ai même arraché un sourire au grand adolescent taciturne en lui demandant quel était son plat préféré. Nous aurons donc une variation de ‘mac and cheese’ au menu ce soir-là, des macaronis au fromage, grand classique des jeunes classes américaines.
Greg a besoin d’amis solides, et même s’il n’habite plus chez eux, je veux que Tanner, et surtout son fils, sentent qu’ils sont les bienvenus ici.
Après leur départ, Greg est monté dans notre chambre avec ses affaires, mais je ne l’ai pas suivi. Je sais que je tomberai dans ses bras si nous nous affairons autour de notre lit. Après avoir dit oui à tout, je suis dans l’incertitude.
Il redescend les marches, Fury dans ses bras, me regarde et devine mon ambivalence.
- Je n’ai même pas pensé à ce que tu vivais quand j’habitais chez Tanner, dit-il d'emblée en s’asseyant près de moi. J'étais tellement saturé d'émotions, de surprises… J’ai présumé une fois pour toutes que tout allait bien de ton côté, que tu m’attendais… Tu es solide, tu avais Akira. Mais mon absence a dû être pénible pour toi… Je suis désolé.
J’accueille ses paroles mais je ne sais que dire. J’ai du mal à exprimer ce que je ressens. Joie, oui bien sûr, mais aussi inquiétude, appréhension. Devant mon silence, Greg reprend :
- Je t’ai déçue… Tu peux me le dire, tu sais. Je le mérite.
- Non, ce n’est pas de la déception, dis-je lentement. C’est plutôt… La douleur de cet éloignement dont je prenais conscience progressivement. Ton manque de curiosité, d’intérêt pour ce que je vivais. C’était clair, tu en avais assez de tout cet univers dont je fais partie. Et c’est bien normal. Tu as fait vœu de vivre au grand jour, sans plus de secrets et de violence, et te voilà un Semblable, avec des mensonges et des assassins potentiels autour de nous.
Il sourit et ne me contredit pas.
- Mais ça ne m'empêche pas de t’aimer, dit-il après une courte pause. Ce matin, j’ai senti qu’il fallait que je te retrouve, que je te parle, tu quittais ma vie…
- J’avais l’intention de rompre. Je pensais que tu serais soulagé… On resterait amis. Réfléchis… C’est peut-être mieux.
- Non ! Toutes ces journées sans toi, je viens de les vivre, c’est insupportable. Être avec toi - avec tout ce que ça implique… c’est ce que je choisis. Si tu veux bien.
La présence de Greg dans ma vie, ça comprend beaucoup de choses que je ne peux pas contrôler… Par exemple le risque d'être brusquement chassée de ce grand bonheur comme lorsqu’il a décidé de vivre ailleurs. Combien d’autres situations risquent de le décider à prendre le large au moment où je m’y attends le moins ? Mais je dois ajouter à l'équation le fait qu’il est un homme intègre que j’admire. Et les moments de paisible félicité - nombreux. Que serait une vie aussi longue sans eux ?
4.
Libby a fait parvenir une consigne stricte à Greg : interdiction de venir à Trinity lundi et mardi. Il a travaillé deux vendredis de suite, ai-je appris. Elle tient à ce qu’il récupère ces journées. Puisque nos colocataires reviendront de leur lune de miel plus tard dans la semaine, nous profitons de la maison vide pendant ces heures tranquilles.
- Tu ne portes pas la bague que Katsumi t’a donnée ? s'étonne Greg après une longue sieste où nous n’avons pas dormi.
Je regarde ma main droite.
- Je me suis fracturé la main juste sous l’index, ici. Bon, c’est réparé, mais ça a enflé, j’ai eu du mal à enlever la bague… Je préfère attendre un peu.
Greg fronce les sourcils.
- Comment est-ce arrivé ?
J’ai partagé avec lui ce que j’ai appris par Guillain, en particulier les activités dont Bergaud fait partie. Si Greg s’est tout de suite préoccupé de ce qui concernait celui qu’il a battu en prison, il n’a pas posé de questions sur le reste, et je n’ai pas parlé du coup de poing. Cette fois, je lui explique ce qui est arrivé, le coup donné, la fracture, et l'étrange douleur fantôme.
Il me regarde, abasourdi.
- Mais pourquoi tu ne me l’as pas dit ? Pourquoi ne pas m’avoir appelé quand c’est arrivé ?
Je soupire.
- Je t’ai appelé. Tu étais à Duke’s, on n’a pas parlé très longtemps.
- Oh oui, je me souviens… Je n’imaginais pas… Tu aurais dû insister ! Si j’avais su…
- Je n’avais pas l’énergie !
Prise d’une brusque colère, je me lève, sors du lit et vais prendre une douche. Calmée, j’enfile un pull léger - l’automne se fait sentir - et ajoute le collier de perles offert par Akira. Au moment où j'ouvrais la portière de la voiture, samedi soir, Milo m’a glissé un petit sac de tissu dans lequel se trouvaient le collier et la bague. Je l’ai remercié de sa présence d’esprit : j’allais partir sans eux !
Une expression contrariée sur le visage, Greg prépare du thé glacé dans la cuisine. Il remplit deux verres de glaçons, verse le thé, ajoute une fine rondelle de citron, en pousse un vers moi.
- Quand même, reprend-il, tu me reproches de ne pas avoir été là pour t’aider, mais tu ne me dis même pas quand tu as besoin de moi ! Je suis censé deviner ?
Prise de court, je reste silencieuse un instant puis réponds :
- Je ne te reproche pas ton absence. Tu étais avec ta famille. C’est toi qui me reproches de ne pas avoir insisté. Donc je t'explique : j'étais trop fatiguée. Et je sentais bien que ça ne t'intéressait pas…
- Si j’avais compris que tu étais blessée, ça m'aurait intéressé figure-toi ! Tu ne m’as soigneusement rien dit.
- Je ne t’ai pas “soigneusement” rien dit. Si je ne voulais rien dire, je ne t’aurais pas appelé.
- Alors qu’as-tu fait ? Plutôt que de me dire - une phrase toute simple - que tu avais besoin d’aide…
Ne comprend-il pas que, face à la distance qu’il avait instaurée, cette phrase n’avait rien de simple ? Il ajoute sombrement :
- Pourquoi tu ne me parles pas de Milo ? Et du réconfort qu’il t’a apporté ?
Il va falloir que j’aie une sérieuse conversation avec Libby sur les informations qu’elle juge bon de communiquer à mon fiancé derrière mon dos.
- Je te parlerai de Milo quand je le déciderai, dis-je en me levant. Et je te signale que cette bague-là (je montre la bague mosaïque) n’a pas quitté ma main. Jusqu'à maintenant. Tu me quittes, tu t'éloignes, et ensuite, tu te crois en droit de me reprocher ce que je dis ou ne dis pas ?
La colère grandit au fur et à mesure de mes paroles. A ce moment précis, je suis interrompue par le carillon de la porte d'entrée qui retentit à plusieurs reprises. Greg, surpris par l’insistance du visiteur, ouvre et se trouve face à sa mère. Elle s’engouffre, les cheveux en désordre, et nous regarde dans une agitation manifeste.
- Tanner arrive, dit-elle dans un souffle. Carol a été arrêtée.
5.
Je m’assois près de Katherine autour de la table.
- Carole arrêtée ? Pour… Jackson ? dis-je, butant sur les mots sous l’effet de la surprise.
- Evidemment, pour Jackson, répond-elle avec un brusque geste du bras. Et Cooper est impliqué aussi.
Sur le moment, je ne sais plus qui est Cooper. Katherine ajoute :
- L’ancien fiancé d’Amy. Et ami de Carole, ce que j’ignorais. Complice aujourd’hui.
Elle se tourne vers Greg, qui la regarde avec inquiétude.
- Tu veux un verre d’eau, Maman ?
- Non, je ne veux pas de verre d’eau. Tu n’as pas l’air surpris. Quand Tanner m’a appris ça, j’ai cru que je rêvais !
Il reste silencieux.
- Tanner t’a prévenu ? reprend Katherine. Avant de m’appeler ?
Greg soupire, fait quelques pas vers la cuisine, puis se tourne à nouveau vers elle.
- Cela fait plusieurs jours qu’ils surveillent Carole, admet-il finalement. Ils ont trouvé ses empreintes sur l’arme. Tanner m’en a parlé, à condition que je ne dise rien à personne.
- Plusieurs jours ! répète Katherine, indignée. Ça fait du bien d’apprendre que je ne suis “personne” pour toi !
- Maman, je…
Tanner arrive, nous entendons la portière de sa voiture, puis il frappe légèrement sur la porte d'entrée restée entrouverte. Il se joint à nous, s’assoit autour de la table et invite Greg à faire de même.
- Voilà où en est la situation, explique-t-il. Carole et Cooper sont en garde à vue. Nous les avons interrogés ensemble puis séparément. Chacun dit que c’est l’autre qui a tiré mais c’est clair, ils sont bien les auteurs du crime.
- Mais pourquoi… demande Katherine d’une voix devenue rauque. Pourquoi? Ni l’un ni l’autre n’avaient de raisons…
Tanner soupire bruyamment et fait un geste d’ignorance.
- Leurs motifs semblent incompréhensibles, c’est vrai. Ils se contredisent d’ailleurs… Peut-être que si vous leur rendiez visite, Katherine… A vous, ils en diraient peut-être davantage. Carol en particulier. Elle vous a mentionné à plusieurs reprises, avec des remords.
Katherine émet un bruit ironique.
- J’aurais trop de mal à ne pas l'étrangler, dit-elle. C’est Greg qu’il faudrait envoyer. Apparemment, lui était au courant de ce qui se tramait dans votre enquête.
Tanner se tourne vers mon fiancé puis regarde à nouveau la juriste.
- Ce n’est pas ce que vous croyez, Katherine. J’ai… Je suis désolé Greg. J’ai parlé à Greg pour déterminer s’il était complice. Je savais que ce n’était pas le cas, mais certains enquêteurs se posaient la question. J’ai parlé à Greg pour voir s’il la contacterait pour la prévenir… Elle ou Cooper. Désolé, mon vieux…
6.
Amy, accompagnée de Libby nous rejoint et quand, finalement, Tanner s’en va, la famille reste silencieuse autour de la table ronde, sonnée. Katherine se tourne vers sa fille.
- Ça n’a aucun sens, déclare-t-elle. Tu connais Cooper mieux qu’aucun d’entre nous ici. Tu le crois capable de tuer ?
Amy n’a fait aucun commentaire en présence de Tanner. Le visage fermé, ses yeux sont fixés sur le verre d’eau que Libby lui a apporté. Elle regarde sa mère et après un silence, soupire :
- Non.
- Alors, vois-tu une raison qui explique sa présence chez nous ce soir-là, avec Carol et une arme ?
Nous regardons tous Amy. C’est la question sans réponse que Tanner nous a posé sous diverses formes. Amy s’est contentée de répéter “aucune idée” d’un ton monocorde. Mais cette fois, elle soupire et reste silencieuse un moment avant de parler.
- Je ne sais pas si c’est une raison… Mais Cooper est très protecteur envers Carol. Elle est un peu comme sa petite sœur. Ils ont plus ou moins grandi ensemble… Elle était souvent chez eux… quand elle n'était pas chez nous.
Libby intervient.
- Carol prétend que c’est Cooper qui a tiré sur Jackson, qu’elle a essayé de l’en empêcher. Tu crois que…
Amy secoue la tête.
- Ridicule. Si Cooper avait voulu tuer Jackson, il n’en aurait pas parlé à Carol. La mêler à ça ? Non, il aurait agi de son côté. Et ce qu’elle prétend - qu’il en voulait à Jackson pour la rupture de nos fiançailles - n’a aucun sens. Cooper savait parfaitement pourquoi j’ai rompu nos fiançailles. (Elle jette un regard rapide vers Libby). Ça n’avait rien à voir avec Jackson.
- Et Carol ? intervient Greg. Elle n’avait pas de raison non plus d’en vouloir à Jackson…
Amy pousse un soupir soudain, comme un ballon qui se dégonfle, et se rejette contre le dossier de sa chaise.
- J’y pense seulement maintenant… J’ai rencontré Cooper quelques jours avant le… la mort de Jackson. On se croise parfois quand on fait visiter des maisons à des clients. En général, il me dit bonjour de loin et m’ignore. Cette fois, il est venu vers moi, et pendant que nos clients respectifs allaient d’une pièce à l’autre, il m’a demandé de parler à Jackson, de lui dire d'être plus gentil avec Carol.
Nous la regardons, dans une commune incompréhension.
- C’est tout lui, ça… poursuit Amy avec agacement. Il me demandait souvent d’intervenir auprès de Jackson, comme si j’exerçais la moindre influence sur lui… Bref, là, il m’a dit que Carol avait appelé Jackson plusieurs fois pour l’inviter à une soirée, une autre fois à un dîner avec des amis… et chaque fois, Jackson l’avait envoyée bouler sèchement. Qu’est-ce qu’elle espérait, après ses accusations contre Greg ? Mais Cooper de me dire “ça la rend très triste, qu’est-ce que ça coûterait à Jackson d'être un peu plus gentil ? Même s’il refuse l’invitation…”
Katherine masse son visage d’une main crispée, émettant une sorte de feulement qui pourrait provenir d’une lionne. Libby intervient.
- Mais est-ce qu’on tue quelqu’un parce qu’il refuse une invitation ?
La conversation entre Carol et Greg, enregistrée par Katherine, me revient en mémoire, en particulier la déclaration de la jeune femme “on ne me traite pas comme ça, c’est tout.” Je lance :
- Est-ce qu’on pourrait imaginer qu’elle soit venue parler à Jackson, lui faire peur qui sait, et que Cooper l’ait accompagnée pour éviter que ça dégénère?
Sans me regarder, Amy agite sa main dans ma direction.
- Ça, ça me paraît beaucoup plus vraisemblable.
- Ça n’aurait pas pu tourner plus mal… soupire Greg. Je me demande ce qui a pu se passer…
- Déjà, quand tu vas quelque part avec une arme, tu as en tête que tu pourrais t’en servir, suggère Libby.
- Si Jackson ne l’a pas prise au sérieux, ou s’est moqué d’elle…. murmure Katherine.
Un moment de silence suit. Finalement, Amy regarde le visage sombre de Greg. Je connais ce regard. Il est en train de se répéter “si j’avais été là…”
- Tu peux raconter tout ça à Tanner de ma part ? Je ferai une déclaration ou une déposition, ce qu’ils veulent, mais pour le moment, si tu peux m'éviter cette démarche….
- Pas de problème…
Nous nous levons tous. Amy se tourne vers moi et je la serre dans mes bras. Elle chuchote à mon oreille :
- Tu veux bien me faire des muffins à la banane ? Tu sais, ceux où tu mets des pépites de chocolat…
Un soulagement me parcourt à l'idée de pouvoir l’aider d’une façon si simple.
- Bien sûr. Je m’y mets tout de suite…
Katherine s’approche de moi. Une rapide expression de déplaisir parcourt son visage quand elle entend la requête de sa fille. Des muffins pour adoucir colère et indignation ? Elle n'approuve pas cette réaction de la part de celle qu’elle surnomme sa guerrière. Mais c’est à moi qu’elle s’adresse pour tout autre chose.
- Max, avez-vous des nouvelles de votre frère ? Vous savez quand ils rentrent? Avec les problèmes de connexion de leur hôtel, j’ai très peu de contacts avec Katsumi.
Je réponds qu’ils rentrent vendredi, dans deux jours.
Je n’ai pas eu d’obstacles pour communiquer avec Akira, mais Katherine ne me pose pas de question. Je reste silencieuse.
Chapitre très riche que j'ai dans l'ensemble bien aimé mais j'ai deux trois réserves.
Le premier truc, c'est que le retour de Carol dans l'intrigue arrive un peu tard à mon avis, ça fait un paquet de chapitre que cette affaire est mise de côté, perso je m'en étais complètement désintéressé. Et même si en soit c'est intéressant et ça répond à des enjeux un peu plus tôt dans l'histoire, j'ai l'impression que ce n'est plus le sujet...
Ensuite, c'est plutôt une suggestion. Je me demande si le petit 1 où Max annonce vouloir se séparer de Greg, ne pourrait pas faire une très bonne chute pour un chapitre précédent. Histoire de faire un peu monter la tension avant la scène entre eux deux.
Et le plus gros trucs, j'ai trouvé Greg assez détestable dans ce chapitre et ça m'embête parce que j'adorais ce personnage jusqu'à présent. Je trouve sa justification pour s'être éloignée vraiment très très insuffisante. "- Ça aurait été sympa de me prévenir…" Je trouve que ça résume assez bien. Greg devrait être au moins plus désolé je trouve. J'ai trouvé ses réactions assez détestables quand il reproche à Max de ne pas lui avoir demandé de l'aide. Je reconnais pas l'homme sensible et amoureux du début de relation. Si c'est ce que tu veux faire ressentir au lecteur, ça fonctionne très bien mais ça me fait perdre un peu foi en la relation entre lui et Max. J'en suis presqu'à me dire qu'elle ferait mieux de retrouver Milo... Parce que là ça commence à mon avis à devenir vraiment pas ouf pour Max de rester avec lui.
Ceci dit il a peut-être d'autres raisons qu'il préfère cacher, peut-être qu'il va davantage se rendre compte d'à quel point il l'a fait souffrir un peu plus tard. Il a plutôt intérêt parce que je le trouve de plus en plus antipathique.
Bon, c'est ma réaction à chaud, peut-être que mon ressenti va évoluer avec les prochains chapitres.
Par contre, je trouve ta manière de décrire Max très juste. Elle se pose plein de questions, partagée entre les souvenirs de ce qu'elle a partagé avec Greg et son comportement actuel. Le personnage est vraiment touchant dans ce chapitre.
Un plaisir,
A bientôt !
C'est vrai que Greg n'est pas sympathique ici, et Max se pose des questions sur le devenir de leur relation. Mais c'est aussi ca, une relation sur le long terme, il y a des moments ou l'un n'est pas a la hauteur, puis se rattrappe. Greg vit beaucoup de choses destabilisantes en meme temps. Et c'est vrai qu'il a manque d'empathie pour comprendre ce qu'il faisait subir a Max.
Quant au timing du retour de Carol dans l'histoire, ca m'interesse aussi parce que c'est important de rester dans un certain rythme.. Mais il fallait quelque chose de surprenant, choquant meme, pour interrompre la discussion entre Greg et Max. Et je voulais apporter un debut de reponse au meurtre de Jackson. Mais je vais penser a ce que tu dis. Merci encore!
Oui, c'est vrai que c'était un bon timing pour casser la discussion entre Greg et Max, après je pense que tu peux trouver d'autres choses (=
Beaucoup de choses dans ce chapitre!!! La réconciliation de Greg et Max et de nouvelles informations sur la mort de Jackson, donc des moments forts en émotions. Comme d'habitude, je trouve les hésitations de Max très réalistes, ainsi que les dynamiques de la relation avec Greg, avec une nécessité pour eux de mieux communiquer pour se synchroniser dans leur manière d'avancer.
Je n'avais pas du tout venir le fait que Carol était soupable de la mort de Jackson, ou en tout cas impliquée: ça paraît logique, mais en même temps avec tout ce qu'il y a eu autour des meurtres de Semblables, tu as bien réussi à brouiller les pistes (à voir si en lisant tout d'un coup c'est différent, le format sériel change aussi la manière de lire et de percevoir une histoire). Je trouve ça bien parce que tu arrives bien à tenir plusieurs intrigues en même temps, ce qui est réaliste, parce que dans la vie y a toujours pleins de choses à gérer en parallèle; donc ici, c'est une nouvelle incursion de la vie "normale" dans la vie de Max.
Et petites interrogations sur le comportement de Libby, ainsi que cette histoire de non communication entre Katsumi et Katherine.
Bref, hâte de lire la suite comme d'habitude ;)