Calir :
L’armée des Terres Abandonnées que Calir avait mise en place, et que son groupe avait croisée quelques heures plus tôt, se dirigeait vers Tyril et Cartan. Ce dernier tombait déjà. Bientôt, Dalar n’aurait plus qu’à s’asseoir sur le trône et régner.
Préparer les Terres Abandonnées. Tuer le véritable messager de Krieg et endosser son rôle. Supporter des années de mascarade parmi ces villageois. Confier à Erzic la préparation de Drazyl, pour qu’il devienne le parfait bouc émissaire. Et moi, m’amuser à manipuler les habitants.
Arnitan commençait à nourrir des soupçons. Heureusement, Gwenn avait été assez influençable pour préserver un peu de confiance. Pauvre enfant. Les cœurs humains sont si faibles.
Quoi qu’il arrive, ils se rendraient bientôt à la Tour de la Conception : la première construction de Dalar, ancien et futur trône du monde. Mais l’Hirondelle inquiétait Calir. Sa magie dépassait ses prévisions, et les dons de voyance hérités de sa mère la rendaient redoutable. Chaque fois qu’une onde psychique se manifestait dans le camp, il coupait aussitôt la connexion d’Aelia. Si elle découvrait la vérité trop tôt… Elira, tu n’auras cessé de me contrarier.
Assis près du feu, il accueillit l’assiette fumante que Gabrielle lui tendit. Mais avant sa première bouchée, Aelia et Arnitan se levèrent. Leurs regards brûlants de défi se posèrent sur lui.
— J’ai quelque chose à dire, annonça Aelia.
— Eh bien, nous t’écoutons, répondit Brelan, attentif.
Tous les regards convergèrent vers les deux élus.
— Je suis sûre que c’est pour annoncer leur mariage, gloussa Arlietta.
— Tu crois ? demanda Céleste.
Idiotes.
— Comme vous le savez, reprit Aelia, je suis magicienne. Ma mère m’a aussi transmis le don de voyance.
Les mains de Calir devinrent moites. Et si elle savait ?
Ce n’est rien. Je les obligerais tous à avancer, pensa-t-il.
— Le royaume de Balar est tombé. Drazyl avance sur Cartan…
Sa voix se brisa. Arnitan serra sa main, et son regard retrouva une étincelle. Intéressant.
— Mais ce n’est pas tout. Ma mère m’a dit que le dieu que nous devions vaincre n’était pas celui que nous pensions. Il porte un autre nom.
Le camp s’agita. Calir se redressa.
— Un autre dieu ? Et s’il s’agissait de leur père… murmura Sylros.
— Expliquez-vous, demanda Brelan.
Le mage raconta alors :
— Talharr et Malkar n’ont pas créé notre monde. Ils ont un père : Dalar. Seul dieu à l’origine, aimé de ses sujets. Mais lorsqu’il s’éprit d’une Zarktys, il eut deux fils : Talharr et Malkar. Deux jumeaux immortels. Talharr reçut la vie, Malkar les ombres. Longtemps, tout resta en équilibre. Jusqu’à la mort de leur mère. La douleur de Dalar devint insupportable. Il tenta de tuer ses fils, il la voyait en eux et Malkar envenimait déjà les choses contre son frère, mais ceux-ci s’unirent contre lui. Une guerre éclata. La Terre fut déchirée. Dalar fut vaincu, emprisonné dans un lieu que seuls ses enfants pouvaient atteindre.
Le silence tomba. Le feu crépitait.
Calir sursauta. Comment sait-il cela ? J’avais effacé ce passage ! Les regards d’Arnitan et d’Aelia devinrent plus insistants.
Je dois rester calme, peu m’importe qu’ils sachent. Bien au contraire, ils comprendront plus rapidement qu’ils devront mettre le genou à terre.
— Et ensuite vint la guerre entre les deux frères, celle que nous connaissons, je présume ? dit Gabrielle.
— C’est exact. Malkar n’avait pas abandonné sa quête d’avoir plus de pouvoirs. Notre monde en a été terriblement affecté. Talharr finit par enfermer Malkar. Tous deux avaient perdu énormément, ne pouvant plus intervenir sur ce monde. Alors ils choisirent des élus pour poursuivre leur mission.
Le silence revint, chargé d’un poids nouveau.
Sylros avait donné la véritable histoire de ce monde. Enfin, en partie, sourit Calir.
— Alors… ce serait Dalar que nous devons affronter ? demanda innocemment Calir.
Arnitan fronça les sourcils. Le mage de Dalar avait retrouvé toute sa malice.
— Vous n’étiez pas au courant ?
— Comment le pourrais-je ? Je suis comme vous tous, je découvre l’histoire de notre monde, répondit-il sereinement.
— Pourtant, dès notre rencontre, vous m’avez appelé jeune Loup. Je ne vous connaissais pas. Vous avez voulu venir avec nous dans ces terres. Et votre comportement me paraît régulièrement étrange.
La voix d’Arnitan était calme mais coupante. Calir prit un air peiné devant le reste de la troupe jusque là silencieuse.
— Vous avez survécu à l’attaque d’un loup et votre amie m’avait tellement parler de votre héroïsme. De plus les contes sur les élus ne sont pas inconnus, je suis juste intéressé par notre histoire. Vous ne croyez tout de même pas que je suis un ennemi ? Jamais je n’oublierai ce qu’Erzic a fait à Gwenn. Jamais.
Arnitan blêmit. Aelia resserra sa main dans la sienne. La douleur ne disparaîtra pas, je la nourrirai. Vous m’obéirez.
Brelan s’interposa enfin :
— Calir a raison, Arnitan. Il vient de Krieg, comme nous. Il a traversé tant de contrées pour délivrer des messages, la connaissance était à sa portée. Ne nous divisons pas. Réfléchissons plutôt aux paroles de Sylros.
Calir hocha la tête, toujours masqué. Mais Arnitan ne le lâchait pas des yeux. Patience, jeune Loup. Tout sera bientôt terminé.
— Autre chose. Une voix m’a aussi dit que Malkar voulait notre mort à tous et que l’on découvrirait la vérité au bout de notre chemin, ajouta Aelia.
Mon œuvre.
— Au moins c’est clair. Qu’il s’agisse de Malkar ou de Dalar, nous devons poursuivre, conclut Gabrielle.
Tous acquiescèrent. Brelan invita à manger.
Entre deux bouchées, Calir croisa le regard d’Arnitan. L’un souriait, l’autre le défiait. Et Sylros observait trop attentivement. Sait-il autre chose ?
Après le repas, Gabrielle vint trouver Calir.
— Je suis désolée. Cette aventure est dure pour chacun de nous. Je suis certaine qu’Arnitan ne pensait pas à mal.
— Je le sais. Je ne l’ai pas pris personnellement. Il est jeune et après tout ce qu’il a déjà vécu, je le comprends. Il a besoin de renvoyer sa frustration sur quelqu’un.
— Ce n’est pas une raison. Mais oui, ce garçon a déjà trop subi. Je lui demanderai de vous présenter ses excuses. Bonne soirée, Calir.
— Merci à vous, ce n’est pas la peine pour les excuses. Bonne soirée.
Elle s’éloigna. Calir gagna sa tente, dans laquelle il était seul.
Ils sont tous aveugles.
Puis il se remémora une nouvelle fois son plan. Les élus serviraient d’offrande à Dalar. Les royaumes s’effondreraient, le roi de Drazyl sera tué. Erzic et ses mages périraient. Talharr et Malkar aussi.
Il s’endormit, fier de ce qu’il était en train d’accomplir. L’histoire se souviendrait à jamais de ce qui allait se produire. Plus jamais on n’osera oublier le nom de son dieu.
Je suis le Serpent qui mettra le monde à genoux. La Terre de Dalar est sur le point de renaître.
la rendaient redoutable ( rendait)
Jamais je n’oublierai jamais ce qu’Erzic a fait à Gwenn. Jamais. ( un peu trop de jamais dans la phrase :)
A la suite :)
Oula oui j'ai laissé un jamais en trop 😭