Chapitre 5

Ulysse la rejoignit sur le canapé. Il s’assit à côté de la jeune fille à lunettes.

-Ça te dit une leçon de mentalisme ? lança-t-il.

Celle ci posa son livre et déclara :

-Cool ! Je suis prête !

Ulysse commença :

-Alors, déjà, je vais essayer de t’analyser. 

Il la scruta 15 secondes. Il lui demanda:  

-Tu peux te retourner s’il te plaît ?

Victoire s’exécuta

-Alors… reprit-il, on peut dire que tu es sceptique vis-à-vis de cette mission. Tu es quelqu’un qui réfléchit avant d’agir, tu n’es pas crédule et vérifie toujours tes sources et les affirmations des autres. Tu te raccroches à tes idées, et même si tu sais que tu as tort, tu ne l’avouera pas. Tu n’as qu’une parole.

-Wahou ! Impressionnant ! le complimenta-t-elle, tout est vrai ! Mais comment tu as deviné ?

-Eh bien, répondit-il en prenant la pose, dans la discussion que nous avons eu tout à l’heure, la façon dont ton dos est droit quand tu manges, la manière dont tu marches m'a donné la forte impression que tu es une personne confiante qui a une bonne estime de soi et qui ne laissera pas une imprécision se mettre en travers de sa bonne image.

-Mais tu n’as pas répondu à ma question, protesta Victoire.

-C’est difficile à expliquer précisément. Essayes sur moi.

La jeune adolescente fixa Ulysse.

-Mais qu’est ce que je dois faire ? Explique moi !

-Analyse mon comportement comme tu peux et puis je te dirais si tu as bon. C’est de la simple déduction.

-Heu… Ok. 

Après deux minutes, Victoire dit :

-Tu es… social. Et insouciant et tu n’es pas timide.

-Comment peux-tu le savoir ?

-Tu es venu vers moi et tu as su faire le premier pas. Et quand tu parle, tu te penche un peu vers moi, tu cherches à combler l’espace entre nous.

-Oups, pardon ! s’excusa le jeune homme en se décalant.

-Pas de problème, ça ne me dérange pas trop. Mais t’as vu, je suis trop forte !

-C’était bien, mais pas grand-chose, continue.

-Arrête de briser mes rêves ! Je suis sûre que tu aimes les animaux, surtout les chats.

-Non, je les déteste. Réessaye.

-Tu fais du sport ?

-Oui, répondit Ulysse.

-Du football ? Ou de la natation ! Ou de l’escalade ! Ou du basket !

-Non. Du volley.

-Zut. Tu as ramené des livres, tu dois aimer lire !

-Tu as raison sur un point, j’ai ramené des livres mais lire n’est pas très passionnant.

-Ouais ! Je suis la meilleure !

-Je viens de te dire que tu avais tort.

-Ça va. Sinon, tu lis quoi ?

-Des livres policiers, comme Agatha Christie. Tu connais ? C’est super vieux, mais c’est bien et ça décrit le passé.

-Oui bien sûr ! La littérature c’est mon point fort.

-Tu peux me recommander des livres, peut-être ?

La discussion continua sur les différents livres que l’adolescent pourrait apprécier.

Puis Elisa arriva et vit les deux jeunes en pleine discussion. Elle dû les interrompre.

-Désolé Ulysse, mais j’ai besoin de Victoire. 

-On se reparle bientôt ! cria Victoire.

Et tout en s’éloignant elle mima de l’écho sur son dernier mot. Cela fit rire Ulysse.

-Pourquoi tu as besoin de moi ? dit Victoire une fois qu’elles furent dans la salle de sport.

-J’ai pas besoin de toi, je m’ennuie. C’est une excuse

-Donc tu as besoin de moi. Je suis ESSENTIELLE à la vie d’Elisa!

-Si tu veux…

-Tu as interrompu le merveilleux résumé d’Ulysse parce que tu t’ennuyais ?! 

-Oui. Pourquoi, c’est interdit ?

-Je te hais.

Victoire fit mine de bouder, mais quelques secondes après, elles recommencèrent à se parler et à rire ensemble. Elles traversèrent la capsule et s’installèrent sur les tapis au sol

Au bout d’un petit moment de discussion, Victoire demanda :

-Ça te dit un peu de sport ?

-Ah, non ! La semaine prochaine.

-On est lundi.

-Justement !

-Allez ! En plus on a un jeu de danse !

-Je ne sais pas danser, rétorqua Elisa.

-Il faut bien apprendre !

-J’ai fait quatre ans de danse classique et je crois de ça m’a rendue encore moins gracieuse et souple que je ne l’étais. Et ce n’était déjà pas glorieux.

-Essaie au moins !

-Je m’inquiète juste pour tes yeux. Me voir danser pourrait te rendre aveugle tellement c’est laid.

-Si je te dis que ça m’est égal ? Fait le pour moi, s’il te plaît ! En plus, je t’ai déjà vu danser, je suis prête !

-Comment à tu fait pour survivre ?

Vaincue, Elisa se mit en tenue de sport, pendant que Victoire lui tournait le dos. Puis elles firent la même chose en inversant les rôles. Elles se rendirent dans la salle de sport et allumèrent la télévision. Elles démarrèrent ensuite le jeu. Les filles choisirent une musique et commencèrent à danser n’importe comment.

Elisa tapa sur ses hanches avec ses poings, l’un après l’autre. Elle rassembla ses bras devant elle et les fit glisser derrière sa tête, avant de faire bouger son bassin. Elle secoua ses mains avec force, une devant et une derrière, et inversa leur position, plusieurs fois de suite. Devant ce triste spectacle, Victoire était pliée en deux de rire, et ne pouvait même plus danser.

Elisa tournoya sur elle-même, mit ses paumes sur sa tête et sauta, encore et encore. Malgré tous ces efforts, Victoire la battit, et de loin.

-La revanche ! s’écria la mauvaise danseuse.

A ce moment, Jeremy entra dans la salle de sport. 

-Je peux jouer ? 

Les deux filles se regardèrent et acquiescèrent. Jeremy vint se positionner à côté d’elles et la chorégraphie débuta.

Ils firent semblant de se tirer une balle dans la poitrine, puis donnèrent des coups de poings dans l’air. Elisa fit une sorte de danse égyptienne, Victoire fit n’importe quoi avec sa tête et ses mains, et Jeremy effectua un mouvement de bras compliqué, qu’il réussit à moitié, ce qui était un exploit. Ils firent tous les zombies, avancèrent les épaules et les rémuèrent étrangement. Ils firent passer un pied devant l’autre et les échangèrent en sautant. Ils recommencèrent la chorégraphie du début et ce fut Victoire de nouveau qui gagna.

Les danseurs étaient rouges et en sueur. 

Ils tournèrent la tête et se rendirent compte que la quasi-totalité de l’équipage les observaient en pouffant. Marie dit:

-Écartez vous, de la piste, je vais vous écrabouiller !

Victoire la toisa d’un regard septique :

-Prouve le. Je te défie en duel !

-Team Victoire !!! hurla Elisa en s’écartant de la piste de danse.

De chaque côté de la piste se formèrent deux équipes : l’une constituée de Victoire, Elisa, Ulysse, Aaron, Gabriel, Alice et Théodore (bien qu’il ai un peu hésité), l’autre comprenant Marie, Leah, Mathilde, Daniel, Jessica, Jeremy et Lucas.

La musique démarra et les danseuses se lancèrent dans un duel acharné. Finalement, ce fut Marie qui l’emporta, mais seulement de quelques points.

L’après midi continua sur un fond heureux et apaisé, sans nouvelles disputes, ou presque.

Ils avaient beaucoup de mal à s’entendre sur le choix de la musique.

On comptait parmi les bons danseurs : Jessica, Lucas, Mathilde et Gabriel. Les plus mauvais étaient : Elisa, Ulysse et Leah. Jeremy et Alice étaient mauvais mais battaient facilements les danseurs les plus nuls.

Les autres n’étaient ni bons ni mauvais.

Après tout ce sport, ils sentaient tous la sueur et décidèrent d’aller prendre une douche. Il y eut donc la queue aux salles de bains.

En attendant, Mathilde faisait un câlin à Leah. Elle murmura à son oreille :

-Mon papa me manque.

-Oh… Ma chérie !

Leah la serra plus fort.

-Moi aussi mes parents me manquent.

-Mais toi, t’es grande ? Pourquoi ils te manquent ?

-Il n’y a pas d’âge pour aimer ses parents. Même si parfois on est en colère, ou qu’on se dispute, on les aime fort. Et eux aussi ils nous aiment.

-Oui, c’est vrai. Même qu’une fois j’ai dit à mon papa qu’il sentait mauvais, mais je l’aimais quand même.

Leah sourit tristement.

-C’est un bon exemple ! Mais, en attendant, c’est toi qui sent mauvais ! File à la douche !

Mathilde obéit en riant. Elle cria :

-Moi aussi je t’aime !

Leah descendit dans la capsule commune. En bas, Daniel lisait un livre. Elle vint s’asseoir à côté de lui et il ferma son livre. La jeune fille soupira :  

-Mathilde m’a fendu le cœur…

-Pourquoi ? l’interrogea Daniel.

-Son père lui manque… J’avoue que mes parents me manquent aussi…

Le garçon lui tapota l’épaule.

-Oui, je sais, c’est dur… Mais j’ai une idée ! Et si, demain, on appelait nos parents ? Ça pourrait être bien, surtout qu’après, ça va être plus compliqué, si on s’éloigne trop de la Terre…

-Daniel, tu es fantastique !

-Je suis au courant !

Leah rit et alla voir Jeremy pour lui demander si ce serait possible.

-Oui, peut être, répondit celui-ci, mais je ne suis pas sûr, il faut que j’en parle avec les responsables.

-Merci !

Puis elle retourna voir Daniel. Les deux jeunes gens parlèrent longtemps ensemble, Leah se tordait de rire aux histoires du jeune homme, et celui-ci en était ravi.

-Non ! Quand même pas ! s’écria la jeune femme, trois années d’affilées et tu y retournes ?!

Elle se tordait de rire au point d’avoir du mal à respirer.

Son nouvel ami lui adressa un clin d’oeil, tout en confirmant ses dires :

-Oui, oui, mais ne t’inquiètes pas c’est pas fini !

-Encore, tu t’es encore cassé quelque chose l’année d’après ?! pouffa sa voisine.

-Oui, oui. Bon, pas l’année d’après mais la suivante… Ouh, le souvenir ! La douleur, l’émotion ! Ouh ! C’est trop dur pour mon pauvre poignet ! murmura-t-il en le caressant.

-Mais tu t'es déjà cassé le poignet. Tu as dit que “la malédiction des montagne ne repasse jamais au même endroit” !

-Oui, vois-tu, c’était celui du côté droit cette fois.

-Mon dieu. Comment fais-tu pour rester en une pièce ?

-A vrai dire, je n’en ai pas la moindre idée !

-Tu avais quel âge lors de cette histoire ?

-Hmmm.... réfléchit-il 

Puis il se rapprocha de Leah et lui raconta doucement en commençant par, « je devais avoir une quinzaines d’années… »

Le jeune homme était poursuivi par ce qu’il appelait « la malédiction de la montagne ». Lorsqu’il allait au ski, il devait forcément se casser quelque chose ou se faire une entorse.

Puis il continua avec une autres descente périlleuse mais cette fois, réussie. Sans tomber et sans blessure, le jeune homme avait fait ses preuves. Mais en rentrant au chalet, son snowboard se prit dans une bosse et Daniel s’écrasa sur son poignet. Il n’eu même pas besoin d’aller au centre médical, sa mère avait assez d’expérience avec les entorses et fractures. Elle sut quoi faire et un mois plus tard son poignet droit était comme neuf. 

-Wow, tu en as d’autres des histoires de tes vacances à la neige ? lui demanda-t-elle, parce qu’entre le bras cassé, la fracture du genoux, celle du poignet gauche puis celle du poignet droit, qu’est-ce qu’il te reste ?!

-La tête, répondit simplement Daniel.

-Non. Ne me dis pas…chuchota Leah avec un air à la fois désolé, affolé et inquiet.

-Je te charie ! Je ne me suis pas ouvert la tête, pas encore, rigola le jeune homme.

-Ouf...Tu m’as fait peur !  

Et ils continuèrent de parler longement.

Ce qui arrêta la conversation fut Mathilde qui criait :

-La douche est libre !

Leah y alla donc. Daniel dut attendre qu’Aaron eu terminé de se doucher pour pouvoir se laver.

Quand elle revint, Marie tricotait, Elisa jouait aux cartes avec Alice et Gabriel. Lucas cuisinait, aidé de Victoire et Ulysse. Au menu du soir, une omelette au pommes de terre, et les restes de salade.

Jessica était allée au potager récolter des raisins. Jeremy essayait de joindre la Terre et leur demander une communication avec les parents. Mathilde jouait avec Aaron, et Théodore était à la bibliothèque, confortablement installé dans un gros fauteuil. 

Quand les œufs furent battus, Lucas les mit dans une grande poêle, et surveilla la cuisson. Ulysse et Victoire pouvaient déserter la cuisine.

Quand Daniel arriva enfin, quelqu’un, probablement Aaron, hurla :

-A table !

Et ils s’asseyèrent tous autour de la table.

Lucas mit l’omelette dans une assiette et il servit à chacun sa part. Aaron la mangea en cinq secondes et en redemanda mais fut déçu par la taille de son deuxième service.

Gabriel engagea naturellement la conversation avec le cuisinier.

-Ton omelette était très bonne !

-Merci ! Tu veux de la salade ?

Gabriel déclina l’offre poliment. Puis il demanda :

-Ça te manque, la Terre ?

-Non. Là-bas, on était tout le temps en train de se débattre pour survivre, et puis avec le crash boursier de 2033, on étions plutôt pauvres.

-On dit  « on était »… Ma famille s’en est très bien sortie on était des trois.

-Des trois !? On était des huit ! s’écria Lucas, étonné.

Après l’effondrement de l’économie en 2033, l’Organisation des Nations Unies avait décidé de mettre des nombres sur la richesse des personnes, pour pouvoir adapter le prix de la vie. Ainsi, les un étaient les plus riches, et les dix les plus pauvres. Mais cette utilisation avait dérivé, et la vie était de plus en plus dure pour les moins fortunés.

-Ah oui, quand même. Quelle stupidité, ce virus ! Il a ruiné les vies de nos parents et influé sur les nôtres…

-Ça veut dire quoi « stupidité » ? Ca a un rapport avec “stupide” ? C’est sûr qu’avec quasiment trois ans de quarantaine, on était mal…

-Oui c’est quelque chose de stupide. Les problèmes ont commencé en 2020…Ma mère était déjà là, elle avait trois ans. Elle m’a raconté la minuscule quarantaine. Elle n’a duré que 5 mois ! s’exclama Gabriel. Les vaccins tueurs n’était pas encore là, alors elle avait de l’espoir. Maintenant… Je n’ai que treize ans, mais je n’y crois plus. Il faudrait trouver un autre genre de médicaments...

-Mais puisqu’on est là, aucune chance que le Coronavirus nous décime ! On est à l’abri, au minimum pour ça. C’est vrai que les dangers est énormes.

-Sont. Notre capsule pourrait se perdre, supposa Gabriel, on pourrait mourir des transformations des poumons !

-Ou encore devoir revenir sur Terre et être touchés par le Coronavirus… renchérit Lucas.

Jeremy avait entendu leur conversation et s’y incrusta.

-C’est gai ! Voyons les bons côtés ! J’ai une très bonne nouvelle ! Demain en fin d’après-midi, on va avoir le droit à une communication avec la Terre, et nos parents !

Il avait parlé assez fort pour que toute la tablée l’entendit et tout le monde explosa de joie.

-Trop bien ! C’était mon idée ! cria Daniel en se levant.

Il réalisa qu’il s’était levé et se rassit, mine de rien, et demanda calmement à Jeremy.

-Ce sera à quelle heure ?

-Vers 17 heures. Il faut être encore un peu patients… répondit l’homme.

-Je ne suis pas patient. Nos parents nous manquent à tous, continua l’autre.

-Oui, les miens aussi me manquent… confia Jérémy.

-Bon, dit Daniel, puis il s'exclama, j’ai hâte d’être demain !

Le repas se termina dans le joie et la bonne humeur. Chacun débarrassa un peu, mais Alice fit le plus gros du travail.

Puis ils allèrent vaquer à leurs occupations, le coeur léger.





 

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