Une heure plus tard, tous les habitants de la navette se préparèrent pour aller se coucher. Mathilde et Aaron furent les premiers. Ils embrassèrent tout le monde et Mathilde se mit en pyjama. Leah, fatiguée, suivit la petite. Elles se brossèrent soigneusement les dents et les cheveux et la jeune femme rinça son visage avec une lotion spéciale. Elles s’installèrent dans leur canapé-lit après que Leah l’ai ouvert. Celle-ci prit Mathilde dans ses bras, tel un doudou, et les filles s’endormirent rapidement.
Du côté d’Aaron, c’était le bazar. Il se lava les dents mais se jeta tout habillé dans son lit et il s’endormit en un clin d'oeil.
Jeremy, sur le sommeil, était un peu un grand père, il dormait tout le temps, alors quand il descendit vérifier qu’Aaron était couché, il ne remonta pas. Personne ne s’en étonna.
Daniel et Lucas les rejoignirent assez vite. Elisa et Victoire discutèrent un peu avant d’aller dans leur dortoir, sur la pointe des pieds. Mais elles auraient pu ne pas prendre ces précautions, les autres filles dormaient très profondément.
Elles s’enfermèrent dans la salle de bain pour parler tout en se coiffant et en se lavant les dents. Bon, seule Victoire se brossa les cheveux, Elisa s’en fichait royalement.
Marie, comme à son habitude, tricota un peu. Elle avançait en ce moment sur un haut blanc à bretelles. Elle tricotait aussi de jolis petits papillons. Ses aiguilles tournoyaient à toute vitesse, on avait du mal à les distinguer. Quand elle fut fatiguée, elle alla vers la chambre, vira Elisa et Victoire de la salle de bain et fit sa toilette avant de se coucher. Elle s’endormit très vite.
Jessica avait besoin de lire avant de dormir, alors elle se vautra dans un fauteuil avec son livre. Elle adorait lire, et quand elle se sentait déboussolée, c'était son refuge. Du haut de ses 17 ans, elle ne connaissait pas encore la vie d’adulte, mais elle la découvrait dans les histoires qu’elles lisait. Elle songea qu’elle avait énormément de chance de pouvoir tourner les pages d’un livre. En 2064, le papier se faisait rare, un peu comme toutes les denrées naturelles. Ce voyage était une opportunité, ils avaient accès à de nombreux produits qui n’était plus sur Terre depuis longtemps.
Quand il ne resta dans la salle commune qu’Alice et Ulysse, avec la jeune fille, les jumeaux choisirent de discuter avant de dormir.
-Tu penses qu’on a bien fait de venir ? demanda l’adolescente.
-Oui, non...enfin…peut-être ? Je ne sais pas… Et toi ?
Alice mit du temps à lui répondre :
-J’imagine que c’est une bonne idée mais je me demande quels sont les les taux de réussite… -Moi aussi l’idée que cette mission, le dernier espoir de l’humanité, n’aboutisse à rien...
Il attendit un moment pour voir si sa soeur voulait ajouter quelque chose. Puis, comme celle-ci ne disait rien il dit lentement :
-Aussi, les parents me manquent… Mais je ne l’avouerais pas une deuxième fois !
-Oui, c’est normal qu’ils te manquent, j’ai besoin d’eux aussi. Heureusement qu’on les reverra demain…
-Je doute qu’on puisse le faire, après, on sera vraiment éloignés de la Terre.
-Oui, renchérit Alice d’un ton dramatique, ce sera sûrement la dernière fois qu’on leur parlera, qu’on les verra et…
-C’est bon, j’ai compris, l'interrompit son frère.
-Désolée… dit la jeune fille.
Il y eut un petit silence jusqu’à ce qu’Alice reprenne avec un peu trop d’enthousiasme :
-Mais il y a des gens sympa ici, comme Jérémy et Leah ! Oh ! Et Mathilde est trop mignonne, non ? J’adore ce qui est mignon !
Son frère ne sut que dire.
-Sinon ! tenta de se ratrapper l’adolescente, Tu as beaucoup parlé à Victoire, aujourd’hui !
-Oui, c’est vrai, je l’aime bien. Elle est très sympa !
-Moi aussi elle m’a l’air cool. Quand je lui ai parlé, elle m’avait semblée très gentille et je dois dire qu’elle a de l’humour.
-Je lui ai fait une petite démonstration de mon pouvoir de télépathie. Et je lui ai fait un cours !
-Elle a cru à ses histoires ?! rit sa jumelle
-J’ai réussi à déduire plein de trucs qui étaient vrais ! se défendit le garçon. Et donc, ce ne sont pas des histoires !
-Oui, oui… C’est ça.
Ils continuèrent leur discussion pendant quelques minutes puis Ulysse déclara :
-Bon, je crois qu’il est temps de dormir. A demain, Alice.
Une fois les jumeaux partis, Jessica resta seule dans la capsule commune. Il commençait à se faire tard, mais la jeune fille était passionnée par le livre qu'elle lisait.
Soudain, elle entendit un bruit, comme une sorte de frottement. Elle releva la tête, surprise. Mais au bout de quelques secondes, après être sûre qu’elle avait rêvé, elle replongea dans sa lecture. Mais le bruit se répéta. Cette fois-ci, elle était inquiète.
Elle se leva et attendit que le bruit se fasse de nouveau entendre. Quand elle l’entendit, elle essaya d’aller dans la direction du son. Mais celui-ci était omniprésent, et elle ne parvint pas à identifier sa provenance.
Au bout de quatre ou cinq frottements, Jessica décida de l’ignorer et se remit à lire.
Ses yeux commençaient à papillonner de fatigue, alors elle choisit d’aller se coucher. Après s’être mise en pyjama, la jeune anglaise se détacha les cheveux et frotta vigoureusement sa peau noire avec de l’eau et du savon.
Le bruit était là aussi dans la chambre des filles. Mais Jessica refusa d’avoir peur, et grimpa dans son lit. Elle dormait au-dessus d’Alice.
Alice faisait face à Victoire et le lit d’Elisa était au-dessus de celle-ci. Leah et Mathilde se partageaient un canapé-lit et Marie était dans le fauteuil convertible, face à la porte de la salle bain.
Jessica se mit sur le dos. C’était stupide, mais elle avait peur de dormir sur le côté, car elle avait l’impression qu’on pouvait l’attaquer de dos.
Surtout qu’avec le bruit, elle était effrayée, même si elle ne voulait pas l’admettre.
Finalement, le suspense étant intenable, elle se releva et sortit de la chambre.
Elle traversa la salle de sport, puis la salle commune.
Un peu indécise, elle hésita entre aller réveiller Jeremy, le chef d’équipage, ou ne rien faire. Elle prit sa décision et entra timidement dans le dortoir des garçons. Elle savait qu’elle n’en avait pas vraiment le droit, mais les circonstances l’obligeait à désobéir. Quand elle fut dans le dortoir, elle remarqua que le bruit s’intensifiait.
Elle descendit l'échelle et ferma les yeux à la vue de Théo, endormi et en caleçon, la couverture par terre. Elle se sentit rougir, même en sachant que personne ne l’observait. La jeune fille était très timide et pudique.
Elle balaya le dortoir du regard et trouva Jeremy, qui dormait en dessous de Daniel. Heureusement qu’il n’était pas en haut de la mezzanine, sinon, elle aurait renoncé.
Elle lui secoua légèrement l’épaule. Jeremy était visiblement habitué à ce genre de traitement, puisqu’il donna un grand coup dans l’air, que Jessica évita de justesse. Il se remit sous la couette, mais l’anglaise persista.
Il finit par se réveiller. Il ouvrit un œil ensommeillé et grogna :
-Mmmm… Quoi ?
Jessica ne parlait pas français mais compris l’intention.
-Hum… il y a... problème…avec eau ? balbutia-t-elle.
-J’ai rien compris !
Jeremy décida de réveiller Gabriel, qui parlait anglais. Jessica exposa son problème au jeune homme, qui le traduisit ensuite à Jeremy. Une fois qu’il eut compris, il leur demanda de monter dans la salle commune. Les trois jeunes gens arrivèrent dans la capsule, plongée dans le noir le plus complet. Le plus âgé alluma un petite lampe et ils s’asseyèrent.
A chaque fois que Jessica prenait la parole, Gabriel traduisait pour Jeremy, et vice-versa.
-Si je comprend bien, commença Jeremy, tu as entendu un bruit répété qui ressemblait à une frottement avec à peu près 15 secondes d’intervalle, c’est ça ?
-Yes.
-Oui, traduisit Gabriel.
-Mon anglais n’est peut-être pas parfait, mais je crois savoir ce que “yes” veut dire ! s’indigna Jeremy, en parlant assez fort pour couvrir le bruit en question.
-Ok, pardon.
-D'où vient le bruit ? reprit-il
La jeune fille répondit qu’elle n’en savait rien mais qu’elle l’entendait partout.
-Tu l’entend même dans la chambre des filles et la salle de sport ?
Elle acquiesça.
-Ou le bruit est-il le plus fort ?
-Dans la chambre des garçons, répondit-elle par l’intermédiaire de Gabriel.
Soudain, le bruit se fit entendre.
-Vous avez entendu ? s’inquiéta l’adolescent.
-Oui, répondirent les deux autres.
Jeremy émis quatre hypothèses :
-Soit un objet tape à l’extérieur de la capsule, et si c’est ça, on est mal. Ça pourrait venir du cockpit, je vais aller vérifier, mais ça m’étonnerait. Ou alors, le système d’eau fait des siennes. Jessica, va vérifier, dans la capsule sous notre dortoir si tout va bien. La dernière hypothèse est que le système électrique a un problème, Gabriel ira vérifier.
Les trois se séparèrent.
Jeremy se dirigea rapidement dans le compartiment de pilotage.
Il inspecta les radars extérieurs, mais ne détecta rien de suspect, à son grand soulagement. Il y avait de l’écho dans le cockpit, et le bruit était très fort. Cela l’inquiétait, mais le bruit ne venait pas de là. Il vérifia toutes les alarmes. Rien ne semblait inhabituel.
Sur la droite, dans un coin, il remarqua que quelques boutons clignotaient en rouge et orange.
Il les regarda attentivement, mais ce n’était que ceux du pilotage automatique, du courant électrique, et du système des eaux. C’est à ce moment que Jeremy compris, et il se tapa le front.
Pendant ce temps, Gabriel était monté dans la salle de sport. Il ne savait pas où était précisément le compteur électrique, et il ne savait pas à quoi cela pouvait ressembler. Les compteurs électriques n‘étaient utilisés que très rarement, et tout fonctionnait à distance. Il se mit à quatre pattes et chercha sur le sol. Il souleva les tapis, en se disant que le compteur devait être caché en dessous. Mais il n’y était pas. Il déplaça les machines de sport, toujours rien. Rien sous les canapés non plus.
Puis il songea à chercher au plafond. Il grimpa sur le tapis de course, et le déplaça.
Rien au plafond. Il réalisa alors que le compteur devrait être à un endroit plus accessible, par exemple aux murs. Gabriel balaya la pièce du regard. Après avoir examiné les trois premiers côtés de la salle, son regard se posa sur une porte qu’il n’avait pas vu jusque là. Il en tourna la poignée et à l’intérieur se trouvait une petite armoire.
Toujours curieux, il l’ouvrit. A l’intérieur, c’était plein de trésors. De la viande surgelée, des pâtes, du riz, de la levure, des œufs ! Gabriel en eu l’eau à la bouche. Mais là n’était pas le moment de manger, à minuit, il y avait d’autres choses plus urgentes à faire.
Il se promit de prendre un bon petit déjeuner le lendemain. Il inspecta la petite pièce « secrète » et aperçut enfin le compteur !
Mais il se rendit vite compte que ses efforts étaient vains, le compteur était intact et le problème ne venait pas de là.
De son côté, Jessica devait traverser de nouveau le dortoir des garçons. Elle traversa la salle entière, tout en fermant soigneusement les yeux, et se cogna dans à peu près tous les meubles, qui étaient rares. Elle se cogna au lit d’Ulysse et de Théodore, puis alla droit dans la penderie, à côté du lit où Daniel dormait au-dessus de Jeremy. Elle faillit tomber dans les bras de Lucas, qui avait le fauteuil convertible, et se prit les pieds dans le canapé-lit que partageait Gabriel et Aaron.
En tombant, elle produisit un grand bruit sourd, qui réveilla Daniel. Il se redressa et regarda par dessus la petite barrière qui l’empêchait de tomber. Mais Jessica était partie en vitesse après avoir trouvé la trappe, qui se situait à côté de l’échelle par laquelle elle était descendue.
Elle arriva dans une grande salle, remplie de gros tonneaux d’eau d’une dizaine de litres chacuns. Il devait y en avoir entre trente et quarante, tous alignés à côté de la machine à laver et de celle à sécher.
Le bruit était maintenant très fort, et persistant. Il lui semblait qu’il venait des tuyaux épais, qui étaient accrochés en face d’elle.
Elle s’approcha précautionneusement, et colla son oreille contre le métal froid. Elle recula jusqu’au milieu de la pièce. Le bruit venait sûrement de ce tuyau, il était tellement amplifié ! Un
peu effrayée, elle s’avança de nouveau vers lui et suivit le son, en fonction de la où il était le plus bruyant. Cela la mena à une grosse boîte, qu’elle ouvrit brusquement.
A l’intérieur, ça clignotait. Elle dévisagea les boutons et s’apprêta à appuyer sur « off ».
C’est à ce moment que Jeremy jaillit dans la capsule. Il cria :
-Non, ne touche à rien ! Tout est normal !
Jessica ne comprit que le « non » impérieux de l’homme et s'écarta précipitamment du boîtier.
Jeremy et elle remontèrent dans la salle commune, où Gabriel les attendaient. Jeremy expliqua tout :
-Ce n’est que le traitement de l’eau ! Il agit toutes les nuits, pour nous garantir de l’eau pour le lendemain. Même si avec tout les bidons que j’ai vu, on devrait tenir au moins cinq ans !
Gabriel traduisit à Jessica, qui se traita de tous les noms et s’excusa du mieux qu’elle put de les avoir dérangés pour si peu. Puis elle bailla profondément, en plein milieu de sa tirade. Les deux garçons rirent de bon cœur, et ils partirent tous se coucher.
De son côté, Jessica s'endormit en moins d’une minute. Le bruit ne la dérangeait plus, et rien n’aurait pu la réveiller.