Cela faisait plusieurs semaines qu’Alma se battait tous les jours contre des élèves. Ses duels avaient repris et elle était sans pitié.
Elle ne faisait plus ça juste pour la victoire et ses combats avaient tous la même contrainte : plus de magie. Son seul et unique but était de s’entraîner encore et toujours.
Personne ne comprenait pourquoi elle faisait ça. Pour la gloire ? Absolument pas, elle ne se vantait jamais de gagner et à chaque fin de duel elle partait sans un regard pour son adversaire ou pour la foule. Pour montrer qu’elle est l’élite de l’Académie, l’élève imbattable ? Elle ne donnait pas non plus cette impression.
Pourquoi ? C’était une question que tout le monde se posait. Même les professeurs s’y étaient intéressés. Pourtant cette réponse était simple. S’ils avaient tous bien regarder son combat contre Soan, ils auraient compris son but.
L’épée de son adversaire vola dans les airs et il tomba sur les fesses, impuissant. Encore une victoire dont elle se fichait complètement.
Ses duels étaient de plus en plus courts, soit elle avait progressé, soit le niveau des élèves était bien bas. En tout cas, rien ne semblait stopper la frustration qui l’animait et elle quitta l’arène l’esprit encore préoccupé.
Dans le couloir en pierre peu éclairé et humide de l’arène elle croisa Soan qui était posé contre un mur, bras croisés. Il avait observé son combat, comme tous les autres jours mais comme à son habitude, il ne laissait trahir aucune expression sur son visage et elle ne lui adressa pas un regard. Ils ne s’étaient pas parlé depuis leur duel même s’ils se croisaient quotidiennement au détour d’un couloir.
—Qui es-tu ?
Alma s’arrêta. Se retourna. Il n’était plus là. Elle reprit son chemin, troublée.
Dehors Loréa l’attendait sur un banc près de la sortie.
—C’est la combientième ?
Alma inspira profondément en s’asseyant.
—Hum, ça doit être la vingt-huitième.
—Tu arrêteras quand ?
—Franchement je n’en sais rien. Quand j’aurai trouvé satisfaction ?
Loréa leva les yeux au ciel.
—Je ne comprends vraiment pas ce qui te cause autant de frustration. Comme tu nous l’as tous si bien dit, tu n’as pas perdu et on dirait que ce n’est pas près d’arriver. Que cherches-tu à prouver ?
Alma fronça les sourcils.
—Vous ne pouvez pas comprendre, souffla-t-elle.
—Alors explique moi, tu sais que tu peux me parler.
Il n’y avait personne autour de l’arène, tout le monde était sorti par la grande porte à l’opposé. Le soleil était encore très haut dans le ciel et le silence qui s’était installé entre les deux amies était oppressant. Alors elle décida, sous le regard inquisiteur de Loréa, de lui raconter ses raisons.
—Je ne considère pas mon duel contre Soan comme une victoire. Ce n’est pas non plus une défaite mais…
Elle chercha ses mots sans vraiment réussir à comprendre ce qui lui passait par la tête.
—Mais le fait est qu’il est plus que fort. C’est indéniable. J’ai trouvé quelqu’un de plus fort que moi et je ne sais pas pourquoi ça m’énerve.
—Tu es jalouse ?
Alma inspira profondément avant de répondre.
—Peut-être. Mais que je le sois ou pas ça ne change rien, je ne peux rien faire contre ce sentiment.
Loréa se massa le front.
— La dernière fois tu as eu recours à une potion parce que tu ne voulais pas perdre et ta victoire est méritée, tu as été plus maline que lui et tu as trouvé un moyen de t’en sortir le dos au mur. C’est l’essence même d’un magicien. Seulement tu ne seras satisfaite qu’en le battant à l’aide de ta seule force physique et en t’acquittant de ton statut de magicienne c’est ça ?
Alma hocha la tête.
—Ton problème n’est pas ta jalousie ni ta fierté mais ton esprit de compétition, je te l’ai déjà dit. C’est ce qui t’a toujours empêché de refuser des duels. Arrête de vouloir toujours être la meilleure dans tous les domaines. Ça ne fait que te ronger.
—J’ai besoin de ce sentiment sinon j’aurais l’impression de perdre toute motivation.
Aucune des deux n’était énervée pourtant la voix dure et légèrement sèche d’Alma prouvait bien qu’elle voulait arrêter de parler de ce sujet. Personne ne changerait sa façon de penser et ce n’est pas parce qu’elle en parlait avec Loréa que cela allait changer.
—Tu veux entrer chez les chevaliers royaux, ce n’est pas ça ton but final ?
—Si mais je ne peux pas me contenter de ça.
Elle se leva et s’étira de tout son long.
—Nous sommes différentes et nous fonctionnons différemment, essayer de me faire changer de mentalité ne sert à rien, dit-elle finalement avec un petit sourire. Merci de m’avoir écouté.
Loréa sourit à son tour, elle se sentait bête d’avoir pensé qu’elle pourrait changer Alma. Depuis qu’elles se connaissaient elle l’a toujours connu compétitive et c’est ce qui faisait sa force. Elle avait beau être douée pour la magie, forte en combat et très rusée, sa force résidait surtout dans son mental d’acier et grâce à sa grande ambition.
—Alors devient encore plus forte.
—Merci, sourit-elle. Merci d’être encore là.
Le visage de Loréa était rayonnant. Bien sûr qu’elle était toujours auprès d’elle malgré son caractère et le souci qu’elle lui causait. Elles s’étaient attachées l’une à l’autre depuis si longtemps et Alma n’était pas la personne qu’elle prétendait être dans le fond, Loréa l’avait bien vu, c’est pour cela qu’elle ne pouvait pas l’abandonner.
Pendant un bref instant Alma avait repensé à tous les duels qu’elle avait fait et s’était rendue compte que même si elle les continuait, jamais elle ne trouverait satisfaction à se battre de cette manière. Ces combats ne lui apportaient rien d’autre qu’une frustration supplémentaire.
—Je vais arrêter les duels pendant un moment.
—Vraiment ? s’étonna Loréa qui remarqua une lueur flamboyante dans les yeux de son amie. Elle y vit l’esprit combatif d’Alma alors elle ne chercha pas à connaître ses raisons et savoir qu’elle arrêtait la satisfaisait amplement.
Les cloches de l’Académie sonnèrent et semblèrent réveiller Alma qui regarda promptement sa montre.
—Mince. Je suis en retard au travail je dois te laisser !
—A demain alors !
Ses grandes ailes blanches qui contrastaient avec le ciel orangé firent frémir les arbres alentours et elle emporta des pétales colorés dans son sillage.
Volant tout droit sans faire de détour, elle arriva devant la boutique… fermée. Elle sortit le double des clés que la patronne lui avait laissé se doutant que celle-ci avait dû s’absenter un temps.
Deux dernières commandes étaient présentes sur le comptoir en attente d’être préparée. Camilla arriva une dizaine de minutes plus tard alors qu’Alma était en train de finir le somnifère.
—Je suis désolée de t’avoir laisser commencer toute seule j’avais une course à faire, s’excusa Camilla qui venait d’entrer dans l’arrière-boutique.
—Oh pas de soucis, j’en ai profité pour faire la première commande.
La patronne la regarda de travers.
—Quoi ?
—Tu n’en as pas profité pour faire une de tes expériences bizarres j’espère ?
La magicienne s’esclaffa.
—Jamais pour une commande. Je ne veux pas qu’un de nos clients ait des problèmes de santé par ma faute ça ferait un scandale.
—J’espère bien ! rigola Camilla. Oh et j’en profite pour te dire que samedi je te laisserai t’occuper de la boutique seule, je dois accompagner Julia pour choisir sa robe de bal, cela ne te dérange pas ?
Le bal. Elle avait complètement oublié cet événement. Il avait lieu dans une décade à présent. De toute façon peut lui importait elle n’irait pas, elle l’avait décidé dès qu’elle avait reçu la lettre.
—Alma ? Tu es toujours là ?
—Oh euh oui pardon je pensais au bal. Bien sûr que non cela ne me dérange pas du tout.
—Tant que tu ne fais pas exploser la boutique je te fais confiance, la prévint-elle.
—Je ne vois pas de quoi tu parles, feint Alma.
Sa curiosité et sa créativité lui avaient valu de nombreux problèmes auprès de beaucoup de monde mais Camilla semblait apprécier le côté fou de sa subordonné qui l’avait souvent amené à faire de nouvelles découvertes.
—Tu as déjà trouvé ta robe de bal ? demanda-t-elle curieuse.
Alma ne put s’empêcher de lâcher un petit rire.
—Je ne vais pas au bal.
—Tu n’as pas reçu de lettre ? Tu fais pourtant partie de la même génération non ? s’étonna Cam.
—Si si j’ai reçu une lettre mais je ne veux pas y aller. Ce genre d’événement ce n’est pas trop pour moi.
Elle sentit sa patronne la dévisager. Exactement comme Loréa l’avait dévisagé quand elle avait annoncé qu’elle n’irait pas au bal.
—C’est bien dommage tu sais pourtant que ce bal est une occasion en or, tu vas voir la reine en personne et te faire plein de souvenirs.
Alma esquissa un petit sourire timide.
—Tu me vois vraiment porter une de ces robes de bal excentriques ?
La patronne s’esclaffa.
—Il te faut simplement une robe de bal à ton goût, il doit bien y en avoir des simples. Je suis persuadée que tu fais une erreur en n’y allant pas.
—Peut-être, soupira-t-elle.
Ce qu’elle ne voulait pas avouer à Camilla c’était que sa réputation l’empêchait d’y aller. Avec son caractère froid et taciturne elle ne serait pas vraiment à sa place dans un endroit pareil et puis tout le monde savait qu’à part pour des duels, elle ne se montrait jamais lors des événements publics.
—S’il te plait réfléchit bien mon enfant. C’est une chose que tu ne peux avoir qu’une seule fois dans ta vie.
Alma baissa les yeux. Sa réputation comptait-elle vraiment au point de rater ce bal ?
—J’y réfléchirait.
Au même moment, la clochette de la porte tinta et des pas résonnèrent dans la boutique.
—Je m’en occupe, fit Camilla avec un clin d’œil. Tu peux continuer les préparations en attendant.
Il ne restait plus qu’à verser la poudre du somnifère dans une feuille de vadela pour conserver les effets des plantes qu’elle plia en forme de petite pochette et la première commande était finie. Au moment où elle allait attraper une fleur en bocal assez haute elle entendit Camilla l’appeler pour apporter le somnifère au client et par manque d’attention le bocal en verre lui tomba dessus avant de s’écraser au sol.
—Tout va bien ! précisa-t-elle pour n’inquiéter personne. J’arrive tout de suite.
Heureusement que ce n’était pas un bocal rempli de poudre, les dégâts a nettoyé auraient bien plus pénibles. Elle prit la pochette et se dirigea vers la boutique avant de tout ranger.
—Je suis désolée je suis tellement maladroite que j’ai fait tomber un bocal sur ma tête, dit-elle avec un sourire candide quand elle passa le pas de la porte. Voici la comman…
Son sourire s’éteint aussitôt. Devant elle se trouvait un Soan qui portait encore l’uniforme de l’Académie et qui la regardait avec un air franchement étonné.
—Alma ? Tu travailles ici ?
Contrairement aux fois où elle le voyait il n’avait pas son sourire malsain mais une vraie expression de surprise. Il ne s’attendait vraiment pas à la voir dans un endroit pareil et cela se voyait parfaitement sur son visage qui habituellement ne laissait trahir aucune émotion.
—Oh tiens vous vous connaissez ? s’étonna joyeusement la patronne.
Alma se reprit avant de montrer à tout le monde à quel point elle était bouleversée de le voir ici. Elle se rendit compte qu’elle n’était plus en uniforme et il était donc l’une des rares personnes à la voir en tenue de ville. Elle portait un pantalon beige, un tee-shirt noir et des petites baskets également noires.
—Oui il va aussi à l’Académie, dit-elle tout sourire en s’approchant de lui pour lui donner son somnifère, imaginant n’importe qui d’autre à la place de ce garçon pour ne pas perdre les moyens devant Camilla. Voilà pour toi. Pour les doses, une pincé suffit pour dormir quelques heures mais tu peux varier les quantités en fonction du temps que tu veux. Mais attention à ne pas en prendre trop cela peu avoir des effets irréversibles.
Cette fois c’était au tour de Soan d’être bouleversé. Il avait en face de lui une Alma complètement différente et n’avait presque pas écouté ses explications tant cela lui semblait fou. Elle avait une expression parfaitement calme et détendue sur le visage, ses yeux bleus semblaient plus clairs et moins froids. À chaque fois qu’il la voyait elle était sur les nerfs, toujours dans la provocation avec cet air sombre. En plus il avait découvert qu’elle était maladroite et pouvait se montrer sous un air d’enfant candide qui fait des bêtises !
Dans cet espace fermé où habituellement la joie et la douceur l’accompagnait, pour la première fois Alma se sentait acculée. Une chaleur affreusement étouffante s’était emparée de son corps. Pourtant une chose était sure, elle jouait parfaitement bien la comédie. Elle jouait son rôle et respectait la tradition : toujours traiter le client chaleureusement et avec respect. Si elle avait été seule avec Soan elle ne lui aurait fait traitement de faveur pourtant Camilla était là et elle ne pouvait pas se permettre de montrer à sa patronne ce côté de sa personnalité qu’elle détestait par-dessus tout.
—Si tu as d’autres question tu peux demander à Camilla je dois retourner derrière pour nettoyer mes bêtises, rigola-t-elle.
Alma disparut en un rien de temps dans l’arrière-boutique avec un bref sourire pour sa patronne et s’effondra au sol. Quel cinéma ! Tout cela l’avait vidé de son énergie et lui avait plombé le moral. Elle fixait la bourde qu’elle devait encore nettoyer et conclut que ce n’était vraiment pas sa journée.
Des bribes de conversations s’échappaient de la boutique et elle tendit l’oreille pour écouter. Cam semblait prise d’intérêt pour le jeune garçon et lui posa toute sorte de question pour faire sa connaissance. Soan lui raconta qu’il était nouveau et bien qu’il ne sût pas faire de magie, il avait affronté Alma dans un duel incroyablement intense et qu’il avait perdu. Camilla était bien trop enthousiaste et semblait l’apprécier. Il y avait de quoi à vrai dire. Ce garçon était plutôt mignon avec des yeux verts intenses et savait faire la discussion. Pourtant Alma ne pouvait se résoudre à l’apprécier à son tour, il était bien trop provocateur envers elle et se faisait un malin plaisir à l’embêter à chaque fois qu’ils se voyaient. Mais aujourd’hui ce garçon avait vu tout ce qu’elle essayait de cacher à l’Académie, toutes ses faiblesses : son côté serein et doux, son travail et même ses vêtements de ville !
Au bout d’un moment alors qu’elle finissait de nettoyer tout le bazar qu’elle avait mis, la porte d’entrée claqua et la patronne la rejoignit un instant plus tard.
—Qu’il est adorable ce garçon tu ne trouves pas ?
—Oui il est super, mentit Alma.
Comme s’il pouvait l’être !
—Je suis contente que tu aies des amis comme lui à l’Académie, tu as l’air bien entourée !
La sollicitude de Camilla la toucha profondément même si elle ignorait complètement la réalité. Soan et elle-même étaient loin d’être aussi amis qu’ils le lui laissaient penser.
Un dernier bout de verre trainait sur le plancher qu’elle ramassa. En le regardant elle y vit un bref reflet d’elle-même. Ou de son visage plus précisément. Parce qu’elle ne savait même plus quelle partie d’elle-même elle était vraiment. À force de jouer la comédie tout le temps à tout le monde elle s’était perdue dans ses personnalités. Elle serra fermement le bout de verre dans sa main jusqu’à ce qu’une goutte de sang tombe sur le sol. Cette douleur n’était rien comparée à celle qui lui lasserait le cœur.
J'espère que cette rencontre les fera se rapprocher, je sens qu'ensemble ils peuvent faire un bon duo et qu'ils peuvent s'entraider pour accomplir leurs rêves.
j'avoue que moi-même je ne sais pas si j'aime bien Soan mais il est très intéressant et surtout très complexe à écrire ! leurs caractères sont très opposés mais aussi très similaire, c'est assez difficile de voir la ligne entre eux deux !
J'aime bien ton histoire, et tes personnages. Tout y amené doucement, te laissant le temps de planter le décors (touche par touche), et les personnages.
C'est avec plaisir que je les verrais évoluer tous, dans les prochains chapitres.
Au plaisir de lire la suite.
j'espère que la suite te plaira tout comme l'évolution des personnages.
si tu as des critiques ou des remarques je serais heureuse d'y prêter attention c:
à bientôt je l'espère.