Morka se tenait agenouillée face à la statue du dieu soleil kinich’Ahau elle tenait dans ses mains une coupe en bois contenant une mixture ressemblant à de l’eau marron. Elle maintenait le bol au-dessus de sa tête telle une offrande aux dieux tout en récitant une prière. Du moins, c’est ce qu’il sembla à la jeune femme qui ne comprit que quelques bribes et se concentra pour écouter attentivement. Morka déposa la coupe au pied de la statue avant de continuer :
— Ô k’iin Kuulol uethh ech xibalba ! Uinic Ka’ nohyahil !
Lara resta stupéfaite bien qu’elle ne comprît pas un mot et attendit que la chamane termine pour approcher.
— Bonjour ! Pardon de vous déranger, Okyalé m’envoie vous porter les objets de la liste que vous lui aviez confiée.
Morka observa attentivement la jeune femme et retroussa le nez comme résignée à l’idée de devoir lui parler.
— Merci bien… tu n’as cas tout laissé chez moi.
La jeune femme acquiesça et sa curiosité étant piquée au vif demanda :
— Que faisiez-vous ? C’est une prière ? Un rituel ? Le sage soupira doucement lasse de la journée et la regarda non sans un léger mépris.
— Vois-tu jeune inconsciente, j’étais en train de demander au puissant kinich ahau de nous protéger du démon qu’Alkaia ramène à la cité ! Chose qui se produit par ta faute ! Tu attires les ennuis en contraignant Hippolyte à faire venir ta progéniture... Un mâle dans la cité aussi jeune soit-il est un fléau qui risque de nous attirer la colère des dieux !
Elle lui tourna le dos en marmonnant de manière contrariée, et Lara n’osa pas protester bien que ne comprenant pas en quoi son fils pouvait être une menace. Elle décida de se retirer et de tenter d’aborder le sujet avec une guerrière plus encline à le lui expliquer.
La jeune amazone regagna le centre de la cité près du grand temple assez pensive et s’installa sur un muret de pierre. Bientôt les aboiements de Nao résonnèrent et elle vit son chien courir vers l’entrée de la cité tel un boulet de canon. Elle plissa les yeux pour essayer de voir ce qui semblait tant exciter son compagnon et ne tarda pas à entendre des claquements de sabot sur les pavés bruts du chemin menant au temple.
Il devait sans doute s’agir d’Alkaia, ce qui la réjouit davantage puisque cela signifiait qu’elle allait enfin pouvoir serrer son fils dans ses bras. Elle se rendit donc près d’un groupe de guerrières déjà rassemblées pour accueillir leur « soeur » et resta figée sur place lorsque celle-ci fit son apparition. Cody était bien là, mais un homme était visible à l’arrière du cheval, inconscient et « posé » sur la croupe de la jument tel un sac de tubercules. Alkaia mit pied à terre et aida le petit garçon à descendre. Ce dernier chercha sa mère du regard puis courut vers elle, heureux de la voir. Lara le réceptionna et le prit contre elle, ravi profitant de cette étreinte tant attendue. Hippolyte apparut alors à l’entrée du temple, se maintenant contre le mur de pierre, fatiguer et éprouver. Les femmes présentes s’inclinèrent et la souveraine prit la parole :
— Que fait cet homme sur ton cheval ? La guerrière s’agenouilla respectueusement et répondit,
— Il était avec l’enfant Majesté. Il prétend connaitre Lara et s’est montré très virulent, refusant que je prenne l’enfant j’ai donc dû improviser.
La reine hocha la tête et descendit les marches de l’édifice d’un pas lent, fatiguer par les fréquentes montées de fièvre.
— Lara… Confirmes-tu connaitre cet homme ?
La jeune femme regarda à nouveau vers la monture de son amie et approcha afin d’identifier celui qui se disait être un proche. C’est à quelque pas de l’équidé qu’elle réalisa. L’homme présent là, devant elle, n’était autre que son meilleur ami.
Elle fit face à Hippolyte et hocha la tête.
— Oui, il s’agit de mon meilleur ami, il s’appelle Blake.
La souveraine regarda une guerrière à sa droite.
— Mène-le aux appartements de Lara et poste y deux femmes pour le surveiller, à son réveille faite moi prévenir.
Son interlocutrice s’inclina et avec deux autres femmes elles partirent avec le jeune homme. La reine se retira avec Alkaia pour écouter son « rapport de mission » et Lara s’isola avec son fils dans un lieu tranquille un peu en retrait afin de profiter de leurs retrouvailles. Elle lui prépara une noix de coco pour qu’il puisse se désaltérer avec son lait et lui donna une mangue bien charnue.
— Ça a été ? Alkaia a été gentille avec toi poussin ? Le petit garçon la regarda et sourit :
— Oui, mais elle ne parle pas trop, et elle a dit que je ne devais pas trop parler, que j’allais être fatigué.
Il croqua avec appétit dans le fruit ne semblant pas trop perturbé par les changements. Cody était comme ça. Aventurier dans l’âme, il s’acclimatait facilement à de nouvelles situations et s’en accommodait parfaitement.
Lara le laissa manger son encas puis le mena rejoindre l’enclos afin de lui présenter Thowra. Ce dernier resta à bonne distance des barrières, se contentant de fixer l’enfant curieusement. Elle allait proposer à son fils d’entrer le caresser quand le vent se leva. Décidément, il fallait s’attendre à tout en ce lieu ! Elle se dirigea avec son fils vers la bâtisse ou se trouvait son chez elle quand un attroupement agité vers l’autel principal piqua sa curiosité. Elle approcha de l’estrade de pierre et constata avec effroi que Blake avait été attaché à un poteau en bois. Morka se tenait à côté, tenant un canif cranté probablement taillé dans des os de bêtes. La chamane parla fort et distinctement à l’assemblée.
— Mes soeurs ! L’heure est grave ! Alors que j’ai apaisé la colère de kinich’ahau il semble qu’Athéna se soit réveillée ! Voyez la tempête qui s’annonce ! Les dieux sont en colère ! Allons-nous tolérer longtemps la présence des Xibalba parmi nous !? nous avons entendu ta colère Ô grande déesse ! Accepte ce sacrifice en gage de notre dévouement !
Le cœur de Lara loupa un battement :
— NON ! Son cri était spontané, fort et nettement audible malgré le vent. La chamane se tourna vers elle avec un regard méprisant.
— Tes plaintes sont inutiles... Ce qui arrive est entièrement ta faute !
Elle allait continuer à la sermonner quand la voix de leur reine résonna à nouveau.
— Cela suffit Morka ! Personne ne sera sacrifié aujourd’hui ! Il me semble avoir été claire. De plus tu allais tuer un homme inconscient ! Ce n’est pas digne d’une fille d’Athéna ! Cesse de tourmenter nos invités ou je me verrai contrainte de prendre des mesures.
D’un regard elle congédia la vieille femme et ordonna à trois femmes de ramener l’homme dans sa couche. Elle regagna ensuite le temple, essoufflée. Cela n’échappa pas à Lara. La reine avait du mal à respirer, et si elle faisait bonne figure devant son peuple, il était clair qu’elle souffrait de sa maladie. Cody resta près d’elle, lui tenant la main quelque peu intimidée par ce lieu peuplé uniquement de femmes, toutes plus étranges à ses yeux les unes que les autres, et la suivit jusqu’à leur quartier ou le jeune homme était allongé.
La pluie et le vent firent rage de longues heures, les contraignant à rester enfermer, ils en profitèrent donc pour parler de ces derniers jours, le petit garçon écouta sa mère lui conter ses péripéties avec admiration, ne loupant pas une miette de ce qu’elle lui racontait. Bien sûr, Lara négligea volontairement d’évoquer Zargon. Son fils était certes courageux il n’en restait pas moins un enfant de neuf ans, il n’était donc pas nécessaire de l’inquiéter inutilement. Après un repas composé de viande séchée, de lait de coco de fruits et de poisson, la mère et le fils s’allongèrent sur un second lit fait hâtivement par deux amazones, celui de la jeune femme étant occupé par Blake, et finirent par s’endormir blottis l’un contre l’autre.