Chapitre 5 _ 15 octobre 1887

Par Rouky

Mon supplice s’étira jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Des heures durant, Nathaniel et ses acolytes se relayèrent pour assouvir leur cruauté. Les coups de poing, les étranglements répétés, les entailles du scalpel et les brûlures de cire se succédaient avec une régularité implacable. Mon visage fut épargné, sans doute par précaution, afin que mes blessures ne trahissent rien aux professeurs.

Chaque fois que je menaçais de sombrer dans l’inconscience, Nathaniel me giflait violemment pour me ramener à la douleur. Lorsque la violence physique ne leur suffit plus, ils se livrèrent à l’humiliation. On m’obligea à tenir debout, chancelant, au milieu de la pièce, tandis que des crachats et des insultes s’abattaient sur moi. On insulta ma famille, on traîna mon nom dans la boue. Je fus contraint de ramper jusqu’à Nathaniel, à quatre pattes, pour venir lécher la poussière de ses souliers. Mes cheveux furent tirés, ma tête cognée contre les murs, jusqu’à ce que mes jambes refusent de me porter.

Enfin, quand le ciel commença à pâlir, ils se lassèrent. Nathaniel s’approcha, ses yeux brillants d’un éclat de satisfaction malsaine.— Alors, mendiant, as-tu trouvé ton plaisir ?

Dans un souffle brisé, je répondis :— Oui… monsieur Le Duc.

Un sourire froid ourla ses lèvres.— Parfait. Maintenant, disparais.

On me jeta mes vêtements à la figure, et je fus congédié comme un chien battu. Je ne sais par quel miracle je regagnai l’aile est sans être arrêté. Peut-être les étudiants que je croisai détournèrent-ils volontairement le regard. J’arrivai enfin à mes appartements, tremblant, fiévreux, nauséeux. Les deux camarades qui partageaient ma chambre étaient déjà partis en cours ; j’en profitai pour dissimuler mes plaies sous un manteau et gagner l’infirmerie.

L’infirmière pâlit à la vue de mes blessures, mais demeura silencieuse. Elle fit ce qu’elle put pour nettoyer et bander mes plaies, mais elle ne pu rien contre la douleur. Puis elle m’escorta au bureau du directeur Craven.

On m’obligea à rester debout. L’infirmière se pencha vers le directeur pour lui murmurer quelques mots ; il hochait la tête par instants. Lorsqu’elle se retira, je demeurai seul face à lui.

— Monsieur Ashwood, c’est bien cela ? demanda-t-il en s’installant dans son fauteuil.— Oui, monsieur, répondis-je d’une voix tremblante.

J’avais mal partout, je brûlais de fatigue et de honte. Pourtant, on me refusait même le repos d’une chaise.

— Qui vous a fait cela ?

Je baissai les yeux, craignant plus que tout la vengeance de Nathaniel si je le dénonçais. Mais dans un souffle vacillant, je finis par dire :— Nathaniel Le Duc, monsieur.

Le directeur soupira, presque las.— C’est bien ce que je craignais. Sachez que nous mènerons une enquête… mais sans témoins ni preuves irréfutables, il nous sera difficile d’agir.

Je relevai la tête, les yeux noyés de larmes.— Edgar Blackwell et Basil Harker ! Ils étaient là, monsieur, ils ont participé ! Voyez ce qu’ils ont gravés sur... sur ma chair !

Un nouveau soupir. Il se massa les tempes.— Ce sera votre parole contre la leur.

— Je vous demande pardon ? m’indignai-je. Mais, monsieur, je—

— Rentrez à vos appartements, Ashwood, trancha-t-il. Allez vous reposer.

Un silence pesant tomba. Je ravalai un sanglot et me retirai. Nathaniel avait raison : Craven était lié à la famille Le Duc.

Je regagnai ma chambre, le corps défait, l’âme écrasée. Je m’effondrai dans mon lit, et le sommeil, lourd et cruel, m’engloutit aussitôt.

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