Après avoir étudié attentivement tous les visages inanimés des occupants de l'hôtel, Juliette avait comptabilisé cinq autres suspects dans des affaires criminelles. Assise face à Olivia à une table du restaurant, elle mangeait un croque-monsieur, tout en élaborant des théories.
— Je crois que c'est clair. Cet endroit est une prison, et Barbie est la geôlière. Est-ce que tu l'avais déjà croisée à Paris, avant ton départ pour les Bermudes ? Parce que moi oui, dit-elle la bouche pleine, en lui expliquant les circonstances de cette rencontre.
— Oui, dit Olivia, le visage soudain fermé. J'ai eu le temps d'y réfléchir, et je me suis rendue compte que je l'avais vue avant. C'était dans les réunions des alcooliques anonymes, où j'ai rencontré Kevin. Elle y assisté 2 ou 3 fois.
— Elle repère ses victimes avant de les attirer dans son traquenard. Mais ça ne m'explique pas ce que Paul et moi faisons là. Moi je ne fais que mon travail, et toi... Tu n'es pas le véritable monstre ici, et je crois que tu as suffisamment payé comme ça. Tu vas mieux aujourd'hui. Tu vas bien aujourd'hui, pas vrai ?
Olivia lui adressa un sourire radieux.
— Ça c'est sûr. Les premiers mois, que dis-je, la première année, j'ai cru que j'allais mourir du manque. J'ai à peine remarqué tous les trucs bizarres qui se passent ici, dit-elle en riant. Mais... sans vouloir te contrarier, Paul, tu le connais depuis longtemps ?
— 8 mois. C'est pas très long c'est vrai, mais si c'était un criminel je le saurais. J'en côtoie tous les jours pour mon travail. Non, Paul est un mec bien, dit-elle, en faisant taire les objections d'Hugo dans sa tête.
—Si tu le dit, répondit Olivia en haussant les épaules.
—J'ai quand même fouillé mes valises et les siennes, à la recherche d'une lettre. Au cas où, dit-elle en déglutissant. Et voici ce que j'ai trouvé.
Elle sortit de sa poche un dessin d'enfant, représentant une femme aux cheveux orange et deux petites filles qui se tenaient la main.
— Paul a une fille. Je suppose que c'est elle qui a fait ce dessin. Ça doit représenter sa mère (elle était rousse), et sa sœur. Elles sont mortes toutes les deux et...
Juliette s’interrompit en constatant qu'Olivia faisait des yeux ronds.
— Ce papier, je le reconnais, avec la petite clé dorée en bas à droite. C'est le logo de l'hôtel. C'est sur un papier comme celui-ci que ma Margot a écrit sa lettre.
— Tu es sûre ?
— Certaine. Cette lettre je l'ai lue 1 million de fois.
Juliette se leva de table.
— Il faut qu'on trouve le moyen de partir d'ici Olivia. Si on peut entrer, on doit pouvoir sortir. Tu as dit que Barbie apparaissait pour... faire le check-in des nouveaux clients. Hé bien, elle a construit un nouvel étage, je suppose qu'elle va bientôt ... recevoir du monde. On va l'attendre de pieds fermes. Mais en attendant on va trouver la sortie. On devrait commencer par l'ascenseur. C'est là que tout a commencé.
— J'y suis déjà allé plein de fois. J'ai essayé toutes les combinaisons possibles, les clés des autres clients. Il ne s'est jamais rien passé. Il n'y a qu'une seule serrure que je n'ai jamais testée dans cet ascenseur, c'est celle du sous-sol. Je n'ai jamais trouvé la clé. Et j'ai retourné l'hôtel de fond en comble.
— Et l'extérieur ?
— J'ai fouillé tous les bungalows, le marché. Il ne reste que la forêt. Mais il n'y a rien dans la forêt, à part...
— A part ?
— Un vieux puits.
— Bingo, dit Juliette en se mettant en marche, Olivia sur ses talons.
— Heu, je ne pense pas qu'on va trouver une clé au fond d'un vieux puits. En plus il est tellement profond qu'on ne voit même pas le fond.
— Justement, ça en fait une très bonne cachette.
— La nuit est en train de tomber.
— Il nous faut une lampe torche et une corde solide.
— Je vais nous trouver ça.
Quelques instants plus tard, après avoir traversé la forêt en Jeep, les deux femmes arrivèrent au puits. Juliette se pencha dangereusement vers l'intérieur, avec la lampe torche.
— Il y a un sceau au fond, cria-t-elle. Et il y a quelque chose qui brille...
— Peut-être un verre de bouteille...
— Ou une clé en or...
— Ok, et comment on fait pour la récupérer ? Il n'y a rien pour tirer le sceau.
— On va attacher la corde à la barre métallique de la jeep et je vais descendre dans le puits.
— T'es pas un peu malade ? Tu va te casser le cou.
— Tu seras là pour me secourir.
— Heu, je préfèrerais que tu ne te casses pas le cou s'il te plaît.
— J'ai fait ça toute ma vie, dit-elle pour se convaincre elle-même.
Juliette et Olivia firent un nœud solide avec la corde. Avant d'avoir le temps de changer d'avis, Juliette commença sa descente dans le puits. L'intérieur devenait de plus en plus sombre à mesure qu'elle descendait. Elle parlait à Olivia pour tromper sa peur. Quand elle arriva au bout de la corde, elle s’aperçut qu'elle était trop courte pour lui permettre d'attraper le sceau. Elle tira sa main vers le bas au maximum et faillit glisser. Alors elle se mit à fouetter l'air de ses pieds. Au bout d'une minute d'efforts, elle finit par attraper l'anse du sceau de son pied et réussit à le ramener jusqu'à sa main. Puis elle entreprit une remontée non moins hasardeuse. Olivia tira de toutes ses forces pour l'aider à sortir du puits. Enfin Juliette s'étala sur la terre ferme, avec le sceau en main. Elle y plongea sa main sans regarder, tout en formulant des prières silencieuses, et en sortit, une clé dorée. Elle leva les bras au ciel en signe de victoire, et Olivia lui sauta dessus pour l'embrasser, bien qu'elle soit couverte d'une substance noire et visqueuse. Puis elles montèrent dans la voiture pour retourner à l'hôtel.