Je me réveille avec une forte douleur à la tête. J’ai l’impression que quelqu’un s’amuse à frapper mon crâne avec un marteau. C’est très désagréable.
Je crois avoir fait un rêve, mais je ne m’en souviens plus. Il semble s’être totalement évaporé de ma mémoire.
Je suis dans le labo de Cassandre, derrière le rideau qui sépare la pièce en deux parties. Ce côté-là sert sûrement d’infirmerie.
J’essaie de comprendre ce qu’il s’est passé et de remettre de l’ordre dans mes pensées. J’ai reçu un morceau du plafond sur la tête. J’ai failli mourir !
Je soulève la couverture et découvre avec stupeur que Vanille est blottie contre moi, endormie. Je ne veux pas la réveiller, donc je ne bouge pas et je ferme les yeux.
Quand je les rouvre, Cassandre et Orion sont penchés sur mon lit.
– Enfin réveillée, Nausicaa ? demande Cassandre.
– Apparemment, oui.
– Tu t’es pris un vilain coup sur le crâne. Tu as eu chaud, diagnostique la scientifique.
Orion, comme à son habitude, ne dit pas un mot.
– Ouais, je pense qu’on peut dire ça…
– Plus sérieusement, Nausicaa ! Il s’est écoulé trois jours pendant ton sommeil, m’explique la scientifique.
Cela ne m’étonne pas vraiment. J’ai l’impression d’avoir été endormie pendant plusieurs semaines, mais après le coup que j’ai reçu, ce n’est pas très surprenant. J’ai plusieurs questions en suspens, mais Cassandre ne me laisse pas le temps de les poser.
– Alors… Par où commencer ?
– Par le début, j’imagine ? La détonation ?
– Oui, bien sûr ! Bon…
Le visage de la scientifique s’assombrit.
– Vesper m’a parlé de ta famille, il m’a dit que tu vivais dans le secteur nord de la ville.
Vas-y Vesper, raconte toute ma vie à tout le monde, je ne t’en voudrais pas.
– “Famille” est un bien grand mot pour uniquement désigner mon “cher” frère, grommelé-je en levant les yeux au ciel.
– J’en déduis que tu ne le portais pas spécialement dans ton cœur… Tant mieux, soupire la jeune femme.
– Disons que… Attends… Cassandre, pourquoi tu parles d’Anton au passé ? Il s’est passé quelque chose avec lui ?
Cassandre baisse les yeux. Et je comprends ce qu’il s’est passé.
La détonation, le tremblement…
Le secteur nord, ou du moins une bonne partie, a explosé, et mon frère avec. Et sûrement pas que lui, d’ailleurs…
Il est mort. Je dois le répéter plusieurs fois pour bien enregistrer l’information, mais même après ça, je ne ressens rien. Je ne ressens rien pour lui. Ni tristesse, ni joie, ni colère, ni quoi que ce soit d’autre. J’ai juste l'impression d’être enfin libre.
Je ne dis pas un mot, Cassandre non plus. Pour une fois, c’est Orion qui se met à parler :
– Vesper soupçonne l’impératrice d’être à l’origine de l’explosion. Et il pense également qu’elle en prévoit d’autres.
Encore cette histoire à propos de l’impératrice ? Mais je m’en fiche, moi ! Maintenant que mon frère ne me retient plus ici, je peux quitter Selka comme bon me semble ! Je suis libre !
Plus de dettes, plus de famille, plus rien. Juste moi.
Cassandre et Orion sont partis et m’ont laissée me reposer. Je suis allongée sur mon lit, seule. Ou presque. Vanille est toujours blottie contre moi. Je l’observe, songeuse. Vais-je vraiment partir seule et la laisser entre les mains de Vesper ? Ou alors serait-ce possible que le l’emmène avec moi ? Dans tous les cas, c’est impossible de quitter Selka maintenant. Je n’en ai pas encore les moyens, mais cela ne saurait tarder. Pour le moment, je vais travailler pour Vesper.
Une semaine environ s’est écoulée depuis l’explosion qui a tué mon frère. Il ne me manque pas du tout. Je suis peut-être blasée ou insensible, mais après tout ce qu’il m’a fait subir… Ce n’était même pas mon frère de sang.
Ça fait quatre jours que je travaille vraiment pour Vesper, en prélevant régulièrement du sang à Vanille. Je suis payée trois-cent solaïs par prise de sang et comme j'en fais deux par jour, cela me rapporte six-cent solaïs par jour ; mais ce n'est pas encore suffisant pour quitter la ville de Selka.
Je n'ai pas parlé avec Vanille du fait que je voulais quitter la ville, mais on apprend à se connaître, peu à peu. Elle a moins peur, je crois. Les autres, ça je ne sais pas, mais elle s'est habituée à moi et à notre "travail". Je n'ai revu ni Vesper ni Orion, mais je vois régulièrement Cassandre pour lui échanger le sang de Vanille contre ma paie quotidienne. J'ai également fait la connaissance de quelques "collègues", comme disait Vesper. Trois, pour être précise.
La première s'appelle Skye. Elle a beau être muette, elle est très agitée. J'essaie d'apprendre la langue des signes pour pouvoir mieux la comprendre. Ensuite, il y a Jason, un jeune homme très imbu de lui-même. Lui, par contre, je n'arrive pas à le supporter. Le dernier s'appelle Shadow, mais je pense que c'est un pseudo. Je n'ai jamais vu son visage, il le cache avec une capuche.
Je connais un peu mieux les lieux, maintenant, mais je ne me balade pas trop. Je trouve l'ambiance ici… glauque. Je préfère rester à l'étage, parce que je suis sûre de ne pas être seule dans le noir.
J’ai aussi changé de chambre parce que la mienne était en trop mauvais état après l’explosion, donc maintenant, je dors dans la chambre de quelqu’un d’autre en attendant que la mienne soit réparée. Heureusement, la personne à qui appartient cette chambre est partie en mission. J’espère qu’elle ne reviendra pas avant un bon moment.
Je rentre dans la chambre et Vanille m’accueille avec un petit sourire. Un sourire qu’elle n’adresse ni à Cassandre, ni aux autres. Seulement à moi. Et, étrangement, cette pensée me fait sourire aussi. Je crois que je commence à m’attacher à elle malgré moi.
– Vanille, tu es prête pour ta prise de sang ? je demande.
– Oui…
Parfois, je me demande comment la petite fille me voit. Surement comme une fille qui se sert d’elle et de son sang pour gagner sa vie…
Je prends la seringue ainsi que tout le matériel nécessaire à la prise de sang. J’installe deux chaises face à face et nous prenons place dessus. Je ne pensais pas voir un jour du sang d’une autre couleur que rouge, mais celui de Vanille est argenté. J’en transfère le contenu d’une seringue entière dans une poche conçue spécialement pour. J’irai la transmettre tout à l’heure à Cassandre. Je mets un pansement sur le bras de Vanille, à l’endroit de la piqûre, et range le matériel.
Et voilà, c’est fini. Dans douze heures, je referais la même chose, mais en attendant, j’ai une demie journée de libre. Mon ventre gargouille, affamé.
– Vanille, tu as faim ? On peut aller manger un morceau à la cantine, je lui propose.
La fillette hoche la tête. Nous quittons la chambre. À cette heure, quasiment tout le monde doit être réuni à la cantine pour déjeuner, mais c’est tant mieux. Nous passerons mieux inaperçues, du moins nous serons plus discrètes. Je déteste attirer l’attention.
Heureusement, quand nous entrons dans la salle de repas, ce ne sont pas vers nous que les regards sont tournés, mais vers Jason, lancé dans un exposé passionnant sur sa vie. Je lève les yeux au ciel. Non merci, pas pour moi !
Vanille s’installe à une table, dans le coin de la salle, et je vais chercher deux sandwichs, un à la viande de dromadaire et un autre, végétarien, pour la petite fille.
Nous mangeons en silence. La nourriture n’est ni bonne ni mauvaise ; elle n’a pas de goût, en fait. Alors que j’avale la fin de mon repas, une grande tape dans le dos manque de me le faire recracher.
– Salut, c’est bien toi, Nausicaa ? …Bah, bien sûr, qu’est-ce que je raconte, je connais tout le monde à part toi, ici !
Un jeune garçon qui semble avoir à peu près mon âge s’assoie à côté de moi en rigolant. En face cependant, Vanille se fait toute petite et discrète, timide. Le garçon me serre la main et se présente :
– Moi c’est Chuanli, mais tu peux m’appeler Lee ! Enchanté !
– Moi de même, je réponds avec un sourire forcé.
– Désolé de te déranger pendant ton repas, mais je voulais absolument te rencontrer ! Vesper m’a parlé de toi.
Encore et toujours Vesper, apparemment…
– C’est vrai que tu as mon âge ? s’exclame Chuanli, tout sourire.
– Ça dépend de ton âge, je rétorque.
– 15 ans, bientôt 16. Et toi ?
– 16 ans, depuis 8 mois. Je suis ton aînée.
– Bah, c’est presque pareil ! Tu savais que je venais de Xuanching ?
Non, je ne vois pas comment j’aurais pu le savoir… Ce gars est une pile électrique, j’ai mal à la tête à cause de lui.
Chuanli continue de parler pendant dix bonnes minutes au moins avant d’enfin partir. Ouf ! Je n’en pouvais plus. Il n’a même pas fait attention à Vanille… À ce propos…
J’aimerais lui parler de mon projet de partir de Selka, mais je n’ai pas envie de le dire devant tout le monde. Enfin, après tout… Personne ne me retiendra ici, il n’y a plus personne pour m’empêcher de faire ce que je veux, pas vrai ?
– Vanille, dis moi, as-tu parfois pensé à quitter cet endroit ?
Vanille lève son regard vers moi, étonnée, mais attentive.
– Cet endroit ? répète-t-elle.
– Oui, enfin… Partir loin d’ici, pour être libre de vivre comme tu le veux. Tu vois ce que je veux dire ?
Elle hoche la tête.
– En fait, je n’ai jamais vu à quoi ressemblait vraiment le monde, sauf dans les livres et… ce sont les hommes en blanc qui m’ont élevés. Ils étaient très gentils avec moi, mais je veux voir le monde, moi, et…
Elle bégaye, puis se tait. Je pousse un soupir, mais uniquement par habitude.
– J’aimerais quitter la ville bientôt, quand j’aurais réuni assez d’argent.
Vanille me regarde sans rien dire.
– Pour l’instant, ce n’est pas possible, mais dans quelques semaines, voire quelques jours…
– Tu dis ça comme si c’était possible de s’enfuir…, murmure la fillette.
– C’est possible ! je m’écrie.
Mais je m’interromps subitement. Shadow, adossé au mur, nous regarde. Je me penche vers Vanille et murmure :
– Si tu veux vraiment partir, tu me le dis et on partira ensemble.
Les yeux de ma protégée s’illuminent.
– Tu m’emmenerais avec toi ? Vraiment ?
– Bien sûr, mais on en reparlera plus tard, d’accord ?
Je n’ai pas envie de lui donner de faux espoirs. J’ai peur que Vesper ou Cassandre ne nous retiennent pour que je continue à travailler, et puis surtout pour ne pas perdre une précieuse humanoïde…
Nous retournons dans notre chambre. Shadow ne m’inspire pas confiance. peut-être suis-je trop méfiante, mais je préfère ça à être trop naïve.
Au moment où j’ouvre la porte de la chambre et que je laisse passer Vanille, Shadow passe derrière moi et me souffle quelques mots dans l’oreille.
– Si j’étais toi, je me méfierais de Vesper.
Je me retourne, mais il a déjà disparu.
Je reviens après quelques semaines d'absence. Je n'ai eu aucun mal à me replonger dans l'histoire, ce qui est bon signe. J'aime bien ton héroïne, mais j'ai un faible pour la petite Vanille peut être parce qu'on exploite cette enfant sans défense comme un animal. Quelque chose me dit que la fillette, fragile et apeurée, se transformera en une justicière farouche aux pouvoirs surnaturels et combattra les méchants qui se sont servi d'elle.
Quelques bricoles :
-"Ou alors serait-ce possible que le l’emmène avec moi ?" : que je l'emmène ;
-"J’installe deux chaises face à face et nous prenons place dessus." : j'ôterais le mot "dessus" qui fait un peu redondant ;
-"Mon ventre gargouille, affamé." : c'est ton personnage qui a faim, pas son ventre ; tu pourrais écrire peut être " mon ventre gargouille ; je suis affamée".
À très vite !
Merci pour ton passage, ça fait plaisir de te revoir !
Merci pour tes remarques, je les note pour les corriger plus tard.
À bientôt !
ENSUITE, pour avoir lu les deux précédents commentaire, je suis d'accord pour dire que Nausicaa est au moins une très grosse asociale qui n'aime pas les relations humaines. C'est ce qui rend le personnage logique, même si certains aiment montrer des personnages qui, en dépit de tout, restent bons, une humaine lambda aurait plus de chance de virer aigrie avec une vie comme la sienne ; et c'est ce qui rend la narration si vivante. Elle est pleine d'âpreté. Le caractère de Nausicaa se ressent avec cette phrase "Parfois, je me demande comment la petite fille me voit. Surement comme une fille qui se sert d’elle et de son sang pour gagner sa vie…", elle est un peu bête de voir le mal directement alors que la vérité coule de source. En conclusion, c'est un très bon personnage !
Cela étant : "J’essaie de comprendre ce qu’il s’est passé et de remettre dans l’ordre mes pensées." --> "remettre de l'ordre dans mes pensées". Alors, ta phrase est française, mais comme c'est la deuxième qu'on entend le plus, on a l'impression d'être trahi en voyant la tournure changée, surtout qu'elle est plus lourde et moins fluide ! Seule faute, si tant est qu'on puisse appeler ça ainsi, que j'ai relevé.
J'ai commencé récemment à m'entraîner à propos des descriptions (ce que tu me faisais donc remarquer plus haut) en écrivant un recueil de nouvelles (j'ai vu que tu l'as ajouté à ta pile à lire ^^). Je ferais ensuite une relecture sur Nausicaa.
Pour ta dernière remarque, en effet je me rends compte que ça sonne très étrange et lourd. Je vais corriger ça.
J'espère te revoir bientôt sur la suite, et merci pour ce commentaire :)
Je me doutais bien que Vesper n'était pas très net. Mais tu arrive très bien a faire douter les lecteurs. On ne sait pas du tout à l'avance ce qu'il va se passer.
Contrairement à ce que dit Plume de neige, je trouve que le personnage de Nausicaa est super ! Je ne saurai pas comment le décrire mais ne change rien. C'est mon avis en tous cas. Après tu fait évoluer tes persos comme tu veux.
J'attends impatiemment la suite !
Contente que mon histoire continue de te plaire. À bientôt pour la suite !
Wow, ces phrases de fin ! Ça donne envie de lire la suite c'est cool !
J'adore la comparaison de Chuanli avec une pile électrique, c'était super bien trouvé.
Par contre, c'est moi ou bien Nausicaa est en train de devenir un peu psychopathe. Je. Ne sais pas trop d'où me vient cette impression, mais c'est très étrange... Elle a un comportement un peu de parano, et elle est très "bizarre", si tu me permet d'écrire ça de tes personnages. Elle a l'air très à l'aise avec les autres, et pourtant, on dirait qu'elle se cache d'elle-même... Après, je ne sais pas, c'est juste une impression.
Sinon, petite faute de frappe, je pense :
"voire quelues jours…", quand Nausicaa parle de son projet à Vanille.
Sinon, super, continue comme ça, franchement !
Hâte de te lire à nouveau !
Nausicaa, psychopathe ? Je vois pas trop ce que tu veux dire.
Merci pour la coquille, je vais la corriger.
A bientôt !!
Ce n'était pas une critique, mais un encouragement, désolée si je me suis mal exprimée.
Continue comme ça !!