— Monsieur Dumont ? Le docteur Gagnon aimerait vous voir une dernière fois avant de signer votre décharge de l’hôpital.
Olivier sursaute. Il était tellement concentré sur sa femme qu’il n’a pas vu l’infirmier entrer dans la chambre. Il se lève avec regret.
— Est-ce que je pourrai revenir la voir demain ?, demande-t-il d’une voix tremblante.
— Bien sûr. On pourra vous indiquer les horaires de visite pour les patients en soins intensifs. Ils sont un peu plus réduits, parce que les patients ont besoin de plus de repos.
Au moment où l’infirmier le fait sortir de la chambre, Olivier tourne la tête vers la fenêtre et réalise que le store est baissé. Il regrette que Maude ne puisse voir ni le ciel, ni les arbres. Si son esprit ne peut s’échapper en regardant dehors, pas étonnant qu’il préfère rester bien au chaud dans son crâne. Elle s’évade comme elle peut.
Une fois dans le couloir, Olivier regarde autour de lui, perplexe. Il ne sait plus comment il est arrivé là, et encore moins comment retourner dans sa chambre. Il n’a pas du tout retenu le chemin, trop inquiet pour sa femme. Heureusement, une autre infirmière perçoit sa confusion et lui propose de le raccompagner jusqu’ à sa chambre.
Juste avant d’atteindre les ascenseurs, l’infirmière lui demande de s’asseoir dans la salle d’attente le temps de gérer une urgence. Sans attendre sa réponse, elle le laisse sur place et court dans le couloir. Olivier jette un œil vers la salle d’attente, vide. Il s’agit plutôt d’une pièce d’attente, vu sa taille. Trois chaises et une table basse se battent en duel. Personne n’a envie de rester là, prisonnier de ses pensées. Surtout à l’étage des soins intensifs. Olivier préfère tenter sa chance dans le labyrinthe qu’est l’hôpital. Il appuie sur le bouton de l’ascenseur, imperméable au vacarme ambiant et à l’alarme qui s’est déclenchée. Il se concentre sur ce qu’il doit faire. Rentrer chez eux et préparer le retour de Maude. Mentalement, il se fait une liste de choses à faire et s’y accroche, comme un naufragé se raccrocherait à une bouée en pleine tempête. Il est tellement concentré dessus qu’il ne se rend même pas compte qu'arrivé à son étage, on le prend doucement par le bras pour le guider jusqu’à sa chambre. Là, Geneviève le fait asseoir sur son lit pour lui parler des prochaines étapes.
— Olivier, il va falloir être fort.
Mais il ne l’écoute déjà plus. Il la fixe, hoche la tête d’un air grave, mais derrière ce visage figé, son cerveau fonctionne à pleine puissance. Il sait qu’il va devoir être fort en attendant que sa femme aille mieux. C’est pour ça qu’il doit s’occuper. Il va falloir qu’il fasse le ménage. Du sol jusqu’au plafond. Et même dans le garage. Il va enfin prendre le temps d’installer la bibliothèque que Maude voulait mettre dans le salon. Il visualise leur chambre à coucher, qui se trouve à l’étage. Quand elle se réveillera, Maude ne pourra certainement pas monter et descendre les escaliers. Mais ce n’est pas un problème. Au rez-de-chaussée, ils ont une chambre d’amis qui donne sur le jardin, à l’arrière de la maison. Elle est un peu plus petite, mais elle est tellement lumineuse. Ce sera parfait le temps de sa convalescence. Il ajoutera une petite table basse. Avec un vase, pour apporter un peu de couleurs dans la chambre, malgré l’hiver.
Il continue d’ajouter des tâches à sa liste virtuelle, se concentrant sur chaque détail pour ne pas penser à ce qui pourrait arriver si Maude ne se réveille pas de son coma artificiel.
— Quoiqu’il en soit, il est important que vous reveniez dans dix jours pour qu’on vérifie que vous vous portez bien.
Olivier regarde la docteure d’un air absent. Elle l’a interrompu dans son fil de pensées, et il a du mal à reconnecter avec la réalité. Elle attend visiblement qu’il prenne le papier qu’elle lui tend — peut-être depuis de longues secondes. Au moment où il s’empare du document, la docteure pose la main sur son bras et l’y laisse quelques secondes.
— Tout ira mieux bientôt.
Il hoche la tête alors qu’il essaie encore de comprendre ce geste, si intime. Mais déjà, l’instant s’est brisé et Geneviève sort de la pièce, son porte-bloc sous le bras. L’infirmière restée dans la chambre aide Olivier à rassembler ses quelques affaires et le guide vers la sortie. Une fois arrivée dans le hall, elle lui rappelle la date de sa prochaine visite de vérification et commence à s’éloigner. Mais Olivier n’est pas prêt à partir.
— Est-ce que je peux retourner voir ma femme ?
L’infirmière secoue doucement la tête.
— Ce n’est pas recommandé. Revenez demain.
Olivier soupire. Il se dirige vers la sortie. Quand les portes s’ouvrent, une bourrasque le fait vaciller. Ce qui l’attend dehors ne sera pas de tout repos, mais Olivier sait qu’il tiendra le coup. Pour Maude.
"Il est tellement concentré dessus qu’il ne se rend même pas compte qu'arrivé à son étage, on le prend doucement par le bras pour le guider jusqu’à sa chambre". Cet extrait prouve combien de fois le pauvre homme est désorienté.
En voilà un chapitre riche en ingrédient nouveaux.
On garde le tempo tout en ajoutant de nouveau pas de danse.
Vivement que Maude recouvre sa santé et qu'elle puisse, un jour nouveau, redécouvrir la beauté du soleil.