Chapitre 5
Tønsberg était tenue par la Confédération, une alliance économique des principaux clans nains : les Têtes de granit, Coeurs des montagnes et autres Éclair-de-pierre auxquels il ne fallait pas oublier les puissants Pourfendeurs de Roc auxquels appartenait le défunt père de Murdock. La ville bouillonnait d'activités, plaque tournante du commerce de minerais et d'hydrocarbures des archipels grâce à ses riches sous-sols marins. La richesse nanique n'était dépassée en réputation que par leur communautarisme sectaire. Si la majorité des nains s’était depuis la révolution industrielle installée hors de leurs ancestrales montagnes, ils restaient particulièrement attachés aux traditions et au secret qui entouraient jusqu'à la leur langue qui ne comprenait que peu de locuteurs étrangers à leur race. Ils ne se mêlaient jamais à d'autres. Sibéal se demandait comment les parents de Murdock avaient pu s'aimer et avoir un enfant sang mêlé dans de telles conditions.
Elle se frayait un passage à la suite de son capitaine dans les ruelles adjacentes à la rue principale bondée. Ils traversèrent le plus cossu et plus guindé quartier des orfèvres. Elle laissa son regard glisser sur les ouvrages d'une grande finesse exposés dans des écrins tout aussi époustouflants. Les vitrines brillaient de joyaux colorés sertis dans des bijoux raffinés. Elle savait que la grand-mère paternelle de Murdock avait été une artisane d'un talent de grande renommée, c'était l'une de ses œuvres qui servaient de pendule à la bourse aux minerais de la ville. En passant devant, son capitaine y jeta un coup d'œil. Son petit sourire de fierté l'attendrit.
Il s'était avéré qu'aussi spontané qu'avait été leur départ, le demi-nain avait une idée assez précise de ce que devait être leur première étape. Il ne croyait pas plus qu'elle à la malédiction, mais s'il fallait s'intéresser à ce dérèglement maritime, lui avait-il confié, autant se rendre directement vers ceux qui l'étudiaient sérieusement. Sa logique avait rencontré son approbation puis celle du reste de l'équipage. Même Nialh s'était rangé de cet avis. La conférence annuelle pour le climat se déroulait cette année à Tønsberg. Si les diplomates et la presse étaient partis, aussitôt les poignée de main et faux sourires photographiés et imprimés, il restait encore quelques jours de travail entre scientifiques. Un gala de charité pour les réfugiés climatiques était donné pour la fermeture du congrès scientifique.
Et qui de mieux que l'un des attachés à la ville pour les y introduire ? Le milieu nanique sectaire avait au moins un avantage : tout le monde connaissait tout le monde. Murdock grimpa la volée de marches qui menait à un immeuble moderne fait de marbre sombre. Ils furent accueillis par le petit neveu du cousin par alliance de son père. Sa chevelure rousse était presque aussi impressionnante que sa longue barbe tressée.
« Torek ! Toujours la même trogne ! Fit le demi-nain en lui donnant une accolade.
- Toujours aussi aimable, marmonna l'intéressé avant de se tourner vers elle avec un sourire, Sibéal, quel plaisir de te voir ! Ce vieux briscard a pas encore coulé votre barque ?
- Ce n'est pas faute de ne pas essayer... assura-t-elle avec humour avant de le saluer. »
Il les conduisit jusqu'à un bureau étroit dans lequel Sibéal trouva place dans un large fauteuil en cuir. Torek leur servit à boire avant de s'installer face à eux, son whisky celte en main. Murdock prit le temps de faire claquer sa langue pour en apprécier la saveur avant de prendre la parole :
« T'as des entrées pour le gala de ce soir ? »
Torek manqua de s'étouffer dans sa gorgée avant d'éclater de rire. Fier de son petit effet, le demi-nain adressa un mouvement de sourcil et un clin d'œil à Sibéal qui eut du mal à cacher son amusement.
« Depuis quand tu t'intéresses aux baleines ?
- Hé ben, Sibéal et moi on a envie de manger à l'œil ce soir, et y paraît que leur truite fumée est incroyable. T'en dis quoi, Sib ?
- Je suis allergique, fit-elle avec un sourire amusé. Au cas où tu aurais oublié.
- Attends de voir leurs petits fours aux algues ! fit-il d'un petit geste de la main, Bon alors, ces billets ?
- Tu mettras pas un pied là dedans, Murdock. Oublie ça.
- T'occupe, tu gères l'organisation non ?
- Evidemment, argua-t-il avec orgueil, tu croyais pas que la Confé allait prendre un nain qui découvre son premier poil de barbe quand même !
- C'est d'ailleurs ce qui est troublant dans leur choix.... fit Murdock en faisant mine de réfléchir.
- J'avais oublié à quel point tu étais charmant... grinça-t-il. Ton père se retourne dans sa tombe.
- On a besoin de quelques informations de premières mains, coupa Sibéal.
- De premières mains ? Torek fronça ses broussailleux sourcils, vous vous reconvertissez dans la pêche aux crevettes ?
- On a été engagé pour observer le prochain typhon par un philanthrope maori, fit-elle avec détachement, on veut avoir toutes les cartes en main avant d'accepter un tel contrat.
- Vous faites dans l’expédition scientifique maintenant ?
- Disons que c’est plutôt un extra, expliqua-t-elle. On posera simplement quelques questions.
- Ça paie bien, haussa des épaules Murdock avec nonchalance, on va pas cracher dans la soupe.
- Ben allez à la bibliothèque, marmonna Torek. Il y a une section entière sur les phénomènes météorologiques ! T'es à moitié analphabète mais bon Sibéal pourra s'en charger.»
L'attitude de Murdock changea sensiblement. Il se redressa de son siège pour poser sèchement son verre sur le bureau du nain.
« Tu m'en dois une, j'te rappelle. »
Torek eut une grimace. Sibéal se demandait soudainement quel souvenir désagréable le demi-nain avait fait ressurgir pour le mettre ainsi mal à l'aise.
« Pas la peine de remettre ça sur le tapis, fit-il d'une voix soudainement aiguë, C'était il y a des années !
- Une dette est une dette, appuya son capitaine, avant de faire mine de scruter ses ongles, Me force pas à l'dire à ta mère, cette chère Igride pourrait encore te mettre une dérouillée.»
Torek leur adressa un regard acide qui arracha un sourire particulièrement satisfait à Murdock.
« ça m'aurait fait d'la peine de foutre la merde au mariage de ta sœur. »
OoOoOo
Lorsqu'ils émergèrent dans le carré du Mod où Oriag, Appolo et Nialh jouaient aux cartes, Sibéal brandit les billets d'entrée triomphalement.
« A nouuuuuuuus le champagne et les petits fouuuuurs ! exulta son frère. »
Il s'empara avec avidité des billets pour constater avec déplaisir qu'il n'y en avait que trois. Il se tourna sans comprendre vers Murdock et elle. Sibéal eut une petite moue désolée en s'installant confortablement entre les coussins de la banquette.
«Torek n'a pas pu faire mieux.
- Comment ça ? On peut pas tous y aller ? C'est complètement con ! On va devoir tirer à la courte paille ou quoi ?
- Relax Nialh, c'est pas la fin du monde, haussa des épaules Oriag.
- Peut-être pour toi mais moi si j'vous suis dans votre délire c'est pas pour regarder vous éclater sans en profiter !
- Polochon, Sib, allez vous fringuer, faut qu'on décolle dans deux heures, aboya Murdock en s'affairant autour des instruments.
- Comment ça Polochon et Sib ? S'écria Nialh en se relevant. Qui a décidé ça ? »
Murdock arqua un sourcil autoritaire en direction de son frère outré de cette injustice flagrante. Il s'empourpra d'agacement et retomba sur la banquette à côté de Sibéal, adressa au passage un regard jaloux à sa sœur. Apollo avait judicieusement choisi ne pas intervenir, se contentant de mélanger les cartes en silence le regard perdu dans les nervures de la table.
« Et on peut savoir pourquoi eux, hein ?!
- La mission requiert de la diplomatie... commença gentiment Sib, tu n'as pas toujours... le tact nécessaire.
- C'est un euphémisme ! s'esclaffa Oriag.
- Ah ouais, parce ce que l'capitaine si peut être ? marmonna-t-il.
- Faut peut-être te rafraîchir la mémoire mais tu tiens pas l'alcool, se moqua le demi-nain, j'veux pas que tu nous foutes en l'air la soirée.
- Et Sib et Apollo alors ? C'est quoi ? Du favoritisme ?
- Nialh. Laissez tomber, temporisa Sibéal.
- C'est injuste, Apollo est pas commercial ! Ni Sib !
- On a besoin de notre atout charme pour ce soir, le rembarra Murdock.
- Je vois, grommela-t-il. Sympa pour Oriag !
- Ne me mêlez pas à ça, merciiiii.
- Faut quelqu'un pour garder le Mod.
- Je serai là, apparemment !
- Précisément, susurra narquoisement Murdock. »
Nialh fusilla du regard sa sœur, particulièrement vexé de cette explication. Sibéal n'osa pas tenter de le calmer, son frère prenait tout au pied de la lettre. Murdock profitait de chaque occasion pour le faire sortir de ses gongs. Elle préféra quitter la scène du drame pour retrouver sa cabine et trouver de quoi se changer. Farfouillant dans les tiroirs, elle fit s'effondrer au passage une pile de livres dans son tiroir à chaussettes. Elle tira enfin dans les tréfonds de sa penderie sa robe de soirée avant de grimacer en la détaillant. Elle était complètement froissée. Elle finit pas se décider pour la combinaison ample qu'elle avait portée pour ses vingt-huit ans l'année dernière. La couleur bronze satinée s'accordait très bien avec sa chevelure brune.
Elle adressa un sourire à ses yeux clairs derrière ses verres, une fois ses cheveux bouclés et maquillée. Elle fouilla dans sa veste, sortit son téléphone et appela Gauvain. Il lui fallut trois tentatives avant qu'il ne décroche.
« Salut ma chérie, décrocha-t-il d'une voix ensommeillée.
- Je te réveille, demanda-t-elle avec surprise, il est à peine dix-neuf heures !
- Ouais, j'ai eu besoin de piquer un somme. Le concert hier s'est éternisé. On a eu trois rappels !
- C'est super ça ! A la Couronne ?
- Non, mieux à ! A la tête Finnigan ! On a fait un carton, t'aurais dû voir... Et toi ? Tu rentres quand ?
-Je suis désolée d'avoir manqué ça ! Pour le retour en fait... on a dû faire un petit détour... on va mettre plus longtemps que prévu avant de rallier Bleá Cliath. On est à Tønsberg.
- Tønsberg ? Pour de la tapisserie maorie ? C'est quoi l'embrouille ?
- C'est un peu plus compliqué que ça, temporisa-t-elle, je ne peux pas vraiment t'en parler. On est pas encore sûr mais on pourrait récupérer une sacrée somme ! »
Elle l'entendit soupirer.
« Tu me manques c'est tout.
- Je suis désolée...
- Tu sais pas combien de temps ça pourra prendre votre mission secrète ?
- Non... »
Elle entendit de l'agitation dans le couloir des cabines et en portant son regard sur le cadran au-dessus de son lit elle comprit qu'il était l'heure de partir. Elle dérida Gauvain en lui promettant une photo de sa tenue avant de lui souhaiter une bonne soirée. Tu es magnifique répondit-il par message.
Fin prête, elle sortit pour remonter sur le pont. Elle tomba sur Oriag confortablement installée devant la télé dans le carré, Nialh n'était pas en vue. La navigatrice avait pourtant mis son émission préférée pour l'amadouer. Il était probablement en train de ruminer sa frustration. Sibéal se promit de lui rapporter en revenant son plat préféré du thaï qu'il affectionnait particulièrement. Elle rejoignit Murdock et Apollo sur le quai.
« Vous êtes superbes ! les complimenta-t-elle, c'est qui l'atout charme déjà ? »
Apollo, impeccable dans son smoking qui élançait encore plus sa silhouette, lui adressa un sourire. Murdock, en train de mettre son nœud de papillon correctement, lui adressa un regard impertinent qui la fit lever les yeux au ciel. Elle enroula ses bras autour des leurs et ils filèrent héler un taxi.
OoOoOo
Le gala battait son plein dans l'immense hall des Congrès surchargé de gravures en marbres et en granit. Une coupe de champagne à la main, Sibéal avait réussi à approcher deux femmes et un nain. Pour avoir épluché internet pendant la traversée jusqu'à Tønsberg, elle savait que l'une d'elles était la très brillante Niko Muraka.
Elle pouvait apercevoir dans son champ de vision Apollo qu'une petite brune à la peau mate suivait de près en riant dès qu'il ouvrait la bouche. Il semblait totalement dépassé par la situation. Elle croisa le regard amusé de Murdock à l'autre bout de la pièce et lui adressa un petit signe du menton pour lui intimer de se remettre à son opération “amadouer le vieux professeur Chwab”, précurseur dans l'étude des marées.
« Vous avez dit que vous veniez de Bleá Cliath ? demanda Niko.
- En effet, j'y ai étudié pour devenir interprète.
- Oh quelle chance, j'adore cette ville ! Peut-être pas aussi belle que Jakarta ou Dakar mais l'ambiance est toujours incroyable. Vos études ont dû être de belles années !
- Certainement moins brillantes que les vôtres.
- Oh, c'est très flatteur ! »
Niko prit un petit air suffisant en passant sa main dans sa longue chevelure noire lustrée qu'elle rejeta gracieusement derrière son épaule découverte.
« J'ai été intriguée par vos travaux sur l'origine des cyclones qui ravagent la côte ouest des Hespérides, vous mentionnez plusieurs théories sur la fréquence de ces aléas... laquelle selon vous semble la plus plausible ?
- Oh eh bien je dirais que c'est lié au mouvement des plaques autour de la flèche des enfer probablement, songea-t-elle, bien que l'ensemble de la communauté ne soit pas d'accord avec cette analyse.
- Vraiment ? Ont-ils d'autres théories ?
- Certainement pas celle de cette ridicule malédiction ! Rit-elle derrière ses ongles finement vernis. »
Sibéal se força à rejoindre son hilarité, parcourant la salle du regard. Elle portait sa coupe à ses lèvres, s'arrêta net, ébahie. A trois mètres, rayonnant comme s'il venait de décrocher la lune, son frère. Éblouissant dans son costard. Il croisa son regard, lui adressa un regard crâneur en s'avançant vers elle. Les épaules redressées, fier de son petit effet.
Un petit rire lui échappa.
« Nialh, l'accueilla-t-elle, quelle surprise !
- Désolé du retard, j'aidais Gilda à l'entrée. La pauvre cherchait désespérément son chien. Vous ne l'auriez pas vu par hasard...
- Bien joué, souffla-t-elle admirative.
- Nialh O'Callaghan, se présenta-t-il au petit groupe.
- Mon frère.
- Il y a en effet un petit air de famille, sourit Muraka en évaluant avec appréciation Nialh.
- Une danse....Miss ?
- Niko Muraka.
- La météorologue, murmura Sibéal tout bas.
- Un plaisir ! S'exclama-t-il.»
Dans mouvement ample, il entraîna la scientifique sur la piste de danse sous les yeux médusés de Sibéal. Apollo qui semblait avoir réussi à se débarrasser de sa conquête se pressa vers elle, bouche-bée.
« Il est fort. »
Sibéal acquiesça, aussi admirative qu'amusée. Elle se demandait seulement s'il avait réellement compris que l'objectif était moins de flirter avec les jolies scientifiques que de faire avancer leur mission... Apollo jeta un regard inquiet derrière lui, elle fronça les sourcils apercevant son insistante admiratrice qui fonçait vers en la fusillant du regard.
« Une danse ? Proposa-t-elle aussitôt
- Ca ne serait pas de refus, murmura-t-il avec soulagement.
- C'est autant pour toi que pour moi ! »
Elle s'empressa de l’entraîner sur la piste.
OoOoOo
« On vire de bord ! avertit Apollo.
- On vire de bord ! s'écria Sibéal. »
Nialh répéta à la suite. Ils étaient prêts, Murdock se positionna face au vent. Nialh leva le pouce en l'air appuyé au bastingage et enfonça le winch dans l’enrouleur bâbord, Sibéal fit doucement couler la corde de la voile. Le génois s'affaissa doucement, Apollo tira vivement sur la drisse pour le faire passer de l'autre côté du bateau. Elle se pressa pour lui donner un coup de main. Le tissu blanc claqua violemment dans le vent, son frère tournait rapidement le winch, tendant la corde et offrant la voilure au vent. Aussitôt que la manœuvre fut finie, elle sentit sous ses fesses le voilier ralentir doucement et fronça les sourcils.
« On borde ! ordonna-t-elle. »
Nialh serra un peu plus fort la drisse grâce au winch, Apollo vint donner le dernier tour. Sibéal se pencha pour apprécier la courbe du génois dans les airs et leva le pouce en l'air. Parfait. Elle sentit le navire se pencher, Murdock, profitant de la bourrasque, faisait gîter le voilier au ras des vagues. Quelques gouttelettes vinrent éclabousser son visage. A l'horizon, maintenant toute proche, la flèche des enfers. L'atoll surmonté d'un rocher pointu n'était plus qu'à quelques miles. Ils y seraient dans quelques minutes. C'était le dernier bord qu'ils allaient tirer avant de mouiller l'ancre dans la baie de l'atoll.
Elle se laissa aller dans le carré du pont, trouvant un équilibre alors que le navire était penché à bâbord. Apollo se mit à ranger le cordage, conscient que Murdock serait sur son dos si tout n'était pas à la bonne place. Nialh poussa une exclamation ravie, debout sur le pont incliné. Les embruns venaient fouetter sa chevelure brune, révélant une expression juvénile et la lumière dans ses yeux clairs. Sibéal sourit. Elle adorait cette sensation de vitesse, ce petit goût de risque dans les manœuvres. Malgré la fragilité du Mod dans l'immensité de l'océan, face au roulement des vagues et au bourrasque du vent, elle se sentait parfaitement en sécurité et apaisée.
Ils atteignirent l'atoll, et enroulèrent le génois. Le Mod n'était plus porté que par le moteur. Sibéal les laissa s'occuper de mouiller l'ancre. Elle quitta le pont pour retrouver Murdock et Oriag dans le cockpit. Elle retira son gilet de sauvetage et se pencha sur l'écran qu'observait le demi-nain avec attention. Cherchant comme lui un tirant d'eau nécessaire à un mouillage convenable, se concentrant sur les zones rocailleuses dangereuses, elle finit par désigner un endroit sur le flanc sud de l'atoll. Oriag contrôla la carte à la recherche d’écueils, Murdock fit faire le tour de l'atoll à faible allure au Mod avant qu’ils n’atteignent le mouillage.
« ON MOUILLE L'ANCRE, aboya-t-il. »
Une fois qu'ils furent sûrs de leur emplacement, relativement bien abrité aux vues de l'atoll dépourvu de la moindre crique, ils sortirent apprécier la vue paradisiaque.
« Pas mal comme spot pour les vacances ! apprécia Nialh.
- A peine dangereux, temporisa Oriag alerte, faudra pas s'éterniser ici.
-Allons faire un tour alors, proposa Sibéal.
- Allez-y, on garde le bateau ! S'exclama Nialh. »
Oriag, Murdock et elle échangèrent un regard entendu. Ils les laissèrent pour atteindre la plage dans le petit zodiaque de sauvetage. Lorsque Sibéal se retourna pour contempler le Mod, affuté et majestueux dans l'eau turquoise, elle aperçut son frère et Apollo, en maillot de bain, qui sautaient dans l'eau en poussant des cris d'enfants.
« Ah ! Qu'est-ce que j'avais dit ! nargua Murdock. »
Elle se tourna dans la direction qu'il indiquait. Elle discernait au loin, à encore une demi-heure de navigation peut-être, un catamaran à moteur.
« Coiffée au poteau la Yakta ! »
OoOoOo
« Qu'est-ce-que vous fichez là ?!
- Salut Yakta ! la saluant de la main Murdock, comme tu vois, on s'octroie quelques p'tites vacances au soleil ! Sympa comme endroit non ? On a dû consulter la même brochure.
- Te fous pas de ma gueule Murdock.
- T'as l'air tendue, on te prépare un cocktail bien frais peut-être ? »
La remarque lancée avec légèreté sembla faire jaillir un frémissement d'irritation sur le visage abasourdi de la Sioux. Ses cheveux noirs coupés au carré à ses épaules tressaillaient de colère contenue. En contrebas, Murdock lui adressait un petit air goguenard, planté dans le sable blanc, ses bras musculeux croisés devant sa large poitrine.
Sibéal discernait une petite troupe sur le pont derrière la petite silhouette musclée de la capitaine du Yak. Elle reconnut Chad, et devina derrière les traits de la jeune femme blonde plantée à côté de lui, la fameuse Wanda. Elle était intriguée par les deux autres passagers. L'un était d'une blondeur intense, presque blanche et l'autre arborait de délicates boucles brunes sur son front. Aussi beaux que grands et gracieux, ils dégageaient une aura intriguante, presque irréelle. Elle ne les avait jamais vus, et Yakta ne tenait pas une agence de voyage. Elle se demandait ce qu'ils faisaient sur le navire. Peut-être étaient-ils impliqués dans la mission...
«Tu pensais que ton expédition à cinq millions de galions n'allaient pas s'ébruiter ? lâcha froidement Oriag. »
Yakta la toisa, plissant ses yeux noirs pour les détailler attentivement.
« On peut savoir qui vous a parlé de ça ? Vous nous espionnez ?
- STALKERS ! Cracha Wanda.
- Faudra p't'être embaucher des radio plus professionnels, répondit narquoisement Murdock, histoire d'être un peu plus discret quand on parle de cinq millions de gallions. »
Yakta darda aussitôt un bref mais tranchant regard sur Chad qui haussa les épaules en levant les yeux au ciel. Elle serra la mâchoire pour reprendre plus calmement l'échange.
« Peu importe, l'atoll est à tout le monde, haussa-t-elle des épaules.
- On pensait installer le campement près des palmiers, fit Murdock, histoire d'apprécier cette vue... Vous mettez pas devant, j'ai envie de siroter mon cocktail tranquille.
- Votre pitoyable équipage a aucune chance de rafler la mise, persifla brusquement Wanda.»
Sa remarque fit éclater de rire Murdock, un sourire carnassier et compétiteur lui dévorait le visage.
« On verra ça ma belle ! »
Yakta tourna les talons, et disparut à l'intérieur du catamaran suivie de Wanda et Chad. Les deux étrangers les observèrent un instant, Murdock s'était déjà désintéressé. Oriag à la radio informait Nialh et Apollo de l'échange. Elle pouvait entendre d'ici les exclamations de son frère mais était incapable de détacher ses yeux de leur deux figures altières.
Les deux hommes ne dégageaient pas d'hostilité particulière, ils se contentaient de les regarder avec attention. Elle était mal à l'aise de cette inspection, sans savoir si c'était à cause de la perfection de leurs traits ou bien de l'intensité de leur regard.
« Valérian Kello'han et Esteban San'tos, se présenta le brun avec une petite courbette.
- Bonjour, souffla-t-elle. Sibéal.»
Le blond gardait un air impassible et rigide, le brun eut un petit sourire avant de lâcher :
« Voilà qui promet d'être intéressant. »
Cela promet des navigations intéressantes. On part en eaux troubles.
En route pour l'avanture moussaillon.
Desolee pout les phrases inutiles, sinon mon commentaire ne passait pas.