Chapitre 5

Par Ety

Le rire de ses gens de maison s’était estompé, mais guère la stupéfaction de l’Impératrice. Vayne n’en savait pas au juste la raison, car des invités tardifs pouvaient difficilement lui faire le même effet que l’événement qu’ils venaient de provoquer. Il alla rejoindre sa mère, qui s’était assise sur son lit, et réfléchit. Les fois où le juge Drace et sa mère s’étaient disputées étaient innombrables, mais c’était bien la première fois que l’une levait la main sur l’autre, et il ne savait pas quoi en penser. Tant d’émotions banales ressenties en quelques secondes lui avaient fait monter la sueur aux tempes et il savait qu’il ne dormirait pas en paix cette nuit-là. Jamais les deux seules femmes qu’il connaissait au monde n’avaient été destinées à s’affronter, à éprouver de la haine l’une pour l’autre et à souhaiter leur perte, leur mort mutuelle. Le plus grave était, au fond de ses frayeurs, qu’en réalité peu importaient leurs volontés capricieuses : la manière dont elles avaient été formulées en donnait un tout autre registre, à l’image d’un événement voué à s’accomplir, à tout prendre et tout clore. Vayne se demanda si sa mère avait les mêmes pensées, puis, en se retournant vers elle, remarqua qu’elle s’était levée et ordonnait sa coiffure devant son grand miroir.

— N’écoute pas ce qu’elle raconte, lui dit-elle sans expression. Tout ce qui lui manque est de savoir que de t’avoir fait grandir ainsi t’a fait vivre des jours tranquilles.

 

Il se rappela alors un soir semblable à celui-ci, plusieurs années auparavant, où l’Impératrice contemplait son double dans son miroir après un dîner assez mouvementé. Il se rappela chaque place que prenaient ses poings sur ses hanches, chaque mouvement de ses paupières et chaque pincement de ses lèvres. Sur son visage se lisait une détresse immense, l’une des rares qu’il lui eut jamais été donné de voir chez cette mère si forte et si patiente. Il l’avait vue et revue, en passant et repassant dans le couloir du treizième, sans pouvoir s’arrêter plus longtemps que le temps de ces passages, de ces coups d’œil furtifs à travers la porte entrouverte – elle ne l’était jamais lorsque Sentia avait toute sa raison. Il avait vu sa mère se regarder, et la colère envahir ce regard. Durant cette soirée et la nuit qui avait suivi, il avait compris que sa mère n’était pas semblable à toutes les autres reines qui ne s’admiraient que pour louer la beauté de leurs corps et de leurs vies parfaites : il avait su dès lors que lorsque cette mère s’admirait, elle admirait en l’image qui apparaissait sur la vitre atone son impuissance, sa démesure, en tout sa médiocrité. Chaque soir ses yeux se plissaient davantage vers cette image, mais celui-là avait été celui de la conclusion, du dernier mépris et de la grande remise en question, dont elle ne s’était guère encore rétablie. Toute cette confusion, mêlée à la rage intérieure que Vayne ne s’était jamais expliqué, avait amené dans les poings serrés une vivacité extrême qui les mena d’un trait se briser contre le verre.

Le miroir avait éclaté, d’un seul coup, en mille morceaux que le sang recollait plus facilement que les souvenirs qu’il ressassait et rechassait.

 

— N’ai-je pas raison ? reprit Sentia d’une voix moindre, comme doutant d’elle-même.

— Je suis tranquille, Maman, assura placidement Vayne.

— Et pourtant… ce n’est pas la volonté qui m’a fait faire cela, il faudrait s’en souvenir… Comme si j’avais pris cette décision à la légère, sans penser à ton avenir mais uniquement à ce que je pourrais en tirer… Cette femme n’a plus toute sa santé. Elle vit encore dans un âge où tous les dirigeants de ma catégorie choisissent tout en fonction de leur volonté… non, ce n’est certainement pas cela qui m’a fait te confiner.

— Non, confirma Vayne, c’est la nécessité.

Sentia achevait de se regarder lorsqu’elle passa tout le poids de sa robe au-dessus de sa tête. Le tissu pourpre se plia entre les draps roses et elle se vit de nouveau, moins couverte dans un chandail clair et léger, prête à affronter l’adversaire qu’elle s’était toujours destinée à défier, ascendant et échouant, l’Homme.

Son fils la vit aussi, sans réaction aucune. Dans de telles circonstances, Drace disait que parfois, l’Impératrice avait ses moyens à elle d’arriver à ses fins. Sentia était indifférente à ce jugement, d’où la même attitude chez le fils.

— Si ce mot te libère… dit-elle doucement en gagnant la porte du couloir. Moi, il m’a tuée.

Vayne ne dit rien d’abord, puis, pétrifié de tristesse, lança désespérément :

— Et l’histoire que tu devais poursuivre ce soir ? La cité perdue ? Tu ne viendras pas me la raconter avant de dormir ?

Sa mère se retourna et eut un sourire désolé.

— Non, mon chéri, j’ai bien peur de devoir te donner de fausses promesses pour te répondre comme tu le souhaites…

Et, cherchant ses mots sans les trouver, elle lui accorda un dernier regard de compassion puis disparut derrière la rangée de valets empressés.

 

Vayne n’avait pas bougé, il considéra la porte qui se refermait lentement, selon les mouvements de l’air ambiant qui se faisait de plus en plus violent.

« Maman doit se reposer, et un docteur inconscient s’apprête à lui soutirer toute l’énergie qu’elle avait encore ce soir pour son intérêt personnel. Docteur du mal. Pourquoi tant de gens aiment lui faire du mal ? »

La réponse ne venant pas, il se décida à sortir de la pièce et marcha, pas à pas, le long du corridor.

 

La recherche de quelque chose s’imposait. Quelque chose qui le libérerait de tous ses doutes et allégerait le poids de ses méditations. Leur fréquence également. Il ne savait pas exactement le sujet de ses craintes, comme si les dieux l’avaient mis au courant avant le monde d’une catastrophe qui allait de nouveau s’y produire. Mais il savait que quelle que fût sa dimension, il était inéluctablement lié au sort de sa mère, et cela alourdissait d’autant plus ses chaînes qu’il se rendait compte que Drace, les servantes et le monde avaient raison : il n’était que l’ombre ineffacée de l’âme et de l’organisme absolu de Sentia Solidor. Jamais son nom n’était évoqué seul, c’était toujours le fils de sa mère. Parfois de son père, mais toujours de sa mère. Il voulait se chercher mais ne savait guère par où commencer.

L’interminable escalier arrêta ses réflexions. Il le grimpa, marche après marche. Durant son ascension, plusieurs serviteurs s’arrêtèrent, s’inclinèrent. Il s’inclina aussi devant ceux qu’il percevait, les autres passant près de lui comme près d’un fantôme avançant sans arrêt vers le lieu de sa malédiction. Vayne, en s’approchant des derniers étages, sentit ses jambes s’alourdir. Chaque fois qu’il s’en approchait, il ressentait toujours le même effroi et la même répulsion de ces lieux qui lui avaient donné tant de soupçons. Il tremblait encore de n’avoir osé les dire à sa mère, mais se rassurait que lui seul fût victime de leurs effets. Se confier à sa mère, c’était un peu lui léguer tout ce qu’il y avait de mal en lui. Sentia devait rester forte et pure, elle n’avait que faire de ses impressions infondées.

Et pourtant, en les croisant, ses jambes cette fois-ci refusèrent d’avancer ; il les regarda d’un œil sombre, qu’il espérait menaçant. Déambulant à travers les couloirs du vingt-huitième, Eder-Cilt et Phonmat croisèrent cet œil et ne purent avoir d’autre réaction que le rire. Vayne sentit son corps se tendre et trembler de plus belle. Il dévisageait ces figures pâles de la vie, et se répétait incessamment qu’il avait tort. C’était Drace qui avait raison. Elle les connaissait mieux que lui, et après tout ils n’en demeuraient pas moins ses frères. Pour se calmer, pour ne pas paniquer, il se dirait que Drace aurait raison. Oui, car si Drace avait raison, tout irait bien.

Phonmat s’avança vers lui en premier. L’éternel sourire ne décollait point de sa frimousse familière, qui plaisait facilement avec ses joues rebondies, son front lisse, sa chevelure de jais, ses lèvres épaisses de bonheur, qui engloutissaient volontiers tout ce que Sentia ou les cuisiniers préparaient pour la table du premier étage, et ses gros yeux bleus le dotant d’un regard toujours tendre dont la simple vue faisait rêver – une pleine lune, comme disait Drace. Et en effet, bon nombre d’âmes eurent l’occasion d’être touchées par la profondeur cosmique de ces yeux, et de considérer leur propriétaire comme le plus clément des seigneurs parcourant les rues d’Archadès. Il était d’ailleurs connu que parmi les héritières des grandes maisons sur lesquelles s’était posé ce regard, très peu y étaient revenues. Et toute la personne de Phonmat, tout dans ce noir qui le couvrait des cheveux aux chausses, évoquait la nuit pure, celle de tous les siècles et de tous les dangers.

Plus loin, marchant d’un pas moins empressé, venait Eder. Cet homme restait à ce jour la seule personne du Palais vers laquelle Vayne n’avait osé lever le menton. Si la présence de Phonmat l’avait toujours laissé anxieux et sur ses gardes, la seule pensée que ce frère aîné existât suffisait à faire surgir les pires troubles de son humanité. Pourtant Eder-Cilt n’avait pas en lui, en sa physionomie aussi vigoureuse que celle de son cadet, un élément qui pût susciter une telle terreur. Contrairement à Phonmat, son visage s’étendait en longueur, dans des proportions qui faisaient de toute sa silhouette celle du parfait guerrier. Doté d’un sang-froid inimaginable pour le garçon, ce frère savait aussi bien manier l’épée que les coffres de l’État. Il calculait tout avec une précision telle que les machines des scientifiques archadiens ne prédisaient pas certains détails auxquels l’esprit fin et éveillé du fils de l’Empereur prêtait attention. S’il souriait très peu aux heures de labeur, son expression n’avait jamais rien qui eût trait à l’antipathie. Sa peau légèrement hâlée ne présentait aucune irrégularité, et cette rigueur qui faisait la nature même de son être lui avait valu d’être ardemment sollicité par de nombreux chercheurs et corps militaires d’Ivalice, son intérêt pour les premiers dépassant de loin, comme on le savait, celui qu’il portait pour les seconds. Néanmoins il usait souvent de l’autorité de l’armée pour se faire respecter, lui-même si courtois que ceux dont son apparence était inconnue n’imaginaient jamais sa véritable identité — mis à part les peintres qui avaient appris par cœur chaque pore de son visage et la position de chacune de ses courtes mèches blondes. Il s’efforçait de coopérer avec les juges, connaissant l’estime que son père avait pour eux ; le seul qui lui fût réellement dévoué corps et âme restant étrangement le juge Zecht. Eder, lorsqu’il passait devant le juge Drace ou l’invitait à déjeuner dans son étage, était la seule occasion qu’eût Vayne de voir chez celle-ci un visage transcendé d’une illumination béate, révélant une aurore qui ne disparaissait pas du restant de la journée. Selon une rumeur qu’elle avait dû lancer elle-même, à l’occasion de l’une des rares sorties publiques du seigneur Eder-Cilt, une demi-douzaine de ses admiratrices s’était donné la mort sur son passage, se croyant au paradis tandis qu’il avançait, n’accordant aux jeunes cadavres qui s’effondraient qu’un furtif coup d’œil. Ce qui était certain était que tous ceux qui avaient l’honneur de rencontrer cet homme n’y allaient jamais confiants, tant l’entretien s’annonçait inégal. Eder avait ainsi de tels pouvoirs, qui ne s’arrêtaient nullement aux seuls habitants du Palais, des pouvoirs qui pour le moins égalaient ceux de l’Empereur, le seigneur Gramis. Vayne soupira dans un souffle d’épouvante. Eder, par contre, était plus que quiconque le fils de son père.

En se tournant, il s’aperçut que Phonmat tenait à son bras une élégante demoiselle, qui le regardait ainsi que l’on observe un animal exotique. Elle allait poser une question lorsque son partenaire s’exclama :

— Alors, Vaynie, on s’amuse toujours à soutirer le trône de Maman ? On dit que tu viens de bien t’y appliquer, comme d’habitude.

— Je vous assure qu’au contraire je cherche à lui ôter cette idée de la tête ; pas plus tard que tout à l’heure…

— Voyons, l’interrompit Eder en avançant au côté de ses frères, il ne faut pas te défendre, petit : plus tu t’y essaieras et moins tu y échapperas.

— Puisque je vous dis que je n’ai que faire de ce trône ! Rien ne pourrait moins m’intéresser ! cria Vayne, les mains sur ses hanches.

À ces mots, les trois courtisans éclatèrent de rire.

— Qu’est-ce que je disais ? reprit Eder en souriant obligeamment à la demoiselle.

— Tu n’iras pas plus loin que ce que tu espères, très cher petit frère, s’enquit Phonmat. Car tout le monde ici sait que Sentia a tout à fait les moyens de te faire parvenir bien plus loin que sur le trône, bien plus loin encore que sur la place sur laquelle elle s’est incongrûment assise. Simplement tu vas devoir te tenir bien tranquille car nous saurons très bientôt rendre à notre chère mère la valeur de ses fantaisies.

— Ma mère est excellente dans ce qu’elle fait, protesta Vayne.

— Oh, ce n’est pas nous qui dirons le contraire, gloussa la demoiselle en enfonçant sa face sournoise dans le bras de Phonmat.

— Laissez, ma douce, lui dit ce dernier. N’accordez pas vos jolis mots à ce petit impertinent : il n’en vaut pas la peine, j’en conviens… et de toute manière il ne les comprendrait pas.

Après un nouveau ricanement, elle garda le silence et se contenta de suivre, comme tant d’autres, celui qui avait sûrement retenu son admiration et sa tendresse. Eder-Cilt s’apprêta à les rejoindre, se retournant lentement.

Vayne fixa son regard suspicieux et ajouta, dans un élan illuminé :

— C’est à cause d’Éphédrine, n’est-ce-pas, que vous doutez d’elle ? Vous pensez que c’est elle qui a… abrégé sa vie ? Je vous jure qu’il n’en est rien. Il est vrai que ma mère ne lui vouait pas… tout le respect qu’elle lui devait, mais elle n’aura jamais pu accomplir une telle offense. Elles étaient trop proches pour qu’elle eût pu songer à lui faire du mal.

— Proches ! s’exclama Eder, tout ce qu’elle désirait était prendre sa place. Voilà chose faite… Mais pour combien de temps encore ?

— Mon frère ! cria Vayne tandis qu’il tournait la tête, ce que vous venez de dire est totalement faux, sa pitié dépassait largement cette volonté stupide…

 

Eder-Cilt, indifférent, emboîtait le pas à ses semblables, lorsqu’il sentit une main vigoureuse saisir le dos de son pourpoint.

— Votre jalousie est immense, mais mon souhait l’est encore plus : ne tentez pas une seule fois de faire du mal à ma mère. Il vous en coûtera bien plus cher que vous ne le craignez, prévint le benjamin en appuyant chacune de ses syllabes.

— Nous ne craignons rien, le rassura Phonmat sans daigner le voir ; nous ne faisons que ce qu’il fallait faire depuis bien longtemps pour la sûreté de l’Empereur… ne sommes-nous pas ses fils ?

— Père adore ma mère mille fois plus qu’il n’a jamais aimé aucun de vous ou de moi, et vous le savez très bien, rappela lentement Vayne dont le visage rougissait au même rythme. Il sera le premier anéanti par ce que vous entreprendrez.

— Pauvre sentiment ! le moqua Eder. Les premières impressions ne nous impressionnent nullement, ce sont les longs projets qui nous intéressent. Mais comme l’a dit mon cher frère, tu ne sembles peut-être point disposé à comprendre la visée de ces motivations, autant que nous à te l’expliquer. Nous te laissons donc sur ton séant, où tu as grand intérêt à rester, si tu n’aspires pas à ton tour à être mêlé à de fâcheux ennuis.

— Je vous en supplie, redemanda Vayne à genoux en fixant son frère aîné et en lui parlant des yeux et de la voix du désespoir, il vous faut épargner ma mère… Tenez, si j’ai été si vain de n’avoir pas réussi à la convaincre que vous méritiez le trône ; c’est à moi qu’il faut s’en prendre. C’est moi qu’il faut punir et condamner. Voilà ce corps que vous jugez si coupable : blâmez-le, torturez-le, faites-lui subir toutes les fureurs de votre plainte.

Le regard qu’y jeta Eder-Cilt fut mi-fielleux, mi-dédaigneux. Vayne le brava avec sa majestueuse pitié, les yeux fulminants d’espoir.

— Ce n’est pas tant ta présence ou ton absence qui nous contrarie, expliqua Eder d’une voix plus douce après un rapide coup d’œil vers Phonmat. Ne voilà-t-il pas d’ailleurs madame de Solidor avec un nouveau frère ou une nouvelle sœur pour toi ? Non, c’est surtout ce qu’on compte faire de toi sans que tu t’en rendes compte, maintenant et pour toujours, quoi qu’il arrive à l’avenir, qui risque fort d’être problématique... car en ce qui concerne ton état actuel, je ne vois pas quel danger pourrait représenter un petit boulet.

— Je ne vous en rendrai point compte, mon cher frère, reprit Phonmat alors qu’Eder arrivait à son côté. Vous savez pertinemment que Vayne ne sait pas être autre chose que le petit angelot de sa mère… Maintenant, mes chers, laissons là ces alarmes aberrantes et allons concerter nos aimables sur le déroulement de notre affaire.

 

Vayne sentait sa colère s’apaiser et s’alourdir à la fois. Il en avait bien assez de cette impuissance ignorante, de ce perpétuel doute qui seul retenait son action. Il savait d’avance qu’ils ne diraient rien… voilà au moins une certitude. Hormis elle rien n’était sûr. Cependant la rage sourde qui montait peu à peu dans son corps d’enfant offensé, qui nouait sa poitrine et lui coupait la langue, devenait insupportable à mesure qu’il demeurait cloué sur place, les yeux flous devant l’image de trois heureuses personnes qui s’effaçaient pour mieux se faire voir. Est-ce qu’on le verrait, lui ? Qui se soucierait de lui ? De quel pouvoir disposait-il, devant l’omnipotence d’Eder et le charme imparable de Phon ? À quoi servaient seulement ses supplications inutiles, ses recommandations insonores, ses regards de chien battu, sa présence funeste ? Il ne pouvait supporter, par-dessus tout, de sentir ses efforts vains, de se battre pour le néant, pour une cause qu’il ne pourrait jamais rejoindre. Cette situation le rendait malade ; toute sa vie lui paraissait un horrible amas de souffrances sans fin ni sens, desquelles la meilleure sortie était la mort. Néanmoins, la toute première goutte de fertilité dans son océan stérile rendait le combat crucial, inévitable : Sentia Solidor ne serait jamais victime de son incapacité juvénile. Sur ce point, Drace aurait tort et tout renterait dans l’ordre au plus tôt.

Vayne serrait ses poings, la colère masquant le mal que conduisait son sang au bout de ses doigts. Il regarda une dernière fois la silhouette dansante de la courtisane, particulièrement son postérieur qui semblait rivaliser d’élégance parmi tous les mouvements de la ville. Il releva soudain ses yeux, se rua vers sa cible et y lança vigoureusement son pied.

Il n’eut guère le temps d’entendre le cri effaré ou les remontrances véhémentes qui montaient du couloir ; ses jambes le portaient déjà à son extrémité, dépassant ses frères et tout ce qui pouvait l’excéder, et la porte de l’ascenseur s’ouvrait généreusement pour le ramener à son étage.

Les bruits de pas s’étaient estompés, plus personne ne devait le poursuivre. Vayne se sentit alors terriblement soulagé. Il cessa de courir et se dirigea tranquillement vers sa chambre. Avant d’ouvrir sa porte, il promena comme à son habitude son regard dans la chambre voisine, celle de sa mère, et pour la première fois il sut qu’elle ne s’y reposerait pas de sitôt. Sa vieille rancune ressurgit alors, et c’est avec un arrière-goût d’amertume qu’il poussa sa porte.

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R.Azel
Posté le 02/02/2024
Ah-ha ! Il y a comme un arrière goût de "trahison" dans l'air ici. À croire que, comme toujours, il vaut mieux se méfier de ses proches que de la populace inconnue.
Une chose est sûr toutefois. Vayne est plus rebelle qu'il ne l'a laissé penser jusqu'ici. ce qui promet une suite mouvementée. ^_^
Ety
Posté le 02/02/2024
Trahison, mais de quoi exactement? Quels concepts ici évoquent qu'ils pourraient être trahis? Mystère. C'est ce genre de question que les 3 se posent, même si Vayne effectivement n'entend pas laisser toute considération de la sorte entacher son monde ^^ Y a des limites hihi (je suis fière du coup de pied). Merci pour ta lecture et tes impressions :3
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