— Chapitre 5 —

Notes de l’auteur : /!\ Infos /!\ : Les chapitres de 2 à 9 risquent de changer, notamment avec l'ajout d'un personnage. Je préviendrais du changement

Elle se remettait à peine d'une blessure, qu'il lui en causait une seconde.

Evelyn se réveilla avec des maux de têtes terriblement douloureux ainsi que tout son corps qui manquait de s'effondrer. Une envie de déglutir la dominait, sa tête tournait en rond alors qu'elle essayait de se relever ; elle ne vit pas la moindre trace de Harlow, était-ce peut-être le temps de déguerpir ? Elle rassembla ses dernières forces pour prendre la fuite même si cela lui coûtait une douleur abominable, son corps qui criait de s'arrêter et de tomber net au sol. Elle courrait comme si sa vie en dépendait, peut-être, c'était bien le cas. Tard, dans la nuit, elle ne devait pas traîner encore moins, une jeune femme comme elle. Evelyn ne tarda bientôt plus à atteindre l'enceinte du palais, s'y faufilant, elle devait se reposer et s'assurer si le Prince était rentré ; non pas la peine, elle devait dormir. 

Avant de passer dans l'aile des domestiques, elle restait têtue à absolument savoir, se dirigeant vers l'aile du Second Prince. Sur son chemin, — pour une fois — ce n'était pas Harker, au contraire, la princesse Lucy se présenta.

– Princesse ? Excusez-moi, vous vous êtes perdue ? S'inquiétait-elle. 

– Oh ! Je me souviens de vous, Evelyn. S'exclama Lucy. Non pas vraiment, à vrai dire, je cherchais le Prince Harlow. Cette idée de mariage m'enchanterait davantage si je pouvais discuter avec mon fiancé...

– Pour être honnête, je ne l'ai pas vu, je le cherche moi-même. 

Sur le point de partir, Lucy prit délicatement le bras d'Evelyn. Elle semblait avoir besoin d'elle, affichant un regard soucieux.

– Evelyn, je peux vous poser quelques questions.

D'un signe de tête, elle se retourna pour lui faire face, prête à l'écouter.

La princesse de Keen au visage terriblement abîmé, elle ne voyait plus que d'un œil, elle tentait d'ailleurs de le cacher derrière des mèches de cheveux, gênée. Elle n'osait pas regarder Evelyn, et baissait le regard à chaque fois.

– Princesse, n'ayez crainte, vous restez belle quoiqu'il en coûte, expliquait Evelyn d'une voix rassurante. J'admire vraiment votre allure.

– Oh, ce n'est pas drôle tous les jours ! J'ai l'impression d'être un objet la plupart du temps. Personne ne m'écoute jamais, mon seul rêve, c'est d'être, un jour, vraiment aimée pour la personne que je suis. Pensez-vous mon fiancé pourrait être cet homme-là ? 

Parler de son rêve, allumait plein de petites étoiles dans ses yeux fatigués, elle qui avait toujours vécu entre des murs, elle espérait vivre la joie et le bonheur. Pouvoir cuisiner, se balader, crier, courir : tout cela, le sourire aux lèvres. Se réveiller, et être aimée, choyée comme si elle était la chose la plus importante de son univers à lui, l'homme qu'elle cherchait.

– Je suis navrée, mais je ne crois pas pouvoir vous apporter ce genre de réponses. J'ai beau le côtoyer tous les jours, il reste assez imprévisible. Si vous souhaitez que je sois honnête, je ne pense pas qu'il puisse accomplir votre désir. 

– Pouvez-vous au moins me dire ce qu'il aime ? J'aimerais beaucoup lui faire plaisir, je pourrai peut-être le faire changer d'avis.

Je lui aurai bien demandé directement, mais il semble très occupé. Cela doit être un vaillant guerrier qui se dévoue à sa nation ! D'après ce que j'ai entendu dire, il serait incroyablement attentionné, est-ce vrai ?

Fixant Evelyn avec espoir, les yeux grands ouverts, elle attendait une réponse honnête. Ses rumeurs, c'était sa sœur qu'il lui avait propagé. Une sœur qui la détestait, toutefois, la douce princesse de Keen l'ignorait.

Evelyn sentait son cœur se déchirer, cette femme remplie de douceur et de bonté ne méritait pas de vivre ce calvaire. Si seulement, elle savait...

– Princesse, je crains que vous ne vous trompez. Pardonnez-moi d'être trop sincère, je ne supporterais pas l'idée de vous avoir menti. Le prince Harlow n'est pas le genre de personne qu'on peut changer, et il est loin d'être attentionné comme vous aviez pu l'entendre.

Ne perdez pas espoir, il n'est pas trop tard pour trouver le véritable amour, assurait Evelyn.

– Hélas, mes obligations personnelles me l'imposent. Sans cette alliance, le royaume perdra la guerre. Je ne pourrai pas garder ce poids sur la conscience que des milliers de vies innocentes sont mortes, car j'ai été trop égoïste... Je vous remercie d'avoir été honnête, je sais désormais à quoi m'attendre. Souriait-elle avant de se retourner pour s'en aller. 

– Princesse ! Je... Bégayait-elle, hésitante, elle reprit en affichant un sourire compatissant. Venez me voir si vous souhaitez parler à quelqu'un. Je serai là pour vous écouter.

Evelyn avait sûrement rencontré le premier et le dernier vampire aussi adorable avec elle. Tout de même, elle était une exception parmi tant d'autres. 

Elle soupira avant de rejoindre la chambre de Harlow avec personne dans les parages. Seulement une pièce bien trop large pour seulement un lit et une armoire. Pas étonnant qu'il détestait vivre ici. Evelyn avait terminé son inspection, elle pouvait repartir, mais la fatigue et la douleur l'en empêchait. Ce lit si disposé à être utilisé, il n'attendait plus qu'une âme charitable qui veuille offrir son corps au monde des rêves. Après tout, le prince ne s'en servait jamais, Evelyn n'a pas le moindre souvenir d'avoir aperçu une seule fois le prince endormi. De plus, celui-ci n'était toujours pas rentré, une petite sieste n'allait pas abîmer ce beau nid douillet. S'affalant contre le lit, bien plus confortable que celui sur lequel elle dormait habituellement. Les bras de Morphée l'embrassèrent pour l'emmener au pays des rêves et plonger dans un profond sommeil qui s'avérait bien plus long qu'il ne devait être...

Il n'avait pas pu se résoudre à passer par le portail de l'entrée principale. Son état aurait suscité des rumeurs. Harlow avait déjà assez de problèmes sur le dos. Heureusement, il ne savait pas par quel miracle, la famille d'Evelyn accepta de l'héberger. Son frère, prêta même une chemise propre, il se nettoya autour d'un point d'eau. Il ne ressemblait plus à l'allure d'un prince actuellement, et le carnage qu'il avait laissé n'était pas digne de son titre. Avant de revenir, aux premières lueurs de l'aube, il était repassé par la demeure qui empestait le cadavre en décomposition. Sa servante ne devait pas avoir reporté l'accident, car il aurait été prêt à mettre sa main à couper que lorsque les gardes — surtout son père — seraient tombés sur les gardes : l'ordre n'aurait pas été de le retrouver, mais plutôt de l'exécuter.

Harlow n'avait pas perdu son temps, il retourna au manoir pour le fouiller de fond en comble. Il réussir à regrouper des commandes et adresses ainsi que des schémas de ces "hommes monstres" dans un manuscrit. Il prit soin de le prendre ainsi que le pauvre paquet que la mère d'Evelyn lui avait confié. La boîte n'avait plus rien de rectangulaire et la robe pouvait être confondue avec un chiffon.

Il devait réparer ses dégâts, quittant le manoir en n'hésitant pas un instant à mettre le feu pour effacer toutes les preuves. Ainsi, il se dirigea dans la ville vers le couturier le plus proche. Déposant le paquet sur le comptoir, il dévisageait le couturier. 

– Recousez cette robe, ajoutez-y plus de dentelle, de perles ce que vous voulez. Elle doit être prête le plus rapidement possible sinon je me chargerai moi-même de vous trancher la gorge. 

Harlow ne laissa pas le couturier en placer une, celui-ci est bien trop pétrifié en entendant les mots de second Prince n'osait pas émettre un son. 

– Mettez cela sur le compte de mon frère.

Ce furent les derniers mots qu'il prononça avant de claquer la porte de l'enseigne. Cela motivera peut-être son frère à dépenser moins inutilement son argent qui le mettait souvent en difficulté financière. Le malheureux paquet qu'il avait retrouvé dans le manoir était méconnaissable. Il avait chiffonné et déchiré le tissu, l'étoffe ne pouvait plus être porté, encore moins par un membre de son aile. Il avait payé le prix nécessaire, en rajoutant un supplément pour qu'il y ait des ajustements. Cela manquait cruellement de pierres et de perles, sans parler de la qualité de la dentelle.

Désormais, il se préoccupait à s'infiltrer dans son aile, son absence n'avait pas dû passer inaperçu. Seulement, il n'avait pas la tête à chercher des réponses aux questions débiles qu'on pouvait lui poser. Il souhaitait voir Evelyn, si elle ne s'était pas enfuie ou s'il ne l'avait pas tué — sans faire exprès —, il ne trouvait pas de corps ou du moins ce qu'il avait pu trouver.

Miracle ! Elle était vivante, en apparence, elle paraissait endormie sur son lit. Harlow soupira, elle venait de lui voler sa place même s'il ne s'en servait pas. Soit, il pouvait en effet, considéré le fait qu'elle ait eu besoin de repos. Il s'accroupit à sa hauteur pour vérifier qu'elle allait bien. Harlow craignait qu'elle se réveille, aurait-elle peur de lui ? Allait-elle le traiter de monstre ? Il ne souhaitait pas assister à un tel spectacle ayant ni la force ni l'envie. Il se connaissait mieux que quiconque, il ne ressentait pas le besoin qu'on lui enfonce plus profondément ce couteau qui menaçait de transpercer son cœur comme son esprit.

Timidement, il tendit un doigt vers son visage, sans pour autant oser le toucher. Il évitait les contacts physiques, car il appréhendait toujours, peut-être, lui ferait-il du mal en voulant être un tant soit peu aimable ? Harlow avait peur de ses instincts toujours plus forts que lui et incontrôlables.

– Excusez-moi...

Il espérait qu'elle ne l'entendait pas, c'était suffisamment humiliant pour lui de s'abaisser à son niveau. Cependant, il devait s'excuser, d'avoir quémandé les maigres ressources de sa famille alors qu'il les possédait déjà.

Son sommeil commençait à se faire long, si long qu'elle oublia dans quel lit elle s'était assoupie. Ce n'est qu'après-avoir entendu des chuchotements étranges à son oreille, qu'elle se réveilla en sursaut lorsqu'elle surprit le Prince lui-même l'observer. 

– Votre Altesse !

La voix toujours aussi vive de sa servante venait de lui éclater les tympans. Cela ne le dérangeait pas plus que cela, il serait même presque satisfait. 

Reposant un regard ferme et infranchissable sur elle, il décida de ne pas lui laisser le temps de l'ennuyer avec ses questions.

– Lui-même. 

Un moment de silence s'installait, le temps qu'Evelyn puisse se réveiller, reprendre ses esprits et surtout appréhender la suite. Plutôt mal à l'aise à l'idée de le confronter après les événements d'hier soir, elle ne savait pas où se placer. Le prince qu'elle avait l'habitude de voir était un homme qui affirmait sa position, ses droits, ses obligations et qui n'hésitait pas à vous remettre les idées en place. Tandis qu'hier, elle croyait rencontrer quelqu'un d'autre, derrière cette colère se morfondait une détresse inexplicable. Ses actes si contradictoires la menaient à penser qu'il était devenu fou durant un instant. 

– Avez-vous reçu des documents en mon absence ou vous préfériez vous prélasser dans mon lit ? 

Évidemment qu'il remarqua son visage déconfit, car il savait déjà ce qu'elle pensait de lui : qu'il n'était qu'un monstre sans cœur, que si elle pouvait être morte, il aurait célébré l'événement et bien plus encore...

Toutefois, c'était au-delà de ses attentes, elle laissa échapper un rire. Elle se moquait de lui. 

– Vous ne pensez vraiment qu'à cela alors que vous vous remettez à peine d'une soirée qui était pour le moins exténuante.

C'est hilarant, vous avez un drôle de caractère. 

– Évidemment, l'administration du royaume passe avant tout, bafouillait-il.

Je n'ai pas le temps de m'apitoyer sur mon sort, ni de me faire agresser de manière aussi stupide comme vous hier.

– C'est vous qui vous vous moquez de moi. C'est vous qui m'aviez violemment jeté en premier lieu. C'est moi qui dois vous en vouloir de m'avoir fait du mal ! 

Il lui avait fait mal ? Ah oui, le coup de pied. Elle semblait rétablie. Harlow n'avait rien à se reprocher, elle pouvait toujours courir.

– Oublier cela. Je vous ai pris pour l'un d'entre eux. 

Il s'inventait une excuse, mais il n'avait en réalité aucune justification, il l'avait simplement fait sans vraiment savoir pourquoi. Peut-être avait-il trop honte de lui supplier de l'aider ? 

– En plus, vous avez tué l'enfant, rétorqua-t-elle.

Il n'en avait rien à faire de sauver des petites filles, il avait agi pour la couronne. Les Fardell étaient de sales profiteurs.

– Je ne suis pas responsable de...

– Par votre faute. Dire que votre fiancé devra vous faire face, elle qui n'espère rien de plus que quelqu'un l'aime vraiment. 

– Et bien, vous apprendrez que je n'ai rien à donner à cette inconnue, je m'en fiche totalement. Je n'ai pas l'intention de lui porter la moindre attention. C'est un poids mort, dont je ne veux pas m'encombrer, je vous ai déjà vous qui réservez toute ma pitié. 

– Vous qui semblez tant aimer les enfants, vous y ressemblez drôlement. Vous remettez la faute sur les autres sans arrêt.

Harlow fronça les sourcils en écoutant ce qu'elle disait, si elle cherchait à l'embêter cela marchait très bien. C'était un des pires adjectifs qu'on pouvait lui attribuer, cela revenait à le traiter de crétin, ce qu'il ne sera jamais. Au cas échéant, il s'ôterait la vie. Il s'arrêta pour venir saisir son menton entre ses doigts pour l'obliger à croiser son regard, il était tout, sauf un gamin.

– Osez redire que mon comportement est enfantin, et je peux vous assurer que ce que vous avez vu hier soir, n'était qu'un centième de mes capacités. Petite idiote. 

Lâchant un peu sèchement son menton, assis sur le bord de son lit, il la fusilla du regard. Elle était à la limite de l'acceptable. Heureusement, il avait compris que c'était pour le déranger qu'elle disait de telles choses parfois et qu'il n'avait pas besoin de se prendre la tête. Ce serait lui donner ce qu'elle souhaitait : de l'attention. Pauvre fille.

– Traitez-moi d'idiote autant que vous voulez, je ne changerai pas d'avis.

Si je suis moi aussi un poids mort, pourquoi vous cherchez à me protéger ? 

Après tout, Harlow lui avait épargné d'être traumatisée en lui recouvrant ses yeux et en exécutant ces enflures.

– Vous m'êtes utile. Je ne voudrais pas me fatiguer avec quelqu'un d'autre. J'ai protégé vos yeux, car vous auriez été sans aucun doute, traumatisée par ce qu'il y avait dans cette salle. Cela m'aurait gêné de vous voir pleurer tout le temps...

La vision cauchemardesque qu'il avait eue en entrant dans cette salle, le poursuivait jusqu'à ses rêves, sans oublier les autres spécimens, qu'il avait découvert un peu plus tard en traquant ces charlatans. 

Son expression se durcit lorsqu'il y repensa, il considérait les humains comme du bétail, en revanche, il serait incapable de créer de telles monstruosité avec des corps d'enfants.

– Ça vous arrive de sourire au lieu de ne parler que de choses malheureuses et d'être pessimiste à ce point ?

– Je n'ai aucun intérêt à me jeter de la farine dans les yeux pour pouvoir sourire comme un idiot. Je sais faire des choses... Amusantes.

Il savait manier la rapière, construire des stratégies, calculer des pourcentages, établir des anagrammes, proposer de nouvelles lois, citer les plus grands auteurs. Il connaissait mot pour mot le mythe de leur apparition, ainsi que tous les royaumes et tous leurs meneurs : la liste était encore longue. Il y avait bien quelque chose d'amusant là-dedans. Lui, il trouvait cela diablement intéressant.

Depuis cet incident, il n'y avait plus aucune trace de la Bête ni même d'inspection à faire. Comme si, le cours du temps avait repris à la normale, Evelyn s'entraînait toujours les matins, passant le reste de ses après-midi à trier des papiers dans le bureau de Harlow et de vérifier que le Prince se rendait bien à tous les événements. Il faut croire que ses fiançailles avaient pris beaucoup de retard, tellement que l'hiver arrivait bientôt à son terme, cela faisait déjà plus de deux mois que la princesse occupait les lieux et rien n'avait été encore fait. Pour pallier le problème, la famille Royale a décidé de les fêter durant leur grand banquet annuel plus communément appelé la Bataille de Minuit. En référence, à la grande guerre que l'Empire des Humains a lamentablement échouée. C'était une façon pour eux de célébrer leur victoire, rappeler combien les humains ont été faibles et sans défenses. Un événement plutôt festif, d'autant plus lorsqu'il s'accompagnait de fiançailles. Pourtant, Harlow n'était pas de cet avis, il n'aimait pas les grandes fêtes encore moins si celles-ci le concernaient. 

Ainsi, tous ses plans pouvaient être mis de côté, sa petite promenade aux archives attendait alors qu'il croulait sous les dossiers administratifs.

Évidemment, le principal invité était le seul à ne pas s'y rendre, même si la réalité n'était pas tout à fait cela. Harlow cherchait désespérément un papier dans son bureau, farfouillant de fond en comble, il pouvait blâmer qu'une personne : Evelyn, la seule pouvant être responsable de cette soudaine disparition. Même s'il avait reconsidéré sa personne, cela ne lui permettait pas de mal ranger son bureau. En effet, Harlow en constatant les progrès d'Evelyn, et ce, dont elle pouvait être capable, il pouvait envisager de la considérer comme une partenaire dans ses aventures plus ou moins loufoques. Ainsi, il se donnait la pleine responsabilité qu'elle ne meurt pas — le plus tard possible —, car ceci était sûrement la dernière servante qu'il acceptera. Le prince savait se débrouiller seul, cette femme de chambre a su simplement se démarquer par ses capacités physiques même si son caractère restait agaçant, il ne mettait pas de côté l'idée de lui coudre la bouche certaines fois.

Trêves de bavardages, il devait la retrouver pour la disputer. 

Vêtue d'une robe plus présentable en l'honneur du banquet, Evelyn cherchait elle aussi Harlow, celui que tout le monde attendait. Parmi la foule, les vampires de la Haute dévisageaient les domestiques humains en s'amusant parfois même à salir le sol pour les voir se mettre à quatre pattes devant eux et nettoyer la tâche comme s'ils étaient de vulgaires chiens.

Par malheur, elle croisa Harker, c'était bien le dernier qu'elle voulait voir. 

Harker, rayonnant comme un brin de soleil, nageant au milieu de la foule, comme un poisson dans l'eau. Il ne cessait de pleuvoir des compliments sur sa tenue et son éthique de première classe, ce qui renflouait son grand sourire habituelle. Ce qui le rendrait réellement heureux, ce serait de trouver Evelyn. Il devait l'isoler quelque part et faire ce qu'il avait à faire. Son frère n'aurait qu'à admirer ce spectacle sans pouvoir intervenir, il ferait le plus de bruit possible.

Lorsque son regard tomba sur Evelyn, une étincelle dangereuse s'alluma dans ses yeux, elle l'inspirait, à se tenir si près du buffet s'approchant d'un verre de vin, il proposa un verre à Evelyn d'une belle révérence. Un sourire qu'il voulait innocent aux lèvres.

– J'espère que vous accepterez mon verre mademoiselle. Je suis sûr que la boisson sera à votre goût.

– Je ne suis pas autorisé à...

– Prenez-le, insistait-il fermement.

Evelyn ne souhaitait pas attirer les regards sur elle, si elle buvait simplement ce verre, Harker lui lâchera les bottes. Buvant d'une traite le contenant, elle ne voulait pas que sa gouvernante la surprenne en train de "s'amuser". Elle reposa la coupe qui avait le goût de bouillis plutôt que de vin. D'un coup d'œil, Harker avait disparu, il s'était volatilisé. De toute manière, elle n'avait pas son temps à perdre avec lui, au loin, elle apercevait enfin le second prince. Elle se pressa pour le rejoindre avec une joie irrépressible, affichant un énorme sourire aux lèvres qui ne voulait plus s'en décrocher tandis que Harlow semblait toujours autant la dévisageait.

Toute cette musique, ses rires, lui faisaient saigner les oreilles ; la princesse de Keen semblait ravie de se retrouver à l'écart avec lui. Quelle idiote. Avec son sourire béat, son air joyeux, il ne lui répondait pas. Elle ne cessait pas de parler, un monologue avec elle, quand lui remuait les pensées dans son esprit. Tout avait viré au noir, cela commençait avec son père, qui l'avait fait venir dans son bureau pour lui rappeler à quel point il était un mauvais fils, aussi un mauvais fiancé, absent pour son épouse. Tout cela sonnait comme une musique de fond, s'il ne lui avait pas flanqué cette énorme gifle qui lui avait laissé une trace rouge sur la joue. Passant une main dessus, elle lui brûlait encore, il jurait que son père l'avait marqué au fer rouge.

– Votre Altesse ! Interpella-t-elle.

Lorsqu'il reconnut la voix d'Evelyn, ses yeux s'éclaircir. Il allait par de grands pas à la rencontre d'Evelyn dont le ton était légèrement différent de d'habitude, c'est ce qui le saisit en premier lieu. Perplexe, son regard se fit plus sévère et interrogatif. Aurait-elle abusé de la boisson ? Non, il ne sentait pas d'alcool particulier émaner d'elle.

– Evelyn, il me manque un papier dans mon bureau, j'ai besoin de vous pour le retrouver...

– On s'en fiche ! Il faut s'amuser, ce sont vos fiançailles, c'est le banquet qu'il ne faut pas rater, s'exclamait Evelyn en mimant de grands gestes. 

– Evelyn, c'est un ordre...

– Votre Altesse ne désire donc pas faire mumuse avec moi ? Vous ratez tellement de choses pourtant ! Elle l'interrompit une seconde fois.

Plus il l'examinait, plus il commençait à comprendre qu'un problème se tramait. 

Harlow ne pouvait pas la laisser se ridiculiser de cette manière, il devait l'emmener dans un endroit reclus. Plaçant une main dans le creux de son dos, il la poussait légèrement pour la faire avancer vers les couloirs principaux.

– Evelyn, avez-vous pris des médicaments ? Bonté divine, vous n'auriez pas mélangé des médicaments avec de l'alcool par hasard ?

Si c'était le cas, il devait l'emmener voir un médecin au plus vite. Ce mélange fastidieux pouvait la tuer. Quelle imbécile. Il ne pouvait vraiment pas la perdre de vue. 

Alors qu'il l'assassinait de questions, elle se contentait de rire à cœur joie, comme si chaque fois qu'il ouvrait sa bouche pour l'interroger, c'était pour raconter une plaisanterie.

– Je ne plaisante pas, insistait-il.

Avant d'atteindre les couloirs, Evelyn zieuta les verres des convives, faisant demi-tour pour s'en resservir un. Elle fila à toutes vitesses des mains de Harlow qui croyait l'avoir perdu parmi les froufrous et couleurs. Harlow, abasourdi devant l'état d'Evelyn. Que lui arrivait-elle ? Était-ce une farce ? Si c'était effectivement le cas, cela ne le faisait pas rire — absolument pas même —.

– Du vin !

Visiblement, son état se dégradait, il n'aurait jamais dû la laisser s'enfoncer dans cette foule. N'ayant pas le choix de partir à sa poursuite, en écartant la foule de nobles présents sans s'excuser. Il devait régler un problème plutôt que de se soucier des ballerines vernies qu'il avait écrasées.

– Ne partez pas, Evelyn !

Harlow perçu l'éclat de sa voix au niveau du buffet, traversant la foule, il lui arracha la coupe des mains en voyant qu'elle allait en reprendre. La fusillant du regard, toutefois, cela s'annonçait bien plus compliqué que prévu lorsque Harker fit son apparition aux côtés de sa servante. Harker, le serpent blanc, laissait enfin le bout de sa langue dépasser. Il savait forcément pour Evelyn et son état. Il aurait dû s'en douter depuis le départ. 

Prise de panique, elle ne voyait plus qu'un monstre qui allait la capturer et l'enfermer dans un donjon où elle n'en ressortira jamais. Evelyn vint se faufiler dans la cape de Harlow pour se protéger tel un bouclier de Harker.

– Harker. Quel plaisir de te voir, mon frère... On dirait que le plaisir n'est pas partagé par Evelyn. Tu as une explication, où je dois te traîner devant père avec tes bêtises ? 

Il se raidit un peu brusquement lorsque Evelyn vint se réfugier dans ses bras. N'étant pas habitué à ce genre de contact aussi rapproché, il tentait de ne pas y penser, et posa une main protectrice sur la tête d'Evelyn.

À mesure que les secondes s'écoulaient entre eux comme des minutes, il se rendit compte qu'Evelyn était effrayée comme jamais il ne l'avait vu devant son frère. Son instinct, lui criait que son frère voulait abuser d'elle. 

– Harlow, tu n'as pas quelques papiers qui t'attendent ? Demanda Harker innocemment.

– Jamais. Encore moins maintenant, qu'est ce que tu lui as fait ?

– Oh allez, décrispe toi un peu ! Si toi, tu ne veux pas profiter de ton personnel. Moi, oui. Ce n'est qu'une humaine après tout.

– Mon père aussi était humain. Tu as vu la conséquence de ses actes. Tu veux vraiment te réduire à ça ? Nous réduire à ça ? S'écria-t-il.

Le second prince avait haussé le ton, sous le coup de la colère qui l'envahissait. Désormais, il avait la confirmation de toutes ses craintes les plus sombres : son frère entretenait des relations avec des humaines. Cela le mettait hors de lui que celui-ci s'en fichait, qu'il puisse imaginer que sa mère — aussi la mère d'Harker — avait pu se ficher d'avoir des rapports avec des humains, consentis. Sa mère, n'aurait jamais pu aimer un humain, encore moins, coucher volontairement avec lui, n'est ce pas ? 

– Oh oh, calme toi Harlow. Les autres vont finir par nous entendre. Riait Harker en observant les nobles se retourner vers eux.

Plus les lèvres d'Harker remuaient, plus l'envie de lui sauter à la gorge et de le battre à mort était tentante. La main qu'il avait posée sur la tête d'Evelyn, commençait à trembler. Pas encore. Pas un jour après seulement ! Il ne pouvait pas encore perdre le contrôle. Ses instincts se calmèrent et il dépassa Evelyn pour affronter son frère du regard en cherchant une bonne raison, de ne pas le frapper, là maintenant.

– Je n'en ai rien à faire. Tu me dégoûtes Harker. Tu as tout ce que je n'aurai jamais : une famille, la couronne, des sentiments.

Lâche que tu es, tu choisis encore de gâcher ta vie pour de stupides pulsions de sauvage. Tu es vraiment pathétique. Éternellement derrière moi, malgré tout ce que tu as de plus que moi. 

Le masque d'Harker se brisa comme une brindille posée dans un feu de chaleur pur, en entendant son frère lui dire qu'il serait toujours devant lui. Lui, le prince héritier, l'homme envié pour sa beauté et sa capacité, mais il savait, tout au fond de lui, dans un recoin de son cœur que c'était vrai. Il ne pourrait jamais l'accepter. Ses yeux devinrent bordeaux, et ses canines dépassèrent de ses lèvres charnues et maquillées. La seconde d'après, son poing s'abattu sur le visage de son frère qui ne s'écarta pas assez pour l'esquiver. 

– JE VAIS TE TUER, SALE BÂTARD !

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