— Chapitre 6 —

Notes de l’auteur : /!\ Infos /!\ : Les chapitres de 2 à 9 risquent de changer, notamment avec l'ajout d'un personnage. Je préviendrais du changement

– C'est à cause de cette humaine là-bas !

– Argh, elle me dégoûte.

– Franchement, qu'ils la tuent, cela réglerait tous les problèmes.

– Vous avez vu son état ? On aurait dit un canard boiteux ! 

Les remarques, les rires et les moqueries fusaient dans la salle. Cette humaine en question, au centre de l'attention, c'était Evelyn. Sa tête tournait, sa vue se brouillait, elle tenait à peine debout alors que la nausée la rattrapait pour l'asséner de coups dans le ventre, elle ne tiendrait pas longtemps en restant ici. Bousculant la foule, elle s'enfuyait à travers les couloirs, elle avait besoin d'être au calme, elle brûlait de l'intérieur. 

Alors qu'elle fuyait, le combat devenait plus sérieux...

Harlow se mit à esquiver les attaques agressives et irréfléchies de son frère de justesse à chaque fois. Voilà longtemps qu'il n'avait pas affronté un adversaire d'un tel niveau sous sa forme contrôlée, surtout, quelqu'un ressortant de la même école que lui.

Autour d'eux, les nobles poussaient des grands cris autant de stupeur que d'effroi. Certains étaient tombés au sol, et criaient comme des désespérés, d'autres encore, rigolaient derrière leurs masques d'hypocrites.

Malheureusement, les deux commençaient à se rapprocher d'un coin de la salle. Si Harlow se retrouvait coincé, il allait réellement se faire tuer, il devait contre-attaquer, envers et contre tous. Il saisit le poing de son frère, lancé à pleine vitesse, difficilement, avant de lui mettre un crochet en pleine mâchoire. Harker paraissait dans un si piteux état qu'il ne prit pas la peine d'esquiver. Ce coup ne lui ferait absolument rien, se disait-il. Pourtant, il avait tort de le croire, au moment de frapper sa mâchoire, Harlow sortit son célèbre poignard de sa manche, lu arrachant littéralement une de ses canines, avant qu'il ne soit propulsé contre le mur. Tandis que son frère poussait un cri de désespoir devant le sang qui coulait de sa bouche, il savait que son frère tenait à son apparence par dessus tout. Harker trouvera peut-être une meilleure occupation en pleurant tous les jours au lieu de s'attaquer aux jeunes femmes. 

Sonné, ses cheveux laissèrent couler quelques gouttes de sang sur son visage. Malgré son incroyable esquive, liée à son sens de l'observation et ses réflexes surentraînés. Harlow ne parvint pas à éviter tous les coups. En voulant se relever, il se rendit compte que son épaule était peut-être déboîté, en plus de ses nombreuses blessures, il avait l'impression d'avoir été broyé. Pourtant, il zieutait la foule, mais le visage d'Evelyn demeurait introuvable. 

Lorsque les gardes essayaient de maîtriser le prince Harker, inconsolable. Le banquet signait sa fin, le spectacle était terminé. Il était impératif de retrouver Evelyn, qui sait ce qui pouvait lui arriver d'autre. 

Titubant dans les couloirs, elle pensait s'être perdue, ne reconnaissant même plus l'endroit, elle semblait tourner en rond. Sa vision devenait de plus en plus trouble ce qui ne l'empêchait pas de se prendre un mur ou un deux. Heureusement pour elle, Harlow pu la retrouver grâce à sa vive voix.

– Si je continue par là, je dois arriver chez moi. Hum, oui, c'est ça. Elros est peut-être là ou maman. Se parler à elle-même ne l'aiderait pas à retrouver son frère, peut-être que si elle criait... Elros ! 

Manquant de se prendre un troisième mur en pleine figure, le prince s'empressa de la tirer par le bras en la secouant un peu, cela pouvait éventuellement la sortir de son état. Ni une ni deux, Evelyn prit peur pensant que Harker était à ses trousses, elle se débattu pour prendre ses jambes à son cou. Parcourant les couloirs, elle cherchait un endroit pour se cacher, cela lui rappelait drôlement ses parties de cache-cache avec son frère. La jeune femme trouvait cette petite course plutôt amusante. Harlow n'avait pas fini de se reposer alors qu'il était déjà bien amoché devait courir après elle, pourquoi se donnait-il autant de mal ? 

Au bout du compte, il réussit à l'attraper alors qu'elle vagabondait paisiblement.

– Evelyn ! Fit-il essoufflé. Vous êtes insupportable. Venez avec moi... 

Ébahie, elle le fixait avec ses grandes perles bleues, la cherchait-il ? Confus, il s'impatientait. 

– Qu'il y a-t-il ? 

– Vous avez une affreuse mine. 

Évidemment qu'il en avait une ! Il venait de se battre avec son demi-frère jusqu'au sang, il ne pouvait pas être plus présentable que ça. Harlow poussa un soupir, il dépassa Evelyn pour se diriger vers sa chambre, tant pis si elle ne le suivait pas. Il estimait en avoir fait assez, il était épuisé. À sa grande surprise, Evelyn marchait à petits pas derrière lui en titubant, l'euphorie s'éteignait pour ne devenir qu'un amas de nausée et de chaleur. 

D'une dernière force, Harlow ouvrit la porte, laissant passer Evelyn devant lui. Celle-ci entra avec une certaine idée en tête, elle se rapprochait des fenêtres, saisissant leur poignée pour permettre à l'air de s'échapper. Seulement, vu l'équilibre et le manque de sens qu'elle avait, elle pourrait se pencher un peu trop en avant puis mourir. 

Le prince écarquilla les yeux en la voyant faire, aussi vite qu'un l'éclair, il attrapa Evelyn en passant un bras autour de sa taille pour l'empêcher de se débattre. 

– Reprenez-vous, bon sang !

– Lâchez-moi, protesta Evelyn, j'ai chaud !

En quelques mètres, ses dernières forces l'avaient quitté. Perdre du sang aurait été bien trop gentil, c'était son essence même qu'il avait l'impression de laisser derrière lui. Les yeux pratiquement clos, il s'obligeait à garder le masque une fois de plus. Tout comme hier, avant-hier, quand avait-il commencé à renier ses sentiments ? Peut-être lorsqu'il avait tué son amie, peut-être lorsqu'il avait tué ces hommes, il commit tellement de meurtres, d'actes barbares qu'aucun océan ne pouvait accueillir tout le sang que contenaient ses mains. C'est comme si, avant que ses ennemis ne partent se reposer, ils avaient arraché un morceau de son être, son essence pour ne jamais les lui restituer. Son innocence avait été la première à partir, à être brisée ; ne laissant qu'une petite graine, privée de lumière malgré le soleil qui brillait intensément, étouffée et recouverte d'une terre qui ne la laissait pas respirer. Un jour, elle s'était résignée à évoluer dans un monde qui essayait de le tuer sans espérer faire fleurir un bourgeon, seulement survivre.

Le regard éteint, vide, dénué de tout sentiment, il s'écroula sur son lit. Harlow tentait de comprendre, d'admettre qu'il avait blessé son frère en se demandant, combien de personnes, il devrait encore tuer, avant que quelqu'un ne lui offre ses bras. À faire couler le sang, il ne s'arrêtait jamais. Jamais, il ne s'était reposé.

Petit à petit, il avait écarté les personnes qu'il considérait comme importante pour lui.

Maintenant, il doutait. Il doutait de tout, et de tout le monde : surtout de lui. Était-il vraiment sûr que sa mère n'avait pas été consentante ? En réalité, elle aurait très bien pu se jeter sur lui comme Harker sur Evelyn. En y repensant, cette mère si "douce" et si "gentille", avait-il vraiment vu de l'amour dans ses yeux ? 

Il n'entendait même plus Evelyn, par peur de craquer s'il lui accordait une seconde d'attention. Pour une fois, il aurait voulu être sourd plutôt que d'entendre dans ses paroles si innocentes lui murmurer, qu'il avait toujours quelqu'un près de lui. Alors qu'il ne méritait rien, ses employés respectaient ses choix, ses mauvaises humeurs. Ils pouvaient être les premiers à lui planter un pieu dans le cœur. Le cuisiner avait cuisiné tous les jours alors qu'il ne mangeait trois fois rien, le jardiner avait coupé les fleurs de son jardin chaque jour alors que cela faisait des années qu'il n'y était pas allé, les serviteurs avaient préparé ses vêtements chaque jour pour les revoir, tachés de sang. Le garde devant sa chambre, il ne lui avait jamais rendu son sourire, alors que celui-ci n'avait jamais arrêté de lui envoyer des bonnes ondes, pour égayer son visage froid. Il en oubliait sûrement d'autres.

– Votre Altesse ! S'écriait Evelyn qui l'avait interpellé au moins cinq fois. 

Ses yeux s'écarquillèrent, il oubliait le principal. Harlow se redressa pour faire face à Evelyn. 

– J'ai la tête qui fait des tours sur elle-même. Vous n'avez pas mal vous ? Si vous avez mal dites "aïe" et si vous avez très mal dites "j'ai mal". 

– C'est ridicule, vous devez dormir. 

Au même moment, les gouttes de pluie surgirent, les fenêtres laissées ouvertes permettaient leurs passages. Lorsqu'Evelyn s'en rendit compte, elle paniqua en se ruant sur elles pour les refermer.

– Ah ! On va s'inonder ! Vite ! 

– Je vous en prie Evelyn, calmez vous, c'est déjà bien trop épuisant de vous supporter en temps normal.

Harlow se releva, il la confronta avec un regard plus sévère, il l'aurait bien renvoyé dans sa propre chambre s'il n'y avait pas Harker. Et puis, il doutait qu'elle se rappelle du chemin vu son état. Il ne possédait donc pas d'autres choix. 

– Allongez-vous dans mon lit, cessez de jacasser autant et par pitié, dormez.

– Mais ! Je ne veux pas dormir... Je suis certaine qu'il y a une part de bonté en vous.

Son regard insistant fit céder Evelyn qui se dirigea vers son lit. Tant pis, ces draps ont déjà été salis par son sang, il les fera changer demain à la première heure. Ne quittant pas d'un œil Evelyn, il s'assura qu'elle s'allongea définitivement et qu'elle ne quittait plus son lit. Ramenant une chaise pour s'asseoir près du lit, il l'observait, replongeant dans ses pensées, Harlow lui marmonnait à voix basse :

– Evelyn, je ne me répéterai jamais. Vous êtes une bonne personne, je pense. Et si... Si je suis aussi mauvais avec vous, c'est parce que je suis peut-être un peu stupide, mais aussi parce que je vous en veux. Je me le demande souvent, pourquoi est-ce que votre vie à un sens ? Vous allez jusqu'à travailler pour un individu qui pense uniquement à vous envoyer au casse-pipe. Qu'est-ce que cela fait à avoir envie de protéger quelqu'un ? Qu'est-ce que cela fait de vivre ? De pouvoir rire sans repenser aux familles de vos victimes qui ne pourront plus jamais le faire à cause de vous. Je vous en veux de pouvoir ressentir ce que je ne comprends pas. Vous... Vous ne pouviez pas aller voir ailleurs, sérieusement ? Je me ridiculise à cause de vous.

Il était mort si elle s'en souvenait. Quelque part au fond de lui, ne désirait-il pas qu'elle sache qu'il avait besoin d'aide ? En réalité, il n'avait jamais cessé de le dire. Simplement, elle l'avait enfin entendu. Elle avait su le trouver parmi tous ses faux-semblants l'entendre alors que lui-même ne s'entendait pas. C'est pour cela qu'il ne pouvait pas, la faire fuir, car il ne la retrouverait pas. D'un coup d'œil discret, il remarqua qu'elle s'était assoupie depuis un bon moment, tant mieux.

– Excusez-moi.

Sur ces mots, Harlow quitta sa propre chambre pour se rendre là où il prenait l'habitude de se rendre pour échapper aux bruits et autres membres du personnel. Il ne dormait pas, il n'en avait pas besoin. Ce soir, il souhaitait rester seul.

Encore une fois, ces événements venaient tourmenter son esprit et n'avaient pas fini de le torturer. Si seulement, les affaires étaient plus simples. 

Les semaines qui suivirent la Bataille de Minuit, les rumeurs ne parlaient plus que de Harker. Personne n'était passé à côté du terrible massacre, une canine en moins : c'était comme s'il lui manquait une part de vampire. Il devait se rendre à l'évidence, il connaissait son frère mieux quiconque, il n'allait pas raconter que son bâtard de frère lui avait causé ce dégât. Bien au contraire, il prit cette excuse pour encore et toujours se vanter de sa suprématie en justifiant cette blessure comme un combat périlleux qu'il a entretenu avec l'un de ces soldats du Royaume du Nord. Tout le monde l'acclamait pour sa soit-disant bravoure alors qu'il se morfondait chaque soir en repensant à sa petite canine de lait. 

Loin des complications, Harlow eut le temps de se ressaisir et reprendre ce qu'il avait mis de côté. En étudiant plusieurs textes, Harlow ne cessait de se questionner pour trouver l'origine de cette bête. Ainsi, il avait tourné en rond pendant très longtemps, ne sachant pas par où commencer. Il s'énervait pour recommencer encore, il ne pouvait pas laisser cette chose lui filer entre les doigts, il devait savoir. Les gardes avaient abandonné depuis un moment leurs recherches. Le plus étonnant, c'est que Harlow pensait tout connaître alors qu'il se trompait sur toute la ligne dès le départ, dès leur apparition : le mythe de leur création. 

Il jurait avoir lu des centaines de fois que les vampires existaient depuis la nuit des temps, ils se terraient simplement en attendant d'obtenir plus de pouvoir. Pourtant, ce qu'il avait trouvé s'avérait au-delà de ses attentes, seulement plus de la moitié était illisible. Étrangement, la famille des Fardell possédait un lien avec cette histoire. Lors de son inspection, il trouvait plusieurs documents avec le nom, hommes en rouges" inscrits. Harlow s'en voulait de les avoir assassinés alors qu'il détenait ses réponses en face de lui. Parmi tous ces documents, un autre nom ressortait davantage celui d'un certain "Monded"... Se rendre aux archives prenait tout son sens, là-bas, il existait des manuscrits bien plus complet que ceux qu'il avait sous la main. De plus, aucun de ces livres n'avaient été censurés, on pouvait même retrouver les livres d'auteurs humains.

Désormais, il ne lui restait plus qu'une dernière tâche à accomplir : réveiller Evelyn. Sans prendre soin d'ouvrir la porte avec délicatesse pour ne pas la réveiller trop brusquement, il avançait comme un éléphant vers son lit pour saisir le haut de sa couette et la jeter par terre.

– Debout, il n'y a pas de temps supplémentaire pour les paresseuses.

Harlow se dirigea vers les rideaux. Il les tira d'un coup sec pour laisser le soleil pénétré la chambre, Evelyn qui dormait paisiblement se fit aveuglé par la lumière. À moitié endormie, de longs cernes dessinés sur son visage, elle se remettait à peine de sa nuit du moins sa sieste. Ces derniers temps, le Second Prince sollicitait particulièrement son aide, les vampires plutôt occupés la nuit et le jour, ils ne dormaient que très peu certains voire pas du tout. De ce fait, Evelyn veillait jusque très tard, il semblait difficile pour elle de tenir un tel rythme sur une longue période, ne sachant plus quand se coucher ni se réveiller, pour les repas l'histoire se répétait : sautant la plupart de ses repas, elle mangeait parfois qu'une fois par jour, deux quand elle avait de la chance. Comme si ce n'était pas suffisant, elle devait s'entraîner physiquement le matin et devait être capable de tenir la journée en mangeant une fois en plus de veiller très tard. 

– Je ne devrais pas avoir à faire cela. Je ne suis pas votre mère pour vous bercer chaque matin. Dépêchez-vous, soyez là dans cinq minutes, dehors.

Lorsqu'il s'éclipsa Evelyn put souffler un bon coup avant de redresser pour se préparer. Elle s'était enfin remise de toutes ses blessures, il ne restait plus que des cicatrices apparentes. Aussi vite que son corps le permettait, elle dévala les escaliers pour se présenter au prince. 

Perplexe, il observait sa servante qui n'avait pas l'air moins étrange qu'hier. Écartant ses pensées d'un vif mouvement de tête, il se mit à marcher en direction de la ville, s'il continuait à se préoccuper du moindre maux qui la touchait, il y perdrait la vie. Marchant à grands pas, il n'avait pas une seconde à perdre.

– Nous nous rendons aux Archives. Vous allez m'aider à trouver certains documents. Le nom "Monded", vous dit-il quelque chose ? 

Même si plusieurs classes sociales les séparaient, il posait toujours la question, chaque réponse pouvait les aider.

– Non, non... Je ne crois pas.

Evelyn suivait difficilement ses pas, trop grands et vifs pour elle. Harlow jeta un regard interrogatif à Evelyn, son état ne paraissait pas s'améliorer. De plus, il la trouvait terriblement pâle bien plus que les autres jours. Serait-elle traumatisée par les récents événements ? Depuis le banquet, ils n'avaient pas rediscuté de cette soirée, elle n'avait plus aucune euphorie excessive après ce verre, l'effet s'était dissipé. Même s'il admettait que les premiers jours suivants, elle se sentait encore très nauséeuse.

– Ce soir-là, lorsque vous avez pris la fuite, mon frère et moi, nous nous sommes battus. Faites en sorte de ne plus vous trouver près de lui, surtout quand je ne suis pas là. Un homme désespéré est la pire chose à craindre. 

Evelyn remonta son regard, intriguée, elle ne comprenait pas pourquoi il disait toutes ces choses si soudainement. La soirée était passée, voilà tout. Sa soi-disant prévention était, sans aucun doute, inutile, comme si elle faisait exprès de tomber sur lui à chaque fois, c'était sa faute en plus ? 

Harlow ne la quittait pas du regard, il se contraignit à s'arrêter pour prendre réellement connaissance de son état, elle devait se reposer. Sa pitié était trop tiraillée pour continuer à la regarder se traîner comme un cadavre. Peut-être, avait-elle faim ? C'est vrai qu'il ne la voyait pas souvent manger. Était-ce, la cause de son état ? Bien sûr, si elle n'était pas morte le jour de ses fiançailles, c'était pour le faire de façon plus dramatique aujourd'hui. 

– Nous allons nous arrêter quelque part, quelques minutes. Suivez-moi. 

Le prince saisit un de ses poignets et la conduisit vers une auberge. La laissant s'asseoir sur un des sièges présents au bord du comptoir, il s'assit avec tant dégoût, se préparant à être assiégé par la peste. Ses oreilles ne pouvaient déjà plus supporter les rires gras qui résonnaient ici, son expression se durcit instantanément. 

– Prenez quelque chose.

– Je n'ai pas faim, merci. Votre Altesse, vous êtes certain que tout va bien ? 

Sans parler de son état, celui du prince paraissait encore plus étrange que le sien. Depuis quand se préoccupait-il du sien ? 

– Ma personne ne vous concerne pas, Evelyn. Vous feriez déjà mieux de prendre soin de vous, avant de me donner des leçons. 

Fronçant les sourcils devant ses remarques, comme s'il était un petit-enfant perdu qui avait besoin d'être guidé.

– Qu'est-ce que vous pouvez être borné ! Lui faisant la remarque, agacée.

Elle s'énervait encore, cela lui avait peut-être un peu manqué de voir cette minuscule crevette, tenter d'effrayer son ombre d'ours. 

En prononçant ses derniers mots, il s'était rendu compte qu'il avait été sec. Elle n'avait sûrement pas de mauvaises intentions.

– Je dois aller régler quelque chose. Je vous arrête avant que vous ne me demandiez quoi que ce soit, c'est à titre personnel. Prenez au moins quelque chose à boire, je reviens vite. 

En réalité, il devait aller récupérer ce qu'il avait laissé chez le couturier. Au plus vite, car il craignait que certains vautours, ne volent trop près de sa robe en dérobant quelques raretés. De toute manière, il ne serait qu'à quelques mètres d'elle, le couturier se trouvait en face. Il se leva en soupirant avant de lui adresser un regard sévère. Evelyn avait intérêt à rester bien sage — qu'elle ne se fasse pas enlever, par exemple — pour ne pas perdre plus de temps.

– Faîtes attention, ou vous aurez à me craindre, moi. 

Au loin, un individu que Harlow sentait les observer, une horrible cicatrice sur son front était apparente. C'était assez habituel qu'on lui jette des regards pareils. Il se demandait s'il n'était pas parfois paranoïaque, non, il devait penser au sourire que lui offrirait Evelyn en voyant sa robe.

Immédiatement, après que Harlow quittât l'auberge, l'être balafré se leva, et venu s'installer à un siège d'Evelyn puis commanda un verre, regorgeant d'une liqueur bordeaux en pointant Evelyn discrètement. Il en profita pour glisser à l'oreille du serveur, quelques mots qui auraient été vides de sens, même si Harlow les avait entendus. Il glissa une carte dans sa main avant de se murer dans le silence. Quelques secondes, plus tard, le verre de madame fut avancé, dont le socle, était blanc comme neige, décoré d'une inscription qu'on aurait pu croire, écrite avec du sang.

« Méfiez-vous des êtres carmins. »

– Cadeau d'un de vos amis, mademoiselle. Il paye pour vous. 

De l'autre côté de la rue, Harlow n'était pas vraiment de la meilleure des humeurs dans la boutique de cet incompétent. Il devait simplement récupérer la robe, mais voilà qu'il l'étudiait sous toutes ses coutures, la robe qu'il avait légèrement modifié — un peu beaucoup — voire trop.

– Cela me semble correct... Dire que vous êtes le couturier de mon frère. 

Arriverait-elle seulement à porter cette chose ? Elle, seule avait l'air de valoir plus cher que le trésor de la famille Royale ! Il allait se faire voler sa servante si on la voyait vêtue dans cette robe, il en était certain. Pourtant, ne serait-elle pas heureuse de recevoir un aussi beau cadeau ? Il essayait d'imaginer son sourire, mais il ne serait jamais aussi lumineux que celui qu'elle afficherait ce jour-là. C'était seulement une façon de ne pas incendier du regard, le couturier qui avait l'air de vouloir se liquéfier pour lui échapper.

Voilà quelques minutes, déjà qu'il étudiait cette robe de haut en bas, et de bas en haut à la recherche du moindre petit défaut : un fil mal coupé, une décoration mal cousue ici et là. À chaque fois qu'il en trouvait une, il le faisait remarquer au couturier, de la manière la plus agréable possible bien entendu. Celui-ci s'empressait de remettre tout en place, toutefois, sa patience s'effilochait bien plus vite qu'il réparait. Alors il se forçait à penser à Evelyn, au fait qu'elle ne soit pas ravi d'apprendre qu'il avait menacé quelqu'un pour lui offrir une robe parfaite.

Alors que des idées de torture plus originales les unes que les autres, menaçaient de s'échapper de ses pensées pour atterrir sur ses lèvres. Elles s'étaient simplement rassemblées dans son regard, si bien que le couturier, lui avait paru vraiment très pâle au moment de régler de quitter sa boutique. Au final, il avait eu le droit à une seconde réduction, quelle chance il avait. Quelques minutes, plus tard, après qu'il ait convenablement plié la robe dans un nouveau paquet mille fois plus beau, il sortit de la boutique, satisfait.

– Attendez ! Qui est-ce cet "ami" ? Demanda Evelyn. Qu'est-ce qu'il y a dans ce verre ?

Le serveur l'ignora totalement en continuant de vaguer à ses occupations. 

L'inconnu assit non loin d'elle, releva la tête de sa liqueur pour lui jeter un regard en coin, un sourire malicieux aux lèvres. Il se leva, abandonnant sa boisson pour s'asseoir à côté d'elle. Il voulait être sûr, que son chien de garde, n'allait pas revenir tout de suite. Cet Harlow, il le détestait à en crever. Evelyn, c'était différent. Il la connaissait, la voyait depuis longtemps déjà. Aujourd'hui, il avait retrouvé sa trace.

– C'est du sang. Je voulais tester ta méfiance. Excuse-moi. La carte est de moi aussi, laisse moi t'expliquer avant de dire quoi que ce soit, s'il te plaît. 

Ses yeux dorés se logeaient dans les siens, il lui priait du regard de bien vouloir l'écouter, même s'il pouvait paraître un peu effrayant avec toutes ses cicatrices, il ne lui voulait aucun mal. Seulement, impossible de tout lui révéler au risque de la traumatiser une bonne fois pour toutes. Peut-être un autre jour s'il ne se faisait pas tuer avant...

– Il y a aussi les hommes en rouges, fuis les si tu ne veux pas crever.

– Arrêtez-vous. Qui êtes-vous pour me parler ? Et je n'ai que faire de vos histoires, du sang vous dites...

Sur les nerfs, elle fixa le verre à moitié rempli avec dégoût. Son charabia la laissait indifférente, encore un fou qui cherchait de l'attention. Evelyn se releva en prenant son verre en main avant de lui jeter à la figure, le dévisageant, elle poursuivit : 

– Reprenez votre sang !

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