- Bref, tout ça pour dire que je vais partir, conclue Dan.
Debout au milieu du studio de répétition, Clément, Sol et Sarah l’écoutent expliquer que sa femme a besoin de changer d’environnement et que sa carrière à lui aurait bien besoin d’un petit renouveau.
-Je laisse la place Sol, tu dois être content.
Sol s’approche sans rien dire puis lui serre la main.
- Ce qui m’importe c’est que Léa soit heureuse dit-il.
Il n’a pas pu s’empêcher de faire une remarque. Dan le regarde, il ne sait pas comment réagir. Sol ne sourit pas mais c’est comme si son ami avait perçu le sous-entendu provocateur de sa remarque. Dan choisit de faire comme si de rien n’était.
- Ce soir on boit au départ de Dan, et à sa nouvelle vie qui commence ! S’écrie joyeusement Clément.
-Oui mais pour le moment on a une répétition je vous rappelle, râle Sarah. Et du coup tout le monde est mis à contribution pour trouver un nouveau bassiste, sans ça on n’y arrivera pas !
-Bien capitaine, répond Clément en riant.
Sarah est contrariée. Recruter un nouveau membre pourrait prendre beaucoup de temps. Elle règle son pied de micro et passe la sangle de sa guitare autour de ses épaules. Elle a teint ses longs cheveux crépus en roux flamboyant, ce qui ajoute encore à sa présence magnétique. Sol finit d’accorder sa guitare, Clément donne le tempo en tapant ses baguettes les unes contre les autres, lorsqu’un téléphone sonne.
-Putain Sol tu pourrais couper ton téléphone ! Rugit Sarah.
-C’est bon excuse-moi j’ai oublié.
Il jette un œil sur l’écran, ses yeux s’écarquillent de surprise. C’est sa mère. Il marmonne une excuse et sort de la salle de répét’ sous l’œil agacé de Sarah qui jure que vraiment personne ne prend ce groupe au sérieux. Il colle le portable à son oreille.
-Maman ?
-Sol ! Mais qu’est-ce que tu as encore fait !? Tu as perdu la tête ?
******
Farah est terrorisée, la petite fille la montre toujours du doigt. Au loin on entend la clameur de la foule qui recherche la petite servante pour la livrer à Parham. Farah ne sait plus quoi faire. Prise de panique elle s’enfuit par la fenêtre de derrière. Elle court longtemps le long du chemin, elle ne se retourne que pour apercevoir sa cabane en train de brûler au loin. Elle pleure, mais elle continue de courir. Si bien qu’elle n’aperçoit pas l’homme qui se tient devant elle et lui rentre dedans.
-Oh, dit l’homme en la rattrapant avant qu’elle ne tombe, attention à toi ma petite !
-S’il vous plait cachez moi ! Implore Farah. Tout le village me cherche et s’ils me trouvent… ils me tueront !
Elle tourne son visage vers celui de l’inconnu. Une lueur de surprise passe dans le regard de ce dernier. Il ouvre un des paniers posé dans sa charrette et ordonne à Farah de s’y cacher.
Sans réfléchir, Farah se précipite dans le panier, soulagée d’échapper aux villageois. Elle ne voit pas l’homme fermer le panier de sorte qu’elle ne puisse pas s’en échapper.
*******
Le jeune homme n’a aucune idée de ce dont sa mère l’accuse. La conversation n’a aucun sens.
-Mais…de quoi tu parles ? Et puis tu es où là ? Demande Sol.
-Mais enfin je suis toujours à l’hôpital !
-A l’hôpital ? Mais qu’est-ce que tu fais là-bas ?
- Je suis au même endroit où tu m’as vu il y a deux jours, je n’ai pas bougé ! Arrête tes conneries maintenant ! Hurle sa mère au téléphone.
Sol se frotte les yeux. Il n’y comprend absolument rien. Il ne s’est certainement pas rendu à l’hôpital pour y voir sa mère il y a deux jours, il s’en souviendrait…Il se demande si sa mère n’a pas complétement perdu l’esprit. Il l’entend soupirer à l’autre bout du fil.
-Tu te drogues c’est ça ? Tu étais un peu bizarre l’autre jour…c’est pour ça que…
-Mais non je ne me drogue pas, la coupe brutalement Sol, je ne suis pas venu te voir ! Je passe tout à l’heure on réglera ça.
-Non ! Ne…
-A tout à l’heure, l’interrompt-il rageusement.
Il raccroche son téléphone. Il ne comprend rien et comme à chaque fois que ça lui arrive, ça l’énerve au plus haut point. Il prend une profonde inspiration et retourne dans la salle. Les autres, qui l’ont entendu crier au téléphone, le regardent sans rien oser dire.
-Si tu dois y aller vas-y, dit timidement Sarah.
-Non c’est bon tout va bien, répond Sol en passant la sangle de sa guitare sur son épaule. On y va ?
1, 2, 3, 4 !
*******
Le marchand ouvre le panier pour que Farah puisse en sortir. Ils se trouvent dans une petite cave sombre et froide. Farah n’aperçoit aucune fenêtre. Elle n’a aucune idée de l’endroit où elle est. Elle est un peu nerveuse, mais pour ne pas paraitre ingrate elle dit :
-Merci monsieur, je ne pourrais jamais assez vous remercier !
Le marchand lance un regard mauvais à la jeune fille.
-Ne dis pas des choses que tu ne penses pas. Dans quelques temps tu souhaiteras ne jamais m’avoir rencontré…
A cet instant deux autres hommes entrent dans la pièce. Ils posent sur Farah un regard qu’elle n’avait jamais vu auparavant. C’est comme une lueur carnassière dans leurs yeux.
-Qu’est-ce que tu nous ramènes là ? Demande l’un d’entre eux d’une voix faussement douce.
-De la compagnie… répond le marchand.
En disant ces mots il pousse Farah qui se retrouve au sol, le visage dans la poussière. Il pose un genou sur son dos et lui attache les mains.
Farah se débat, le marchand lui glisse un morceau de tissu dans la bouche pour étouffer ses cris.
-Tiens-toi tranquille ! A moins que tu ne veuilles qu’on rameute tes poursuivants par ici ?
Les larmes commencent à couler le long des joues de la jeune fille. A travers ses larmes, elle voit que l’un des deux autres hommes est en train d’enlever son pantalon.
*****
Sol ouvre la porte de la chambre qu’on lui a indiquée. Il aperçoit immédiatement sa mère. Son cœur rate un battement dans sa poitrine. Le visage de celle qui l’a élevé est méconnaissable. Ses yeux d’ordinaires si petits et délicats sont gonflés et suintants, leur contour est violacé et l’arcade sourcilière est rougie d’avoir probablement trop saignée. Un bandage très serré entoure une partie de son crâne.
Sol s’approche sans rien dire. Sa mère dort. Sous la minerve que Sol écarte pour regarder, des marques de doigts d’un bleu profond son imprimées sur le cou pâle.
Sol serre les poings, il sent son sang bouillir dans ses veines. Il attrape de ses doigts tremblants de rage, la main de cette femme qu’il peut à peine reconnaitre. Le mouvement la réveille. Elle ouvre les yeux et reconnait son fils. Elle laisse échapper un cri de surprise.
-Sol ! Tu n’aurais pas dû venir !
Au loin dans les méandres des couloirs de l’hôpital, on entend des voix s’indigner :
-Il est ici ?! Comment avez-vous pu le laisser monter ! Aller le chercher !
La mère de Sol le regarde d’un air grave et serrant sa main plus fort.
-Tu ne peux pas rester ici, sauve-toi avant qu’ils n’arrivent !
-Mais qui ? Je ne comprends rien !
- On n’a pas le temps maintenant, va-t’en Sol je t’en prie !
Dans le couloir on entend distinctement des hommes courir et bousculer des chariots de matériel. Les infirmiers poussent des cris indignés. Sol voit sa mère lui jeter un regard implorant, il décide de lui faire confiance et sort précipitamment de la chambre.
-C’est lui ! Hurle un policier au bout du couloir. Va vérifier si la mère va bien dit-il à l’adresse d’un autre.
-Arrêtez-vous ! Crie un autre.
Sol s’enfuit à toutes jambes.