Il slalome entre les chariots chargés de médicaments et le matériel en travers de son chemin. Arrivé au bout du couloir, il dévale un escalier, descend sur plusieurs niveaux, puis traverse d’autres couloirs avant de redescendre ensuite dans une autre aile du bâtiment. Une fois sorti de l’hôpital, il sait qu’il les a semés. Pourtant il ne peut s’empêcher de courir à toutes jambes jusque chez lui.
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Farah écoute attentivement le souffle des hommes qui sont affalés sur elle. Il leur aura fallu du temps mais ils dorment enfin.
Farah ne veut pas penser aux heures qui viennent de s’écouler : lentes et douloureuses. Elle les refoule dans un coin de sa tête. Pour le moment elle doit trouver un moyen de s’enfuir. A force de se débattre, ses liens se sont desserrés. Ses poignets sont en sang à cause du frottement de la corde mais elle force encore plus dessus afin de dégager ses mains. Sur le lit où le corps des 3 hommes et le sien sont enchevêtrés, on n’entend qu’un ronflement sourd.
La tâche est difficile, malgré ses efforts, Farah frissonne. Elle se souvient des mains sales de ces hommes répugnants sur elle. L’un qui lui tient les jambes, l’autre qui maintient ses bras. Leurs bouches immondes lécher sa peau fine.
Elle secoue la tête pour chasser ces images et continue à frotter ses poignets pour dégager ses mains.
« Allons, une grande fille comme toi…tu devais bien apprendre un jour à connaitre les hommes, tu devrais nous remercier, on fait ton éducation… »
Le sang de Farah commence à bouillir, comme lorsqu’elle avait découvert la trahison de ses parents. La sensation familière mais lointaine prend le dessus. Elle perd patience et tire violemment sur ses poignets. Victoire ! Ses mains sont libres, mais en sang. Elle dégage ses cheveux collants et poisseux de son front, elle se souvient de la sensation de l’homme forçant un passage entre ses cuisses. Les souvenirs l’assaillent par flash, tout son corps semble irradier de haine. Elle tient sa tête entre ses mains, se barbouillant le visage de son propre sang.
Elle soulève les membres sales de ses assaillants puis parvient à se dégager du lit.
Elle est libre ! Elle pourrait partit. Elle devrait partit…mais sa rage est telle qu’elle sent que sa tête va exploser. Elle revoit le sexe dur et gonflé s’imposer dans sa bouche, les ricanements des hommes devant son innocence bafouée. Sa vision se trouble. Elle se tient le crâne entre les mains. Son cerveau brûle, elle entend une voix. Sa propre voix, hurler dans sa tête.
« Fais les payer… TUE-LES ! »
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Sol se réveille en sursaut. La bouteille vide roule sur le sol. Il attrape la deuxième et descend le quart de son contenu. Il s’était assoupi, complétement abruti par l’alcool. Son cerveau est pourtant bien occupé. Il a beau repasser la scène dans tous les sens, il ne comprend pas. Qu’est-il arrivé à sa mère ? Est-il vraiment allé la voir sans se souvenir ? Pourquoi est-il recherché par la police ?
Il ne sait pas quoi faire pour obtenir des réponses. Cela fait plusieurs heures qu’il a quitté l’hôpital, la nuit est tombée. Par la fenêtre il regarde les lumières de la ville. Sa vue n’est pas claire. Cette fois il a vraiment forcé sur la bouteille. Son cerveau joue du tambour contre son crâne.
Sol repense à ses mains abimées mystérieusement quelques jours auparavant. Il avait sans nul doute frappé quelqu’un…aurait-il…fait CA à sa mère ? Il se met dos à la vitre, le froid sur son dos nu l’apaise un peu. Il sent qu’il perd pied, il n’a plus le contrôle. Sa mémoire ne lui appartient plus. Il sent petit à petit comme un étau noir se resserrer autour de lui.
Toc toc.
Quelqu’un frappe à la porte. Sol jette un œil à sa montre, il est plus de 2h du matin.
Méfiant mais très éméché, il crie.
-Qui est là ?
Il entend la voix de Dan lui répondre.
-C’est moi.
Dan. Sol n’a vraiment pas envie de le voir maintenant. Dans son état il pourrait rompre sa promesse et parler de sa partie de baise avec Léa.
-Va-t’en dit Sol d’un ton las.
-Je dois te parler c’est important.
Sol soupire et se lève pour ouvrir la porte. Sa vision brouillée l’empêche de bien voir. Mais ce n’est pas Dan sur le pas de la porte. Une main froide se plaque sur sa bouche, son interlocuteur se glisse derrière lui, l’entraine avec une force surprenante à l’intérieur de l’appartement et referme la porte d’un coup de pied.
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Farah a repéré un récipient en verre, elle s’en saisit et le fracasse sur contre le mur. Elle ramasse le plus gros tesson. Elle réussit à assommer deux des hommes avec une lourde pierre qu’elle n’a eu aucun mal à soulever. Elle ligote le troisième sur le lit et lui glisse son propre bâillon dans la bouche. L’homme écarquille les yeux de terreur. Dans la pénombre de cette cave sale, lieu de perversion, Farah se tient devant lui, nue. Ses longs cheveux noirs sont collés par la sueur et la poussière sur son front, elle est couverte de son propre sang. Dans la main elle tient son tesson de verre…et elle lui sourit.
Farah ne saurait dire ce qui la guide. Elle ressent juste la colère et le sang noir bouillir dans ses veines, c’est une douleur insupportable. Elle sait au fond d’elle-même que la douleur se taira lorsqu’elle aura tué ces hommes. Avec une précision chirurgicale et un visage dénué de toute émotion, elle plante le tesson de verre dans l’artère fémorale de l’homme et observe lentement le liquide rouge quitter le corps de son propriétaire. Celui-ci se débat et roule des yeux en comprenant comment tout cela va se terminer pour lui.
A mesure que le sang s’écoule sur le sol, Farah reste impassible. Elle promène le tesson de verre rouge de sang sur le corps de l’homme. Elle attarde la lame sur le sexe de son agresseur. Elle sourit puis relève la tête pour le regarder dans les yeux. Elle enlève le bâillon.
-Je t’en prie ne fais pas ça, je ne veux pas mourir !
-Il fallait y penser avant, répond Farah d’une voix neutre.
-Petite fille ne me tue pas, tu as bon cœur je le sais, je…
L’homme s’interrompt. La fureur de Farah se peint sur son visage, ses yeux s’obscurcissent jusqu’à devenir d’un noir profond. Dans la pièce, il a l’impression que la température a chuté de plusieurs degrés.
-Je ne suis plus une petite fille par ta faute ! Rugit-elle. Tu as pris mon innocence, je prendrai ta vie !
Devant le spectacle des yeux noirs, l’homme bredouille.
-Kali…c’est toi…Kali, la déesse de la destruction !
Farah sourit. Le nom lui plait.
-Kali…oui c’est joli dit-elle en souriant gentiment.
Puis elle plante le tesson de toutes ses forces dans le ventre de l’homme qui se met rapidement à cracher du sang puis à ne plus bouger du tout.
Farah est à genou dans la flaque de sang, dans un état second contemplant son œuvre quand elle sent un violent coup sur sa tête, puis plus rien.
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Sol retrouve ses esprits. Il est attaché sur son lit comme il a déjà attaché plusieurs filles pour jouer, en étoile. Il entend quelqu’un qui s’agite dans la cuisine et revient dans la chambre.
-Salut chéri, j’espère que je ne t’ai pas fait mal.
La jeune femme blonde et élancée qui se tient devant lui a la peau tellement pâle qu’elle a des reflets verdâtres, ses membres sont d’une maigreur extrême, on peut voir chaque os parfaitement dessiné sous la peau. Son visage émacié cependant, est souriant. Sol écarquille les yeux plus d’effroi que de surprise. Il la reconnait. C’est Coralie.