Chapitre 5

Notes de l’auteur : Bonne lecture tout le monde !
Au fait... vous vous demandez peut-être pourquoi il ne faut pas lire Love Is in the Magic tout de suite si vous suivez cette histoire ?....

Le reste du cours se passa sans incident, et, comme j'étais proche de la porte, je parvins à sortir de la classe dans les premiè.res, ce qui me permis de mettre pas mal de distance entre la cohue des élèves et moi. Après un passage en coup de vent à la cafet' pour attraper un sandwich, j'allais me réfugier dans les jardins.

Dès notre tout premier trimestre, Amari et moi y avions découvert un coin qui était rapidement devenu notre base de replis (et accessoirement, mon endroit préféré de toute l'école, avec la bibliothèque).

Situé assez loin de l'entrée, et accessible en utilisant un peu de magie intermédiaire, c'était une zone protégée par un grand Parkia Bigiobosa (ou Néré1) dont les branches nous offrait de l'ombre en été et un abris contre la neige en hiver. Malgré le fait que cet arbre ne poussait normalement pas sous les latitudes de l'école, celui-ci pétait la santé (probablement à cause de la magie circulant dans l'école), et avait gracieusement accepté que nous aménagions l'espace entre ses racines en nid pour manger, étudier et parfois faire la sieste.

Il va sans dire que la période de floraison du Néré était l'un de mes moments favoris de l'année. Au point qu'il m'étais arrivé de sauter certains cours pour y assister. Bon, on va pas se mentir : c'étaient des cours dont je connaissais déjà le contenu. Je suis pas complètement folle non plus. Louper les cours ici, c'est vraaaaiment se tirer une balle dans le pied.

Je vous explique : la totalité des enseignements magiques s'accompagnent d'exercices pratique qu'on a interdiction de reproduire en dehors des cours ou des zones d'études autorisées (dans la bibliothèque ou sur les créneaux réservés par les professeur.es). Ce qui signifie qu'un cours manqué est littéralement irrattrapable, sauf si vous avez une excellente raison et an prof qui a encore de la place dans son emploi du temps pour vous faire un rattrapage.

Quid des absences pour maladies ou blessures me diriez vous ?

Bah... en cas de maladie, sauf si t'as 39° de fièvres et aucuns sort de soin efficace pour traiter ce qui t'arrive, tu viens en cours, et en cas de blessures que personne ne peux soigner au point que tu doives rester alité.e.. là c'est l'administration de l'école qui s'occupe de te faire rattraper. En même temps que tu suis tes autres cours. Journée double quoi.

Ou alors elle te vires. Dépend.

C'est marqué dans les petits caractères du contrat que tu signes avec l'établissement avant de pouvoir y entrer, que si tu es blessé.e au delà du soignable rapidement par magie, l'école se désolidarise de toi et te renvois chez tes tuteurices légaux pour qu'iels s'occupent de tes soins. C'est arrivé à une fille de notre promo. Un sort de boule de feu qui à mal tourné je crois. Elle s'est retrouvée brûlée au 3e degré sur les bras et sur le ventre. Rien de bien méchant me diriez vous, quand on sait que notre infirmerie est fournie par des prof' à la pointe de la recherche en médecine magique. Mais le hic, c'est que le sort ne s'est jamais arrêté de brûler, même une fois les séquelles physiques soignées. On ne sait pas ce qui a mal tourné2, c'est l'un des problèmes avec notre époque : y'a trop de choses qu'on ne maîtrise pas concernant la magie. Personnellement, ça fait partie des raisons pour laquelle je la trouve passionnante, même si je détesterai avoir l'impression d'être brûlée au 3e degré pour le reste de ma vie...

En plus, je me connais, je suis loin d'être aussi solide qu'Amari.

Déjà qu'en cours de sport, si je prend un coup, j'ai plus envie de pleurer que de riposter, alors si je devais perdre un membre ou être blessée sérieusement...

Un frisson désagréable me parcouru a cette pensée, et je préférais songer à autre chose.

Notamment au fait que j'avais attrapé un sandwich au thon plutôt qu'au poulet lors de mon passage éclair à la cafet'.

Misère...

- Pourquoi tu te tape la tête contre ce pauvre arbre ? T'avais pas assez mal en cours tout à l'heure ?

Je levais les yeux vers Amari.

- Sandwich au thon.

Elle se mis à rire.

- Encore ? A ce stade, faut que t'envisage que l'école essaie de te faire passer un message : ou tu manques d'omega 3, ou tu dois devenir végétarienne.

- Mouais... ou alors elle me punie pour une raison ou pour une autre.

Comme dirait ma parente : ce n'est pas que je n'aime pas le thon, c'est plutôt que je n'en ferai pas des folies... sans compter le fait que c'était le quatrième repas de la semaine qui en contenait. Un peu blasé, je croquais quand même dans mon repas, tout en observant ma camarade enlever sa jambe artificielle. A la grimace qu'elle faisait, son moignon devait lui faire un mal de chien.

Je fouillais dans mon sac.

- Tien, dis-je en lui tendant un petit pot, j'ai fais ça en cours d'herboristerie en début de semaine. Ça devrait aider pour la douleur.

Elle me pris le pot des mains avec un haussement de sourcils.

- On était pas censé.es faire des potions contre les affectations cutanées en début de semaine ?

J'évitais de sourire (dents pleines de thon obligent) mais laissais mes yeux montrer mon amusement.

- Il est possible que, ayant déjà connaissance de ces potions, j'ai détourné une partie du matériel de l'école pour tester la préparation d'une recette envoyée par Mams3 ?... Tu sais, vu que je me cogne tout le temps partout et tout...

- Ahin. Recette que tu n'as surtout pas appliqué sur ta tête en cours ce matin, histoire de laisser Lassa(h prendre soin de toi ?

Je mentirais si je niais avoir rougit. D'embarras. Hein. Pas parce que Lassa'h m'avais touché de sa propre initiative, ni parce qu'iel avait pris la peine d'ensorceler une gomme pour que je m'en serve de glaçon. Gomme qui n'avait d'ailleurs absolument pas échoué dans ma trousse, pour que je l'étudie plus tard.

Membre des 10% pas en crush sur ellui, vous vous souvenez ?

- Je nie tout lien de cause à effet. J'ai juste pas eu le temps d'y penser.

- Mh. J'espère pour toi, parce que son fan club t'as assassiné du regard pendant tout le cours.

Marrant ça. J'avais rien senti alors que d'habitude, c'est le genre d'énergie qui me hérisse le poil.

- Bah. Iels s'en remettront.

- Ouais, pas sûr que TOI tu t'en remette (elle ouvrit le pot d'onguent, le renifla brièvement, puis entrepris de masser le bout de sa jambe) j'ai bien vu ce qu'il se passait dans le couloir tout à l'heure. On a pas été séparé.es par hasard. Et je doute que la bosse sur que avais à l'arrière du crâne ai été causée par ton coup de tempe dans le bureau...

Aïe.

Bon.

Inutile de nier.

J'avais l'intention de lui en parler, de toutes façons, mais au moment où on serai remonté.es dans nos chambre ce soir.

Bon, autant se lancer.

Après avoir posé mon sandwich, je lui racontais tout : les bousculades dans le couloir, l'attitude d'Arën et d'Yriel qui était à l'origine de ma bosse sur la tête, le fait que j'avais eu confirmation que la porte en cours d'apparition dans notre salon donnait très certainement sur la chambre de Lassa'h, et que j'appréhendais grandement de passer le week-end avec ellui. D'autant plus si le fan club m'avais déjà dans le collimateur.

Amari m'écouta tout en se massant la jambe, attentive mais pas entièrement focalisée non plus : sa douleur passait avant mes petits problèmes, ce qui était bien normal. Nous restâmes ensuite un long moment en silence, pendant lequel je terminais mon repas tout en lorgnant sur le pad-thaï poulet de mon amie et qu'elle continuait de s'occuper d'elle. Lorsqu'elle finit par remettre en place sa prothèse, ses traits s'étaient détendus, signe que l'onguent fonctionnait un peu.

- Tu vas en parler ?

- De quoi ?

- De l'attitude d'Arën et Yriel.

- … à qui ?

- A Lassa'h. Aux profs. A quelqu'an d'autre que moi ?...

- … Nan. Pas si ça reste une occurrence unique. Si ça recommence par contre ouais.

Elle me lança un regard équivoque, mais n'insista pas. Même si je savais que ce n'était que partie remise : Amari ne plaisantait pas avec les questions de harcèlement. Je l'avais déjà vue prendre la défense d'élèves, et aller jusqu'à lancer des sorts d'enregistrement pour biiiien afficher les responsables au yeux de tout le monde. Je vous l'ai dit, c'est vraiment une personne incroyable...

Et jusqu'à présent, personne n'avait osé s'en prendre à elle.

Probablement parce que trop de gens la défendraient si ça arrivait.

Et peut-être aussi un peu parce que comme elle était coloc avec an mage de cuisine, il y avait des chances que l'établissement se retourne carrément contre la personne harceleuse.

- Tu crois que tu pourras me ramener des trucs ?

- Grave. Donne ta liste !

Elle me sourit de toutes ses dents, et me sorti deux copies doubles soigneusement remplies, ce qui ne manqua pas de me faire rire. J'étais persuadé qu'elle avait préparé ça la veille, sitôt rentrée de sa résolution d'énigmes.

- Je garantis pas de tout te trouver.

Je rangeais soigneusement la feuille dans mon carnet de note, afin d'être sûre de ne pas l'oublier.

- Je sais, j'ai rangé par ordre de priorité.

- Nickel alors. Dis, tu bosses sur quoi exactement en ce moment ? Rachel4 voudra connaître les détails. Si je lui dis juste que tu bosses sur « une théorie de la projection gravitationnelle par objet magique » elle va m'arracher les yeux.

- Ah, j'ai prévu aussi, attend.

Amari sorti un cahier de son sac, dans lequel se trouvaient certainement les données et les plans qu'elle pouvait se permettre de partager avec ma sœur, puis se lança dans des explications qui mirent vite mes compétences à mal, m'obligeant à me reporter à ses notes.

J'adore l'écouter parler, elle est aussi passionnante que drôle.

Notre pause repas pris fin trop vite à notre goût, et nous dûmes retourner en cours. Ou du moins, c'était le plan. Malheureusement, il s'avéra assez vite que la chose serait compliquée pour moi : à peine franchit les dernières marches menant au périf, je me retrouvais séparé d'Amari par une équipe bien organisée. Deux élèves abordèrent mon amie pour lui demander des conseils en ingénierie magique, et le temps qu'elle les regarde, Yriel m'avais alpagué et entraîné assez loin dans la foule pour que ma petite taille empêche Amari de m'apercevoir dans la cohue des élèves.

A moitié étranglée par le bras de mon camarade de classe, je tentais de protester (en vain, vous vous doutez bien) jusqu'à ce que je me retrouve projetée dans une classe vide. Le temps que je me retourne, Yriel, Arën et trois autres personnes étaient entrées à ma suite.

C'est à ce moment là que je commençais vraiment à avoir peur.

Je suis excellente en petite magie, et plutôt très bon dans les intermédiaires et les majeures, mais face à cinq personnes... je ne me faisais pas d'illusion : j'allais prendre cher.

Ceci dit, iels aussi.

Quoi que... si Arën était avec eux, peut-être qu'iels ne tenteraient rien ? Ou du moins rien de trop terrible ?

Prudente, je reculais de façon à mettre de la distance entre mes camarades et moi, et abaissais une main sur mon harnais. Pour découvrir avec angoisse un vide sous mes doigts. A voir l'expression réjouie d'Yriel, je n'aurais pas besoin de chercher longtemps le responsable...

Serrant les dents, je lançais :

- Qu'est ce qu'y a encore ?

- On a pas finit de discuter tout à l'heure, dit Arën en arrachant un truc des mains d'Yriel, que j'identifiais être un de mes carnets. Nerveuse, je reculais encore un peu tandis que mon crush s'avançait vers moi, un sourire doux sur le visage.

- Je crois bien que si. Rend moi mon carnet s'il te plaît...

Arën le fit doucement tourner entre ses doigts, caressant doucement la couverture d'une façon qui me fit frissonner. J'aurai bien aimé que ce soient ma peau et pas du cuir, sous ses doigts5.

Mh.

Focus Eden, focus...

- Je te le rend si tu me réponds honnêtement.

Mal à l'aise, je gardais les yeux fixés sur mon carnet, tout en reculant encore un peu. En dehors d'Yriel, je ne connaissais qu'une seule autre des personnes présentes : une fille nommée Ainga, qui cartonnait en cours d'histoire magique. On s'était souvent retrouvé.es en rivalité pour obtenir certains sujets de recherches ou d'exposés. Sans êtres ami.es, on s'entendait globalement bien, et on s'était souvent échangé des infos et des découvertes. Les deux autres, un garçon longiligne à lunettes et an androgyne portant une tenue à faire baver une rock star, s'étaient placé.es de part et d'autre de la porte. A leur mine, j'eu du mal à savoir s'iels s'ennuyaient, étaient anxieu.ses ou s'iels flippaient d'avoir participé à mon éviction du périf : j'ai beau ne pas être impressionnante d'apparence, je reste connue pour être l'an des élèves restant perpétuellement dans le top 10 de l'école.

- J'ai déjà répondu honnêtement tout à l'heure Arën. Alors rends-moi mon carnet ? S'il te plaît ?

- On a d'autres questions maintenant, intervint Aigna.

- Ouais, renchérit le type longiligne en sortant son propre carnet, tu sort avec Lassa'h Vati ?

- Hein ?

Le son était sorti en simultané de ma bouche, de celle d'Arën (qui eu l'air brièvement vexé), et de l'androgyne. C'est à ce moment là que je les remis.e : le mec à lunette faisait partie du club du journal de l'école, la plupart du temps, ses articles étaient généralement digne d'une revue potins ; et l'androgyne traînait parfois avec Lassa'h, surtout en fin de semaine, lors des cours séparés. Si ma mémoire était bonne, iel faisait partie du fan club officiel de mon futur binôme.

Génial.

Je secouais vivement la tête.

- Non !

- Pourtant Lassa'h t'as touché volontairement ce matin, deux fois en plus.

- Sol ! On est pas là pour ça !, aboya Arën, tu poseras tes questions potins plus tard !

S'il ne m'avait pas mis un râteau public à peine une semaine plus tôt, j'aurais pu croire que l'idée que je sois passées aussi vite de lui à Lassa'h le rendait jaloux. A moins qu'il fasse partie du club des 90% ? Ça expliquerait qu'il ai l'air aussi furieux.

Aïe.

Mon p'tit cœur venait de se briser une seconde fois.

Tu m'étonnes qu'il m’as claqué un râteau. Rivaliser physiquement ou mentalement avec Lassa'h m'étais tout bonnement impossible.

- Yriel m'a dit que je pourrais les poser si je vous aidait !

- Oui bah après (Arën se tourna vers moi) tu lui as dis ce qu'il s'est passé ce matin ?

- Quoi ? Non !

- Tant mieux, parce qu'on préférerai qu'iel ne le sache pas... iel est un peu soupe-au-lait quand on se mêle de ses affaires...

- … Bah faites-le pas ?

- C'est notre devoir d'ami.es ! Tu n'as pas idée du nombre de personnes qui veulent profiter du talent de Lassa'h !

Ahin. Tu m'en diras tant...

Bon, en vrais, c'était probable : après tout, 90% de crush, 10% d'admiration... fallait bien qu'an ou deux taré.es aille plus loin en essayant d'exploiter ou de s'approprier les compétences de notre camarade. Mais y'avait pas non plus de quoi enfermer quelqu'an dans une classe pour lea menacer. Ni de lui voler son carnet de sorts.

Pendant que tout le monde brassait de l'air autour de moi, j'avais tenté de me connecter à la pièce dans laquelle nous nous trouvions, sans succès : malgré mon lien avec la petite magie, il y avait trop de monde au même endroit pour que la salle s'accorde uniquement à moi. Pas d'aide à trouver de ce côté là donc. Restait une autre possibilité, qui allait me demander un peu de temps, et surtout de la discrétion...

- Arën.

Ma voix interrompit le début de dispute entre le mec du journal et Arën. Je levais doucement la main droite pour attirer leur attention.

- Je vous jure qu'il n'y a rien entre Lassa'h et moi, si ce n'est une victoire conjointe à la dernière chasse aux énigmes. Je n'ai pas de sentiment amoureux à son encontre, ni envie de lui voler quoi que ce soit, ou de l'exploiter. OK ?

Pendant qu'iels étaient toustes focus sur ma main droite, je glissais la gauche sur mon harnais, au niveau de la taille jusqu'à sentir une rEdenure dure sous mes doigts. Vous vous souvenez du fait que je trimballais toujours deux carnets, un pour les sorts comme toustes les élèves, et un pour les notes ? Bon. Ils ont une petite particularité : ils sont absolument identiques, jusqu'aux petites égratignures d'utilisation. C'est un cadeau assez incroyable fait par mes parentes, avant que je parte à l'école. Je n'ai absolument aucune idée de la magie utilisée pour les créer (ça fait partie des challenges que j'ai à résoudre pour ma famille durant ma scolarité), mais elle permet quelques petits trucs très cool : localiser un carnet grâce à l'autre, maintenir la similitude de l'apparence extérieure, revenir à leur propriétaire légitime, et surtout... s'échanger. Genre. Vraiment.

Un peu de sang, un peu de volonté, et un mot de pouvoir, et les contenus s'échangeaient. Le carnet de sort entre les mains d'Arën se rempliraient de mes notes et celui sur ma hanche, de sorts tous prêt à me défendre.

- Donc vous pouvez vous détendre. D'acc ? On va juste travailler ensembles sur certains projets durant l'année, à la demande de lea directeurice et de la professeur Huamaní, c'est tout.

Il y eu un frémissement dans la salle à ce moment là, juste à côté d'Aigna qui était restée étrangement silencieuse par rapport aux autres. Je ne notais pas tout de suite les variations, trop occupée que j'étais à essayer de rester discret tout en m'entaillant le pouce (il y a une petite lame de rasoir enchâssée dans le cuir du harnais, au dessus de chacun des carnets), et de rester concentré sur la situation, alors qu'Arën venait de d'envahir mon champ de vision avec son sourire à vous faire chavirer un navire de guerre, et qu'Yriel naviguait dans son sillage.

Sentant le sang couler sur mes doigts, je frottais rapidement ces derniers sur la tranche de mon carnet restant en murmurant :

- Giełda6,

- Qu'est ce que tu dis ?, gronda immédiatement Yriel.

- Yriel.... (Arën retint son ami d'une main sur l'épaule) Eden ? Tu disais quelque chose... ?

- Rien. C'est un juron familial, je viens de me couper (je montrais mes doigts entaillés) Est-ce qu'on est ok ? Je peux partir ?

- Pas encore non (mon crush afficha un sourire adorablement désolé) on veut vraiment avoir la certitude que tu n'as fais aucun mal à Lassa'h, et que tu n'as aucuns... intérêt romantique pour ellui.

Je roulais des yeux, l'agacement commençant à prendre sérieusement le pas sur ma peur.

D'autant que j'avais récupéré mon carnet de sorts.

Je baissais les mains, profitant pour poser la gauche sur le dit carnet.

- Ecoutez... c'est à cause de ça que vous me chahutez depuis ce matin ?

Silence.

Je croisais les bras, le carnet dissimulé dans ma manche.

Et j'affichais mon meilleur air outrée, vous pensez bien.

Eh oh, je vois bien que vous trouvez que j'utilise beaucoup « man meilleur.e quelque chose » hein, mais je passe beaucoup de temps à travailler ces airs, alors laissez-moi le plaisir de crâner, ok ? Surtout qu'à la base, j'ai « la pire resting bitch face que j'ai jamais vu » d'après man adelphe lea plus âgé.e7.

- Sérieux ?... Le plaquage au mur, la bosse, les bousculades... c'est parce que vous suez à l'idée que je fasse du gringue à votre pote ?!

Les visages autour de moi affichèrent divers degrés d'air penaud.

Dans le mille.

Bon sang, des fois je hais vraiment l'adolescence et les hormones. J'avais faillis me balader toute la journée avec un œuf de pigeon à l'arrière du crâne, et inquiéter mes parentes ce week-end lorsqu'elles l'auraient vu, parce que mon crush, ses potes et un fan club, me soupçonnaient de faire de l’œil à leur crush ?? C'était ridicule.

Et moi, j'avais de nouveau le cœur brisé.

- Brodel, vous mériteriez que je vous balance une malédiction.

- Répond simplement Eden. Je te promet qu'on te croira sur parole.

Je me permettais de renifler de dérision. Les promesses d'Yriel, j'y croyais autant qu'à la bonté de la fée des dents8.

- Ok : je jure que notre réussite conjointe à l'épreuve n'est que le fruit du hasard et celui d'une vraie collaboration. Tout comme je peux vous jurer que je n'ai. Absolument. Aucun. Intérêt. Romantique. Pour Lassa'h. Les attitudes de groupie, je vous les laisses, très peu pour moi, merci bien.

Et j'assenais, pour enfoncer le clou :

- Ce sera une relation purement intéressée, dans le cadre d'un cours, point barre.

Arën afficha alors un sourire qui me mis mal à l'aise.

Lentement, il se tourna vers Aigna, qui se tenait toujours au fond de la pièce et, je m'en rendais compte à présent, n'avait pas prononcé un mot jusqu'à maintenant. A côté d'elle, l'image du mur se mis à vaciller, comme une route lors de fortes chaleurs.

- Tu as entendu ?

Aigna pinça les lèvres, croisa les bras, et le sort qu'elle maintenait se dissipa.

Laissant apparaître Lassa'h, qui se tenait appuyé.e contre le mur, le visage vide.

Maintenant la présence de la jeune femme prenait tout son sens.

Et moi, j'étais à la fois dans la sauce, et profondément en colère. C'était tout simplement dégueulas comme procédé ! A en juger par l'expression d'Aigna, elle pensait la même chose, mais j'étais trop dans mon émotion pour me demander avec quoi les autres l'avaient persuadée de participer à ce stratagème humiliant. J'étais blessée, frustrée, et particulièrement en colère contre Lassa'h : s'iel avait des questions, iel n'avaient qu'à me les poser directement ! A quoi ça servait tout ça ? Et pourquoi avoir pris la peine de m'aider avec ma bosse si c'était pour m'enfoncer comme ça droit derrière ??

- J'ai entendu.

Voix grave. Sans expression. Parfaitement neutre.

Moi, j'avais envie de hurler.

Et cette fois, la salle entra en résonance avec moi.

L'un des trucs avec la magie de cuisine, c'est qu'elle est souvent inutile à grande échelle quand il y a une foule. Elle tente de satisfaire le plus grand monde, et donc reste complètement passive, se contentant de fluidifier un peu les échanges, mais sans plus. Un peu comme une goutte d'huile dans un moteur. Pour qu'elle vous aide, il faut attirer son attention, se concentrer, la canaliser, et viser un objectif ou une personne précise. Mais parfois, surtout quand on est an mage de naissance comme moi, il suffit que les émotions d'une personne s'expriment de façon tellement forte qu'elle décide de la satisfaire elle, au détriment des autres9. Souvent, ça se traduit par un changement d'atmosphère, qui met les autres mal à l'aise, les poussant à fuir ou au moins à prendre leurs distances ; la diffusion de l'odeur marqueur de lea mage de cuisine (forsythia et lavande, dans mon cas) ; et la sensation que quelque chose de terrible va arriver...

A charge de lea mage de cuisine d'utiliser au mieux la situation pour s'en sortir.

D'un geste sec, alors qu'Yriel, Arën, mister Lunette et Monestre Groupie (son prénom me revint bizarrement à ce moment là : Sasha) reculaient instinctivement de quelques pas, j'ouvris mon carnet de sort, pile à la page souhaitée : sort de répulsion. Un truc qu'on utilisait d'ordinaire pour éviter de se faire agacer par les créatures, naturelles comme surnaturelles, nuisibles10. Sans perdre de temps à réfléchir, le passait les doigts sur la page en y injectant ma volonté pour projeter le sortilège devant moi, l'envoyant frapper mes condisciples de plein fouet. Mouvement de poignet, nouvelle page, pile la bonne là aussi : écran de fumée. Cette dernière se répandit rapidement dans la pièce, me permettant de foncer vers la porte près de laquelle je manquais de bousculer Aigna, déjà en mouvement pour sortir. Alors que je franchissais la porte, une main gantée surgit de la fumée pour me retenir, et je tapais dessus sans vergogne.

Déjà que j'allais devoir passer le week-end avec cexte sal.le traître, hors de question de lea laisser m'empêcher de fuir!

Abandonnant derrière moi une belle brochette de cratin en train de s'époumoner à cause de la fumée, je détalais vers l'aile des dortoirs, bien déterminée à m'y planquer jusqu'au lendemain et mon départ pour chez moi.

______________________________________________

1 Si vous n'avez pas le temps pour une petite leçon de botanique, retenez que le Néré est un arbre originaire des zones sahéliennes et soudaniennes. Il a un tronc droit, peut pousser très très haut, avec une grande frondaison, et son feuillage comme ses fleurs font penser au mimosa européen.
Si vous avez le temps pour une leçon de botanique, voici ce qui est marqué dans mon livre d'herboristerie : « Considéré comme magique par de nombreux peuples, le parkia Bigiobosa possède un tronc très droit à l'écorce lisse, et peut mesurer jusqu'à 25 m. Son feuillage ressemble à celui du mimosa européen, et ses fleurs, qui apparaissent à partir des 5 ans de l'arbre, apparaissent pendant la saison sèche en Afrique (entre décembre et avril). Ses fruits, ses graines, son écorce, ses feuilles et ses fleurs entrent dans la composition de nombreux sorts endémiques du continent et des cultures africaines.

2Et bizarrement, l'administration ne veut pas que l'expérience soit reproduite...

3Surnom donné à l'une de mes parentes. L'autre, c'est Moune.

4Ma pleune jeune sœur, fan inconditionnelle d'Amari et de ses talents de technicienne

5Oui bon hein. Les hormones, l'adolescence, tout ça.

6« échange », en polonais.

7Ilan. On a presque 8 ans d'écart, mais on s'adore. Enfin, aux dernières nouvelles. Iel est très adepte des vieilles expressions d'avant magie. Globalement resting bitch face veut dire qu'au naturel, mon visage reflète très peu mes émotions, ce qui donne l'impression que je n'écoute pas, que je me fiche de ce qu'on me dit, ou pire, que je prend mon interlocuteurice de haut. Plus jeune, ça m'a attiré quelques problèmes.

8Qu'on se le dise, contrairement à la légende, elle n'apporte pas un sous en échange des dents de laits, non non : elle débarque dans les maisons et elle se sert. Directement dans la bouche des enfants. Une horreur. Toustes les parentes mettent des aiguilles autour des lits des enfants jusqu'à l'arrivée de leurs dents définitives maintenant.

9Une chance pour l'univers que notre mojo soit la flemme, l'efficacité et amour des choses bien faites, et non pas la coercition, la domination mondiale et les malédictions à tout vas...

10Quel que soit le type de créatures. Ça fait un petit moment que les chercheureuses essaient de faire disparaître « créatures surnaturelles » du langage commun : comme on en trouve partout maintenant, autant les considérer comme naturelles, non ? Mais bon, faute de meilleure appellation, le terme reste.

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