Chapitre 6

Notes de l’auteur : Eh bien c'est parce que...
C'est la même histoire.
A ceci près que dans "Love Is In The Magic" Eden est un garçon, et dans "Petite Magie" Eden est une fille. Comme je n'arrive pas à me décider pour le genre de cexte personnage, j'ai posté deux versions afin d'avoir des avis !

J'ai passé une nuit horrible.

Franchement, j'étais tellement en colère, que j'ai presque pas fermé l’œil de la nuit, à tourner et retourner la situation dans ma tête. Bien sûr, Amari aurait probablement été d'excellent conseil sur la situation, mais elle avait son examen à finir (apparemment, l'énigme 34 était une véritable sraloperie, j'étais à la fois curieuse de savoir de quoi il s'agissait, et soulagée de l'avoir esquivée), et ç'aurait été injuste de la solliciter pour ça alors qu'elle m'avais déjà écouté avec patience chouiner sur le sujet Lassa'h ces deux derniers jours.

Pour passer le temps (et essayer de dormir) j'avais fait les cent pas, rangé mon atelier, fait mon sac, défait mon sac, feuilleté le dossier remis par notre directeurice à propos du projet de recherche, refait mon sac, été voir dans la salle de classe si par miracle mon carnet de note y était resté (non), pesté contre ça, pesté contre Arën, pesté contre Lassa'h, fait deux crises de larmes (dont une sur mon cœur brisé), mangé beaucoup trop de chocolat, bu un café (oui, je sais, mauvaise idée), puis finalement ouvert ma fenêtre pour me nicher sur le balcon et compter les étoiles.

Sauf que c'était presque le matin à ce moment là, et que des étoiles, y'en avait plus beaucoup.

Autant vous dire que quand Lassa'h me rejoignit sur le parvis de l'école, j'avais la tronche d'un cadavre qu'on vient de déterrer.

Un cadavre visiblement contrarié, en plus1.

Miraculeusement sensible à l'ambiance (ou alors complètement indifférent.e, allez savoir), iel ne tenta pas d'engager la conversation, se contentant d'attendre sagement trois pas plus loin que le portail de l'établissement se connecte à celui de téléportation de mon quartier.

Lorsque ce fut fait, je n'attendis pas de voir s'iel me suivait pour traverser, et m'offrit le plaisir égoïste de savourer le fait d'être... chez moi.

Je ne sais pas si vous avez déjà ressenti cette sensation, celle de voir un élément de décors, la forme d'une montagne, la silhouette d'un arbre, le visage d'une personne et sentir au plus profond de votre être que vous rentrez à la maison.

Moi ça me le fait chaque fois que je franchis le portail de téléportation et que mes yeux se posent sur l'allée centrale de mon village. Avec le retour des petites magies, beaucoup de mage de cuisine se sont naturellement regroupé.es les ans avec les autres, dans des quartiers de banlieue ou des villages de campagne. Si an est un peu attiv, c'est facile de reconnaître l'un de ces endroits : les allées son plus fleuries, il y a énormément d'arbres en bonne santé pour ombrager les allées, les maisons et les jardins ont toustes des allures bizarres, et, si an est un peu sensible, an s'y sent en générale excessivement bien. Comme en paix. Mon village ne fait bien entendu pas exception. Sa rue principale s'étire paresseusement jusqu'à une place dont elle repart tout aussi paresseusement, et à partir de laquelle toutes les ruelles du village rayonnent, sur une petite centaine de mètres, avant de laisser place à la montagne. Les jardins sont luxuriants, la biodiversité se porte comme un charme, la plupart des portes ne sont jamais verrouillées et il n'est pas rare de croiser des groupes de jeunes gens et jeunes filles, de tous âges, en train de traîner sans surveillance, à toute heure du jour et de la nuit.

J'adore cet endroit.

Surtout depuis qu'il est relié au reste du monde par portail et qu'en partir n'a plus rien de définitif.

Avançant de quelques pas pour dégager le passage, j'inspirais à plein poumons l'odeur de chez moi : odeur d'herbe, de plantes en bonne santé, de cuisine, de début de printemps, des magies des habitant.es, parfums subtiles que sol an intiti.e peut reconnaître.

Que c'était bon !

Hélas, le moment de grâce pris fin avec l'arrivée de man condisciple.

Je serai injuste de dire que la présence de cexte derniè.re troubla le calme ambiant, ou perturba la sérénité de la magie alentours, même si ce genre de truc fais un super trope narratif. Simplement... j'étais à fleur de peau, et donc hyper consciente de mon environnement. Ce qui fit que lorsque Lassa'h franchit le portail à son tour, je le su à la seconde où son pied toucha le sol derrière moi.

J'avais maintenant deux possibilités : continuer de l'ignorer, ou essayer vaguement de me montrer cordial, au moins le temps du week-end.

- C'est joli...

Bon ok. La spontanéité de son commentaire faisait pencher pour le cordial. Je lui jetais un coup d'oeil par dessus mon épaule, ignorant sciemment à quel point la lumière du petit matin lea mettait en valeur.

- Merci. C'est par là, de l'autre côté de la place.

Iel hocha la tête et m'emboîta le pas lorsque je commençais à marcher. Nous cheminâmes un moment en silence, moi, toujours en proie à mon indignation et ma colère, et Lassa'h, probablement perdu.e dans ses pensées. Je dis ça parce que pendant un bon bout du chemin, jusqu'à la place en fait, j'évitais de lea regarder, trop consciente que je risquais de lui exploser au visage malgré ma résolution de me montrer cordiale. Je ne lui fis l’aumône d'un regard que lorsque je me redis compte, au milieu de la dite place, que son pas avait cessé de donner la contre-mesure au mien.

Pivotant sur mes talons, je lea repérais planté.e à l'entrée de l'espace ouvert, le nez en l'air et ses yeux sombres, légèrement écarquillés, posés sur ce qui en orne le centre. Pour la plupart des gens, notre place est ornée d'une banale fontaine, qui donne de l'eau fraîche en été, et chaude tiède en hiver. Mais pour les mages de cuisine, et certaines personnes sensibles à notre magie, le centre de la place offre un tout autre spectacle : imaginez comme un gigantesque mobile composé de morceaux de verre multicolores, dont le mouvement et le bruit font une musique légère et délicieuse à vos oreilles, et vous vous approcherez un tout petit peu de la réalité. C'est une composition ancienne, qui est apparue le jour où l'intégralité de la population du village a été composée de mage de cuisine. Elle offre un aperçu assez juste de l'humeur de ses habitant.es, de nos aspirations, et de la beauté qu'on peut voir dans le monde. Poser les yeux sur elle, c'est prendre le risque d'être débarrassé.e de toutes ses émotions négatives et d'être obligé.e de regarder honnêtement ses émotions. Pas de faux semblant possible devant une telle... pureté magique.

J'étais cuite.

Quand bien même j'aurai voulu continuer à en vouloir à Lassa'h, le fait qu'iel soit capable de voir le vrai aspect de notre fontaine, tout comme le fait que mon regard avait suivit le sien pour se poser sur elle (chose que j'avais soigneusement évité de faire jusqu'à présent, afin de cultiver tranquillement ma contrariété et sa copine ma mauvaise foi), m'obligeaient à regarder honnêtement mes sentiments.

Je n'étais pas en colère contre Lassa'h.

J'étais blessée. Et profondément en plus.

Blessée par sa participation au traquenard stupide de la salle de classe, vexée de m'être laissée aller à projeter un début d'amitié sincère sur quelqu'an que je connaissais à peine, triste de m'être faite trahir par ellui alors qu'iel ne me devait rien en réalité, et en colère de ne pas avoir compris qu'Arën m'étais inaccessible parce qu'en total crush sur quelqu'an d'autre.

Bref, je m'en voulais tellement d'avoir été aussi bête que j'avais préféré reporter ma colère sur an tiers plutôt que d'accepter la véritable origine de mon ressentiment : mon sentiment de profonde stupidité, et mon envie de me rapprocher d'une personne aussi inaccessible que Lassa'h.

La magie de cuisine a ça de nul qu'on ne peut pas tricher longtemps avec soi-même.

Consciente de la nécessité d'une discussion sérieuse avec man camarade, je décidais cependant de la remettre à plus tard, probablement au moment du coucher : connaissant mes parentes, elles avaient dû installer le lit de Lassa'h dans ma chambre, ou deux couchages dans la grande pièce du deuxième étage. S'iel ne demandait pas à dormir ailleurs, la situation serait propice aux confidences.

Et puis... même si j'avais honte de mon comportement, ce n'était pas pour autant que j'irais volontiers vers cette discussion (mauvaise relation avec l'embarras, vous vous souvenez?).

Je revins sur mes pas pour venir me placer aux côtés de man camarade, dont les yeux noirs ne parvenaient pas à se détacher du spectacle. Je lea vit porter plusieurs fois la main à son oreille, comme perturbé.e par un bruit, et esquisser un sourire d'enfant émerveillé.

Amusée (et un peu contente qu'iel apprécie notre fontaine), je glissais mes mains dans mes poches pour contempler les lumières à mon aise.

- C'est rare qu'an non mage entende la musique aussi.

Le son de ma voix tira Lassa'h de sa transe, lea faisant sursauter. Au regard qu'iel me jeta, je devinais que ma présence lui était totalement sortie de l'esprit, ce qui me fit sourire. La fontaine faisait souvent cet effet là.

- Ça veut dire que le village t'aime bien (je basculais brièvement sur mes talons, puis sur la pointe de mes pieds, avant de me laisser retomber à plat) ça va pas me faciliter les choses tien...

Lassa'h fronça les sourcils :

- Comment ça ?...

- Je t'expliquerai plus tard, viens, on a encore un peu de chemin à faire. Evite de trop fixer la fontaine, où tu vas de nouveau rester bloqué.e.

Lassa'h s'ébroua, me lança un regard en biais, puis se dépêcha de me rattraper, évitant soigneusement de reporter son attention sur la fontaine. Pourtant j'étais sûre qu'iel en mourrait d'envie. Iels en meurent toustes d'envie. Comme tout mage de cuisine qui se respecte, ce constat me fit bomber le torse de fierté. An étaient peut-être pas chatoyant.es et nos sorts ne faisaient peut-être que peu d'étincelles, mais nos réalisations collectives avant sacrément de la gueule.

- Qu'est ce que c'est ?

Lassa'h s'était porté.e à mon niveau pour poser sa question, et je ne pu m'empêcher de finasser :

- C'est nous.

Iel s'arrêta, perplexe, et je continuais d'avancer, juste pour satisfaire mon résidu de mauvaise foi (et pour qu'iel ne voit pas mon sourire amusé). Ses pas se rapprochèrent cependant rapidement de ma personne, et bientôt, nous marchions de nouveau côtes à côtes.

- C'est la magie de l'endroit.

Je ne luttais plus pour dissimuler mon sourire, et hochait la tête, un peu impressionné malgré moi : c'était rare que les gens comprennent du premier coup.

- Oui. Le village est entièrement composé de familles pratiquant la petite magie. C'est le premier à avoir été fondé en France. Le visage de man camarade devint totalement neutre tandis qu'iel encaissait l'information.

- Tu habites La Rochette. Nous sommes à La Rochette2.

Chez moi, l'amusement avait totalement finit de chasser le ressentiment : Lassa'h avait l'expression d'an enfant qu'on viendrai de surprendre avec un bonbon.

- Ouaip. Et mes parentes vont nous assassiner si on ne se dépêche pas. Le brunch c'est un moment sacré chez nous le samedi. Presse le pas !

Iel ne se le fit pas dire deux fois, et nous avalâmes le reste de la grande rue en un rien de temps. Dix minutes et six petites rues plus tard, je posais avec délice la main sur le portail du jardin devant chez moi. Une des choses à savoir sur la Rochette, c'est que le lieu ne se prêtait à l'origine pas vraiment à l'habituation humaine : là où aujourd'hui il y a un espèce de terre-plein qui accueille le village, il y avait à l'origine une falaise escarpée donnant sur un ruisseau de montagne en contre-bas. Mais avec le retour de la magie, ce lieu s'est mis à appeler les mages de cuisine, et s'est adapté à la présence de notre population... Sans pour autant dénaturer l'environnement. Si vous alliez au bout du bout de la grand rue, vous vous retrouverez aux pieds des pentes montant aux alpages, et derrière les maisons côté falaise, on entend toujours le bruit du ru.

Ma maison d'enfance est adossée à la pente qui monte vers la montagne. Notre cours donne presque directement sur la forêt, et le jardin avant se distingue de celui des autres par son organisation : Mams étant spécialisée dans les simples et la magie curative, une bonne partie du jardin est divisé en carrés plantés avec ses cultures. Deux beaux arbres (un aulne vert et un sorbier) ombrageaient la façade, couvrant de leurs branche la petite terrasse sur laquelle nous mangions lors des beaux jours. Au dessus du toit, on pouvait voir les branches du chêne ayant poussé dans le séjour. Pour le reste, la maison ressemblait à une habitation alpine classique, avec son toit en pente pour évacuer la neige et sa solide cheminée servant à chauffer toute la maison en hiver.

Dans l'air flottaient l'odeur agréable d'épices indiennes.

Connaissant mes parentes, elles avaient contacté la famille de Lassa'h dès qu'elles avaient eu vent de sa venue, afin de pouvoir lui cuisiner des plats qu'iel aimeraient. En espérant que ma grande-tante n'irait pas mettre le nez dans la cuisine : c'était une catastrophe lorsqu'elle se mêlait de cuisine.

- Bienvenue chez les Erhlich.

Conscient que la clochette portant mon nom avait dû tintinnabuler dans la cuisine de Moune à la seconde où ma main avait effleuré le portail, je poussais ce dernier pour entrer, Lassa'h dans mon sillage. A ma grande surprise, cexte derniè.re s'arrêta au bout de trois pas, puis s'inclina à demi, les mains jointes devant ellui, pour saluer le jardin et la maison, avant de se présenter dans les règles :

- Bonjour, je me nomme Lassa'h Vati, mage intermédiaire et de haute magie, et je vais séjourner ici quelques temps. Merci d'avoir accepté de m'accueillir, j'espère être à la hauteur de l'honneur qui m'est fait. Si d'aventure il m'arrive de faire quelque chose contraire aux règles de cette demeure, je vous prie de m'en excuser et de m'en informer, afin que ça n'arrive plus.

Je dois l'avouer : ça me fit excessivement plaisir.

C'était extrêmement rare qu'an non mage de cuisine connaisse cette politesse, et je m'étais préparée à devoir introduire Lassa'h moi-même, comme je l'avais déjà fait pour Amari et quelques autres camarades venu.es passer des congés chez nous. Sans le savoir, Lassa'h venait de gagner l'amour très envahissant de mes parentes par cette simple marque d'attention. Pendant que je me faisais ces réflexions, Lassa'h s'était redressé.e, un peu anxieu.se, ses yeux noirs cherchant l'approbation sur mon visage. Je hochais la tête avec un sourire, pouce en l'air, lorsque la brise nous apporta l'odeur subtile que je ne parvint pas à identifier mais qui tira une expression surprise à man camarade.

Iel marmonna quelque chose que je ne compris pas, mais avant que je puisse lui demander de répéter, la porte de la maison s'ouvrit pour laisser passer Rachel. Vêtue d'un bleu de travail couverts de tâches diverses, elle avait remonté ses cheveux en un chignon lâche qui ne disciplinait qu'à moitié ses boucles épaisses. Un sourire immense lui barrait le visage.

- Eden !

Elle dévala les deux marches menant à chez nous, avala les quelques mètres nous séparant, et se jeta à mon cou. Je la réceptionnais en riant, et la serrait contre moi.

- Avant que tu demandes : oui j'ai les notes d'Amari, non tu ne les auras pas tout de suite, et oui tu m'as manqué.

J'adore le rire de ma petite sœur. Il a quelque chose d'un ruisseau de printemps.

- Arrête de lire dans ma tête !

- Comme si j'avais besoin (je la posais au sol) Rachel ? Je te présente Lassa'h, on étudie ensemble. Iel va rester le temps du week-end. Lassa'h, voici ma plus jeune sœur, Rachel.

Elle jeta un coup d'oeil à man camarade, hésita, puis eu un petit geste maladroit de la main pour dire bonjour. Apparemment, ma famille avait été briefé sur la question des contacts physique avec Lassa'h. Cexte derniè.re esquissa un sourire gentil, et la salua à son tour. Prise d'une soudaine timidité, ma sœur détalla dans la maison.

- Désolé... elle ne gères pas très bien les situations où elle est gênée.

- C'est de famille je crois, non ?

J'en restais comme deux ronds de flan, le temps d'assimiler sa remarque, puis de me mettre furieusement à rougir d'embarras. Avant que je puisse ouvrir la bouche pour lea rembarrer, je notais le sourire en coin de Lassa'h, et que l'aulne et le sorbier au dessus de nous s'étaient mis à agiter leurs branches, faisant tinter les clochettes que Moune y à suspendu : clairement, la maison appréciait le bon mot de man camarade.

Belle joueuse, je répliquais, main sur le cœur :

- Outch. Touchée... bon, bah puisque c'est de famille, je vais fuir aussi pour aller déjeuner.

Le rire de Lassa'h est à l'image de sa voix : grave, léger et fluide. C'est le genre de rire discret qui vient des entrailles et vous signale que la personne rit avec sincérité. C'est agréable à entendre.

Secouant la tête, amusé, je lui fit signe de me suivre à l'intérieur, ce qu'iel fit sans se faire prier, probablement aussi attiré que moi par les délicieuses odeurs émanant de l'entrée.

Ma maison a une configuration intéressante : l'entrée ressemble à un sas, dans lequel on doit laisser nos manteaux et nos chaussures, un peu comme dans la culture japonaise. Il y a aussi un petit évier dans lequel je lavais soigneusement mes mains. Devant le regard interrogateur de Lassa'h, je lui expliquais que c'était un petit rituel familial, pour laisser les mauvaises ondes de dehors. Mais que s'iel ne voulait pas le faire, c'était ok. Bien entendu, c'était sans compter sa volonté de bien faire (ou de bien se faire voir?), et iel déganta docilement ses mains pour les laver avec soins, avant de les sécher et... de glisser ses gants dans sa poche.

De nouveau, j'appréciais sa compréhension de notre façon de vivre, et pour la première fois, l'idée m'effleura que l'intérêt de Lassa'h pour la petite magie était sincère. Voire peut-être même désintéressé.

Je lui montrait où laisser son sac, le temps que la maison en chasse les éventuelles mauvaises ondes et, après lui avoir assuré qu'iel pourrait récupérer ses affaires après avoir salué mes parentes, l’entraînait à l'intérieur.

Le sas d'entrée donne directement sur l'immense pièce à vivre qu'est le rez-de-chaussée de la maison. Mams et Moune m'ont expliqué que, lorsque la grand-mère de Mams avait été appelée par la Rochette, elle revenait d'un long voyage. Quand elle avait compris qu'elle allait devoir s'enraciner, elle avait décidé que sa maison serai un endroit ouvert, où le regard et les sens pourraient voyager. Avec ses compagne.on de l'époque, et les autres appellé.es du village, iels avaient construit un maison dont le rez-de-chaussée était un grand rectangle sans murs, avec seulement des piliers3 (et maintenant un arbre) pour soutenir le sol des étages. Si, à un moment, il y avait eu des panneaux coulissants pour cloisonner l'espace, comme en témoignaient les rails maintenant remplis de terre et de jeunes fleurs qui quadrillaient plus ou moins le sol, ces derniers avaient vite été démontés, tant on s'en servait jamais. Ce qui faisait que lorsqu'on sortait du sas, on embrassait d'un seul regard la cuisine ouverte à gauche, le salon tassé contre la baie vitrée donnant sur l'arrière de la maison, l'arbre dont le tronc disparaissait dans les étages, les murs couverts de livres, l'atelier d'herboriste de Mams, et les différentes zones d'activités, garnies qui de tables et chaises, qui de coussins et tables basses. Au fond à droite, un escalier longeait le mur pour disparaître vers les pièces du haut, et je notais avec amusement que la maison avait fait en sorte que les coches de croissance portant mon nom luisent légèrement.

Toutes les maisons ont une odeur qui leur est propre. La mienne sentait les herbes en train de sécher (plusieurs pendaient aux poutres du plafond), le bois vivant, la paille de riz, la cuisine, la forêt, et depuis quelques années, l'huile de moteur : la faute à Rachel qui avait pris la fâcheuse manie d'entasser des pièces dans sa chambre au lieu de les garder dans l'atelier de derrière.

Ô Douce Magie... cette senteur m'avais manqué.

Tellement que j'aurai pu en pleurer.

- Eden !

Cintrée dans son tablier de cuisine, son sourire lui dévorant le visage comme un enfant dévore un gâteau, sa crinière (dont j'aurai hérité si je ne gardais pas les cheveux aussi courts) vaguement disciplinée en une queue de cheval haute, Moune venait de quitter les fourneaux qu'elle surveillait pour m'engloutir dans ses bras. J'adore les étreintes de Moune. Elles sont à son image : vives, tendres, sincères, réconfortantes. Je ne suis pas sûr que j'aurai réussi à passer ma première année de cours sans Amari et le souvenir de ces câlins. Les joues rouges d'avoir été penchée sur les marmites, l'oeil brillant de contentement, elle se tourna vers Lassa'h sans me lâcher, et je suis à sa façon de me serrer un peu plus fort, qu'elle lui dédiait un sourire.

- Bienvenue chez nous Lassa'h.

- Merci Madame Erhlich.

Ma parente gloussa :

- Tu peux m’appeler Maé. Madame Erhlich, c'est ma mère (elle me libéra de son étreinte afin de pouvoir s'adresser à moi :) ta mams est partie chercher des épices chez madame Patel, nous étions à court de curry pour demain. Elle devrait revenir juste à temps pour manger. Montez donc vos affaires à l'étage, j'ai installé vos couchages dans la grande pièce du deuxième.

C'est à ce moment là, en sentant le soulagement m'envahir, que je me rendit compte d'à quel point j'avais appréhendé le fait de laisser Lassa'h entrer dans ma chambre. Pas que j'y ai particulièrement de secrets honteux ou quoi mais... c'était trop tôt. Trop tôt pour laisser an total.e étrangè.re pénétrer mon intimité4 : une chambre, c'est un peu comme un sanctuaire.

- D'acc. Viens Lassa'h.

- Nos sacs ?

J'esquissais un sourire.

- Tu vas voir. Viens.

Je lea guidait dans les escaliers, lui indiquant rapidement les pièces du premier étage : la chambre de mes parentes au fond, donnant sur la forêt, celle de Rachel et de Tamar donnant sur l'avant de la maison, puis la première salle de bain. Au second, il y avait la chambre d'Ilan et la mienne, à l'aplomb de celles de mes adelphes, puis une autre salle de bain et une grande pièce couvrant tout le reste de l'étage, au plafond de laquelle se déployaient une partie des branches de l'arbre, sur lesquelles on retrouvait les même jeux de clochettes que sur l'aulne et le sorbier à l'extérieur.

Cet espace nous avait servit tour à tour de nurseries, salle de jeu, salle d'entraînement, salle d'étude, salle des fêtes, salle d'observation des étoiles et aujourd'hui, elle accueillait ce qui serait nos lits pour le week-end : deux méridiennes couvertes de coussins et d'édredons, installées tout près de la baie vitrée donnant sur les bois, et, une fois la nuit tombée, le ciel nocturne.

Aux pieds de ces dernières, se trouvaient nos sacs.

- Ta maison est... impressionnante.

Je souris à Lassa'h.

- Merci. Elle apprécie le compliment.

Iel effleura la couverture de la méridienne du bout des doigts, et je vis ses épaules se détendre : apparemment, la texture lui convenait. Commençant à vider mes affaires dans le tiroir encastré dans le cadre de mon couchage, je lançais :

- Tu sais, si tu veux dormir dans une pièce fermée, ou dans d'autres draps, tu peux demander...

Il y eu un temps de silence assez long pour que je me sente obligée de tourner la tête pour lea regarder.

- Non. Non, je pense que ça ira. L'espace est assez grand et puis (iel désigna les branches d'arbre nous surplombant) ça aide.

Je ne cachais pas ma surprise :

- Oh ? Je ne te savais pas fan de plantes.

Un sourire furtif étira ses lèvres.

- Pas grand monde le sait, en dehors de mes colocs. J'en ai plein ma chambre. Ça m'aide à oublier que je suis dans une pièce avec une serrure.

Je haussais les sourcils devant cette déclaration, curieuse d'en savoir plus, mais Lassa'h ne développa pas, et je ratais l'opportunité d'insister : un des ensemble de clochettes venait de se mettre à tintinnabuler.

- Ah. Mams est rentrée, on va devoir redescendre. Pour ce repas on devrait être sept. Mes parentes, ma sœur Rachel que tu as vu tout à l'heure, mon freur Ilan qui doit être arrivé.e hier, mon adelphe Tamar, et nous deux. N'hésite pas à nous dire si tu es mal à l'aise d'un truc... ma famille est plutôt... bruyante et sans filtre ?

Le sourire furtif revint flotter quelques instants sur les lèvres de man camarade, et je pris un faux air scandalisé :

- Si tu dis « c'est donc aussi un trait de famille », je te fais la tête pour le week-end !

A la tête qu'iel tira, je compris que ma boutade était complètement tombé à plat.

- … Je plaisante... pardon, c'était pas super bien amené. Mais ouais... je suis une digne représentante des Erhlich (je souris pour appuyer mon propos tandis que mon ventre se mettait à gargouiller) et mon estomac aussi. Viens.

Avec un petit signe de la main, je l'enjoignis à me suivre de nouveau, et nous dévalâmes les marches des deux escaliers pour atterrir au rez-de-chaussée. Mams finissait de poser ses courses sur le plan de travail de la cuisine, rayonnant d'une telle sérénité que, comme à chaque fois que je la revoyais après une absence, je dû m'arrêter pour la contempler. Là où Moune est toute en sourires, étreintes, mèches indisciplinées et gâteaux glissés dans la poche ; Mams elle a la vivacité d'une danseuse, la sérénité d'une personne en paix avec elle-même, des connaissances inépuisables sur tout, et cheveux tressés dont la pointe balayait presque le sol. Ensemble, elles formaient une harmonie unique et puissante qui vous fichait le frisson.

Pour un peu que vous soyez sensible à ce genre d'énergie s'entend.

A la légère inspiration choquée de Lassa'h, j'appris qu'iel y était sensible aussi.

Lea laissant au bas des marches, j'enjambais les fleurs d'intérieur pour aller embrasser ma parente sur la joue, et invoquer un violette que je piquais discrètement dans une de ses tresses. Ma façon de lui dire que je l'aimais, tout comme me soumettre et rendre les longues étreintes de Moune me permettait de lui dire qu'elle m'avait manqué.

- Bonjour Mams. Tu as trouvé ce que tu voulais ?

- Mh mh. Madame Patel avait tout ce qu'il faut, comme toujours (elle tourna la tête vers Lassa'h qui n'avait pas bougé du bas des marches et lui sourit) Bienvenue Lassa'h. J'espère que tu aimeras ce que nous avons préparé, nous n'avions pas tout à fait les bonnes épices, mais les parfums devraient te plaire.

- … Êtes-vous Ava Orthis ?...

Si la question me pris de court, ce ne fut pas le cas de mes parentes, qui s'échangèrent un regard de connivence.

- J'ai porté ce nom à un moment, en effet.

Lassa'h me sembla brusquement très mal à l'aise, et l'air se mis à vibrer légèrement autour d'ellui, comme si la détresse se mettait à émaner de son corps. Instinctivement, je me plaçais entre mes parentes et ellui.

- Lassa'h ? Tout vas bien ? Mams ? … C'est quoi cette histoire ?

Elle leva une main apaisante, puis la posa sur mon bras.

- Ce n'est rien Amour, ça arrive parfois quand les gens font le lien.

Je la dévisageais sans comprendre.

- Le lien avec quoi ?

- Mon nom de jeune fille et la recherche.

Mon cerveau s'arrêta brusquement de tourner.

Orthis, comme la suite d'Orthis ?...

Sééééérieusement ?

Et j'avais mis 15 ans à m'en rendre compte ?!

Je ne savais pas si je devais mourir de honte ou sauter de joie.

De son côté, Lassa'h avait retrouver un peu d'emprise sur ellui-même, et soufflait doucement par la bouche pour achever de se calmer.

- Maman. Va falloir qu'on discute.

Elle pouffa.

- Oui, tu as mis une éternité à réaliser, et il a fallut que tu ramènes an camarade d'école pour avoir le déclic, je suis un peu déçue ma fille.

Je lui tirais la langue pour faire bonne mesure et cacher mon embarras, et elle se contenta de secouer la tête, amusée, puis de me pousser vers la table qui servait généralement aux repas.

- Installez-vous, les autres ne devraient pas tarder à descendre. Nous t'avons mis en bout de table Lassa'h, comme ça tu auras de l'espace. (elle lui adressa un magnifique sourire) Si tu veux nous pourrons discuter en privé plus tard, mais pour l'instant, le programme c'est manger, vous détendre, discuter au goûter de cette histoire de binôme, puis dîner dans le jardin de derrière.

Si j'obéis docilement, Lassa'h mis plus de temps à se décider. Clairement, le fait de reconnaître en ma mère la créatrice de la suite d'Orthis l'avait assez embranlé.e pour lui couper l'appétit. Alors que moi, ça me l'avait ouvert, tout en provoquant une avalanche de question à l'intérieur de mon crâne. Finalement, man camarade gagna sa place, alors même que mes adelphes déboulaient en bas de l'escalier pour se joindre à nous.

Comme annoncé, le repas fut... bruyant. Et gênant. Rachel nous bombarda de questions, Ilan trouva quelques anecdotes très embarrassantes à raconter sur mon compte5, et Tamar passa le repas à fixer Lassa'h sans lâcher un mot6. Quant à Mams et Moune, elles supervisèrent tout ce cirque avec le calme et la sérénité de celles habituées à avoir beaucoup d'enfants autour de la table. De son côté, Lassa'h fit de son mieux pour répondre aux questions, rester stoïques lors des prises de bec entre Ilan et moi, et surtout, ne pas partir en courant. Iel trouva même le temps de faire des compliments sur la nourriture, et d'offrir à mes parentes de menus cadeaux au moment de la fin de repas.

Apparemment, de son côté aussi le réseau parental avait fonctionné plein pot : iel avait prévu pour Mams une bouture de rosier, et pour Moune, un pot de curcuma. Sans surprise, elles furent ravies. Et de mon côté, je louchais avec envie sur le minuscule sac duquel était sorti tout ça7.

Évidement, il fallut que Lassa'h me jette un coup d’œil à ce moment là. Je vis un sourire se dessiner sur son visage, et iel se pencha légèrement vers moi pour murmurer :

- Je te le montrerai tout à l'heure si tu veux.

J'aurais pu sauter de joie sur mon siège.

En raison de la présence de Lassa'h, je fut dispensée de débarrasage de table et, pour éviter de retourner le couteau dans la plaie de mes adelphes, j'entraînais man camarade dehors, côté forêt. Si je devais choisir entre l'un des deux jardins, c'est à celui de derrière qu'irait ma préférence. Un petit bout de terrasse en bois borde la baie vitrée ouvrant sur le jardin, juste ce qu'il faut pour mettre de plein pied la maison avec la pente menant à la forêt. L'avancée de toit qui la couvre a permis à Mams d'y installer une nacelle deux places, pour abriter nos nuits sans sommeil ou nos après-midi de paresse. La pelouse de ce côté là n'a aucune discipline. Elle s'habille de fleurs sauvages, de trèfles, de petite oseille, de tout un tas d'herbes folles qui montent en graine au printemps, et de quelques jeunes pousses d'arbre, rejetons sauvages des plants plus sages ombrageant notre maison. Chaque printemps, Mams déterre celles bien développées pour aller les replanter dans la forêt, ou pour les offrir aux habitant.es du village.

L'atelier de ma sœur s'adosse à la maison, son pourtour vitré offrant une bonne visibilité sur le bazar à l'intérieur, et au bout de dix mètres environs, notre pairie se fond dans la forêt.

Lassa'h resta quelques instants debout sur la terrasse à s'imprégner de l'atmosphère de l'endroit, tandis que j'enlevais chaussures et chaussettes pour ensuite m'avancer dans l'herbe. Un long frisson me parcourus l'échine lorsque la plante de mes pieds entra en contact avec la terre, et j’eus brusquement l'impression de me remettre à respirer.

J'étais chez moi.

La terre reconnaissait ma magie, et je reconnaissais la terre.

Fermant les yeux, je me laissais aller au plaisir de sentir le sol pulser sous mes pieds, le vent caresser mon visage et ébouriffer mes cheveux, l'odeur de la forêt envahir mes poumons, et les arbres chuchoter leurs bienvenues à mon oreille.

Douce Magie que c'était bon...

Un doigt effleurant ma nuque me fit sursauter, interrompant ma méditation, et je me retournais d'un bond, mais sur la nuque, pour tomber sur an Lassa'h, l'air très concentré.e, dont le doigt nu pointait toujours en l'air.

- Mais ça va pas ?!

- Tu brillais.

- Hein ?

- Tu. Brillais. J'avais jamais vu ça. Je voulais juste... toucher ? Sentir ?

- Mais je brille pas8 !

- Là non, mais quand tu es allée sur l'herbe, si (Lassa'h croisa les bras, pensi.ve) c'était... comme si l'air dansait autour de toi en capturant la lumière du soleil.

- Oh. Oui bah (je frottais ma nuque, dans l'espoir de faire disparaître le souvenir de son contact, qui me donnait encore le frisson) ça arrive parfois. T'habitue pas. C'est juste l'endroit qui est content de me revoir et qui le montre.

- Comme avec la sculpture ?

Je sautais sur la porte de sortie qu'iel m'offrait sans le savoir :

- Ouais. Comme avec la sculpture.

Ce qui n'était pas un mensonge non plus. Simplement... j'avais pas envie d'entrer dans les spécificités de ma magie tout de suite. Encore une fois : trop intime, et puis... juste pas envie. Avec une petite grimace, j'arrêtais de me frotter la nuque et pris une grande respiration :

- Tu veux faire un truc en particulier ?

- … pas vraiment... je pensais qu'on parlerai du binôme tout de suite avec tes parentes... les miens ont déjà signé, et vont vouloir savoir pourquoi c'est pas déjà fait maintenant.

- Ah. (je fourrais les mains dans mes poches, ne sachant pas comment réagir à cette info) Déso si ça te met la pression... on fonctionne plus lentement ici...

- Ça ira. J'attendrais et elleux aussi je suppose ? (Lassa'h haussa les épaules) Le jardin n'a pas de barrière.

Lassa'h, pro du changement de sujet abrupt.

Tant mieux.

- Ouais, cette partie est gardée sauvage, pour remercier La Rochette de nous laisser résider ici. C'est le cas de tous les arrières de maison du village. (je laissais passer un blanc) On peut aller explorer un peu les bois si ça te tente... ?

A ma grande surprise, ça lea tentait.

De ce que j'en savais, Lassa'h venait d'une grande ville, très urbanisée et peu arborée. Là où la forêt était pour moi un décors du quotidien, pour ellui, c'était une découverte. Et vu son expression après une demi heure à esquiver des branches et se faire griffer par des ronces, un milieu un poil fantasmé. J'avoue avoir été un poil désolée de cette désillusion. Pas vraiment pour Lassa'h, mais parce que j'aime profondément la nature sauvage, et que si nous devions être à la colle jusqu'à la fin de l'année, j'allais devoir gérer ce paramètre en plus du reste. Parce que soyons honnêtes : il était hors de question que je me passe de ma dose de feuilles dans les cheveux et de griffures d'épines pour rester sagement cloîtré dans les zones urbanisées de l'école.

Encore un sujet à discuter.

Su. Per.

Vous aviez remarqué que je suis du genre à m'inquiéter de plein de trucs qui ne sont pas encore arrivés et qui n'arriveront peut-être même pas ?... Non ?

Ouais, je me disais aussi...

Essayant d'épargner un peu man camarade, j'ai finis par nous faire rejoindre une sente dégagée, tracée par l'une des hardes de chevreuils fréquentant cette zone de la forêt. Une fois sur la sente, je m'arrêtais pour lui permettre de souffler, regrettant brusquement de ne pas avoir pensé à prendre une bouteille d'eau. Je savais qu'un petit ruisseau coulait un peu plus loin, dont l'eau était buvable et près duquel on avait laissé de vieilles tasses des années auparavant, mes adelphes et moi, mais j'étais brusquement incertaine quant au fait que Lassa'h accepterait d'y boire. Même si je lavais la tasse avant.

Mmmh.

A mes côtes, Lassa'h finit de reprendre son souffle, puis s'attaqua au fait de discipliner ses cheveux, les débarrassant de leurs feuilles, de leurs nœuds, et finissant par les attacher en chignon serré sur sa nuque, dans l'illusoire tentative de leur épargner plus de tourments.

- … Est-ce que tu veux rentrer ?

Iel paru surpris.e de ma question.

- Non. Pourquoi ?

- … j'ai eu l'impression que tu passais pas un bon moment dans le bois tout à l'heure.

- Ah. Oui. Je ne m'attendais pas à autant de... branches ? D'obstacles ? (iel eu un sourire gêné) Ce qui est stupide, je sais.

Un peu, c'était vrai. Mais en même temps...

- Tu viens d'une très grande ville, non ?

- Mh.

Je haussais les épaules.

- Bah dans ce cas c'est normal que la forêt soit une surprise.

- … On a des espaces verts à Bengaluru, mais... c'est plus discipliné. Dans ma chambre aussi.

Je me permis de rire, et fourrais les mains dans mes poches.

- Tu veux essayer un truc encore moins discipliné ?

J'eu le droit à une moue méfiante en réponse à ma question.

- Promis, c'est pas dangereux. Viens, c'est par là.

Et je lea guidais jusqu'au ruisseau.

Croyez-le ou non, Lassa'h bu.

J'en fus le premier surprise. Comme quoi... fallait vraiment que j'arrête de projeter des trucs sur les comportements des gens

Nous nous installâmes près de l'eau, dans un coin couvert de mousse et de rochets plats qui avait ma préférence depuis de nombreuses années. J'avais même finit par y apporter une cagette en bois qui, retournée et maintenant couverte de mousse elle aussi, servait de petite table. C'était un bon endroit pour se reposer ou pour rêver.

A peine assise, j'enfouis mes doigts dans la terre humide du sol, sentant l'apaisement du lieu passer dans mon corps, refoulant mon appréhension loin à l'arrière de mes pensées.

Lassa'h ne se fit pas prier pour s'asseoir, casant ses grandes jambes en une position du tailleur assez élégante pendant que moi je m’affalais juste sur mon rocher préféré. Un silence bizarrement confortable s'était installé entre nous, nous incitant à nous perdre dans nos pensées.

Mon regard suivait distraitement le vol d'une libellule au raz de l'eau lorsque la voix grave de Lassa'h perça doucement notre tranquillité :

- Je crois que je te dois des excuses...

Je ramenais mon regard vers ellui. Un plis perplexe barrait mon front.

- Des excuses ?

Lassa'h fixait l'eau, évitant mon regard. Ses doigts nus jouaient nerveusement avec une mèche échappée de son chignon.

- A propos de ce qu'il s'est passé hier.

- Ah.

Je dû lutter contre mon envie de remonter mes jambes contre mon torse et de les cercler de mes bras. Malgré ma prise de conscience du matin, et ma résolution de ne pas me fâcher avec ellui, la blessure du sentiment de trahison restait vive. Plutôt que de me replier sur moi-même, je forçais mes épaules à me détendre, enfouissant plus profondément mes doigts dans la terre à mes côtés.

- Je n...

- J'ai engueulé Arën.

- Hein ?

Lassa'h porta furtivement son regard sur mon visage, puis retourna à la rivière. Sa mâchoire s'était crispée au point que je voyais les petits muscles saillir autour de sa bouche.

- J'ai. Engueulé. Arën. Et Yriel. Je ne savais pas que je pouvais être aussi en colère. C'était nul ce qu'on à fait. Et je le savais avant qu'on le fasse.

Mes doigts se crispèrent dans le sol. J'y laissais couler ma blessure, ma colère, pour pouvoir demander sans avoir envie de pleurer :

- Alors... pourquoi tu l'as fais ?...

Iel secoua la tête, toujours aussi tendu.e.

- Parce que sur le moment... ça paraissait un bon moyen de savoir.

- De savoir quoi ?

- Si tu m'aimais bien.

La surprise replaça la tension.

- Si... je t'aime bien ? Bah... fin... jusqu'à hier, j'avais pas de raisons de pas t'aimer bien. Pourquoi y'a fallut que tu participes à un truc pareil pour le savoir ?!

- Parce que j'avais peur que ce soit pas le cas.

- Mais. Pourquoi ?!

- Parce que moi je t'aime bien (ses yeux noirs se fixèrent enfin sur moi). Plus que bien même.

Autour de nous, c'était comme si l'intégralité de la forêt avait fait silence.

- Je crois que je t'aime tout court.

 

 

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1Ouais, quand je veux que tout le monde sente ma mauvaise humeur, j'y arrive très bien.

2Avant le retour des magies, La Rochette, dans les Alpes française, a toujours été un lieu lié à des apparitions surnaturelles. Le Valjouffrey, commune dont elle fait partie, était connu pour ses pratiquant de physique (magie en patois isérois). Si vous avez la motivation, on trouve encore en bibliothèque un article sur le sujet : « Magie et médecines populaires à Valjouffrey (Isière) »

3Un peu à la manière des maisons de campagne japonaise, ai-je découvert plus tard.

4Oui oui je vous entends avec vos « titres »...

5Rassurez-vous, je me suis vengée en lui balançant un morceau de pain en plein museau.

6Tamar se questionne sur son identité de genre en ce moment, ce qui fait qu'à chaque fois qu'iel rencontre an autre agenre, genderfluid ou androgyne, c'est le même cinéma : ou iel lea fixe sans rien dire, ou c'est l'avalanche de questions.

7Et vous l'auriez fait aussi si vous aviez été en seconde année dans l'une des meilleures écoles de magie, et bien consciente que vous n'avez pas le niveau pour créer une poche dimensionnelle.

8Ouais, des fois, quand je suis prise au dépourvu, mon indignation va pas forcément au bon endroit.

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