Chapitre 5
Ce lundi matin, Nora se leva et partit à son cabinet de bonne heure. Elle était satisfaite de son week-end et pensait que le procès pourrait bien lui être favorable. Elle partageait son cabinet de Cross Street avec un autre avocat. Son collègue n'était pas encore arrivé. Elle salua sa secrétaire, Betty, à qui elle apporta un café et un croissant. Toujours joviale, Betty, ravie de cette attention, la salua enjouée, en lui disant qu'elle espérait que son week-end fut bon. Le paquet de feuillets, que lui déposa Nora en disant “À saisir !” répondit à sa question. Puis Nora fila à la prison voire son client Harry Connor, accusé d'avoir volontairement assassiné un jeune homme. Elle décida d'y aller à pied, pensant qu'une petite marche d'un quart d'heure, après un week-end passé la tête dans la paperasse, pourrait lui faire du bien. Nora ressentait toujours cette même impression lorsqu'elle arrivait devant la prison. Elle se demandait comment une façade de prison pouvait la faire voyager dans son enfance de petite fille où elle se prenait pour une princesse. Et comment des architectes pouvaient dessiner et construire une prison dont la façade ressemblait à un château de prince charmant, sachant qu'aucun des incarcérés n'avait le bon profil ? Quel paradoxe ! Elle entra et s'identifia. Tout le personnel carcéral, ou presque, la connaissait, mais les formalités restaient obligatoires et les agents prenaient toujours du plaisir à discuter avec elle, qui, en plus de sa beauté, était toujours souriante et positive. Elle était respectée même si certains s'autorisaient, en toute discrétion, à s'imaginer lui faire une fouille au corps un peu sévère. Un surveillant l'accueillit : “Monsieur Connor vous attend Maître.”
Connor la salua, comme à son habitude, de manière polie, en l'appelant Maître. Nora donnait de l'importance à garder une certaine distance avec ses clients afin qu'il ne puisse y avoir aucune ambiguïté sur leur relation et qu'aucun rapprochement affectif ne soit possible, amical ou autre.
“Bonjour, monsieur Connor, comment allez-vous ? J'ai de bonnes nouvelles ! L'épicier qui fait l'angle a tout vu de l’altercation avec la victime et témoignera en votre faveur. Je dois récupérer sa déposition cet après-midi. Autre chose, le procès est prévu pour le 28 septembre, dans un peu plus de deux mois. Je suis positive.
– Merci, Maître, mais je me réjouirai quand je serai acquitté.
– Vous avez raison, mais ne perdez pas espoir, vous devez y croire. C'était un accident et cela doit se voir dès votre entrée dans le tribunal. Vous êtes innocent et c'est ce que tout le monde devra lire sur votre front. J'ai besoin que vous soyez en forme pour réussir, ne me lâchez pas !
– Vous avez le chic pour inverser les rôles !”
Nora se leva et ajouta : “Je vous quitte, mais en sortant, je fais une nouvelle demande de parloir. À très vite monsieur Connor.”
Nora remplit son formulaire. Elle pensait que de voir souvent ses clients faisait partie des clés de sa réussite, même si l’échange était court. Elle prenait toujours le temps d’informer un détenu de vive voix afin de s’assurer que l’information soit comprise et acceptée. Être toujours là et veiller à ce qu'ils aient toujours la foi. Elle retourna à son cabinet à pied. Le moral de son client l'inquiétait, elle cherchait de quelle façon elle pourrait le rassurer sans lui promettre pour autant une libération qui n'arriverait peut-être pas. Il fallait être prudent, ne pas donner de faux espoirs qui pourraient se révéler trop dur à supporter s'il s’avérait qu'une condamnation soit prononcée. Dans le cas de l'affaire Connor, soit elle réussirait à prouver que c'était un accident, il serait alors acquitté ou soit il serait condamné pour meurtre, auquel cas il purgerait une peine de prison à perpétuité. Ce genre de challenge l'excitait et lui faisait peur en même temps. Elle se sentait à sa place dans sa fonction, elle y prenait du plaisir et, en même temps, elle était consciente qu'elle détenait entre ses mains l'avenir d'un homme.
Elle déposa des dossiers à son bureau et fila au commissariat où à peine entrée, elle entendit : “Mademoiselle Becker, vous auriez un instant, s'il vous plait ?”
Reconnaissant cette voix, elle tourna la tête en répondant : “C'est important inspecteur ?”
Sourire aux lèvres, Crow répondit : “ça l'est.
– Alors, j'ai un peu de temps.
– Tant mieux, répondit Crow, par ici, s'il vous plait.”
Crow l’emmena dans son bureau, où des piles de dossiers étaient entreposées un peu partout sur les meubles et au sol. Un vieux ventilateur sur pied ratissait la pièce de gauche à droite et de droite à gauche, provoquant un ronronnement. Son bureau n'était pas très grand, mais donnait sur une cour calme. Une grande fenêtre était ouverte et la luminosité de cette pièce en faisait un lieu supportable.
“Asseyez-vous” dit Crow.
Nora s’assit d'humeur taquine envers la police nationale : “Que puis-je faire pour vous inspecteur ... vous aider à arrêter des méchants ?”
Crow la regarda avec un léger petit sourire qui était souvent accompagné d'une nuée de sous-entendus qu'il laissait libres à chacun d'interpréter à sa guise :
“Je suis sur une affaire et vous y êtes impliqué en tant que témoin. Peut-on avoir une simple conversation qui restera entre nous ? Vous recevrez une convocation en temps et lieu pour votre déposition.
— Cette façon de procéder n’est pas très catholique, mais vous m’intriguez, Inspecteur. Je vous écoute.
– Connaissez-vous monsieur Fred Slater ?”
Nora, allant de surprise en surprise, en fut presque déstabilisée et acquiesça d'un signe de la tête sans réfléchir.
“Que pouvez-vous me dire sur lui ?” demanda Crow sans fournir plus d'explications.
Nora était trop intriguée pour accepter de répondre à sa question sans connaître le fond du problème. “De quoi s'agit-il ?”
Crow ne fut pas surpris par la réaction de la jeune avocate. Il connaissait Maître Becker depuis plusieurs années et avait déjà collaboré avec elle. Il tenta quand même : “Je ne peux rien vous dire pour l'instant.”
Mais Becker était décidée à ne pas lâcher : “Cela restera entre nous inspecteur..., une vraie conversation ou rien.”
Crow regardait cette charmante avocate en réfléchissant. C'est vrai qu'elle était très belle et sa détermination la rendait très séduisante, mais il hésitait. Nora interrompit sa réflexion :
“Ayez confiance en moi, Inspecteur, je ne vous trahirai pas. J'ai besoin de savoir de quoi il en ressort pour vous aider au mieux.”
Crow la croyait, elle avait toujours été droite dans le passé et elle avait cette réputation avec ses clients. Il finit par lâcher : “Slater est accusé de meurtre.”
Nora resta silencieuse. Puis elle dit : “Je connais Fred depuis plus de quinze ans, nous étions en fac de droit ensemble. Je ne l'aimais pas. Avec son acolyte de Georges, ils étaient bêtes et méchants, toujours à rabaisser les plus faibles et à se croire au-dessus des autres. Qui aurait-il tué ?
– Monsieur Georges Wagner.
– Impossible ! Ces deux-là étaient comme deux frères.”
Crow perçut cette réponse comme un cri du cœur. Visiblement, elle n'avait pas un bon souvenir de cet individu et, pourtant, elle avait l'air sûre d'elle en pensant qu'il n'aurait pas pu commettre ce crime.
“Et pourquoi pas ? S'exclama Crow.
– Parce que c'était son meilleur ami depuis longtemps. À la fac, ils étaient très complices. Fred était dominant, mais c’est parce qu’il était mieux né. Des parents aisés et aimants. Georges venait d'une famille pauvre. Je ne lui ai jamais vu que de la bienveillance envers lui. Que s'est-il passé ?”
Crow résuma la situation. Nora était sidérée. Il lui demanda son ressenti, mais, après réflexion, elle ne put donner un avis tranché et ni un oui, ni un peut-être ne pouvait sortir de sa bouche. Pour elle, Fred était un être manipulateur qui servait ses intérêts sans se soucier des conséquences pour autrui, mais de là à être un assassin. Dans son for intérieur, c'était difficilement imaginable. Crow lui signifia qu'il n'avait pas encore d'avocat et Nora comprit de suite l'allusion. Elle le regarda droit dans les yeux et lui dit:
“Même pas en rêve, inspecteur. Il n'en est pas question. Je n'aime pas cet individu qui se croit supérieur aux autres parce que papa a fait fortune en exploitant des malchanceux.”
Crow souriait intérieurement. Elle avait une façon de parler comme si c’était une petite fille et, en même temps, elle employait un ton très professionnel. Crow était sous son charme, tel un père en admiration devant sa fille. Il poursuivit : “Du calme Becker, il n'est pas question de vous. Ce type risque perpète, il a besoin d'un bon avocat. Vous le connaissez depuis longtemps. Je l'ai vu aujourd'hui et j'ai vu un homme qui mérite qu'on cherche la vérité.
– C'est un manipulateur, inspecteur, il ne faut pas l'oublier.
– Le cri du cœur est souvent le bon, et je pense aussi que ce n'est pas lui. Il aurait laissé trop d’indices derrière lui, cela ne colle pas. Il tue son ami dans sa cuisine, puis laisse le corps et, pour finir, appelle la police ! C’est absurde. Aidez-moi à résoudre cette affaire. Je sais que vous pensez qu'il n'a pas pu faire une telle chose. Ne voudriez-vous pas savoir ce qui s'est réellement passé ? Si vous ne nous aidez pas, il est foutu. Il y a de forte chance qu'il tombe sur un avocat qui ne pensera qu'à boucler l'affaire et il ira en taule jusqu'à la fin de ses jours. L'assassin restera en liberté et nous ne saurons pas le pourquoi du comment !”
Elle pensa que Crow était très fort. Elle sentait, à présent, l’irrésistible envie de ne pas être mise à l'écart de cette affaire et elle se demandait s'il avait prémédité son coup ou pas. Elle s'empressa de dire :
“Rien ne dit qu'il acceptera que je le représente.”
Crow réitéra son fameux sourire et affirma : “Il acceptera. Venez, j'en connais un qui va être content d'avoir une bonne avocate !”
Nora suivit l'inspecteur jusque dans les cellules qui se trouvaient au sous-sol du commissariat. Elle regrettait déjà et aurait voulu faire demi-tour, mais son professionnalisme et sa curiosité l'en empêchaient. Elle appréhendait cette rencontre et se préparait à être dans son rôle d'avocate. Fred était dans la dernière cellule, au bout d'un long couloir sombre et sale. Nora pensa qu'elle ne la connaissait pas, mais elle ressemblait de façon identique à toutes les autres. Quatre mètres par trois, deux lits superposés sans pieds et un WC, le tout entouré de murs gris et sales. Slater était assis sur le lit du bas, les coudes sur ses cuisses, la tête dans ses mains lorsqu'il entendit du bruit dans le couloir. Un gardien ouvrit la porte et Crow entra suivi de Nora. En l'apercevant, Fred se leva si précipitamment et si maladroitement qu'il se cogna la tête dans le lit du dessus, ce qui ne manqua pas de provoquer le sourire plein de sous-entendus de Crow : “Monsieur Slater, Maître Becker est d'accord pour vous défendre si vous l'êtes aussi, bien sûr.
– Hein, quoi ?” bafouilla Fred, tellement surpris. Nora l'observait. Elle se dit que se devait être ce comportement maladroit et idiot qu'avait sûrement interprété Crow comme de la fragilité et de la sincérité. Mais elle, elle trouvait ça pathétique et se demandait clairement ce qu'elle faisait là. Elle dit d'un ton froid : “Bonjour, l'inspecteur m'a expliqué la situation, et, si tu acceptes, je veux bien te défendre.”
En une seconde, l'ancien camarade de campus, plein de gratitude, s'était rapproché et tentait d’enlacer Nora qui le repoussa violemment en criant, un brin de colère dans la voix : “Hé ! doucement là… un merci suffira.”
Fred était gêné de son élan de reconnaissance et s'excusa d'avoir agi ainsi. Crow observait la scène laissant s'épanouir son sourire sournois et leur dit à plus tard. Il sortit, les laissant seuls.
“Je suis désolé, vraiment, je ne sais pas ce qui m'a pris”, reprit Fred.
Après coup, Nora eut envie de sourire de la situation, mais elle ne le fit pas. Son nouveau client n'avait pas bonne mine. Elle commença : “Il va falloir que tu me racontes tout dans les moindres détails. Crow m'a fait un résumé et j'ai lu ta déposition, mais tu vas devoir recommencer et peut-être plusieurs fois. Nous partons pour un long combat, tu dois te préparer comme un sportif. Mais avant tout, je dois savoir une chose… As-tu tué Georges ?
– Non, je ne l'ai pas tué, je l'aimais comme un frère.
– Si je m'aperçois que tu me mens, tu devras te trouver un autre avocat sur le champ.
– Je ne te mentirais pas. Si je dois être moi-même une fois dans ma vie, ce sera maintenant. Je te remercie Nora.
– Il est tard aujourd'hui et j'ai un dossier en cours qui est déjà bien avancé. Moi qui comptais lever le pied ! Cela va devoir encore attendre un peu. Je reviens demain.”
Fred l'aurait bien encore enlacée, mais Becker qui avait déjà disparu n’aurait sûrement pas apprécié.
Elle passa prévenir Crow qu'elle partait et qu'elle reviendrait le lendemain matin. Crow l'informa que la détention provisoire serait inévitable. Elle lui demanda de prolonger la garde à vue de 24 heures. Cela lui laisserait le temps d'échanger avec son client plus facilement qu'en prison, ce que Crow accepta. Elle récupéra la déposition pour son affaire Connor, la mit dans son dossier en se disant qu'elle la lirait plus tard, à tête reposée. Elle sortit et rejoignit sa voiture. Elle tourna la clé de contact en pensant à chez elle et se décomposa. Tout était allé tellement vite qu'elle en avait oublié Greg à qui elle ne s'imaginait pas un seul instant dire :
“Coucou chéri, tu sais, Fred, le p'tit con de la fac ... et bien il est accusé d'avoir tué Georges ... tu sais Georges, son acolyte, qui t'a bien fait chié, lui aussi, et devine qui va le défendre ? C'est bibi !” Elle roula s’efforçant de ne penser à rien, son cerveau ayant grand besoin de repos. En rentrant, elle aperçut le voyant du téléphone qui clignotait, ce qui signifiait qu'il y avait un message :
“Bonjour Chérie, l'expertise s'est plutôt bien passée. Je dîne avec Oscar ce soir et je rentre demain matin. J'espère que tout va bien pour toi. À demain, ma chérie, je t'aime.” Nora fut soulagée d’entendre ce message. Cela lui laissait un peu de temps pour réfléchir à la manière dont elle allait aborder la situation avec Greg.
Carl fut surpris de ne pas voir Fred au bureau, ce lundi matin. Ils avaient une réunion à 14h et ce n'était pas dans leurs habitudes que ni lui ni Georges ne soient absents sans prévenir. Il espérait que cette absence n'ait pas un lien avec leur week-end et se dit qu'il éclaircirait ça le lendemain. Mais le lendemain matin, toutes les secrétaires de l'entreprise reçurent un communiqué informant que monsieur Fred Slater et monsieur Georges Wagner seraient absents jusqu'à nouvel ordre. Carl en fut interloqué, mais ne put en apprendre davantage.
Fred se réveilla, ce mardi, vers 6 heures, étonnamment en forme et prêt à affronter la journée. Il était en garde à vue, son avenir était plutôt incertain, dans le mauvais sens du terme, mais il se sentait bien. Il y croyait. En fait, il était ravi de revoir Nora. Qu'elle accepte d’être son avocate était la chose la plus inattendue qui pouvait lui arriver après Georges, mort, poignardé dans sa cuisine. Il savait qu'il était encore amoureux d'elle, et ce, depuis leurs retrouvailles au Club de sport. À la faculté, bien qu'il perdait ses moyens face à elle, il pensait juste que ce n'était qu'une attirance. Au début, il ne s'entendait pas trop mal avec elle, mais, dès qu'elle était devenue amie avec Greg, c'était fini. Elle et Martine ne faisaient plus attention à lui et l'évitaient tant qu'elles le pouvaient.
À 8 heures, un gardien vint le chercher et le conduisit dans un bureau, à l'étage, où Nora l'attendait. La pièce était exiguë, les murs étaient jaune sale avec une petite fenêtre donnant sur la cour. Fred pensa qu'il ferait mieux d’apprécier ce décor, sachant que ce qui l'attendait serait certainement pire. Ils se saluèrent d'une poignée de mains que lui tendit Nora, bien décidée à instaurer avec Fred ses limites avocat/client.
Fred lui tendit une feuille volante où il avait noté des noms de clients qu'il pensait pouvoir lui en vouloir. Surprise, Nora parcourut la liste relativement longue et lâcha : “Ah oui ! Quand même !”
Une trentaine de noms figuraient sur sa liste. Fred fut embarrassé. Elle continua et l’encouragea à lui raconter tout ce qu’il avait déjà raconté à Crow, en y incluant le moindre détail. Fred réitéra du mieux qu’il put.
– Le couteau t' appartient ? lui demanda-t-elle.
– Oui, c'est un couteau de cuisine qui se trouvait sur le plan de travail avec les autres."
Nora étala les différentes photos prises le jour du meurtre. Fred lui en montra une où apparaissait un plan de travail où était posé, entre autres, un bloc en bois pour 5 couteaux de cuisine. Il en manquait un.
“Nora…, commença Fred.
– Maître”, reprit Nora.
Fred la regarda surpris, puis reprit : “Maître..., connaît-on l'heure de la mort ?”
L'autopsie était en cours, mais le médecin légiste estimait l'heure du décès entre 1h et 3h du matin. Se projetant au moment des faits, Fred murmura :
“Je dormais à point fermé, c'est mon réveil qui m'a sorti du lit vers 6h30. Je me souviens que je me suis dit que j'avais l'impression d'avoir trop bu la veille, ce qui n'était pas le cas. J'avais la langue pâteuse et du mal à émerger. Alors que, normalement, je me lève plutôt en forme. Ce soir-là, j'ai regardé un film et je me suis couché vers 11h00.”
Puis il leva les yeux vers Nora et déclara comme une révélation : “J'ai été drogué !”
Nora le regardait fixement : “Qu'as-tu mangé et bu ?”
L'ambiance était bizarre, les pensées de Fred se bousculaient entre cette révélation qui arrivait comme son sauveur et ce tutoiement entre lui et Nora qui apparaissait en total décalage avec le souhait de celle-ci de se faire appeler “Maître”.
Fred hésita et osa d'un ton calme et doux : “Maître, merci de me vouvoyer.”
Puis il se concentra et continua : “J'ai mangé un plat préparé par Olivia, ma femme de ménage, et j'ai bu deux verres de vin d'une bouteille que j'ai prise dans ma cave et que j'ai débouchée. J'ai posé la bouteille de vin sur le plan de travail, près de l'évier.”
Nora le fixait. Elle venait de se faire remballer comme jamais, elle balbutia vexée :
“Oui, bien sûr, excusez-moi, Monsieur Slater.” Elle appuya sur le “Monsieur Slater”. Le ton était donné. Elle ajouta :
“On arrête là pour le moment, je m'occupe de faire analyser la bouteille.
– N’oubliez pas la poubelle !” surenchérit Fred. Nora le regarda, acquiesça et partit. Un policier raccompagna le détenu en cellule. Ce dernier pensa que son avocate avait une petite fierté bien dissimulée qui ne lui déplaisait pas.
Becker eut la chance de trouver crow dans son bureau. Elle lui déposa la liste de noms de clients que lui avait remis Slater, et lui reporta leur entretien. Crow se mit immédiatement en charge d’envoyer une équipe sur place pour faire des prélèvements.
Nora rentra à son bureau et consacra du temps au dossier Connor. Vers 13 heures, sa secrétaire lui passa un appel téléphonique en lui précisant que Greg était à l'autre bout. Elle sentit sa gorge se serrer : “Bonjour Chéri.
– Salut, je viens de rentrer. J'ai hâte de te voir ce soir. Tu rentres vers quelle heure ?
– 19h.
– OK, j'y serais !”
L’échange fut court, mais il en était souvent ainsi entre eux, ayant constamment l’esprit occupé par le travail et peu de temps à consacrer à parler pour ne rien dire.
Nora aurait pu rentrer plus tôt, mais elle n'avait toujours pas trouvé de quelle façon elle allait annoncer toute cette affaire à son compagnon. Elle allait forcément faire remonter en lui un passé douloureux auquel ils devraient faire face ensemble.
“Monsieur le juge ? Crow à l'appareil. Pour l'affaire Slater, je pars faire des investigations sur les lieux. Différents prélèvements sur la nourriture et la boisson, on soupçonne que Slater aurait pu être drogué. Vous me suivez ?”
Crow posait la question au juge comme une simple formalité. Celui-ci répondit : “Je vous suis, mais ne perdez pas votre temps, cette affaire est claire comme de l'eau de roche.”
L'inspecteur retira les scellés. Lui et son équipe entrèrent. Le corps avait été retiré, laissant place à un dessin au large trait blanc représentant le mort. Rien d'autre n'avait été déplacé. Tous équipés de gants, de pipettes, de pinces et d'accessoires ingénieux, les techniciens prélevèrent un échantillon de chaque aliment du réfrigérateur, ainsi qu'un peu de vin de la bouteille ouverte, sans oublier la poubelle. Crow fit le tour de la cuisine et estima qu'ils avaient ce qu'il fallait. Il reposa le scellé et demanda à l'équipe du labo de faire le boulot pour hier.
Les résultats tombèrent dans la fin d'après-midi et Crow prévint Nora qui passa au Commissariat.
“Rien”, dit Crow. Nora fit grise mine. Il fallait annoncer ça à Slater. Décidément, ce n'était pas le bon soir pour elle.
Fred s'assit et se mit la tête dans les mains : “Ce n'est pas possible, plus j'y repense et plus je suis sûr d'avoir été drogué.”
Nora était désolée de le laisser sur cette mauvaise nouvelle, mais elle devait rentrer chez elle.
Lorsqu'elle franchit la porte d'entrée, elle aperçut Greg installé dans le sofa devant une émission de télévision.
"Je me distrais !" S’exclama-t-il en souriant.
Il se leva, embrassa et serra sa femme contre lui. Il lui susurra à l'oreille : “Tu m'as manqué mon amour.”
Nora se dégagea avec tendresse, le regarda et lui dit qu'il s'était passé beaucoup de choses durant son absence et qu'ils devaient parler. Greg sentit du sérieux dans la voix de sa conjointe, mais ne s'en inquiéta pas.
Il lui dit calmement : “Je t'écoute ma chérie.”
Elle n'était pas du genre à tourner autour du pot ni à faire traîner les corvées, elle lança : “Fred Slater est accusé de meurtre et je suis son avocate.”
À peine sa phrase terminée, elle se demandait si elle n'avait pas été trop directe, mais elle était convaincue que, quelle que soit la manière dont elle le lui aurait annoncé, cela aurait provoqué un choc chez son compagnon.
Greg resta silencieux, se leva et se servit un scotch. Il finit par dire : “Fred Slater ?”
Elle eut l'impression qu'il ne se souvenait pas de lui et qu'il lui demandait qui était ce Fred Slater. Elle commença à lui rafraîchir la mémoire lorsqu'il l’interrompit brusquement : “Je sais qui est Fred Slater !”
Elle se tut. Greg se calma et continua : « Que ce con ait commis un meurtre, cela me paraît relativement cohérent avec le personnage. Mais que tu sois son avocate, là, je ne comprends pas. Comment as-tu pu te retrouver mêlée à cette histoire ?”
Nora était embarrassée, à vrai dire à cet instant précis, elle n’était plus sûre de rien : “Tout s'est passé très vite …, je me suis laissée embarquer dans cette affaire.”
Mais elle ne croyait pas vraiment à ce qu'elle disait cependant, elle ne pouvait faire autrement que de se chercher des excuses. Il demanda : “Depuis quand le revois-tu ?
– Depuis vendredi. Il était avec Carl au Club. Figure-toi qu’ils sont collègues et ils jouent aux tennis ensemble. Martine et moi avons été surprises de ces retrouvailles.
– Mais c’est merveilleux ! Ironisa Greg, vous faites vos petites rencontres entre vous ! Et tu n’as pas cru bon de m’en informer !”
Nora était de plus en plus mal à l’aise : “Je te demande pardon, mon chéri. Je ne voulais pas t’ennuyer avec ça.
– Dessaisis-toi de l'affaire.”
Nora fut surprise ne sachant si ce qu'il venait de dire était un conseil ou un ordre. Elle dit spontanément :
“Non, je ne peux pas faire ça.
– Tu le peux si tu le veux", insista-t-il.
Nora le regarda dans les yeux : “Tu me demandes de sortir de ce dossier pour moi ou pour toi ?
– Pour nous, Nora, supplia-t-il, comment allons-nous vivre avec lui entre nous deux ?” Nora sentait la panique la gagner. Elle essaya de relativiser :
“Mais, enfin, chéri, on ne parle là que d'un con qui t'a fait chier durant la fac. D'ailleurs, il n'est ... il a certainement changé depuis 15 ans !” Nora faillit évoquer un changement comme une certitude et crut plus prudent de se reprendre.
Mais son compagnon argumenta : “Ces mecs-là ne changent jamais Nora. Un jour, ils sont sympas et, le lendemain, il te poignarde dans le dos. Je n'ai pas l'intention d'accepter que lui ou son esclave de Georges vienne encore nous pourrir l'existence.
– Georges ne te pourrira plus la vie, il est mort.
– Bon débarras”, lança Greg. Il se leva et alla se servir un autre verre.
Nora s’approcha amoureusement de lui et le prit dans ses bras : “Greg, je suis désolée. Je sais tout le mal qu’ils t’ont fait, mais je te connais et je sais que la mort de Georges ne te réjouit pas. Laissons le passé derrière nous.”
Greg resta silencieux et ils en restèrent là.
Vers 20h, Crow passa voir Fred en Cellule.
Celui-ci ressassait : “Je ne comprends pas, je suis sûr d'avoir été drogué. La langue rugueuse, à moitié mal au crâne, réveil difficile... c'est typique de la gueule de bois et pourtant, je n'ai pas bu ce soir-là. Faites-moi une prise de sang !
– Désolé, monsieur Slater, mais la prise de sang ne pourrait que confirmer, mais ne fera pas office de preuve. Vous avez tout ce qu'il vous faut pour la nuit ? Qu'est-ce qu'ils vous ont apporté à manger ce soir ?
– Des œufs au bacon”, répondit Fred, histoire d'être poli. Oh ! s'il vous plait, inspecteur, vous pourriez m'apporter une bouteille d'eau, je bois toujours le soir et hier, ça m'a manqué.” L'inspecteur acquiesça de la tête et se dirigea vers la porte de la cellule, stoppa net, et se retourna vers Fred :
“On n’a fait aucun prélèvement sur aucune bouteille d'eau !”
Fred s’excita comme fou : “Près de mon lit, à gauche, sur la table de nuit, il y a une bouteille d'eau. J'en ai bu avant de dormir.”
Cela fit l'effet d'un ouragan dans l'esprit de Crow qui regarda sa montre et pensa “J'appelle le juge et j'y vais”. En partant à grands pas, Craw lança : “À demain, je vous fais apporter une bouteille d'eau.
– Merci, inspecteur, merci pour tout." Mais l'inspecteur était déjà loin et n'entendait plus les propos de ce dernier.
Fred s'allongea sur sa couchette. Il plaça tous ses espoirs dans cette bouteille d'eau. Il se demanda s'il était normal pour un inspecteur de rendre visite à un gardé à vue à 20h, juste pour lui demander ce qu'il avait mangé et s'il avait besoin de quelque chose. Dans son malheur, il se sentait chanceux d'avoir Nora comme avocate et Crow comme inspecteur. Un gardien arriva et lui transmit une bouteille d'eau au travers des barreaux.
“Allo, Monsieur le Juge ? Crow à l'appareil.
– Vu l'heure, je suppose que c'est important.
– Je retourne chez Slater, j'ai oublié un prélèvement, vous me suivez ?
– Vous savez ce que j'en pense...
– Merci, Monsieur le Juge, je vous tiens au jus.”
Le juge Davies se jugeait trop laxiste avec Crow et savait que cela pourrait lui valoir des ennuis, mais ensemble, ils avaient déjà résolu de nombreuses affaires et il avait confiance en cet inspecteur qui ne lui cachait rien, ou presque. Crow se rendit seul chez Slater et trouva la bouteille d’eau là où Fred l’avait indiquée. Il la prit et la mit sous scellé. Il en profita pour refaire un tour tranquillement dans l'appartement, puis repartit. Il déposa le scellé au commissariat et rentra enfin chez lui. Personne ne l'attendait. Le baroudeur des scènes de crime vivait seul dans une maison mitoyenne, dans le quartier populaire de Saddleworth. Bien trop grande pour une seule personne, il était très attaché à cette demeure familiale où il avait grandi. Les meubles et la décoration dataient du temps de ses parents, mais il se sentait bien dans cette ambiance vieillotte.
À 6h30, il arriva au commissariat, prit le scellé et partit au laboratoire d'analyse qui ouvrait à 7h. Il savait qu'en arrivant à l'ouverture, il pourrait peut-être avoir un traitement de faveur.
“Super, se dit-il, c'est Linda qui est à l’accueil.” Il salua Linda avec son plus beau sourire et lui demanda si elle était toujours mariée. L’inspecteur ne draguait pas, il n'aimait pas ça. Il taquinait, ayant remarqué qu'il obtenait plus facilement ce qu'il voulait avec des petites flatteries par-ci par-là. Bien sûr, ses interlocutrices n'étaient pas dupes, mais ce petit jeu amusait les employées du labo.
"Et oui, plus que jamais, inspecteur, répondit Linda.
– Harris est là ?”
Linda lui fit signe de la main vers la droite, il connaissait le chemin. Craw aperçut Harris vêtu de sa blouse blanche et concentré sur ses éprouvettes. Il lui tendit la bouteille d'eau et s'adressa à lui de manière amicale :
“Salut, Charles, j'ai besoin d'une analyse. Soupçon de somnifères ou autre drogue qui fait dormir.
– Tu tombes bien, Franck, je me demandais bien ce que j'allais faire ce matin ! ironisa Harris qui était un des rares à appeler Crow par son prénom.
– Merci vieux, je te revaudrai ça, dans combien de temps ?
– Deux heures.
– Je reste pendu à mon téléphone !
– Sans blague ?” Rétorqua Harris. Ils se sourient et Crow repartit au commissariat.
Lorsque Nora se leva ce mercredi, Greg était déjà sorti. Trop tôt pour aller à son étude, elle pensa qu'il était parti courir, ce qu'il faisait plusieurs fois par semaine. Leur soirée avait été calme. Ils s'étaient couchés tôt sans faire l'amour. Un froid évident s'était installé entre eux. Quelque part, elle aimait autant être seule. Elle n'aurait pas su quoi lui dire de toute façon. Elle se prépara et fila au commissariat. Elle entra dans le bureau de l'inspecteur au moment où le téléphone sonna. Il décrocha et lui fit signe de s’asseoir. Il restait silencieux et écoutait son interlocuteur. Il finit par dire :
“Merci vieux !” Crow consulta sa montre. Il était 9h20. Il reprit immédiatement le combiné et appela Davies, faisant signe à Nora qui le regardait avec de grands yeux interrogateurs, de patienter.
“Monsieur le juge ? Crow à l'appareil. Affaire Slater, présence de benzodiazépine dans sa bouteille d'eau, celle de la chambre. Il dit en avoir bu la veille du drame. Je demande le bracelet électronique. Il n'a rien à faire en prison.
– Du calme, Crow, qui dit que ce n'est pas lui qui a mis la drogue ? Je serais plus tranquille de le savoir sous les verrous, rien ne vous empêche de mener votre enquête en parallèle.
– J'ai l'effectif nécessaire pour le bracelet. Cela nous permettra d’être plus efficaces dans cette affaire si moi et Maître Becker pouvons l'approcher et l'interroger sans avoir à remplir x formulaires, ça ira plus vite ! L'avoir près de nous est indispensable pour mener à bien cette enquête, il en est la clé. Et je suis convaincu que l'assassin est dehors.
– Le bracelet n'est pas prévu pour ce cas de figure. Vous savez que nous sommes en phase expérimentale de ce procédé et ...
– Et bien justement ! Rendez-vous compte que vous serez le premier juge à démontrer les bienfaits de ce système dans cette situation précise !
Crow et Nora ne se quittaient plus du regard, l'attente se faisait longue, puis le juge trancha : “OK crow, je fais le nécessaire pour le bracelet. Vous avez intérêt à ne pas rater votre coup.”
Nora n'entendait pas ce que disait le juge, mais elle vit le sourire triomphant de Crow et comprit immédiatement.
Ils descendirent ensemble annoncer la nouvelle à Fred qui dut encore retenir ses ardeurs pour ne pas serrer sa tendre avocate dans ses bras.
Nora arrivait à son cabinet. Elle salua sa secrétaire et s’installa à son bureau où elle ouvrit un dossier mentionné “Connor”. Elle attrapa la déposition de l’épicier et la lut. Elle pensait y trouver un témoignage en béton qui pèserait pour sa défense, mais elle se rendit compte qu’il pourrait être interprété de différentes façons. L'accusation saurait, sans aucun doute, tourner cela à leur avantage. Elle était déçue. Ne voulant rien lâcher, elle se replongea dans le dossier.
En fin de matinée, sa secrétaire lui passa un appel de la part de Martine : “Nora, tu ne devineras jamais ce qui m'arrive !”
Mais Nora n'était pas surprise : “J’ai bien une petite idée… tu as reçu une convocation du commissariat ?”
Martine, étonnée, acquiesça et écouta son interlocutrice qui lui conta toute l'histoire. Son amie, en tant qu’avocate, lui conseilla de dire tout ce qui s’était passé, que ce soit pendant les années fac où la semaine passée. Martine, en vraie amie, ne jugea pas sa décision de défendre Fred. Elle n’osa pas aborder le sujet de Greg, se doutant que cela devait être suffisamment difficile comme ça. Elle la remercia pour ses conseils et lui dit au revoir. En fin de journée, Nora rentra chez elle la boule au ventre. Tiraillée entre cette affaire Slater qui l’intriguait et l’excitait de plus en plus, et le désir de ne pas imposer ces événements à son compagnon. Quand elle arriva vers 17h30, Greg était déjà rentré. Elle prit une voix douce et lui dit : “Bonjour Chéri, comment s’est passée ta journée ?
– Bien, dit-il, et toi ?”
Nora ne le sentit pas en forme et elle se doutait pourquoi. Elle prit les devants :
“Écoute, j’ai bien entendu ce que tu m’as dit hier soir, que tu ne souhaitais plus jamais entendre parler de Slater, mais c’est impossible pour moi d’abandonner cette affaire”.
Elle observa le visage de son compagnon se fermer et continua : “C’est une affaire hors norme et je ne pourrai m’empêcher d’y penser. Rends-toi compte qu’il est peut-être innocent ?”
Aussitôt prononcés ces mots, elle se rendit compte de son erreur. Il était impossible pour Greg d’accepter l’idée que Slater pourrait être une victime, encore moins de savoir que sa femme pourrait y croire. Il s’énerva :
“Quoi ? Ce type ? Innocent ? Mais enfin, Nora, je ne te reconnais plus ! Tu ne te souviens plus comment il était avec nous. D’ailleurs, comment se fait-il que j’aie reçu une convocation du commissariat ? Je n’ai pas vu ce mec depuis plus de 15 ans !?”
Elle était aussi surprise que lui par cette convocation. Sa réponse ne pouvait être qu'une supposition et elle préféra s'abstenir.
Il alla dans la chambre, en sortit une valise et commença à vider son placard. Elle tenta de le retenir, mais sans succès. Greg lui dit qu’il allait à l’hôtel jusqu’à ce qu’elle retrouve la raison. La jeune femme, impuissante, le regarda partir. Elle se sentait mal, culpabilisait et finit par maudire Fred et Crow. Le lendemain matin, son réveil sonna comme d’habitude à 6h30. Elle l’attrapa et le jeta au travers de la chambre. Elle mit la tête sous son oreiller et hurla de colère.
Crow avait une journée chargée, à commencer par la déposition de la femme de ménage de Fred. À 9h, il quitta son bureau et se dirigea vers l’accueil du commissariat et scruta la salle d’attente.
“Mademoiselle Roberts n’est pas encore arrivée ?” interrogea-t-il. Le policier responsable de l'accueil lui fit signe que non de la tête. L'employée de Slater avait trente minutes de retard. Crow voyait déjà sa journée prendre du retard et ça le contrariait.
“Appelez chez elle”, dit-il, puis il retourna à son bureau. Quelques instants plus tard, l’agent toqua à la porte de Crow :
“Personne ne répond, Inspecteur.
– OK, merci. Réessayez de temps à autre, et surtout, prévenez-moi dès qu’elle arrive."
L’agent acquiesça. Crow resta songeur, il n’aimait pas ça et avait un mauvais pressentiment. Une femme de ménage qui reçoit une convocation de la police n’était généralement pas en retard. Elle ne pouvait avoir qu’une bonne raison de ne pas être là. Crow s’interrogeait sur ce que cela pouvait bien être. Les heures passèrent et Olivia Roberts ne vint pas.
Martine était installée dans le bureau de l'inspecteur. Ni trop décontractée, ni trop stressée, elle était concentrée et répondait du mieux possible aux questions :
“Depuis quand connaissez-vous Monsieur Fred Slater ?
– Depuis la Fac, en 1961.
– Comment l'avez-vous rencontré ?
– Nous étions dans la même section de droit. Nous avions pratiquement les mêmes cours.
– Étiez-vous amis ?
– Pas vraiment, Fred et Georges, prenaient un malin plaisir à nous embêter.
– Nous ?
– Oui, moi, Nora … Nora Becker et Greg Husman.
– Que faisaient-ils ?
– De mauvaises blagues. Ils nous prenaient nos sacs de cours et les jetaient dans le fossé ou nous crevaient un pneu. Un jour, ils nous ont pris nos vêtements pendant que l'on se baignait au lac. Ils ont semé ceux de Nora et moi sur le chemin et nous avons dû nous rhabiller au fur et à mesure, mais ils n'ont redonné ceux de Greg que le lendemain et il dut rentrer chez lui en slip.”
En racontant cette dernière anecdote, Martine sourit.
Crow continua : “Je suppose qu'à l'époque, cela ne vous a pas fait rire ?
– En effet, inspecteur, je suis désolée.
– Ne le soyez pas. Vous pourriez tous en rire aujourd'hui.
– Non, pas Greg, c'est sûr !
– Pourquoi ça ?
– En rentrant chez nous, nous avons croisé un groupe d'étudiants et, le lendemain, Greg était la risée de tout le campus.
– Comment a-t-il réagi ?
– Il s'est renfermé sur lui-même. Nora et moi étions avec lui et essayons de le soutenir du mieux que nous pouvions. Mais même avec nous, c’était difficile.
– Y a-t-il eu d'autres événements comme celui-ci ?
– Non, mais leurs blagues idiotes étaient récurrentes.
– Faisaient-ils la même chose à d'autres étudiants ?
– Non.
– Pourquoi pensez-vous qu'ils en avaient après vous ?
– Je ne sais pas. Avant que Nora et moi soyons amis avec Greg, Fred et Georges ne nous ennuyaient pas. Et puis, Fred était amoureux de Nora, mais elle ne voulait pas sortir avec lui. Nora étant proche de Greg, il était peut-être jaloux.
– Revenons au présent, mademoiselle Toker. Vous avez passé la journée du samedi et dimanche avec monsieur Slater ?
– Oui, ainsi que mon fiancé, Carl Lewis.
– Comment était monsieur Slater durant ces deux jours ?"
Martine hésitait, ne sachant pas vraiment comment répondre à cette question : “Comment cela ?”
Crow précisa : “Était-il nerveux, soucieux ou autre, qui aurait retenu votre attention ?
– Non, il était tranquille. Il a passé plus de temps avec Carl. Le dimanche matin, je me suis retrouvée seule avec lui et je l'ai un peu agressé verbalement, mais lui est resté très calme et courtois, ce qui m'a un peu surprise. Je m'attendais à ce qu'on se dispute, mais au contraire, il a calmé le jeu aussitôt.
– Pourquoi l'avez-vous agressé verbalement ?
– Avec le recul, je ne sais pas vraiment. Quelques rancœurs du passé, je suppose. Je n'avais pas envie qu'il vienne au Chalet.
– Merci Mademoiselle Toker. Je vous remercie de lire et de signer votre déposition.”
Crow reçu Carl Lewis qui ne se remettait pas depuis que Martine lui avait fait part de ce que signifiaient leurs convocations. Il fut des plus élogieux envers Fred, lui vouant ses qualités professionnelles et humaines au sein de l'entreprise, voyant ses exigences et ses intransigeances comme des vertus nécessaires lorsque l'on occupe un poste comme le sien. Durant l'interrogatoire, il n'eut de cesse de faire attention que tout ce qu'il pourrait dire soit interprété comme il le pensait, c’est-à-dire en faveur de Fred.
Inquiet du silence de la femme de ménage de Fred, Crow fit envoyer une patrouille au domicile de mademoiselle Roberts. Elle habitait un petit appartement en rez-de-chaussée d'un vieil immeuble d'un quartier populaire. Trois policiers se rendirent sur les lieux. Un des officiers sonna et frappa, mais personne ne répondit. Il frappa plus fort, appelant mademoiselle Roberts au travers de sa porte. Sa voisine de palier, une femme d'une cinquantaine d'années, bien en chair, des bigoudis multicolores sur la tête, vêtue d'une robe de chambre à fleurs à dominance orange, entrouvrit sa porte et s’adressa au policier de manière peu aimable : “Qu'est-ce qui s’passe ici ? C'est pas bientôt fini, tout s’vacarme ?”
Le policier s’approcha et elle ouvrit sa porte en grand.
“Bonjour, madame, savez-vous si mademoiselle Roberts est chez elle ? demanda-t-il.
– Bouge pas mon p'tit, j’reviens”, répondit la voisine. Elle rentra dans son appartement, refermant la porte derrière elle et revint quelques secondes plus tard.
“Elle est là, sa voiture est garée d’vant.
– Elle est peut-être partie à pied ? avança l'officier.
– Elle est chez elle, j'te dis. J'connais ses habitudes !” affirma la voisine d'un ton sec.
L’agent était convaincu et s’adressa à ses collègues : “On défonce la porte, les gars !
– Hé là !” s'écria la voisine, “J'ai sa foutue clé !”
Elle repartit, sans refermer sa porte cette fois-ci, et revint avec une clé. Le policier ouvrit la porte et entra, suivi de ses deux collègues et de la voisine. La jeune femme de ménage était là, devant eux, dans son salon, pendue à son lustre.
Crow décrocha son téléphone posé sur une pile de dossiers, écouta et dit :
“J'arrive, ne touchez à rien. Restez chez la voisine.”
Il raccrocha et fonça chez mademoiselle Roberts.
L'appartement était sombre. Les volets avaient été partiellement fermés et les rideaux étaient tirés. Un tabouret couché sous la victime inspirait de suite le suicide, mais la voisine n'était pas de cet avis : “Impossible, dit-elle, impossible, j'vous dis et j'sais d'quoi j'cause. La p'tite Olivia, elle était amoureuse comme une folle. Elle vivait le grand amour. Vous croyez qu'on se suicide quand on est amoureux, vous ? Hé ben non ! Même que pas plus tard qu'avant-hier, elle m'a dit que son amoureux devait l'emmener en voyage à Paris. Ben moi, je me s'rais pas suicidée tout de suite, j'aurais au moins attendu d'être allé à Paris, tiens !”
Crow lui demanda si elle connaissait son amoureux et elle répondit :
“ben non, l'connais pas, mais un jour, j'ai r’gardé par ma f’nêtre et j'l'ai vu avec Olivia. C'est un beau gars, une p’tite quarantaine, propre sur lui. Je m'suis même dit que c'gars là, il doit pas être du quartier”.
– Merci, Madame ...?”
La femme, flattée que l'inspecteur lui porte de l’intérêt, arbora son plus beau sourire :
“Mademoiselle … Inspecteur, Mademoiselle Abigail Clark, ... et vous … inspecteur… ?”
Crow sourit. Il aimait ces personnages hauts en couleur qui donnaient à ces journées macabres une petite touche d'humanité. Il répondit : “Inspecteur crow, mademoiselle Clark, du commissariat de Manchester.” Puis il ajouta :
“Je vous remercie pour vos précieux renseignements. Pourriez-vous ne pas vous éloigner de la ville pour le moment, nous pourrions avoir encore quelques questions ?
– M’éloigner de la ville ? Et pour aller où ? J’vous le demande ? Pour sûr que j’s’rais ‘core là, la prochaine fois qu’vous viendrez rôder dans l’coin !”
Et elle rentra chez elle en bougonnant : “Y est ben mignon, ce p’tit inspecteur, mais pas très fût fût !”
Crow retourna sur les lieux du drame et observa l'appartement de près. Ce décès soudain le laissait perplexe. "Suicide ou meurtre ? Deuxième mort violente dans l’entourage de Slater… les deux morts étaient-elles liées ? Et qui est cet amoureux bon chic bon genre ?"Les questions se bousculaient dans sa tête et il dut se concentrer pour y mettre fin et retrouver un peu de sérénité.
Crow informa Nora des derniers événements. Elle se rendit chez son client. Muni de son bracelet électronique à la cheville, Fred pouvait vadrouiller dans tout son appartement et dans la cage d’escalier jusqu’au hall d’entrée en toute tranquillité. La police avait fait changer la serrure et nettoyer toutes traces du meurtre, mais Fred devait faire un effort pour ne pas voir Georges mort, étendu dans sa cuisine.
L'avocate entra dans l'immeuble et ne fut pas surprise du luxe qui l'entourait. Le quartier lui avait déjà donné pas mal d'indices et elle ne s'attendait pas à entrer dans un taudis. L'entrée de l'immeuble, tout en marbre, laissait place de temps à autre à de grands miroirs qui multipliaient l'espace du hall. Elle prit le luxueux et spacieux ascenseur et appuya sur le bouton du troisième étage, ce qui déclencha une petite mélodie relaxante, imitant le bruit de la nature. Elle sourit, trouvant ce détail très "bobo". Le palier desservait un seul appartement. Elle appuya sur la sonnette qui émit un son rempli de zénitude qui la fit de nouveau sourire. Elle eut envie de rire en se demandant quel son étrange allait lui réserver la chasse d’eau. Fred ouvrit et l'invita à entrer. Il lui offrit un café qu'elle déclina. Elle lui annonça le décès d'Olivia et il en fut bouleversé. Lui non plus ne croyait pas au suicide. Pour lui, sa femme de ménage était une personne gaie et enjouée. Ils ne se voyaient pas souvent, mais elle laissait toujours de petits Post-its à droite et à gauche dans l'appartement et avait toujours de petites attentions qui prouvaient la bonne humeur et le bien-être d'Olivia.
“Saviez-vous qu'elle était amoureuse ? dit Nora.
– Non, elle ne m'en avait rien dit. Cela faisait-il longtemps ?
– Je ne sais pas.”
Nora pensait que, si Olivia avait été assassinée, cela pouvait avoir un lien avec le meurtre de Georges.
Elle s’inquiéta : “Si l’on considère que mademoiselle Roberts a été tuée, vous êtes en danger... Le tueur ne va peut-être pas en rester là.
– Je ne comprends pas. J’ai beau retourner la situation dans tous les sens. Je ne comprends pas qui pourrait m’en vouloir au point de tuer des gens autour de moi. Tous les gens que j’aime sont alors en danger.
– Je pense que vous seriez plus en sécurité en prison.
– Non, ici, on peut se parler à tout moment. En prison, je serai coupé de tout. Et puis, en termes de sécurité, la prison ne m'inspire pas vraiment confiance.”
Nora pensait que Fred avait raison, cette affaire avait quelque chose d’inhabituel et sa présence pouvait être utile. Elle ajouta : “Je vais voir avec Crow pour faire mettre sous surveillance la maison de vos parents.”
Greg arriva au commissariat, contrarié par cette affaire. Il était sur la défensive et de mauvaise humeur. Dès que Crow le reçut, il s'en rendit vite compte, mais décida d'être patient et bienveillant :
“ Bonjour, monsieur Husman, je vous remercie de m'accorder un peu de votre précieux temps. Je vais aller droit au but. Connaissez-vous monsieur Fred Slater ?
– Que trop ! répondit Greg sur un ton sarcastique.
– Vous le connaissez depuis longtemps ?
– Depuis la faculté.
– Étiez-vous amis ?
– Vous savez que non, inspecteur, je suppose que Nora et Martine vous l'ont dit. Ne jouez pas avec moi. Et pourquoi suis-je ici ? Je n'ai pas vu cet individu depuis plus de quinze ans ! Vous convoquez toutes ses connaissances depuis toutes ces années !?
– Vous avez été convoqué, car monsieur Fred Slater a passé les dernières 24 heures, avant le meurtre, en compagnie de vos amis Carl et Martine. Et certaines dépositions m'ont amené à décider de vous convoquer.
– Et bien ! On en apprend tous les jours.
– D'après vos amies, monsieur Slater vous créait des ennuis lorsque vous étiez à la fac. Pouvez-vous me raconter des faits ?
– Non, je n'ai aucune envie de me remémorer ce que cet enfoiré me faisait subir il y a plus de quinze ans et je ne vois pas ce que cela pourrait bien avoir à faire avec votre enquête. Est-ce que, chaque fois que vous avez un meurtre sur le dos, vous remontez aux chamailleries de gamins ?”
Crow réalisa rapidement qu’il ne pourrait mener cet interrogatoire comme il le voudrait, sans faire jouer sa position d'inspecteur. Il décida cependant de rester souple, pour le moment :
“Que pouvez-vous me dire sur monsieur Georges Wagner ?
– C'était son sbire. Il faisait tout ce que l'autre lui demandait.
– Éprouvez-vous de la haine, monsieur Husman ?
– Seulement si l’on me parle d'eux et depuis mardi, j'ai l'impression que cela n’arrête pas !
– Vous pensez que Fred Slater aurait pu tuer Georges Wagner ?
– Bien sûr. C'est un pervers. Qu'il aille croupir le reste de sa vie en taule, c'est tout ce qu'il mérite.”
Crow sentit qu’il n’en tirerait rien de plus et décida de mettre fin à cet échange stérile. Il pria Greg de signer sa déposition et l'invita à prendre congé. Celui-ci s’exécuta et partit sans dire un mot. Crow se demanda comment Becker pouvait le supporter.
Les témoignages reçus ne convainquirent pas l’inspecteur pour justifier la haine qui animait Greg. Il lui manquait des éléments. Il devra compter sur l'interrogatoire de Becker et de Slater pour mieux comprendre pourquoi Husman a toujours autant de rancune après autant d'années.
Crow interrogea madame Wagner à son domicile. La douleur était vive et les questions resteraient limitées pour l'instant. L'emploi du temps de Georges demeurait l'information principale. Crow pris une voie douce et tranquille :
“Quand avez-vous vu votre mari pour la dernière fois, madame Wagner?
– C'était dimanche, vers 18h, Georges m'a dit qu'il avait un acheteur pour la voiture et qu'il devait le retrouver à Boggart Hole Clough.
– Vous a-t-il dit où exactement ?
– Je crois qu'il a parlé d'un parking, mais je n'y ai pas prêté vraiment attention.
– C'est très bien, cela nous aide beaucoup. Savez-vous qui était cet acheteur potentiel ?
– Non, mon mari a passé une annonce dans le journal local, je suppose que c'est une personne qui a répondu à celle-ci.
– N'y aurait-il pas un détail qu'il aurait donné ? Une anecdote sur sa voix, sa façon de parler ou autre chose ? Le moindre indice insignifiant peut se révéler parfois très précieux.”
L'épouse éplorée de Georges hocha la tête de droite à gauche d'un air désolé.
“Auriez-vous remarqué des changements dans le comportement de votre mari, ces derniers temps ? Était-il nerveux, anxieux ou soucieux ? continua l'inspecteur.
– Non, je n'ai remarqué aucun changement.
– À son travail ? Tout se passait-il bien avec monsieur Slater, son patron ?”
Crow fit exprès d’orienter la question sur les relations professionnelles entre les deux amis, patron et employé. La réaction ne se fit pas attendre : "Oh, Fred était loin d’être un patron pour Georges, avoua cette dernière. Toutes les personnes qui les connaissaient tous les deux savent qu’une telle amitié, sincère et réciproque, est rare. Fred a toujours été là pour nous, il aimait Georges sincèrement. Jamais il n’aurait pu lui faire le moindre mal."
L'inspecteur sortit une de ses cartes de visite de sa poche, il y ajouta son numéro de téléphone personnel et la tendit à son interlocutrice :
“Je vous remercie, madame Wagner. Surtout si, quoi que ce soit vous revenait, n'hésitez pas à m'appeler à n'importe quel moment du jour ou de la nuit. Souvenez-vous … le moindre détail peut être très important.
– Oui, inspecteur, j'en ai conscience."
La fouille de l'appartement d'Olivia ne donna pas grand-chose. Tout portait à croire que la jeune femme vivait seule depuis des années. Si sa voisine n'avait pas affirmé qu'elle avait une liaison avec un homme, rien dans l'appartement ne l'aurait laissée présager. Crow demanda une enquête de voisinage, mais elle ne leur apprit rien de plus.
L’autopsie du corps de Georges révéla une faible présence de drogues et de somnifères, suffisamment pour être shooté, mais pas pour dormir. La mort a été provoquée par la perte de sang dû à la blessure par arme blanche. Un seul coup avait été porté au cœur, l'assassin savait ce qu'il faisait. À présent, Crow était vraiment convaincu de l'innocence de Slater. Assis derrière son bureau se balançant sur sa chaise, il réfléchissait à haute voix : “…. Rien, dans cette affaire, ne ressemble à un crime ordinaire. Au contraire, tout porte à croire qu'il y a eu mise en scène. Mais quel lien cela a-t-il avec la femme de ménage ... si ce n'est... mais oui, bien sûr !”
Nora allait partir quand Slater décrocha son téléphone. C’était l’inspecteur : "Réunion chez vous dans 15 minutes. Je préviens Becker." Slater lui dit que cette dernière était déjà là et qu'ils l'attendraient ensemble.
Crow se rendit chez Fred et remit à Nora un dossier comprenant les dépositions de Carl, Martine, Greg et Madame Wagner, ainsi que les résultats de l’autopsie de Georges. Celle-ci le remercia et pensa qu'il était sacrément efficace.
“Je sais quel est le lien entre le meurtre de Georges Wagner et celui d'Olivia Roberts.” Affirma Crow dès son arrivée.
Nora et Fred le regardaient silencieux, à l'écoute. Crow poursuivit :
“La clé ! La clé de votre appartement. Le tueur a créé cette soi-disant relation amoureuse pour gagner la confiance de votre femme de ménage et lui subtiliser la clé de votre appartement.
– Mais c'est machiavélique ! Un simple cambriolage n'aurait-il pas suffi … pourquoi la tuer ?
– Peut-être lui a-t-il soutiré aussi des informations vous concernant ... mais ça ... on ne le saura probablement jamais. Il l’a tuée pour qu’elle ne puisse pas l’identifier. Trouvons l’amoureux transi, nous aurons alors notre assassin.”
Nora et Fred étaient d'accord pour suivre cette piste du faux amoureux. Crow leur apprit que les prochaines dépositions concernaient les clients lésés, mais Fred ne voyait guerre le profil d’un client mécontent devenir un tueur fou.
La perte de Georges a vraiment perturbé Fred. Intrigant !
Par contre, je pense qu’il faudrait retravailler les ruptures entre les scènes. Ce chapitre est excessivement long. De meilleures transitions aideraient probablement à fluidifier la lecture. Il serait également judicieux d’envisager de le segmenter. Pour 35 000 mots, une liste de chapitres relativement fournie ne serait ni un luxe ni une exagération.
« Il reposa le scellé et demanda à l'équipe du labo de faire le boulot pour hier. » Je n’ai pas compris ce passage. S'agit-il d'une erreur ?
En dehors de cela, j’ai vraiment apprécié ce chapitre que je trouve assez pertinent. D’ailleurs, depuis le précédent, les choses semblent se clarifier. Je vais rester attentif et poursuivre la lecture de ce récit immersif.
A.B C
"Pour hier" veut dire en fait que même en faisant au plus vite, ce ne sera pas suffisant...mais on s'en contentera. C'est une expression utilisée pour dire qu'il ne faut pas perdre de temps.
Je travaille sur les transitions.
Merci.