Une vieille légende raconte que les filles de Typhon avaient la sale manie de toute parler et chanter en même temps dans une cacophonie telle que le tonnerre lui-même semblait silencieux en comparaison. Pourtant à cet instant, je songeai que mes sœurs étaient bien plus bruyantes encore.
Dès notre arrivée au manoir, le chaos s’était emparé du grand salon dans lequel le reste de la famille nous attendait. Les filles, en particulier les jumelles qui se joignirent très vite à Calista, s’acharnèrent à ensevelir Rhen sous un millier de questions, sous les regards à la fois contrits et embarrassés du reste de la maisonnée. J’étais persuadée que, dans quelques minutes, elles se battraient pour savoir qui poserait la prochaine question à notre invité. Invité qui semblait d’ailleurs sur le point de s’enfuir en courant. Regrettait-il d’avoir accepté l’invitation de Vitali ? Peut-être. Sûrement même.
– Excusez-les, tenta mon père en chassant les filles hors de la pièce. Elles ne voient pas souvent du monde. Ravi de vous rencontrer.
– De même, sourit Rhen en serrant la main que mon père lui tendait.
Il semblait étrangement soulagé de savoir les filles loin. Enfin… pas si loin que ça. Je les voyais encore regarder par l’entrebâillement de la porte en gloussant. Insupportables, songeai-je agacée.
– Adaline, lança soudain mon père, me ramenant à la réalité. Tu veux bien conduire Liam à sa leçon pendant que Marietta s’assure que les filles ne font pas de bêtises ? Je me charge de conduire notre hôte à sa chambre.
J’opinai, jetant un regard en coin à Rhen qui m’observait toujours. Je tendis la main à mon frère.
– Tu viens Liam ?
Le petit garçon se précipita vers moi et me prit la main avec un large sourire avant de quitter la pièce avec Marietta et moi. Dans le couloir, les filles partirent en courant à l’étage, hilares. Je soupirai. Qu’est-ce qu’elles pouvaient m’agacer !
– Il semblerait que notre invité ait un faible pour toi, s’amusa Marietta à mon côté.
Je sursautai.
– N’importe quoi, fis-je en détournant les yeux.
Et je me fustigeais de me sentir rougir ainsi. C’était ridicule. C’étaient Marietta et Calista qui attiraient les regards, c’étaient elles les plus belles, pas moi.
– C’est quoi avoir un faible ? demanda Liam entre nous.
Nous nous regardâmes, un peu mal à l’aise et cherchions une réponse quand un grand bruit retentit à l’étage. Loués soient les dieux, soupirai-je en mon for intérieur. Voilà une distraction bienvenue.
Marietta, loin d’être soulagée, s’assombrit, ses yeux luisant de colère avant de se précipiter dans l’escalier.
– Celles-là alors ! Je vous préviens les filles, leur cria-t-elle en montant les marches quatre à quatre, si vous faites encore une fois exploser un mur, vous le rebâtirez vous-mêmes !
Et elle disparut dans un couloir supérieur, me laissant là avec Liam.
– Mais qu’est-ce qu’elles ont encore inventé ?
– C’est bien ce que je me demande, se désola Elora en sortant d’une pièce adjacente, un plateau dans les mains.
Petite dame rondelette aux boucles auburn, Elora Beaubois me semblait tout droit sortie d’une maison de fée. Dans ses grands yeux verts, il n’y avait qu’amour et tendresse infinie. Il m’arrivait parfois d’oublier que nous ne partagions pas le même sang. Pour moi, cette petite dame des Terres de Thalie était comme une tante, la sœur que mère n’avait jamais eue. Je me demandais souvent si j’aurais eu la force de tout quitter comme elle l’avait fait pour suivre sa meilleure amie à l’autre bout du pays.
En posant les yeux sur nous, un doux sourire orna ses lèvres.
– La salle de musique est occupée par mademoiselle Calista, je vous suggère d’aller à la bibliothèque.
– Merci Elora, souris-je reconnaissante.
Et la gouvernante disparut à son tour dans un couloir.
Je conduisis donc Liam à la bibliothèque, immense pièce au silence religieux reposant où nous trouvâmes Meryl plongé dans un livre – comme toujours.
En nous entendant approcher, notre sœur leva le nez de son ouvrage. Je laissai Liam aller chercher ses cours et vins m’asseoir près d’elle sous l’immense fenêtre donnant sur l’océan.
– Qu’est-ce que tu lis ?
– Un traité d’alchimie, répondit-elle en me présentant sa couverture pour que je puisse en lire le titre.
Je fronçai les sourcils.
– Je ne savais pas que nous avions cela ici, fis-je étonnée.
Meryl ouvrit la bouche mais aucun son n’en sortit. Elle hésita un instant, comme mal à l’aise avant de hausser des épaules.
– On me l’a prêté.
Ma foi, Meryl avait déjà dû lire toute notre bibliothèque au moins une fois, le fait qu’elle aille se fournir en lecture ailleurs n’aurait pas dû me surprendre. Il me semblait d’ailleurs qu’elle avait déjà terminé de lire celui que père lui avait ramené. Peut-être devrais-je lui en procurer d’autres ? Je suis sûre que ça lui ferait plaisir.
Après un silence, je vis Meryl refermer son livre et le poser sur ses genoux.
– Que penses-tu de notre invité ? demanda-t-elle de but en blanc.
– Que veux-tu dire ? voulus-je savoir, un peu perdue.
À l’autre bout de la pièce, on entendit un grand bruit. Meryl grimaça avant de se tourner vers moi. J’étais quasi certaine que Liam venait de faire tomber l’une de ses précieuses piles de livres.
– Tu ne le trouves pas étrange ? demanda-t-elle finalement. Je veux dire… il dégage quelque chose de bizarre. Puis, où tante Vitali l’a-t-elle trouvé ?
Je haussai des épaules, me rejouant mentalement la scène de nos retrouvailles. Il m’avait semblé tout à fait normal. Son regard était envoûtant mais celui de Rihite l’avait été tout autant. Il était pâle, mais il semblait venir des terres du Dieu de la Mort alors, rien d’étonnant à cela. Le peuple des Cendres était connu pour leur lividité quasi fantomatique. Il dégageait bien quelque chose, mais cela me semblait plus magnétique que bizarre. Et ma clé avait retrouvé sa légèreté autour de mon cou depuis notre retour.
– Tante Vitali nous a dit l’avoir rencontré dans les Terres de Zaros.
– Hmm…
Liam choisit cet instant pour revenir en courant vers nous. Il escalada ma robe et vint se percher sur mes genoux, ses livres de cours en main.
J’allai poser une autre question à Meryl quand un nouveau grand bruit retentit à l’étage, nous faisant sursauter. Nous entendîmes des bruits de pas précipités dans les escaliers, puis Marietta apparut aux portes de la bibliothèque, complètement échevelée. On aurait dit qu’elle avait traversé une tempête.
– Meryl, tu peux venir, s’il te plait ? J’ai besoin de toi à l’étage, ces jumelles vont finir par me rendre folle !
Et elle disparut dans le couloir. Meryl et moi nous regardâmes, aussi surprise l’une que l’autre.
– Courage, lui lançai-je alors qu’elle se levait de mauvaise grâce, son livre serré contre elle.
– J’en aurais bien besoin, j’ai l’impression, répondit-elle sombrement.
À la porte, elle se retourna.
– À ton avis, Calista arrivera à lui mettre le grappin dessus ?
Cette idée me mit étrangement mal à l’aise. Puis je repensai aux paroles de Marietta dans le couloir, et au comportement de Rhen avec ma sœur. Pas si sûr, avais-je envie de répondre. À la place, je haussai des épaules et Liam se mit à se tortiller sur mes genoux.
– Qui sait ?
Meryl m’observa longuement, dubitative. Elle s’apprêtait à ajouter quelque chose quand une explosion retentit, faisant trembler les fenêtres. Les filles jouaient-elles encore avec des pétards ? La dernière fois qu’elle avaient essayé d’en fabriquer, elles avaient failli y laisser leurs doigts… et leurs sourcils avaient mis un moment avant de repousser.
– Tu devrais y aller.
– Sans doute, soupira-t-elle en se retournant. À tout à l’heure.
– Bonne chance !
Pour toute réponse, Meryl me fit un signe de la main avant de refermer la porte derrière elle. Bien isolée, la bibliothèque offrait un véritable cocon de paix. C’était à peine si on entendait les cris de Marietta et les bruits de fracas à l’étage. Je me demandais ce que les jumelles avaient bien pu inventer cette fois…
Je me tournai vers Liam qui attendait.
– Alors, où en étions-nous ?
Elora est la meilleure amie de la mère ? Mais elles ont toutes les deux un statut social différent... néanmoins il n'est pas interdit aux couches sociales de se mélanger, manifestement...
D'ailleurs, en parlant de couches sociales, la famille Moore n'a-t-elle aucune interaction avec ses pairs ? Tel que c'est présenté juqu'à présent, j'ai l'impression qu'elle vit recluse des autres, dans son cocon. Si ce n'est pas le cas, il y a peut-être quelque chose à introduire (en une phrase ça peut suffire), si c'est le cas, j'imagine que cela provoque quand même des sentiments à tes presonnages (de la tristesse, de l'envie, de la colère...) et là aussi pour moi ce serait à évoquer, même rapidement.
Je trouve pour le moment que le début tourne un peu en rond, entre les jumelles qui font des bêtises, Marietta qui gère tout à la place de son absente de mère, le père qui ne gère rien à part l'argent, Adaline qui s'occupe du petit dernier, Meryl qui lit et Calista qui fait sa Calista. Je me demande s'il n'y a pas moyen d'optimiser un peu la narration pour la dynamiser, aller plus au coeur des choses, dans la profondeur des personnages, ou carrément aller plus vite. Pourquoi ne pas retirer des révlations sur Rihite des précédents chapitres pour les inclure ici ? Ou comme je le disais, aller dans la densité des personnages : avec le background que tu as concocté, je crois qu'il y a possibilité de faire des introspections très fines avec une psychologie intéressante.
Du coup je ronge un peu mon frein pour le moment, j'espère que ça va décoller ensuite :)
Plein de bisous!
Pour répondre à tes intérrogations, oui ils sont un peu isolé, surtout depuis la mort de Rihite, mais on en parle un peu plus loin. Je sais que c'est un peu long (tu risques de m'en vouloir pendant un moment à ce niveau-là ^^'), et je suis assez d'accord avec les révélations sur Rihite, ça fait un gros bloc et il faudrait que je vois comment les redistribuer de manière plus subtile comme tu l'as fait remarqué plus tôt.
Mais il faut dire qu'avec leur isolement, la fratrie tourne un peu en rond dans leur quotidien.
Pour ce qui est d'Elora, c'est raconté bien plus tard mais elles sont bien meilleures amies avec Isolde et viennent de familles modestes dans les Terres de Thalie. Puis, elle a beau être gouvernante, Elora n'est même pas vraiment considéré comme une employé mais plus comme un membre de la famille.
A bientôt !
Alors j’ai quelques petites choses à dire !
Déjà, comme d’hab’, je trouve la narration superbe et très immersive. Les personnages sont toujours aussi vivants et se maintiennent dans leur personnalité (chose pas facile à faire), bien jouée à toi !
J’ai beaucoup aimé le premier paragraphe. Et cela n’a presque aucun rapport avec le fait que j’adore lire du lore. x) Plus sérieusement, c’était bien amené et cela fait en découvrir un peu plus sur ton monde, c’était vraiment bien.
Pour moi, je dirai qu’il y a un problème de rythme dans ce chapitre. Celui d’avant était plutôt calme, et a introduit deux nouveaux personnages et celui-ci… n’a rien apporté de vraiment nouveau. Genre, j’ai vraiment pas l’impression d’en savoir plus que le chapitre précédent. J’ai eu un soubresaut quand Adaline a commencé à parler de Rhen avec Meryl. Je me suis dit : « Ah ! Peut-être que Meryl en sait un peu plus, ou a une impression, ou n’importe quoi », mais au final, rien.
Pour être honnête, je me demande si ce chapitre n’est pas dispensable. Attention, aucun dénigrement sur le point de vue technique, cependant, point de vue intrigue, j’ai ne sais pas. Ai-je loupé quelque chose ? A-t-il préparé quelque chose pour ton intrigue ? Donné une information importante ? Fait avancer émotionnellement un ou des personnages ?
Ce n’est pas pour autant que je ne vois pas d’angles d’attaque pour remédier à cela. Peut-être creuser un peu plus côté « coeur ». Développer les hypothétiques sentiments d’Adaline pour Rhen, ses interrogations, ou au contraire, montrer qu’elle est sûre (à tort ou à raison) de ne rien ressentir pour lui, ou qu’elle est perdue et ne sait pas.
Tu peux aussi parfaitement développer ce début d’intrigue avec la clé : parler brièvement à Marietta de l’impression qu’elle a eue à la rencontre avec Rhen au sujet de sa clé, ou ses interrogations,…
Il y en a probablement tout plein d’autres !
Quelques remarques :
« s’acharnèrent à ensevelir Rhen sous un millier de questions, sous les regards à la fois contrits et embarrassés du reste de la maisonnée. => répétition de « sous » qui n’est pas très jolie, peut-être remplacé le deuxième « sous » par « épié » ou quelque chose dans le genre :)
« Regrettait-il d’avoir accepté l’invitation de Vitali ? Peut-être. Sûrement même. » => je trouve ça un peu lourd de garder les deux dernières phrases. Une seule (sans le « même » pour la deuxième) pourrait être plus impactante et plus drôle.
« Marietta, loin d’être soulagée, s’assombrit, ses yeux luisant de colère avant de se précipiter dans l’escalier » => je dirai que la phrase et lourde ou mal tournée. Elle pourrait être coupée après « s’assombrit » par exemple.
« En posant les yeux sur nous, un doux sourire orna ses lèvres. » => je suis… perplexe pour le « orna ». Ça me fait un peu bizarre de le lire pour des lèvres.^^
Ma petite remarque perso :
« si vous faites encore une fois exploser un mur, vous le rebâtirez vous-mêmes ! » => wait… les jumelles ont vraiment explosé un mur ?:o
Voilà voilà, j’espère que cela t’aidera ! En tout cas, j’aime beaucoup tes personnages. Il me tarde d’en apprendre davantage aussi bien sur eux que sur le reste de cet univers, ma foi, franchement très sympa ! Et surtout, d’en apprendre plus sur cette fichue clé !
À bientôt :)
Contente que le premier paragraphe t’ait plu, j’en suis moi-même très fière et c’était trop cool de parler un peu de mythologie, surtout dans ce contexte-là x)
Je comprends ton point de vue sur le chapitre, c’est vrai qu’il peut paraître lent et inutile (j’ai même l’impression que tu risques d’en croiser d’autres et tu n’es pas le seul à m’en avoir fait part).
Je verrai à la relecture comment améliorer tout ça, peut-être en appuyant sur ce petit soubresaut que tu décris ? Le truc c’est que je trouvais le comportement un peu mystérieux de Meryl intéressant. C’est un personnage que j’adore et qui réfléchis beaucoup (même trop parfois). Elle analyse tout ce qu’elle voit et entend mais garde le plus souvent ses réflexions pour elle, d’où le fait qu’elle n’ai pas cherché à en parler plus à Adaline. Mais peut-être que je devrais fusionner ce chapitre et celui d’après ? Trois étoiles et paf un long chapitre un peu moins ennuyeux ? A voir, je voulais varier la longueur des chapitres mais il semble que certains plus courts ne plaisent pas…
Je prends note de toutes tes remarques.
Et, oui, les jumelles ont déjà fait exploser un mur XD en même temps des férues de mécaniques autodidactes, ça ne peut être qu’explosif ! Surtout si en plus vous n’avez pas le matériel adéquat.
Voilà, je crois que c’est tout. J’ai l’impression qu’il y aura beaucoup à revoir ! Je vais avoir pas mal de travail à faire x)
A bientôt !
Tu peux être fière ! Ce premier paragraphe est vraiment bien amené, il est drôle et en fait apprendre plus sur l’univers. À la fin, je m’attendais presque à ce qu’il me fasse un café, tellement il était cool !
Je ne dirais pas exactement « inutile ». Comme je l’ai dit dans mon précédent commentaire, je pense qu’il manque quelque chose qui ferait avancer l’intrigue ou les personnages. Ce qui est tout à fait faisable.
Concernant le comportement mystérieux de Meryl… je suis un peu mitigé.😅 Je dirais qu’on ne voit pas assez sont côté « analyse tout » ou « réfléchit trop ». Une possibilité serait de peut-être faire ce chapitre de son point de vue. Comme il est plus court, ça ne dénoterait pas trop avec le reste, ça pourrait apporter davantage d’informations en nous donnant au passage un autre point de vue... ça peut être une piste à creuser.
Pour moi, fusionner ne servirait à rien. Et je ne dirais pas qu’il est ennuyeux, mais qu’il n’apporte rien de nouveau. Je pense qu’il a du potentiel, et que quelque chose peut être fait. Cependant, dans l’état, eh bien le lire ou non, je ne pense pas que l’on serait perdu pour le prochain. (je préfère le dire en tout franchise)
Mon Dieu, tant qu’elles ne font pas sauter toute la baraque, on va dire que ce n’est pas trop grave. xD Il faudrait leur attribuer une pièce (blindé de préférence) pour éviter ce genre de petits désagréments !
Ne t’en fais pas, il y a toujours quelque chose à revoir. D’autant plus si c’est le premier jet. De toute manière, ça ne sera jamais parfait, il faut juste essayer de faire de son mieux, et surtout, quelque chose qui nous plaît à peu près. 😊
À bientôt !
Tout est toujours maitrisé. Cette famille est toujours aussi vivante et attachante. J'aime bien voir Meryl un peu plus intéragir avec d'autres, elle est plutôt absente d'habitude. Rhen qui lui inspire aussi de la méfiance me fait plaisir : le beau ténébreux est donc bien suspect !
voili voilou
Comme d'habitude, un magnifique chapitre ! D'ailleurs, je ne crois pas avoir décelé de fautes quelconques...
En tout cas, continue comme ça, j'ai hâte de lire la suite !
A très bientôt !
A bientôt !