Chapitre 5

Par Ysaé

Trois hommes, deux femmes et deux chevaux. Le petit groupe gravissait le pied de la montagne à travers la forêt humide. Les vêtements d’Olivia lui collait à la peau, elle transpirait, elle avait mal. Cela n’en finirait jamais.

Lorsqu’ils commencèrent à croiser des sentinelles, Olivia espéra qu’ils approchent du camp. Yujie Gann leurs révéla qu’ils étaient plusieurs milliers basés sur cette zone, disséminés à différents endroits du relief pour plus de sureté.

— Le massif du Far possède de nombreux plateaux, exploités à la fois pour les cultures et pour l’entrainement de notre armée. Le gibier est abondant et nous bénéficions de bonnes conditions climatiques. 

Tilma l’écoutait avec beaucoup d’attention, posant peu questions et l’encourageant par des gestes à parler. Cette stratégie lui permettait probablement de ne pas se dévoiler tout en récoltant un maximum d’informations. Olivia observait la végétation alentour qui se déclinait en couleurs tout à fait étonnantes, des camaïeux de bleu, jaune et verts émeraude. Malgré le temps couvert, ce qu’elle voyait la ravissait et la réconfortait. Un murmure caractéristique laissant deviner la présence de nombreux ruisseaux.

La forêt s’éclaircissait parfois et laissait place à de petites prairies. C’est sur l’une d’elles que le groupe déboucha. Tilma contempla le campement avec une  émotion contenue : des tentes de style Mongole et de toutes tailles s’étalaient sur la surface, séparé pas des allées. Ça fourmillait de monde, des dizaines de personnes affairées, toutes habillées de manière totalement baroque – armures, tissus bariolés et coupes exotiques – et dont aucune ne paraissait dépasser de beaucoup la trentaine. Il y eut quelques regards curieux puis des connaissances de Yujie Gann et ses acolytes vinrent les saluer.

Un grand foyer avait été aménagé devant une petite paroi rocheuse. Une sorte de ragoût mijotait dans de grandes marmites, surveillées par un cuisinier en tablier rouge, et le fumet de la viande embaumait l’air. Des troncs d’arbres étaient placés autour en guise de banc.

Un individu attira l’attention d’Olivia. Il était assis sur l’un des troncs, tête légèrement baissé. Complètement indifférent à l’agitation autour de lui, il fixait sans les voir les flammes qui léchaient le cuivre des marmites. La vision de cet homme était insoutenable, pourtant Olivia ne put en détacher les yeux. Le pauvre était surement à l’article de la mort. Le teint de plâtre et le front brillant de sueur laissait deviner une grave maladie. Ses yeux fiévreux, presque fou, étaient injectés de sang. Mais surtout - et on ne voyait qu’elle, affreuse et  proéminente : une bosse énorme lui déformait le dos et semblait manger entièrement son corps maigre. Il souffrait de manière visible… ce qui défigurait ses traits et accentuait sa laideur. C’était un spectacle d’une misère infinie. Comme s’il avait pu sentir son regard, le bossu leva soudain la tête.

Leurs regards se croisèrent.

Les yeux de celui-ci s’agrandirent et ses narines frémirent. Il resta interdit, les pupilles fixes, les mains crispées sur ses genoux, comme s’il était face à une apparition. La scène ne dura que quelques secondes mais le temps sembla s’arrêter. Olivia le dévisageait, sans comprendre. Il détourna la tête le premier.

— Olivia !

— Hein, quoi ?

— Qu’est-ce que tu fais ? Viens !

 

Une artère principale permettait de traverser le camp. Olivia sentie les regards des résistants peser sur eux et cela l’intimida. La plus imposante des yourtes se tenait à l’extrémité de l’allée. Yujie s’y engouffra, les laissant attendre devant l’entrée.

— Il faut déposer vos armes.

Tilma obtempéra sans broncher. Olivia remarqua qu’elle n’avait pas laissé le poignard qu’elle cachait sous ses vêtements.

Quelques minutes plus tard, Yujie Gann invita les deux jeunes femmes à le rejoindre. Les deux autres résistants qui les avaient accompagnés jusque-là en profitèrent pour prendre congé. Brenair Balaya prit soin d’exprimer le plaisir que lui avait procuré leur rencontre, s’adressant d’ailleurs tout particulièrement à Olivia. Tilma se contenta de lui jeter un regard sévère, lèvre pincée. Alors qu’elles pénétraient dans la yourte, elle murmura :

— Fais attention à ce type, je ne le sens pas.

Rien ne pouvait laisser supposer de l’extérieur le raffinement qu’elles découvraient à présent : les différentes pièces étaient séparées par de lourds rideaux en velours vert de chrome, brodés de motifs végétaux complexes. L’agencement des tapis et des quelques meubles en acajou rendait l’intérieur à la fois chaleureux et élégant. Dans la pièce centrale, la seule non dissimulée aux visiteurs, des assises en bois finement sculpté avaient été placées sur une petite estrade.

Un homme à la peau mat les y attendait, encadré de deux gardes aux visages dissimulés sous des masques en tissu. Olivia ne lui donna guère plus de trente-cinq ans. Il avait le profil d’un aigle, avec ses yeux très noir cachés sous de larges arcades sourcilières et la stature d’un individu habitué à commander et être écouté.

Yujie les annonça :

— Tilma Oclamel et sa cousine Olivia Omahe, du clan Fara.

Tilma s’inclina en signe de respect. Olivia l’imita maladroitement.

— Clovis Medon, du clan Medon, Commandant en chef de la résistance de l’Est.

Le Commandant Medon les salua également d’un bref mouvement de tête. Son habit large rappelait la tenue d’un samouraï. Olivia repéra la pierre jaune qui brillait à sa ceinture - probablement ce fameux edate. A en croire Tilma, Clovis devait donc être au moins quarantenaire.

— J’ai eu l’honneur de fréquenter des Fara autrefois. Je n’ignore pas la tragédie qui a frappé votre clan et je me réjouis sincèrement de vous accueillir dans nos rangs. Le temps viendra où nos morts seront finalement vengés.

L’expression de Tilma était marquée par sa détermination. Quel était ce drame que le Commandant évoquait?

— Yujie m’a assuré être confiant de votre loyauté. J’espère que vous ne nous décevrez pas : aucune clémence n’est accordée aux traitres. Nous avons besoin de combattants, bien sûr, mais toutes les contributions sont les bienvenus : nous manquons de maréchal-ferrant, de menuisiers, d’armuriers, de logisticiens, de chasseurs, d’agriculteurs ou encore de cuisiniers.

— Je suis une Avel-lazhers et je suis venue pour me battre, dit Tilma d’une voix ferme. Ma cousine est une bouchère expérimentée.

— Très bien. Je viendrais apprécier votre niveau demain et déciderais s’il convient de vous confier un poste à commandement ou non. Votre cousine assistera le seul boucher du camp : j’ai cru comprendre qu’il ne refuserait pas un peu d’aide.

Il marqua une pause.

— Vous serez en observation pendant un mois : c’est la procédure. Ensuite, je répondrais à toutes vos questions concernant notre organisation et nos plans futurs. En rejoignant la résistance de l’Est, vous acceptez d’être sous mon entière autorité.  Est-ce clair ?

— Les membres clan Fara ne se sont jamais soumis à quiconque. Nous suivrons vos ordres tant que nous les jugerons correspondre à nos intérêts.

— Je n’attendais pas d’autres réponses venant d’une Fara : vous faites honneur à votre clan. Cependant, aucune victoire ne saurait être obtenue sans l’union de nos forces. Je ne tolérerais donc aucune dissidence : il en va de la survie de notre mouvement.

Yujie Gann opina du chef pour exprimer son approbation. L’entretien était terminé. Les deux jeunes femmes furent raccompagnées à l’extérieur : la  nuit tombait et une ribambelle de petites lampes avaient été allumées dans tout le camp. Olivia trouva que cela donnait une atmosphère féérique.

Elle était rassurée : d’après ce qu’elle avait compris, la seule chose qu’on attendait d’elle, c’était qu’elle exerce son métier. Et puis, elle allait à nouveau avoir un toit et ne risquerait plus de se faire attaquer à tout moment. Après ces trois derniers jours, rien ne lui apparaissait plus précieux que ce semblant de sécurité. Elle pouvait compter sur Tilma pour la guider et lui éviter les faux pas. Somme toute, sa situation s’améliorait.

Elles furent invitées à partager le diner commun servi au foyer : du ragoût à la viande de gibier accompagné d’une purée de céréales. Olivia renonça à identifier les aliments en question et mangea rapidement. Le nez dans son bol, elle fit mine d’ignorer toutes les personnes qui se rapprochaient d’elles avec des sourires avenants. Elle se sentait fatiguée et n’avait aucune envie de se prêter au jeu du nouvel arrivant et de son comité d’accueil. Avec toutes ses balafres et ses hématomes, elle allait immanquablement au-devant de questions auxquelles elle préférait ne pas avoir à répondre.

Elle ignorait que ses blessures avaient immédiatement fait forte impression dans le camp. Les rumeurs allaient bon train et nombre de ses nouveaux camarades leur prêtaient déjà quelques exploits guerriers contre les Tartars. Tilma se garda bien de contredire qui que ce soit. Pendant qu’elle faisait la conversation, Olivia observa autour d’elle en pensant à l’homme mourant. Il l’avait fixé d’une façon si étrange ! Elle ne parvint pas à le distinguer dans la foule : il avait dû partir. Tilma remarqua son air songeur et l’entraina à l’écart.

— Tout va bien Mahe?

— Ça va. Alors que penses-tu de cet endroit ?

— Pour l’instant mon sentiment est plutôt positif. Le commandant Clovis Medon est une célébrité dans l’Empire, c’est une chance d’avoir pu le rencontrer. C’était un haut gradé dans l’armée Impériale : il a déserté il y a quelques années suite à l’exécution de son frère, accusé de trahison. A l’époque, cela avait fait beaucoup de bruit : Karza avait mis de nombreux moyens pour le retrouver. 

— Tu ne lui a rien demandé sur la présence de maîtres Avel-lazhers.

— C’est trop tôt. Le Commandant Medon la dit, nous sommes en observation pendant en mois. Mais eux aussi le sont ! Je ne veux pas faire partie de la résistance pour le plaisir de l’aventure : si je me rends compte que leur armée n’en a que le nom, nous partirons.

 

Yujie Gann vint les chercher pour leur désigner la yourte des invités. Elles seraient amenées à construire la leur plus tard. Moins meublée que celle du haut Commandement, la tente n’en était pas moins douillette. Des tapis bariolés recouvraient le sol et quelques coussins avaient été disposés autour d’un feu central. Il y régnait une douce chaleur. Olivia soupira d’aise à la vue de son lit (un matelas posé sur le sol, surmonté d’un plaid) et convint allégrement de la nécessité de se coucher tôt pour être en forme le lendemain.

Elles allèrent chercher leurs affaires, restées avec les chevaux, puis conduisirent les animaux dans un enclot éloigné du camp principal. Les bruissements nocturnes remplissaient l’atmosphère de leur mélodie tranquille. Tilma profita de cet instant de calme pour faire le point :

— Il va nous falloir un peu de temps pour nous habituer à leur organisation…peut-être d’avantage encore pour toi. Je répondrai à toutes tes interrogations, ne t’inquiète pas. Tu vas penser que j’insiste mais fais très attention à tout ce que tu dis : rappelle-toi que nos mœurs diffèrent des tiennes. Ne parle pas de ton passé, ni du clan Fara.

— Je serais prudente là-dessus.

— Il ne faut pas accorder sa confiance aux gens trop rapidement, crois en mon expérience. Ah, et j’y pense… oubli tes cigarettes, ça n’existe pas ici.

Olivia maugréa. S’il le fallait, elle apprendrait bien à s’en passer.

— Au fait, c’était quoi la tragédie dont parlait le Commandant ?

Le visage d’Oclamel se ferma aussitôt. Elle fixa l’horizon, pensive. Olivia devina la profonde tristesse que sa compagne retenait au fond d’elle-même. Elle s’en voulut de l’avoir interrogé aussi abruptement.

— Chez les Fara, le nom des morts ne doit jamais être prononcé. Je vais faire une exception pour toi parce que tu es sensé être ma cousine. Et puis…tu as le droit de savoir. Je suis l’une des dernières survivantes de mon clan, si ce n’est la seule. Les Fara se sont opposés à Karza Etcho lors de son usurpation du trône. Pendant des années le clan a été relativement épargné mais lorsque j’ai fêté mes douze ans, nous avons été forcés à la clandestinité. C’était la guerre civile et la répression s’accentuait : le simple fait d’être membre d’un clan jugé hostile au pouvoir te condamnait à mort. Ça a été un vrai déchirement que d’abandonner nos terres ancestrales…

Mes parents combattaient pour les Fara et je les voyais très peu : je m’entrainais chaque jour d’arrachepied dans le seul but de les rejoindre. Alegra, ma mère, était une Avel-lazhers extrêmement douée et je rêvais de lui ressembler. Mon père Rick était une figure respecté du clan : c’est lui qui m’a enseigné l’art du maniement du sabre.

Tilma avait débité le début de son histoire d’une seule traite comme un secret trop longtemps refoulé.

— Une fois par an, tout le clan se rassemblait pour la fête du renouveau : nous célébrions les naissances et nous recueillions autour du souvenir de ceux qui nous avaient quittés.  J’avais dix-sept ans quand la dernière a eu lieu. Je ne pensais alors qu’à aller me battre et cela avait provoqué une grosse dispute avec mes parents qui étaient contre mon projet. Je leur en voulais, j’imaginais qu’il me trouvait trop faible, pas suffisamment aguerrie malgré tous mes efforts…Maintenant, j’ai conscience qu’ils avaient simplement peur de me perdre. Tous les moments difficiles qu’ils avaient traversé, c’était pour m’offrir un avenir meilleur.

Oclamel serra les poings sans même s’en rendre compte.

— Le clan a été trahi. Le lendemain de la fête, un matin de pluie, les Tartars ont envahi notre refuge. Ils étaient très nombreux. L’Empereur lui-même avait fait le déplacement. Ils…ils ont massacré tout le monde. Nous n’avions pas la moindre chance : ceux qui ne pouvaient combattre et qui essayaient de fuir se faisaient tuer par des arbalestiers embusqués. La nuit, je revois le feu, l’affolement des miens…j’entends encore les hurlements, les femmes supplier pour la vie de leur bébé... Ma mère m’avait ordonné de rester auprès d’elle, elle espérait trouver un moyen de me sauver. Et puis nous nous sommes trouvés face à Karza, ce monstre. Je crois qu’il était venu spécialement pour elle. Pour la célèbre Alegra Oclamel. Il l’attendait.

Ma mère…c’était le duel de sa vie. La pauvre, l’enjeu était si important.

Les yeux de Tilma étaient secs. Une rivière de larme n’aurait suffi pour pleurer l’anéantissement de son monde. Elle y avait renoncé à tout jamais.

— Tu n’imagines pas à quel point il est cruel. Ce qu’il lui disait…j’ai envie de vomir rien que d’y penser. Le plus terrible, c’est qu’il est affreusement fort. Je n’avais jamais rien vu de telle : c’était presque de la sorcellerie. La légende des Avel-lazhers Etcho ne s’est pas construite sur rien. J’ai su que ma mère ne l’emporterait pas. Elle a combattu bravement et a fait honneur à son clan jusqu’au bout.

Les jointures de ses mains avaient viré au blanc de craie : Tilma tremblait littéralement de rage.

— Je l’ai vu tuer ma mère d’un coup dans la poitrine. Et alors qu’elle avait encore son sabre planté dans son corps, alors que la vie était en en train de la quitter, il l’a embrassé. Ma mère était une personne si fière ! Ce baiser, c’était comme la tuer deux fois.

Les épaules de Tilma s’affaissèrent. Olivia lui étreignit le bras instinctivement.

— Je n’ai pas le droit de parler d’eux, murmura-t-elle, c’est contraire à notre tradition…

— Je ne suis pas de ton clan. Je ne suis même pas du Luft. Avec moi, tu peux parler de ceux qui t’ont été cher.

— Je le hais Olivia ! Si tu savais comme je le hais ! Je le tuerais, peu importe ce qu’il m’en coute !

Lili se remémora ce moment quelques années plus tard. Elle aurait dû réaliser que ce matin de pluie, à tout juste dix-sept ans, Tilma était morte avec le reste de son clan.

Les deux amies se tenaient côte à côte en silence. En se montrant telle qu’elle était vraiment - une fille seule, une orpheline inconsolable - et en se confiant ainsi, Tilma venait de créer entre elles un lien que rien de devait rompre.

Elles restèrent un moment à parler de choses et d’autre.

— Ta famille à Sudgar, elle ne te manque pas ?

Olivia réfléchi. Manquer n’était pas le mot juste. Ses parents devaient être terriblement inquiets de sa disparition, sans compter tout le travail supplémentaire à la boucherie… Elle aurait aimé qu’ils la sachent saine et sauve.

— Il n’y a que ma mère et mon beau père. Nous avons beau travailler ensemble, nous ne sommes pas très proches.

Elle vit que Tilma brulait de lui poser des questions, mais que la décence l’en empêchait. Après  les révélations qu’elle-même venait de lui faire, elle pouvait bien lui raconter sa propre histoire :

— Je ne connais pas mon véritable père. Ma mère avait du succès dans sa vingtaine. On l’entretenait, elle faisait la fête…je crois qu’elle devait être très insouciante à cette époque. Jusqu’au jour où elle est tombée enceinte de moi. Elle n’a jamais su me dire qui était le géniteur… Ce jour-là, il a bien été fallu redescendre sur terre. Sa situation était très précaire : aucun diplôme, pas de travail... Avec un enfant sur les bras, plus aucun de ses amoureux n’aurait voulu d’elle. Elle s’est rabattue sur mon beau-père : il tenait déjà sa boucherie et lui offrait la sécurité matérielle.

— Elle ne l’aimait pas ?

— Je ne sais pas. Elle devait dans tous les cas lui être reconnaissante de l’accepter avec un enfant, et lui heureux d’épouser une jolie femme. Mais Raymond - mon père je veux dire – ce n’est pas un homme facile à vivre. Il peut se montrer violent.

— Quoi ! Et ta mère le supporte ?

— Tout son monde tourne autour de lui. Elle complètement sous sa coupe, isolée. Alors le quitter…elle n’en a ni la volonté ni la force.

— Mais toi, tu ne dis rien ?

Olivia était gênée d’ennuyer Oclamel avec les histoires peu flatteuses sur sa famille. C’était un tableau d’une banalité affligeante. Pourtant, Tilma paraissait sincèrement intéressée.  

— Je ne suis pas comme toi, soupira-t-elle, je n’ai pas ta capacité à bousculer les choses. Je n’ai jamais eu le courage de m’opposer à mon père. J’imagine que comme ma mère, j’ai sans doute peur de lui.

— Ne te sous-estime pas Mahe. Nous avons passé trois jours ensemble et je peux te dire que tu es loin d’être une pleutre.

L’expression fit sourire Olivia.

— Tsss ! Tu es sensé dire O-Mahe !

Tilma lui tira la langue en guise de réponse. Elle avait retrouvé son entrain habituel. Oliva se frotta les yeux, initiant leur retour dans leur yourte. Confortablement installée, un coussin moelleux callé sous sa tête, elle dormi comme un bébé.

 

Tilma la réveilla à l’aube. Elles suivirent un petit groupe de femmes jusqu’au point d’eau le plus proche. La montagne était striée de nombreux cours d’eau, certain se révélant même de véritables sources chaudes. Pour éviter de les polluer, leurs usages avaient été définis unitairement : les une servaient exclusivement au lavage du linge, d’autres aux ablutions ou encore simplement à la baignade. L’agencement du camp était intelligemment pensé, jusqu’aux latrines aménagées de manière à éviter toute contamination.

Le bassin réservé aux femmes bénéficiait de plus de tranquillité que celui des hommes, majoritaires dans le camp. Olivia se débarrassa prestement de ses vêtements puis se glissa pudiquement dans l’eau tiède. Elle poussa un gémissement de bien être : voilà des jours qu’elle rêvait d’un bain ! Elle en profita pour attraper son rasoir dans sa trousse de toilette pour se raser les jambes et les aisselles. Tilma l’observait d’un air circonspect.

— Eh, je t’en prie, mattes ailleurs !

— Qu’est-ce que tu fais ? Tu cherches à te faire mal ?

— Ne me dis pas qu’ici c’est la mode des poils !?

— Chut ! murmura Tilma, sourcils froncés.

Elle vérifia que personne ne les avait entendus, avant d’ajouter :

—  Ce que je voulais dire, c’est qu’on d’autres méthodes pour s’épiler, tu n’as pas besoin de t’arracher la peau !

— Laisse-moi faire à ma façon. Tu me montreras ça plus tard.

— Comme tu veux. Je peux t’emprunter ton savon liquide?

Olivia se sentait maintenant tellement à l’aise avec Tilma qu’elle se permettait de lui parler ou de la rabrouer comme une sœur. La Lufzanne ne lui en tenait pas rigueur, allant elle-même jusqu’à la suivre dans des chamailleries peu digne de sa stature coutumière.

Une fois propre, elles entreprirent de laver leurs vêtements sales. En les mettant à sécher dès le matin, elles auraient plus de chance de les avoir sec pour le lendemain. Olivia découvrait un nouveau mode de vie et avait tout à apprendre. Elle espérait ne pas rester indéfiniment une charge pour son amie.

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Elka
Posté le 14/04/2020
La relation entre Tilma et Olivia me plaît beaucoup ; tu as su les rendre proches de façon plutôt naturelle et ce n'est pas facile à faire ! Leur caractère s'accordent bien à ce niveau-là : Tilma sait parfaitement qu'Olivia ne vient pas de son monde et Olivia s'empare de cette nouvelle vie à pleine main.
Peut-être un peu facilement, mais ça ne me dérange en fait pas trop.

Cette histoire de pierre est intéressante, mais du coup c'est peut-être plus embrouillant qu'Olivia se mette à évaluer l'âge du commandant ? "Pierre foncée = 40 ans" ne m'avait pas l'air d'une science exacte. Tilma disait que plus la pierre était foncée, plus tu étais vieux ; mais évaluer la quarantaine sur le spectre d'une pierre me parait hasardeux (surtout à ce stade où sa seule comparaison c'est celle de Tilma)
Peut-être juste dire qu'il lui parait jeune mais qu'en voyant sa pierre elle se souvient des explications et se rend compte qu'une impression visuelle ne veut rien dire ?
Je m'acharne avec ce sac à dos, mais à ce stade Olivia devrait soulever plus d'interrogations : elle porte un jean et possède un gros sac de voyage. Ni l'un ni l'autre ne semble correspondre à "l'époque" que tu dépeins. Peut-être mettre une scène, avant de rencontrer les rebelles, où Tilma lui cherche des vêtements plus communs (quitte à faire croire qu'on l'a dépouillé en attaquant) et lui fait lâcher son sac ? Si on les fouille (ce qui serait légitime) elle se fera griller :o

Un truc louche s'est passé avec le pauvre homme, plus tôt. C'est bien intrigant ça !
A bientôt pour la suite
Ysaé
Posté le 14/04/2020
Merci pour ton commentaire, tu fais toujours attention aux détails, c'est bien car je ne me suis pas posée toutes ces questions ^^

Concernant l'âge du Commandant, il y a du conditionnel et de l'imprécision dans mon texte : "Olivia repéra la pierre jaune qui brillait à sa ceinture - probablement ce fameux edate. A en croire Tilma, Clovis devait donc être au moins quarantenaire"
Cette évaluation n'engage qu'Olivia, et rien n'oblige le lecteur à la croire à ce stade.

Pour ses affaires de Bretagne tu as raison, ce serait un peu grillé ^^ Je vais modifier mon texte sur ce point important.

Merci de me lire et de commenter, tes remarques sont toujours très intéressantes et m'aide à considérer mon texte d'un oeil neuf :)

A+
_HP_
Posté le 14/04/2020
Salut !

Ce chapitre est très joli ^^
J'aime beaucoup ton écriture. J'ai hâte de découvrir ce nouveau mode de vie !
L'histoire de la mère, et même du clan de Tilma est très touchante !
Leur amitié qui se dessine de plus en plus nettement est très belle !
En tout cas j'ai hâte de continuer !

Coquilles, remarques... :p

"posant peu questions" → peu de questions, non ? ^^
"des camaïeux de bleu, jaune et verts émeraude" → tu as mis "bleu" et "jaune" au singulier, je pense que "vert" devrait l'être également ^^
"séparé pas des allées" → séparées / par
"placés autour en guise de banc." → je mettrais "bancs", car il y a plusieurs troncs d'arbres, après je ne sais pas si c'est obligatoire ^^
"tête légèrement baissé" → baissée
"Le pauvre était surement à l’article" → sûrement
"Le teint de plâtre et le front brillant de sueur laissait deviner" → laissaient
"Ses yeux fiévreux, presque fou" → fous
"Olivia sentie les regards" → sentit
"un regard sévère, lèvre pincée" → lèvres pincées
"avec ses yeux très noir cachés" → noirs, il me semble
"mais toutes les contributions sont les bienvenus" → bienvenues
"nous manquons de maréchal-ferrant" → maréchaux-ferrants
"Je viendrais apprécier ... déciderais s’il convient" → je crois que c'est "viendrai" et "déciderai"
"Les membres clan Fara ne se sont jamais soumis" → du clan
"Je n’attendais pas d’autres réponses" → j'aurais mis "d'autre réponse" mais je ne sais pas si "d'autres réponses" est correct ^^
"Je ne tolérerais donc aucune dissidence" → je crois que là aussi c'est "tolèrerai"
"dans un enclot éloigné du camp principal" → enclos
"j’y pense… oubli tes cigarettes" → oublie
"Elle s’en voulut de l’avoir interrogé" → interrogée
"parce que tu es sensé être ma cousine" → censée
"Je n’avais jamais rien vu de telle" → tel
"peu importe ce qu’il m’en coute !" → coûte
"un lien que rien de devait rompre" → ne devait
"un moment à parler de choses et d’autre" → d'autres
"Elle vit que Tilma brulait de lui poser" → brûlait
"Elle complètement sous sa coupe, isolée." → il manque le verbe ^^
"Tu es sensé dire O-Mahe" → censée
"un coussin moelleux callé sous sa tête, elle dormi comme un bébé" → calé / dormit
"certain se révélant même" → certains
"les une servaient exclusivement" → unes
"Eh, je t’en prie, mattes ailleurs" → mate
"c’est qu’on d’autres méthodes pour s’épiler" → il manque le verbe ^^
"des chamailleries peu digne de sa stature" → dignes
"Une fois propre" → propres
"plus de chance de les avoir sec" → secs

"Lili se remémora ce moment quelques années plus tard. Elle aurait dû réaliser que ce matin de pluie, à tout juste dix-sept ans, Tilma était morte avec le reste de son clan."
► Cette phrase... Elle parle du futur d'Olivia. Hors, tu l'intercales entre deux phrases du présent des deux jeunes filles. Si tu veux réellement la mettre, il faudrait que par exemple tu coupes ton chapitre à la fin du récit et en mettant cette phrase à la fin, qui créerait du suspense et donnerait envie de lire la suite ^^ (D'ailleurs, elle m'intrigue vraiment beeeeaaauuucoup !!)
Ysaé
Posté le 14/04/2020
Merci encore HP pour toutes ces corrections! Maintenant c'est sûr (avec ou sans "e" ^^ ? ), je suis définitivement une calamité (avec ou sans "e" ? ) en orthographe.
Tes encouragements me touchent beaucoup, et j'espère que tu prendra plaisir à lire la suite.
Je note toutes tes remarques.

A bientôt
Vous lisez