- Marlène ?
L’adolescente leva les yeux vers la voix féminine pour reconnaître maître Gourdon portant son habituel chignon strict. Les professeurs venaient-ils souvent dans le réfectoire des élèves ? La néomage n’en avait aucune idée. Le professeur s’assit face à Marlène, la transperçant du regard. Elle aussi venait lui faire la morale, c’était évident et mérité.
- Tes parents nous ont appelés. Ils sont inquiets.
Marlène garda le silence. Que répondre ? Elle les avait déçus mais plus que tout, elle se décevait elle-même. La possibilité lui était offerte de réussir et elle ne la saisissait pas. Elle échouait au collège classique. Elle échouait ici. Elle se sentait nulle.
- Ils ne peuvent pas comprendre, poursuivit maître Gourdon.
Marlène leva les yeux sur le professeur. Elle n’était pas bien sûre d’avoir compris.
- Ils ne peuvent pas imaginer à quel point c’est dur. Ce monde n’a rien à voir avec le leur. Il les dépasse. Ne les écoute pas. Ils n’ont pas à juger. Ils ne savent pas. Je t’ai observée toute la journée et tu sais quoi ?
Marlène en eut les tripes serrées d’avance.
- Je trouve que tu travailles trop, termina maître Gourdon.
- Quoi ? s’exclama Marlène. J’ai glandé toute la journée !
- Non, la contra le professeur. Tu as fait de la magie du matin au soir sans t’arrêter, même pas pour manger. C’est un peu trop. Non pas que ça me dérange. Tu as le droit. Si je trouvais ça vraiment exagéré, je serais venue te voir. Disons que… tu as le droit d’avoir des amies, de faire du sport, de rigoler, de t’amuser. Tu es une adolescente. Profites-en un peu quand même !
- Mon père ne serait pas d’accord.
- Tes parents n’ont rien à dire, gronda maître Gourdon. Nous sommes les experts. Ils n’y connaissent rien.
- Mais j’ai passé ma journée à glander !
- Non, tu as passé la journée dans ta réserve magique !
- À ne rien y faire !
Si la conversation intéressait quelqu’un, Marlène ne s’en rendait pas compte. Les autres élèves continuaient à manger et à bavarder.
- À l’apprivoiser, à en dessiner les contours, à y déterminer les flux chauds et froids, à sentir le courant, à caresser la bulle. De plus, tu as appelé deux fois tes parents aujourd’hui. Tu as travaillé, Marlène.
L’adolescente secoua négativement la tête. Maître Gourdon, comprenant sûrement qu’elle n’arriverait à rien, se leva et s’éloigna, laissant Marlène à son désespoir et à sa honte.
Dès le dîner avalé, elle se rendit dans sa chambre et se coucha, observa le plafond et réfléchit. Julie entra peu après. Elle était seule. Marlène activa le traducteur puis lança :
- Dis, Julie. J’ai une question mais je n’ose pas la poser aux profs. J’ai peur qu’ils me croient insolentes alors que ça n’est pas le cas.
- Je t’écoute, répondit sa colocataire dont le ton laissait entendre que cette interruption l’agaçait.
Marlène ignora les états d’âme de la blonde afin de rester concentrée sur l’utilisation du traducteur, ne voulant pas risquer d’en perdre une miette.
- Pourquoi certains profs veulent qu’on les appelle maître et que d’autres s’en foutent ?
- Le titre de maître est honorifique. Pour l’acquérir, il faut prouver avoir une excellente maîtrise de la magie, indiqua Julie.
- Ils créent beaucoup de magie, supposa Marlène.
- Non, pas forcément, siffla Julie d’un ton gêné mêlé de dégoût.
Marlène l’aurait insultée que l’effet aurait été le même.
- Peut-être. On n’en sait rien, poursuivit Julie. C’est perso comme information. Ça ne se partage pas. Avec personne.
Marlène lui envoya un regard d’incompréhension.
- Ils ont beaucoup de magie en réserve ? proposa Marlène.
- Non mais non plus ! s’exclama Julie, très gênée. La magie, c’est intime, je te dis !
- Je ne comprends pas, admit Marlène qui peinait à maintenir le traducteur.
- Ils savent manier la magie, la transformer, la manipuler pour en faire ce qu’ils veulent. Maître Gourdon, par exemple, a fait partie des Tuniques rouges, mais ça date d’avant ma naissance.
Les Tuniques rouges, où Marlène en avait-elle déjà entendu parler ? Ah oui, le magazine people de sa mère, l’autre néomage, Nicolas machin, qui devait devenir capitaine des Tuniques rouges. Marlène savait qu’il s’agissait de l’équipe de France de PBM, un sport magique, dont elle ignorait les règles ou le déroulé mais que sa mère suivait de près à travers les informations télévisuelles ou écrites.
Marlène vit les yeux de Julie briller. Visiblement, cela représentait quelque chose de formidable à ses yeux. Marlène comprit qu’elle avait encore un long chemin à parcourir pour marcher dans ce monde sans trébucher.
- J’avoue ne pas saisir, insista Marlène.
Julie roula des yeux, mais son geste était moins agacé que d'habitude, presque fatigué. Marlène savait que sous ses airs de grande fille, Julie portait aussi ses propres fardeaux. Peut-être qu’en fait, elle aussi n’avait pas toutes les réponses.
- On s’en fout de la quantité de magie qu’un magicien peut créer !
- Ah bon ? s’étonna Marlène.
- Si tu ne sais pas la modeler, à quoi bon ? Regarde moi ! J’ai dix fois plus d’énergie qu’Amanda et je suis bien plus nulle qu’elle. Elle peut réaliser une symphonie dans l’intra et moi, je ne suis même pas foutue de répéter un do sur un piano !
Marlène ne comprenait pas tout mais elle douta que le problème venait du traducteur. Non, il lui manquait des références.
- Donc maître Gourdon a peu d’énergie mais elle sait très bien l’utiliser, c’est ça ? proposa Marlène.
- T’as bien fait de pas poser la question aux profs parce que t’es carrément insultante là en fait.
- Pourquoi ?
- Marlène ! hurla Julie, visiblement désespérée. La magie c’est perso ! La quantité possédée par maître Gourdon ne nous regarde pas ! La quantité créée par maître Gourdon ne nous regarde pas ! Arrête juste d’en parler ! Ça ne se fait pas ! C’est intime !
- Tu m’as confié sans difficulté que tu as dix fois plus d’énergie qu’Amanda, fit remarquer Marlène.
- Les chambres sont protégées. On peut y parler sans risque d’être écoutées dehors, précisa Julie. Et maintenant que je t’ai expliqué ça, j’espère que tu ne vas pas aller le dire à tout le monde.
Marlène haussa les épaules. Elle ne parlait avec personne de toute façon. Sa tête la lançait.
- Je n’en peux plus, Julie. Désolée mais je vais devoir couper mon traducteur.
- Tant mieux, répondit Julie.
Julie grommela puis disparut dans la douche. Marlène dormait déjà à sa sortie.
Le lendemain, après le petit-déjeuner, Marlène eut envie d’appeler ses parents et en même temps, elle craignait de leur parler. Ils lui manquaient tant ! Prenant son courage à deux mains, elle les appela, tremblant tant tenir sa concentration était dure.
- Marlène ! s’exclama Didier. Ma chérie ! Je suis tellement désolé. Madame Gourdon nous a passé un savon hier.
- Maître Gourdon, le corrigea Marlène.
- Quoi ?
- C’est maître Gourdon, pas madame. Ça signifie qu’elle est douée en magie.
- Oh ! Euh… d’accord. Apparemment, nous avons été trop durs envers toi alors excuse-nous, c’est juste que nous sommes inquiets, tu comprends, nous…
La conversation se coupa. Marlène, prise par les émotions, venait de perdre le contact. Elle fondit en larmes.
- Je vais le faire pour toi, proposa maître Gourdon en entrant dans la petite pièce vide que Marlène s’était choisie pour être tranquille en ce jour où il pleuvait à verse.
Le guide s’anima et l’appel fut relancé.
- Merci, maître, murmura Marlène.
- Je t’en prie. Le moral, c’est important aussi.
- Vous me manquez tellement ! sanglota Marlène dès que ses parents décrochèrent.
- Tu arrives à tenir la conversation dans cet état ? s’étonna Didier d’une voix fière.
- Non ! s’écria Marlène. Maître Gourdon le fait pour moi.
- Oh ! Je vois, dit Didier dont la voix ne montrait qu’une immense déception. Merci, madame.
- Maître, gronda Marlène ce qui fit sourire le professeur.
- Marlène, je t’aime, dit Henriette. Je ne doute pas que tu feras de ton mieux.
- Elle a intérêt ! s’exclama Didier.
Marlène secoua la tête. C’était trop dur. Maître Gourdon comprit et la conversation prit fin. Dire que le jour de la rentrée, elle comptait appeler son père pour lui demander si le contrat lui permettait de quitter l’école à tout moment. Elle ne voulait plus en sortir et ne comprenait pas pourquoi Amanda tenait à partir à Noël. Marlène se sentait aidée et soutenue, guidée avec fermeté et bienveillance.
- Ils ne peuvent pas comprendre, répéta maître Gourdon. Nous te guiderons, ne t’inquiète pas.
Marlène sanglota.
- Deux fois par jour, c’est peut-être un petit peu trop, suggéra le professeur. Une fois par semaine, c’est mieux. Ainsi, tu auras des choses à leur dire. Je les rappelle pour les rassurer car la fin de l’appel a été un peu brutale et je leur annonce qu’ils te reparleront dimanche. D’ici là, tu seras capable de tenir l’appel toi-même.
Marlène sourit entre deux larmes.
- Et bien sûr, si ça ne devait pas être le cas, je t’aiderai de nouveau, précisa maître Gourdon.
- Merci, maître, lança Marlène.
- Ils sont réellement inquiets, insista maître Gourdon. Tu ne leur as rien dit de ta vie ici, de ta chambre, de la nourriture, de tes amies. La magie, tu sais, ils s’en fichent un peu. Ce sont des nouvelles de leur fille qu’ils veulent, pas de la magicienne. D’ailleurs, à ce propos, pourquoi es-tu enfermée ici toute seule ? Ça se passe mal avec ta colocataire ?
Marlène baissa les yeux et resta muette. Elle n’avait guère envie de se lier d’amitié avec cette blondasse. La pétasse ne montrait aucun désir de se rapprocher d’elle.
- Je viens de monter une bulle de sécurité totale autour de nous. Nul ne peut nous espionner. Qu’est-ce qui ne va pas avec Julie ?
- C’est une pétasse, souffla Marlène, pour tester la prof mais aussi pour se libérer du poids qui l’étouffait.
- Que mets-tu derrière ce mot ?
- Elle se la pète et prend tout le monde de haut. Elle accorde bien trop d’importance à son apparence.
- Julie dispose d’immense qualités. Tu gagnerais à te rapprocher d’elle… et d’Amanda. Elles sont dans le parc. Pourquoi ne vas-tu pas avec elles ?
Elle voulait croire maître Gourdon. Mais à quoi bon essayer de se rapprocher d’Amanda et Julie si c’était pour tout perdre ensuite, comme elle avait l’impression d’avoir perdu la confiance de ses parents ?
- Je ne comprends pas ce qu’elles disent et brancher le traducteur me fait mal à la tête.
- Voilà une excellente occasion de travailler tout en t’amusant, répliqua maître Gourdon. Tu ne peux pas passer tout ton temps toute seule. Ce n’est pas bon. Il faut te faire des amies.
- À quoi bon ? répliqua Marlène. Je les perdrai de toute façon. Amanda s’en va à Noël et Julie ne restera pas plus d’un an.
- Vous pourrez rester en contact. Être néomage ne doit pas t’empêcher d’avoir des amies.
- Cette amitié commence sur un mensonge. Elles me croient magicienne de fortune.
- Justement, profites-en. Elles, au moins, t’apprécieront pour qui tu es et non pour ce que tu es. C’est une chance rare.
Marlène esquissa un sourire timide. Elle ne savait pas quoi dire d’autre pour exprimer sa gratitude. Alors, elle murmura un simple « Merci ».
- De rien, Marlène. Allez, va rejoindre ces demoiselles qui seront ravies de t’accueillir près d’elles.
Marlène resta immobile quelques secondes après le départ de maître Gourdon. Une part d’elle avait envie de rester dans le cocon sécurisant de cette petite pièce, à l’abri du monde extérieur. Mais une autre, plus profonde, lui soufflait qu’elle devait essayer. Juste une fois. Peut-être que ça changerait quelque chose.
Julie et Amanda furent charmantes. Elles parlaient de garçons, de Paul, le petit-amie de Julie et de Koba, l’actuel copain d’Amanda, qui, apparemment, en changeait comme de chemise. Dès qu’elle avait mal au crâne, Marlène se rendait dans sa bulle bleue pour s’y détendre.
Elle caressait la bulle molle. Il y avait quelque chose au-delà mais quoi et comment s’y rendre ? Elle tenta de la percer avec ses doigts. Elle lui demanda de s’en aller. Elle l’imagina exploser puis fondre. Après tout, elle était dans son esprit. Ce truc faisait partie d’elle. Il était censé faire ce qu’elle voulait. Censé…
Si elle n’arrivait pas à comprendre comment traverser cette bulle, elle risquait de rester au même niveau magique. Coincée. Et Marlène détestait être coincée.
- Julie, ta réserve de magie, ça ressemble à quoi ? demanda Marlène.
Julie porta une main dramatique à son front.
- Marlène, tu ne piges vraiment rien ! C’est comme si je te demandais de lire ton journal intime. C’est perso, bordel !
Marlène haussa les épaules à la réaction outrée de Julie. C’était toujours comme ça : dès qu’elle touchait un point sensible, Julie s’enflammait. Mais est-ce que ça l’empêcherait de poser sa question ? Certainement pas.
- Les profs nous demandent tout le temps à quoi ça ressemble, répliqua Marlène.
- Pour nous guider, idiote ! rétorqua Julie, les joues rouges.
- Et on répond à voix haute. Tout le monde entend, non ?
- Non, grogna Julie en levant les yeux au ciel. Ils protègent nos réponses. Seuls les profs entendent !
Marlène détourna le regard, mâchonnant la lèvre. Peut-être que Julie avait raison. Après tout, cette bulle, ce monde intérieur, c’était son espace à elle. Privé. Mais si elle ne comprenait pas comment la traverser, elle risquait de rester au point mort. Une idée insupportable.
- Dans ta réserve, tu peux faire ce que tu veux ? interrogea Marlène.
- Si seulement, répondit Julie.
Amanda, jusque-là silencieuse, intervint avec un sourire narquois.
- Tu sais que tu payes assez cher l’école pour poser ce genre de questions aux profs. À moins que tu préfères les ragots.
Marlène fronça les sourcils, piquée au vif. Amanda n’avait pas tort. Mais cela ne rendait pas la remarque moins agaçante.
Elle se leva et se rendit dans la salle de maître Beaumont qui était pleine à craquer. Il lui désigna la réserve et Marlène alla y chercher un tapis supplémentaire puis s’installa.
- Tu as un souci avec ta réserve de magie ? demanda le professeur.
- Vous écoutez toujours tout ce qu’on dit ?
- Non, assura maître Beaumont. Les conversations des adolescentes sont vite lassantes.
Marlène ricana.
- Mais toi, c’est différent. Nous tenons à être très présents pour toi dans ces premiers jours difficiles. Promis, après, on relâchera un peu la surveillance.
Marlène sourit. En fait, cela ne la dérangeait pas. Au contraire, elle se sentait protégée, comme enveloppée dans un cocon protecteur. Elle leur faisait confiance.
- Quel est le problème ?
- Vous m'avez appris à ressentir ma réserve personnelle et à l'agrandir. Cependant, j'ai atteint une sorte de bulle. Je ne peux plus créer de magie car la bulle est pleine et je n'arrive pas à aller au-delà. Comment suis-je censée la passer ?
- Tu as essayé ?
Marlène hocha la tête.
- Vous croyez que je peux emmener un couteau avec moi dans la bulle ?
- Tu peux faire apparaître ce que tu veux dans ta tête. Pourquoi veux-tu faire apparaître un couteau ?
- Pour percer la bulle. Ceci dit, ça ne me semble pas être la réponse adaptée mais à défaut de mieux…
- Ça n'est en effet pas la réponse adaptée. La bonne réponse est à la fois simple et compliquée. Cette bulle, puisque c'est ce que tu vois, n'existe pas, ni en réalité, ni dans ce monde virtuel qui te sert de représentation mentale de ton moi intérieur.
- Pourtant, je peux la toucher et elle ne me laisse pas passer.
- Oui, car elle est créée par ton inconscient. Elle est la représentation de tes peurs. La peur de l'inconnu. La bulle est toute petite au départ et on s'y sent bien. C'est un espace confiné mais au combien rassurant. Il est plein de magie et pour un magicien, c'est une situation très plaisante que d'être entouré de magie.
- J'ai peur de passer cette bulle, comprit Marlène, éberluée.
Cette bulle, elle voulait la passer, elle le voulait vraiment. Et si elle échouait ? Si cette bulle, douce et chaleureuse, devenait une barrière infranchissable ? Et si elle n'était pas prête à découvrir ce qu'il y avait au-delà ?
- Exactement, mais de manière inconsciente. Ton esprit a peur d'aller au-delà car s'il sort de la bulle, alors qui sait si tu seras capable de remplir l'espace ! Ton corps a peur de se retrouver perdu, plongé dans un vide et ça le terrifie.
- Comment faire alors ? demanda Marlène.
- Pour t'aider, je peux te dire deux choses. D'abord, après cette bulle, il y en aura une autre. Donc, si tu passes celle-là, tu ne pourras pas errer dans le vide car une autre bulle te retiendra. Ton esprit va naturellement se protéger en créant une bulle plus grande. Ensuite, tu pourras remplir l'espace vide de magie. Tu en seras capable.
Marlène se sentit apaisée et réconfortée. Cependant, il n'avait pas répondu à sa question. Un moment de silence passa. Lorsqu'il fut clair qu'il ne comptait rien dire de plus, elle répéta :
- Comment je passe la bulle ?
- Il n'y a pas de bulle, répondit maître Beaumont. Juste ton esprit, qui a peur alors que tout va bien. Il y a une bulle plus grande qui te protégera. Il n'y a aucune crainte à avoir.
Marlène n'insista pas et se plongea dans ce que maître Beaumont avait appelé son "moi intérieur". Quel plaisir que de méditer ! Cet endroit était tellement beau, rassurant, bienfaisant. La bulle était toujours là. Marlène passa sa main dessus. C'était doux et chaud, mais également très solide. Cela constituait une excellente protection.
Marlène ne doutait pas un instant que rien ne pourrait l'atteindre. Il n'y a aucun danger. Même sans la bulle, tu ne crains rien, s'obligea à penser Marlène. La bulle ne disparut pas. Il n'y a aucun danger. Au-delà de cette bulle, il y en a une autre. Donc, même si tu passes celle-là, tu seras toujours protégée. La bulle n'eut pas la moindre réaction. Elle était toujours là, bien présente, une véritable protection, une véritable prison aussi.
Elle fut sortit de méditation par maître Beaumont qui lui annonça qu'il était l'heure de déjeuner. Elle retrouva au réfectoire Julie et Amanda, accompagnées de Paul et de Koba.
- Alors, ce cours ? C'était bien ? interrogea Julie.
- Je suis nulle, répondit Marlène. Je n'ai pas réussi quoi que ce soit.
- Dur ! répliqua Julia.
- Ça va venir, rassura Amanda, plus positive. Il faut te laisser le temps. Tu as tout à découvrir. C'est normal d'être perdue au début.
- Merci, Amanda, dit Marlène.
- Tu fais quoi cet après-midi ? interrogea Julie.
- Je vais retourner méditer, je pense, annonça Marlène.
- Il faut aussi te relaxer ! C'est important pour le corps et l'esprit, moralisa Amanda.
Maître Gourdon lui ayant dit la même chose, elle choisit d’y prêter attention.
- On peut faire quoi pour se relaxer ?
- Les sorties du vendredi et le sport, répondit Julie.
- Je ferai les sorties du vendredi avec vous, promit Marlène, et du sport le mercredi et le samedi. Et toi ? Que fais-tu cet après-midi ?
- Maths, français et histoire, annonça Amanda.
Marlène leva un sourcil interrogateur. Le directeur de l’école n’avait-il pas annoncé que les matières classiques n’existaient pas dans son école ?
- Je sais que je ne serai jamais une excellente magicienne. Je suis venue dans cette école dans le but de la quitter au plus vite, afin de rater le moins possible de cours classiques. J'espère être partie avant décembre. Je travaille pour rattraper les autres.
- Il y a des cours de ça ici ? s’étonna Marlène.
- Non, je fais ça par correspondance tout en classant mon esprit, indiqua Amanda.
Marlène fit mine d’avoir compris.
- Pourquoi ces trois matières là et pas les autres ? s'enquit Marlène, que ce choix, restreint, surprenait.
- Elles sont au brevet, annonça Amanda avant de se servir une part de tarte aux prunes.
- Il faut aussi te relaxer ! C'est important pour le corps et l'esprit, répéta Marlène.
Amanda lui jeta une boulette de pain à la figure avant de sourire et de répondre :
- Je ferai les sorties du vendredi avec vous, et du sport le mercredi et le samedi. Satisfaite ?
- Nous sommes d'accord, conclut Marlène avant d'échanger un clin d'œil avec Amanda.
Pour la première fois, Marlène sentit qu'elle n'était peut-être pas si seule ici. Amanda était différente. Elle ne la jugeait pas. C'était agréable.
- Donc, sport cet après-midi, si j’ai bien suivi, dit Marlène.
- C’est ça, confirma Julie qui postillonna des parts de flan en parlant, faisant rire tout le monde.
Amanda lui tapota l’épaule avant de se lever.
- Tu vas t’en sortir, Marlène. Et si tu galères, je serai là.
Marlène hocha la tête, un peu gênée, mais touchée malgré elle. Le groupe se leva en riant, prêt à affronter l’après-midi. Marlène, un peu moins anxieuse, se surprit à attendre avec impatience ce fameux sport. Alors qu’elle suivait les autres vers la sortie du réfectoire, Marlène se surprit à sourire. Peut-être que tout n’était pas si désespéré ici, après tout.