Chapitre 5 : La bibliothèque

Notes de l’auteur : J'espère que vous êtes prêt·e·s, les vrais problèmes commencent maintenant. Bonne lecture !

– Qu'est-ce qu'on vient faire dans ce trou à rats, sérieusement ? »

– C'est la section Tourisme de la bibliothèque du Collège. On vient se documenter sur les Steppes Sauvages. »

– Et pourquoi on fait ça avant le lever du jour ? »

– Parce que les ouvrages sont stockés au même endroit que l'Histoire de la Magie, et que j'ai eu peur qu'on se méprenne. Tobias, ferme la porte s'il te plait, il y a un drôle de courant d'air. »

Le voleur obtempéra à la demande de Léopold. Il regarda autour de lui, à la lumière des trois lanternes que le mage, Maggy, Duke tenaient à la main. La salle était vraiment basse de plafonds, et la guerrière et le rôdeur devaient marcher légèrement voûtés. Sur les étagères, des milliers de livres semblaient s'entasser à perte de vue. Ces ouvrages n'avaient qu'un point en commun : ils étaient vieux.

– Cette bibliothèque est vraiment impressionnante », lança Tobias sur le ton de la discussion. « Est-ce que c'est toujours aussi dense ? »

– Non », répondit Léopold. « Les autres sections sont plus orientées magie pratique, et les livres sont chargés de fragments de magie plus denses. Ils ne peuvent pas être autant entassés sans provoquer de sérieux phénomènes thaumaturgiques. »

Tobias hocha la tête, même si cela faisait peu de sens pour lui. Il promena son regard dans la pièce et croisa le regard dégoûté d'Isilda. Le nez de la prêtresse s'était retroussé à l'odeur du vieux papier, et elle passa à deux doigts de s'évanouir quand elle posa le doigt sur une étagère, laissant un profond sillon de poussière. Le voleur, lui, se sentait à l'aise dans ces petites allées où il était facile de se perdre. Il était déjà en train de fureter, tendant la main ici et là pour attraper un livre et soupesant mentalement sa valeur s'il arrivait à le glisser directement dans son sac.

– Ne te fatigue pas », l'interrompit Léopold en le remarquant. « La plupart de ces livres n'ont aucune valeur. Les seuls qui te les rachèteraient sont les auteurs, par ego pur. Mais la plupart de ces ouvrages sont très anciens. Tu auras du mal à les revendre à un squelette. »

Dépité, le voleur rejoignit le mage, qui pointa deux étagères nommées "Tourisme à l'étranger".

– Cherchons par ici. On cherche du contenu sur les Steppes Sauvages et sur les Monts Savants. Une carte serait la bienvenue. Une description des villages qu'on va rencontrer aussi. »

La voix de Maggy trancha une fois de plus dans la salle :

– Une description des villages ? T'y connais à ce point rien ? Les Steppes Sauvages sont le domaine des nomades. Il n'y a pas de villages, que des points d’eau. Avec des tribus spécialisées dans la chasse ou l'élevage, principalement de chèvres des steppes, peu voraces et économes en eau. »

– Tu m'as l'air drôlement au courant, dis-moi », fit remarquer Tobias en dévisageant la guerrière à travers les étagères.

– On entend plein de choses dans les tavernes. Tu le saurais si au lieu de voler les honnêtes gens, tu écoutais ce qui se dit ! »

La guerrière semblait furieuse. Tobias envisagea de courir se cacher au hasard dans la bibliothèque, alors qu’elle jetait un regard venimeux dans sa direction et faisait un pas en avant. L’espace d’un instant, il eut peur qu’elle compte vraiment renverser la lourde bibliothèque devant elle pour l’atteindre, mais elle sembla changer d’avis et repartit en maugréant. Elle posa sa lanterne sur le bord d'une étagère et se mit à chercher avec Léopold et Duke. Pendant plus d'une demi-heure, il n'y eut plus que le bruit des livres qu'on feuilletait et l'hyperventilation d'Isilda, qui cherchait le coin le moins sale de la pièce, et semblait ne rien trouver à sa convenance.

Il leur fallut une heure de plus pour mettre la main sur une demi-douzaine de livres, et Léopold en prit deux, qu'il mit dans sa sacoche de voyage.

– Pourquoi pas les six ? », demanda Tobias, qui continuait à penser qu'il y avait malgré tout du profit à faire.

– Les quatre autres sont protégés par un sort d'antivol », répondit Léopold.

Et devant le regard interloqué du voleur, il expliqua :

– Le sort d'antivol est conçu pour que l'ouvrage se mette à crier si on sort de la zone. Sur ces deux-là, les sorts n'ont pas été renouvelés depuis longtemps, et ils ont quasiment disparu. »

– Tu ne peux pas juste emprunter les autres ? Non, non, je n'ai rien dit », répondit le voleur devant le regard scandalisé du mage. « Ta réputation, tout ça, tout ça… »

Léopold acquiesça, mais ne put rien ajouter.

– C'est bon, on peut se casser ? J'en peux plus de cette salle pourrie avec ces bouquins moisis. Allez, dehors ! Dehors, tout le monde ! »

Maggy poussa tout le monde vers l'extérieur avec véhémence. Léopold les guida vers la sortie avec sa lanterne, suivi de très très près par Isilda, qui prenait de grandes inspirations et tremblait de tous ses membres. La guerrière claqua la porte derrière elle en sortant, alors que Duke éteignait sa propre lanterne et la posait à côté de celle du mage. Ce dernier prit la parole :

– Première étape, direction Xélatul, dernier village desservi par les téléporteurs d'Illadum. On devrait y aller maintenant, les mages téléporteurs font des happy hours en début de journée pour essayer de lisser les pics de trafic sur les plateformes. »

Dans la section Tourisme de la bibliothèque du Collège de Magie d'Almoria, une source de lumière oubliée oscillait au bord d'une étagère, menaçant de se briser après que la violence du claquement de la porte lui ait donné une impulsion. Elle se contorsionnait de toute son âme, la magie dont elle s'était imprégnée pendant toutes ces années, luttant désespérément pour éviter ce qu'elle savait être une fin dramatique. Mais la gravité fut la plus forte, et elle finit par tomber et se briser, libérant une huile qui s'enflamma rapidement.

La section "Tourisme étranger" s'embrasa, à commencer par le livre fort à propos "Des mille et une façons de démarrer un feu". L'incendie s'étendit rapidement à la section Tourisme entière, car, si on pouvait accorder une qualité aux bibliothécaires, c'est qu'ils avaient gardé la pièce aérée, et le vieux papier était donc bien sec, et les reliures croustillantes. En théorie, l’alarme incendie aurait dû se déclencher, mais les sorts d’antivol n’étaient pas les seuls à avoir manqué d’entretien.

Les cinq aventuriers récupèrent leurs paquetages qu’ils avaient laissé dans la consigne à l’entrée de la bibliothèque. Ils avaient prévu une grande tente, stockée dans le sac de Maggy, de quoi cuisiner dans le sac de Duke. Le matériel de soin était principalement dans l’attirail d’Isilda. Tobias, lui, gérait une partie des provisions et ses outils de voleur. Quant à Léopold, la majorité de son paquetage semblait composé de livres. À la sortie, Tobias crut entendre chuchoter « Au secours, on me vole ! ». Léopold ferma promptement son sac, faisant taire les ouvrages.

Dans le sous-sol, qui n'avait plus rien de sombre, la section Histoire de la Magie avait pris feu bien plus spontanément que la section Tourisme. Les livres crépitaient et projetaient des étincelles, alors qu'ils se consumaient, libérant une magie très parcellaire qui facilitait l'ignition des ouvrages suivants. La chaleur devint suffocante, alors que le brasier enflait et que les flammes s'attaquaient désormais aux poutres qui soutenaient la salle.

Une partie du plafond s'effondra, créant à la fois une véritable caldeira et un appel d'air. En quelques secondes, une énorme boule de feu fut aspirée vers l'étage supérieur et enflamma la section "Magie d'artifices". Une section peu usitée, mais à laquelle on devait accorder une caractéristique : celle de très bien brûler. Les alarmes anti-incendie se déclenchèrent, et la bibliothèque elle-même se mit à hurler "Au feu ! Au feu !". Mais à cinq heures du matin, il n’y avait personne sur place pour réagir suffisamment rapidement à un incendie d’une telle envergure, et les runes de vaporisation d’eau automatiques furent insuffisantes devant les projectiles enflammés qui s’échappaient désormais des livres en train de se consumer.

– Il faudra qu'on repasse quand même quand on revient », lança Tobias joyeusement, alors que Léopold s'affranchissait du droit de passage du groupe et qu'ils se plaçaient sur un cercle de téléportation. « J'ai vu quelques livres sur la préciosité des bijoux des tribus des steppes sauvages que j'aimerais bien emprunter »

Des flammes fusèrent des livres alors que ceux-ci se consumaient. L'une d'elles sortit par la fenêtre du rez-de-chaussée, et rentra au troisième étage dans la section, magie du feu. Et alors que le groupe disparaissait, Tobias jetant un dernier regard et s'extasiant auprès de ses amis de l'éclairage de la bibliothèque au soleil levant, le premier livre de la magie du feu explosa. Une réaction en chaîne fit disparaître seize siècles de connaissances, toutes magies confondues, et laissa un gros cratère à la place de ce qui était jadis la bibliothèque du Collège.

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Talharr
Posté le 10/07/2025
Hello,
Je reprends la lecture. J'ai bien aimé ce chapitre, les sorts antivols et le premier livre qui brûle qui parle de comment faire un feu :')
Le rythme est bon et on ne lâche pas.

Petite suggestion : "Une carte serait la bienvenue. Une description des villages qu'on va rencontrer aussi" -- "rencontrer un village" me semble inadéquate sauf si c'est voulu. Sinon mettre "traverser" :)

je continue.
Sim
Posté le 09/07/2025
Bonjour !
J'ai beaucoup aimé le rythme de ce chapitre ! On comprend bien le parallèle temporel entre la bibliothèque qui prend feu et le départ de cette fine équipe.
Ce que j'apprécie aussi beaucoup dans ton récit c'est l'aspect un peu cartoon (dans un précédent chapitre, Tobias se prend la porte de Maggy), un aspect assumé que je trouve bien amené, bien écrit et qui fonctionne (sur moi en tous cas).
J'adore le principe des sorts anti-vol ou les happy hours, c'est décalé, c'est bien trouvé, je trouve que cela donne du sens, de la cohérence, de la matière et de la personnalité à ton univers, sans tomber dans la lourdeur.
Après quelques chapitres, on commence à découvrir et approfondir les personnalités des personnages et sur ce point aussi, je tiens à dire que j'aime beaucoup.
Bref, je continue avec plaisir !
A bientôt !
Suzie
Posté le 16/06/2025
Salut LogistiX ! Un mot pour ce chapitre : oups ^^ pour moi le rythme est très efficace, d’un côté l’insouciance des aventuriers qui s’en vont, de l’autre le chaos de l’incendie, c’est comique et en même temps… oups. D’autant que la description des ouvrages détruits permet d’en saisir toute la portée justement ! Hâte de voir les conséquences de tout ça, et je me doute que ça ne sera que le début des « accidents » !
En micro point, « la guerrière semblait furieuse. (…), alors qu’elle jetait un œil furieux dans sa direction », petite répétition de « furieux » qui alourdissait un peu ta phrase je trouve !
LogistiX
Posté le 22/06/2025
Coucou Suzie,

Oh, oui, chaque petite "mésaventure" finira par avoir des conséquences, c'est certain. Sur nos aventuriers, ou sur d'autres, ça, c'est une question intéressante !

Merci pour la répétition, je note avant qu'Alex ne passe par ici et qu'elle ne décide de m’assommer avec un dictionnaire de synonymes en représailles !

Merci pour ton retour !
LX
Suzie
Posté le 26/06/2025
Je ne la vois plus depuis un moment sur PA d’ailleurs…. La belle et la bête version dico me manque et j’ai besoin d’affiner mon vocabulaire !
Edouard PArle
Posté le 14/06/2025
Coucou Logistix !
Un chapitre de catastrophe qui rappelle le premier de l'histoire, avec la maladresse des héros et la réaction en chaîne qui s'enclenche. C'est cool de prendre le temps de montrer la richesse des connaissances et l'immensité de la bibliothèque en début de chapitre pour donner du poids à sa destruction.
Je me demande quelles vont être les conséquences du chapitre pour tes personnages, on devine que ça risque de s'empirer au vu du ton de l'histoire^^
Mes remarques :
"Il eut peur l’espace d’un instant qu’elle compte" l'espace d'un instant en début de phrase ?
"et ils ont quasiment intégralement disparu." couper le intégralement ? il apporte peu et je trouve l'enchaînement d'adverbes un peu lourd
"Tobias jetant un dernier regard et s'extasiant" je me demande si changer la tournure pour avoir du passé simple dynamiserait pas ce passage
A très vite !
LogistiX
Posté le 02/07/2025
Coucou Edouard !
Désolé pour le temps de réponse sur ce message, mais je voulais être sûr de pouvoir intégrer tes remarques en même temps que je réponde, pour pas que certaines s'oublient.

Effectivement, j'ai étoffé le chapitre pour donner de l'importance à la bibliothèque. Et on va faire en sorte que ça serve le titre du livre à terme !
J'ai pris tes remarques en compte. J'ai hésité sur la dernière, parce que je veux vraiment un sentiment de simultanéité. J'ai donc coupé la phrase en deux un peu plus loin pour donner un peu de peps, tu me diras si ça a l'air mieux.

Merci pour ton retour !
LX
Edouard PArle
Posté le 02/07/2025
bonnes modifs !!
ZAODJA
Posté le 11/06/2025
Salutation, cher ami artificier !

Bon, bah, ça a fait boum !!! Et bien comme il faut. Je retrouve ton humour dans ce chapitre. Ce petit grain de folie qui met le feu aux poudres si je puis dire.

J’aime beaucoup la progression dans ton histoire. Petit à petit, tout part en sucette. Cela dit, je me demande si tu n’es pas un peu pyromane !?

Je te fais grâce de la magie anti-vol et anti-feu. C’est du pur génie ! Sauf si ce n'est pas bien entretenu…

Merci pour cette lecture.

Zao
LogistiX
Posté le 02/07/2025
Hello Zao,
Désolé pour le délai, j'ai un peu manqué de dispo ces derniers temps !
Je ne suis pas pyromane, voyons. Ce n'est que la deuxième fois que quelque chose prend feu, et la première, c'était 4 siècles auparavant !
Tu l'as bien compris, ce sont les magies secondaires que je préfère développer effectivement. On peut faire tellement de choses avec la magie dont on ne parle pas assez à mon goût ^_^

Merci pour ton retour,
LX
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