Elle ouvrit fébrilement ses paupières. Rien ne bougeait sous la cime blanchie de givre. Le monde autour d'elle baignait dans un silence de tombe. Ses contours estompés, comme un lavis par un aquarelliste pressé d'en finir, se fondaient dans la même brume de glace qui recouvrait la lande.
Evanna releva la tête avec lenteur. Ses paumes enveloppées de laine tressaillirent au contact du sol poudré. L'air glacial la saisit et un torrent d'images confuses déferla dans son esprit, lui coupant le souffle avec brutalité.
Elle se revit traînée dans l'auberge par un milicien violent, jetée à ses pieds, tout près d'Aaron.
Aaron recroquevillé, tremblant et perdu.
L'auberge, vide et glacée.
Evanna se leva aussitôt. Chancelante, elle chercha des yeux le garçon. Elle avait le tournis. Des géants de bois l'encerclaient partout où portait son regard. Ce n'était pas encore tout à fait la forêt, plutôt une sorte de taillis assez touffu où la lumière incertaine du jour pouvait s'infiltrer sans difficulté. Le terrain était pentu, parsemé de rochers saillants dévorés par le lichen.
Elle frotta son front où poussait déjà une grosse bosse. Ils devaient avoir dérapé en courant et s'être assommés dans leur chute.
Au bout d'une poignée de secondes, pourtant interminables, elle avisa enfin une silhouette inerte, étendue près d'un amas de rocs. Son estomac se tordit. Aaron gisait comme un pantin désarticulé sur le sol mousseux du sous-bois, inconscient.
Elle se précipita sur lui, en repoussant une pensée terrible : l'idée qu'il ne se réveillerait peut-être pas. Son nez était violacé, ses lèvres fendues et couvertes de sang séché. La jeune fille glissa sa main sur la peau glacée de son visage lunaire, constellé de taches de rousseur. Elle termina sa course, tremblante, dans les cheveux qui dessinaient de larges boucles aux reflets de miel. Son souffle se coupa.
Un liquide chaud et écarlate coulait sur ses doigts. Il avait dû se cogner violemment la tête en tombant.
Un horrible pressentiment prit Evanna à la gorge. Elle apposa deux doigts sous la mâchoire du garçon, comme elle l'avait vu faire une fois. Ce fut dans un soupir de soulagement qu'elle constata le mouvement régulier qui maintenait le corps en vie. D'un geste maladroit, elle arracha sans vergogne le bas de son jupon et entreprit d'éponger la blessure.
Elle avait causé trop de dégâts. Elle ne le laisserait pas partir sans rien faire. Il fallait qu'elle le ramène. Il fallait qu'elle se batte pour lui.
Elle lui devait bien ça.
— Eva... Evanna ? murmura Aaron, paupières mi-closes.
Elle suspendit son geste. La boule qui s'était formée dans sa gorge se desserra pour de bon, et elle faillit éclater de rire tant elle était soulagée. Elle oublia toute bienséance et se serra contre lui de tout son être.
Il était plus frêle qu'elle ne l'avait imaginé. Elle se noya dans sa nuque, sa peau, ses cheveux ; ils dégageaient un parfum familier, de ceux qu'on perd de vue en grandissant.
— Aie... arrête... tu... tu me fais mal... protesta-t-il faiblement.
— J'ai cru que je t'avais perdu, souffla-t-elle en l'enlaçant toujours.
Des larmes silencieuses coulaient sur ses joues ; elle avait eu si peur qu'elle en frissonnait encore.
— Ce sera le cas si tu ne me lâches pas, maugréa-t-il en trouvant enfin la force de la repousser.
Il se redressa et se frotta la tête. La vue de son propre sang sur ses mains lui arracha une grimace. Evanna lui tendit le bout de jupon qu'il attrapa sans dire un mot et l'observa d'un œil discret.
Le rouge lui monta bientôt aux oreilles. Qu'est-ce qui lui avait pris de se jeter ainsi sur lui ? Elle le connaissait si peu. Et pourquoi pleurait-elle encore ?
Elle s'oubliait complètement. Il fallait qu'elle se ressaisisse.
Confuse, elle se détourna, sécha ses larmes d'un revers de manche et attendit.
Quelques secondes s'écoulèrent ainsi. Lorsque, enfin, Aaron essaya de se relever, son pied droit glissa dans un amas de feuilles mortes. Il dérapa et s'écrasa dedans, les mains enfoncées dans la boue. Evanna se précipita aussitôt pour lui tendre la main ; un sourire un peu gêné flottait encore sur ses lèvres.
Elle ne s'attendait vraiment pas à ce qui suivit.
— LAISSE-MOI TRANQUILLE !
La voix d'Aaron avait déchiré l'immobilité des bois dans un fracas assourdissant. Evanna se figea sur place, la gorge soudainement sèche.
— Qu'est-ce... qu'est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle d'une voix frêle.
— Tu te moques de moi ?
Aaron s'était relevé, les jambes flageolantes. Il lui tournait résolument le dos en se retenant à rocher. Sa main libre, pleine de terre pâteuse, tressaillait, incontrôlable.
— Aaron je...
— Tout ça, c'est ta faute ! explosa-t-il en se retournant enfin.
La rage déformait son visage aux traits d'ordinaire si doux. Evanna ne l'avait jamais vu comme ça. Une honte monstrueuse l'envahit de l'avoir étreint si fort quelques instant plus tôt. Il l'avait repoussée ; évidemment, à quoi s'était-elle attendu ?
— Pourquoi est-ce que tu refuses de dire la vérité ? reprit-il d'une voix pleine de tonnerre qui ne lui était pas naturelle.
— Aaron...
— Qui est ce type ? Comment il me connaît ? C'EST QUOI CETTE HISTOIRE DE FOUS ?
— Je... je suis déso...
— Non ! la coupa-t-il, irascible. NON ! C'est terminé ! Je ne veux plus de tes mensonges et de tes excuses !
Le cœur d'Evanna s'affola. La voix d'Aaron résonnait jusqu'au fond de son ventre. Il lui semblait qu'elle montait jusqu'aux cimes. Et la forêt, ici, était si clairsemée. N'importe qui pouvait les entendre de loin. Où étaient les miliciens ? S'étaient-ils lancés à leur recherche ?
— Je t'en supplie, arrête de crier, tenta-t-elle, fébrile.
— ALORS DIS-MOI LA VÉRITÉ !
Il planta ses yeux brillants de larmes dans les siens. Un silence affreux tomba sur eux. Evanna sentit son estomac et sa gorge se contracter encore. Elle déglutit difficilement, cherchant des mots qui ne parvenaient pas à se former dans sa bouche.
La vérité. Le mot avait claqué comme un fouet à sa figure.
Pourquoi était-ce si dur ? On lui avait appris à mentir toute sa vie. Tout ce qu'elle avait eu de vrai ne lui appartenait plus depuis longtemps. Et lorsqu'elle avait décidé de renoncer à sa vie, construite de chimères et de faussetés, qu'avait-elle fait ? Elle avait perpétué le cycle des mensonges, sans parvenir à le rompre, quand bien même le Vieux-Chêne avait été le lieu le plus sincère qu'elle eût jamais connu.
C'était aussi douloureux qu'avaler une boule pleine d'épines. Aaron lui renvoyait un miroir d'elle-même qui faisait fi de tout artifice. Ce qu'elle y vit la dégoûta. Il avait raison : tout était de sa faute.
Evanna mesurait à présent à quel point ce qui venait de se passer pouvait l'avoir blessé. À quel point elle pouvait l'avoir blessé.
Un gémissement étouffé s'échappa d'elle. Elle rassembla tout son courage et s'assit sur la roche la plus proche. Les mots étaient là, mais leur faire prendre vie la terrifiait. Il le fallait pourtant. Les yeux d'Aaron, étincelants d'impétuosité, la décidèrent. Sa voix s'éleva presque malgré elle. Aussitôt, elle sentit le poids qu'elle portait depuis des lustres relâcher sa pression dans sa poitrine. Elle n'avait pas eu conscience de cette masse si lourde jusqu'à ce moment-là.
— Je n'ai pas perdu la mémoire bien sûr, c'était un mensonge absurde. Je n'ai rien dit parce que je ne pouvais rien dire. Je le croyais, du moins. C'est... c'est toi qui avais raison.
Elle marqua une pause. Aaron ne répondit rien. Impassible, il continua à la fixer sans un mot.
— J'a... j'avais peur, articula-t-elle difficilement.
— Je veux savoir qui c'est.
Il n'y avait plus de trace de colère sur le visage du garçon, mais quelque chose qui le rendait statique. Neutre. Ç'en était presque effrayant.
— Cet homme que tu as vu s'appelle Rodwald Malgorn, expliqua Evanna en faisant un effort considérable pour ne pas laisser sa voix faillir. C'est un comte, un homme extrêmement influent.
Elle déglutit, puis continua :
— Un noble, comme moi, comme ma tante. Mais pour que je puisse te dire qui il est vraiment, que je puisse réellement te parler de lui, il faut d'abord que je te parle de mes parents.
Elle s'arrêta, prit son front dans ses mains quelques instants et inspira profondément pour se donner davantage de courage. Le récit qu'elle s'apprêtait à faire, elle ne l'avait encore conté à personne. Elle calma un peu sa respiration et tâcha de saisir au vol le flot de pensées qui tourbillonnait sauvagement dans sa tête.
— J'ai vécu avec ma tante des années durant, commença-t-elle d'une voix plus tranquille. Mes parents n'ont jamais été très présents pour moi. Mon père a toujours été mal perçu. La bonne société attendait de lui qu'il joue sagement son rôle de dignitaire. Tu vois, normalement, les gens comme nous ne travaillent pas. Nous vivons de nos rentes. Aussi loin que remontent mes souvenirs d'enfance, je les ai toujours vus entourés d'érudits, ma mère et lui. Mon père est allé à l'université de Gwazh-Vor pour étudier les sciences naturelles. Il y a rencontré ma mère, l'une des premières femmes à avoir été acceptée comme étudiante à la faculté. Dès lors, ils n'ont jamais cessé de travailler ensemble. Très vite, les expéditions ont commencé. Je devais avoir sept ou huit ans quand ils m'ont laissée tous les deux chez ma tante. Ils partaient pendant des mois et des mois. Ils m'écrivaient parfois, me promettant à chaque lettre de revenir, mais quand ils rentraient enfin, c'était pour mieux préparer leur expédition suivante. Quelquefois, ils restaient plus longtemps. J'ai fini par comprendre qu'ils devaient passer à l'Académie des Sciences pour présenter leurs travaux. C'était un peu le passage obligé.
« Ce dont j'ai pris conscience plus tard, c'était de ce que leur coûtaient chacun de leurs voyages. Ils ne m'avaient pas placée chez ma tante pour que je me sente moins seule. La maison où j'étais née ne nous appartenait déjà plus. Chaque année ils revenaient à Gwazh-Vor, demandant inlassablement de quoi financer leurs voyages. Nous étions ruinés.
« Pendant des années, ils allaient et venaient, et moi j'étais enfermée entre quatre murs, sans jamais pouvoir fréquenter personne d'autre que la bonne société de ma tante. Quelle mascarade ! Il m'a fallu apprendre à me tenir droite, coincée dans ces vêtements trop étroits qui me donnaient l'impression d'être prisonnière d'une vie dont je n'avais pas voulu. Apprendre à paraître en société, rester à ma place ; autrement dit ne jamais exprimer mon opinion sur des sujets importants. Apprendre la danse, la musique, la géographie, l'histoire des dynasties, apprendre à monter à cheval comme une dame, apprendre à ne jamais adresser la parole aux autres qu'en compagnie d'une personne de ma connaissance qui pourrait me présenter !
Evanna marqua une pause, essoufflée par sa tirade. Haletante, elle observa Aaron qui la fixait toujours sans rien dire.
Non. Elle ne devait pas parler d'elle. Ce n'était pas cela qui l'intéressait. Pourtant, ces mots-là lui avaient fait du bien, même si sa gorge s'était resserrée.
— Un jour, mes parents ont rencontré cet homme, poursuivit-elle. Le comte Rodwald Malgorn. Un homme extrêmement riche, mais très mystérieux concernant sa famille. D'après ce que j'ai compris à l'époque, il venait d'être nommé à la tête d'une société savante : la Congrégation des Découvreurs, un cercle d'érudits assez fermé. Mes parents l'ont rapidement intégrée. À partir de ce moment-là, ils se sont mis à réunir tous ses savants chez ma tante. Elle, ça ne la dérangeait pas au début... je crois qu'elle recherchait la compagnie de Malgorn. Moi, j'étais ravie, même si je le trouvais impressionnant, un peu effrayant peut-être, parce que grâce à lui mes parents passaient du temps auprès de moi, ce qui n'était pas arrivé depuis si longtemps !
« Pourtant, plus les semaines passaient, plus ces rencontres devenaient bizarres. Mon père restait des heures entières enfermé dans la bibliothèque avec ma mère, ce Malgorn et tous ces inconnus. On ne les voyait plus. Un jour, mes parents m'ont annoncé qu'ils allaient partir pour la plus grande expédition de leur vie. Ils n'ont pas voulu m'en dire davantage. Ils répétaient qu'ils étaient tenus au secret et qu'il fallait que je l'accepte, même si je ne pouvais pas comprendre. Le lendemain matin, ils étaient tous partis. C'est la dernière fois que je les ai vus. C'était il y a deux ans.
Evanna s'arrêta une fois de plus, les doigts tremblants. Elle dut faire un effort surhumain pour retenir les larmes qu'elle sentait monter à ses yeux. Elle n'avait pas le droit de s'apitoyer sur son sort, pas après ce qu'elle avait fait à Aaron. Il fallait qu'elle prenne sur elle pour terminer son récit.
— Après ça, j'ai reçu une lettre d'eux, et puis, plus rien, fit-elle après une longue inspiration. Je m'inquiétais tellement... Ma tante ne voulait rien savoir. Elle a continué à faire comme si de rien n'était. Je pense qu'au fond, elle méprisait son frère, mon père, ainsi que ma mère évidemment. Je crois aussi que Malgorn n'avait que faire d'elle, elle qui s'était attachée à lui. Elle avait dû finir par s'en rendre compte. C'est en m'introduisant enfin en société, l'année dernière, que j'ai vraiment compris. Ma tante faisait tout pour éviter de mentionner mes parents dans les présentations. Tu vois, ça faisait des années qu'il n'avaient plus leurs entrées dans les salons mondains.
« Son objectif principal était désormais de me chercher un mari. J'avais à peine quinze ans. Elle n'avait pas d'enfant et il n'y a aucun garçon dans ma famille, pas de cousin, ni même de cousine pour porter notre héritage. Elle n'avait pas le choix, il fallait qu'elle fasse de moi quelqu'un de respectable pour ne pas voir sa fortune dilapidée chez un lointain cousin roturier. La disparition de mes parents était presque une aubaine pour elle. Pourtant, si elle avait de l'influence, ma parenté peu recommandable, mon manque de charisme et d'intérêt pour la mode ne jouaient pas vraiment en ma faveur. Je l'ai vite compris et je m'en suis servi. Ça en a tenu beaucoup à distance et ça m'a permis d'éviter des situations gênantes et d'abréger des soirées ennuyeuses à mourir. Bien sûr, plus les mois passaient, plus mon inquiétude pour mes parents grandissait. J'ai fini par réaliser que j'avais devant moi des personnes qui pouvaient m'aider pour mes parents. Une foule entière même.
« J'ai essayé de parler à des fonctionnaires haut-placés pendant les réceptions, puis à leurs épouses voyant que ça ne marchait pas. Personne ne l'écoutait ou ne me prenait au sérieux. Personne ne se souciait de mes parents. Quand ma tante a su ce que je faisais, elle m'a coupé l'accès aux soirées mondaines. Tout s'est arrêté subitement Je pense que ça lui a considérablement compliqué la tâche. Comment trouver un mari respectable à sa nièce sans pouvoir lui faire rencontrer du beau monde ? Moi, j'en ai profité et j'ai réussi à m'échapper un jour pour aller voir les gens d'armes. Je leur ai tout raconté, et ils m'ont affirmé le plus sérieusement du monde qu'ils allaient mener leur enquête. Pendant un moment j'ai cru que les choses allaient enfin évoluer. Je m'étais bercée d'illusions. Quand je suis retournée les voir, ils m'ont très poliment mise à la porte en me traitant de menteuse. D'après eux, mes parents n'existaient pas et j'avais inventé cette histoire de toutes pièces ! C'était insensé.
« À mon retour, ma tante m'a tenu un discours qui restera à jamais marqué dans ma mémoire. Elle m'a conté une histoire ahurissante. Mes parents étaient morts quand j'étais petite, emportés par la folie de leurs expéditions extravagantes. J'avais toujours su qu'elle n'aimait pas mes parents, mais ça... Comment pouvait-elle dire des choses pareilles ? Comment pouvait-elle faire effacer toutes ces années ? Mais le pire, c'est qu'elle semblait convaincue de ce qu'elle disait. Comme tous les autres, elle paraissait croire que mes parents avaient disparu lorsque j'étais bébé. J'ai voulu lui prouver qu'elle avait tort, qu'elle était prise de folie, alors j'ai été chercher les lettres qu'ils m'avaient envoyées. J'ai eu beau les lui mettre sous son nez, rien n'y a fait. Elle a continué dans son déni, prenant à témoin ses domestiques qui l'appuyaient dans ses dires, et elle a commencé à me parler de démence. Elle a presque réussi : j'ai cru devenir folle. Peut-être que c'était moi qui avait tout inventé, après tout. Peut-être... peut-être que c'était moi qui avait écrit toutes ces lettres !
Evanna dut faire une pause. Sa gorge la faisait souffrir. Elle aurait tout donné pour avoir un verre d'eau. Elle regarda ses mains qui ne parvenaient pas à cesser leurs tremblements. Imprévisibles, celles d'Aaron les enveloppèrent soudain. Elles étaient fermes et dans le même temps étonnamment douces. Les yeux du garçon demeuraient toujours aussi impénétrables, mais son geste semblait dire à Evanna qu'elle n'était pas seule.
Qu'elle n'était plus seule.
— Elle me les a confisquées, parvint-elle à poursuivre. Je ne les ai jamais retrouvées, je pense qu'elle les a brûlées. De mon côté, je me suis laissée une dernière chance. J'ai écrit à mon ancienne nourrice. Cela faisait des années que je ne l'avais pas vue, que je ne lui avais pas parlé. Elle incarnait mon dernier espoir. Elle seule pouvait me prouver ma folie. Alors, je lui ai tout raconté.
Evanna comprima ses poings.
— J'ai cru revivre lorsqu'elle m'a répondu, lâcha-t-elle dans un sanglot incontrôlable. Elle m'a parlé de mes parents, elle m'a raconté comment à mes six ans, ils m'ont offert mon premier atlas d'histoire naturelle. Elle se souvenait d'eux, Aaron !
Evanna libéra l'une de ses mains pour s'essuyer les yeux. Elle constata avec surprise que le garçon avait détourné les siens, peut-être gêné par ses dernières paroles, sans toutefois arrêter son étreinte. La prenait-il au sérieux ? Pensait-il qu'elle était irrémédiablement folle après le récit qu'elle lui avait conté ?
Comme il ne disait rien, elle continua :
— J'ai échangé avec elle durant plusieurs semaines. Quant à ma tante, je n'ai plus réabordé le sujet avec elle. J'ai décidé d'endosser le rôle qu'elle voulait me confectionner et je me suis assagie. J'ai même tout fait pour que l'on reprenne nos sorties mondaines. Je n'étais plus trop inquiétée par ces histoires de mariage, personne ne semblait vouloir s'emprisonner avec moi. Je voulais tenter une autre approche pour enquêter sur la disparition de mes parents. J'ai décidé de me rapprocher de leur société savante.
— La Congrégation des Découvreurs ?
Evanna dévisagea un moment Aaron, étonnée de l'entendre enfin après tant de mutisme. Elle ne se faisait pas des idées. Quelque chose avait changé dans ses yeux : il fuyait son regard.
— Oui, finit-elle par répondre, décontenancée. Ça n'a pas été facile. J'ai d'abord cherché tout ce que je pouvais sur eux, traquant sans relâche le moindre article dans les journaux, la moindre intervention à l'Académie des Sciences de Gwazh-Vor. À force de persévérance, ma tante a dû véritablement croire à ma comédie car elle a fini par me laisser plus de liberté. J'ai réussi plus d'une fois à échapper à sa vigilance et à sortir. Je suis allée les voir dans leurs bureaux. Autant te dire que je n'ai pas été très bien accueillie. Figure-toi que ma mère devait faire exception. Ces gens-là n'apprécient guère que des femmes viennent se mêler de leurs affaires. Au bout de ma troisième tentative, ils ne voulaient toujours pas me recevoir, mais ce jour-là j'ai repris espoir. Malgorn avait réapparu. Je l'ai vu là-bas. Je me suis précipitée vers lui, m'attendant à retrouver mes parents à ses côtés, ainsi que tous les autres membres de l'expédition. Mais Malgorn était seul. Il était terriblement changé. Son visage portait cette balafre affreuse. Et s'il m'a toujours inspiré un peu d'appréhension, ce jour-là j'ai été terrifiée par le regard qu'il m'a jeté. J'ai essayé de l'interroger. Il m'a ignorée et on m'a mise dehors.
« Quelques jours plus tard, il était à notre porte. Ma tante l'a reçu durant toute une après-midi. Je ne sais pas ce qu'ils se sont dit, mais en sortant du salon d'été, elle m'a annoncé que nous accueillerions le comte pendant un moment. Pour moi, même s'il me faisait peur, ça signifiait que j'allais enfin savoir. Je me disais que je trouverais un moyen pour qu'il me raconte tout. Il m'avait enlevé mes parents, il me devait bien ça ! Comme tu peux t'en douter, il a continué à m'ignorer. Ma tante s'est rapidement rendue compte de mes tentatives et a tout fait pour que je ne vienne plus l'importuner. Je ne comprenais pas ce qu'il faisait chez nous. Mes parents n'étaient plus là et il n'était lié en aucune façon à ma tante. Du moins, pas de manière officielle.
Evanna s'arrêta un instant, rougissante.
— Comme il n'acceptait pas de me parler, reprit-elle, j'ai commencé à faire quelque chose dont je ne suis pas fière. Je me disais que, dans ses affaires, dans ses notes de travail, peut-être que je trouverais des indices. Alors je me suis introduite dans ses appartements et j'ai fouillé. C'est là que j'ai découvert le carnet, celui que Malgorn a récupéré.
Elle sentit Aaron se redresser. Il lui lâcha les mains. Il paraissait plus concentré que jamais.
— Il portait leur devise à l'intérieur, celle de la Congrégation des Découvreurs.
— « La vérité n'est jamais là où on la croit ; elle est là où l'on n'ose pas même la soupçonner », récita Aaron à la surprise d'Evanna.
— Comment...
— J'aurais moi aussi une ou deux choses à t'avouer, grommela le garçon, mais plus tard si tu le veux bien.
C'était donc ça. Ce changement d'attitude soudain qu'elle avait perçu un peu plus tôt. Aaron éprouvait de la culpabilité envers elle. Qu'avait-il donc fait ?
Elle soupira. Quoi que ce fût, cela ne pourrait pas égaler ce qu'elle avait engendré en l'espace d'une seule nuit. Elle décida de ne pas relever et poursuivit :
— Quand je l'ai vu, j'ai eu l'intuition qu'il s'agissait d'un document clé, quelque chose qui pourrait me mettre sur la piste de mes parents. Mais c'était un fouillis de notes, de comptes-rendus désordonnés d'expéditions, qui parlaient aussi bien du Gwernorzh que de pays lointains. Et puis, finalement, je me suis rappelée l'avoir déjà vu avec mes parents, Malgorn et les autres. J'avais des bribes de conversation qui me revenaient. Malheureusement, je n'ai pas eu le temps d'en apprendre plus. Malgorn m'a surprise et depuis ce jour-là il a veillé à maintenir ses appartements fermés à double-tour. Il fallait pourtant que je récupère ce carnet.
« Il y a plusieurs semaines, son attitude a changé. J'ai réussi quelquefois à m'échapper pour le suivre dans ses sorties. Il n'allait plus à la Congrégation, mais il se rendait au bureau central de la Milice. J'ai alors repris mes lectures de presse. Les journaux parlaient de plus en plus des tensions entre notre pays et le Brünland. Chaque jour, la Une y était consacrée. Quelques temps plus tard, les rumeurs de conscription ont commencé à se répandre dans la capitale. La Milice ne semblait pas avoir assez de mobilisés. Ce n'était pas aisé pour moi d'avoir de vraies informations. Lors des réceptions, très peu évoquaient le sujet, il fallait tendre l'oreille, écouter les chuchotements. Malgorn, quant à lui, ne s'y rendait jamais. J'ai commencé à m'inquiéter et à comprendre. La Congrégation des Découvreurs l'avait laissé tombé et malgré son titre de noblesse, il n'avait plus les fonds suffisants pour poursuivre ses recherches. Il avait besoin d'argent et il avait besoin d'hommes.
« Un soir, finalement, j'ai réussi à surprendre une conversation entre lui et ma tante. Il disait qu'il devait partir quelques temps dans le comté de Kerlann, que c'était extrêmement important, qu'il était missionné par le gouvernement lui-même et que les travaux qu'il y mènerait seraient cruciaux pour la sûreté et l'avenir de notre pays.
« Je ne sais plus trop au fond ce qui m'a pris. Je n'ai pas réfléchi. Il allait partir et emmener avec lui le secret sur l'endroit où se trouvaient mes parents. C'était un peu comme les perdre une deuxième fois, tu comprends ? Alors, quand Malgorn est parti, emmenant avec lui le carnet, je l'ai suivi. Avec la complicité d'une fille des cuisines, je me suis enfuie. Évidemment, je n'avais jamais vraiment voyagé, encore moins seule. J'ai perdu la trace de Malgorn et peu après j'ai réalisé que ma fuite ne resterait pas impunie. Ma tante ne me pardonnerait jamais d'avoir jeté un tel déshonneur sur la famille. Elle ferait tout me retrouver et étouffer le scandale de ma fugue. Si elle ne me prodiguait aucune affection, j'étais la seule héritière de la famille. J'ai donc essayé de me faire plus discrète, abandonnant les grandes routes et les diligences, avec un seul but : trouver Kerlann et l'endroit où Malgorn se rendrait, puis récupérer ce carnet. C'est comme ça que je suis arrivée au Vieux-Chêne. Je n'ai rien dit sur qui j'étais parce que je ne voulais pas qu'on me renvoie chez ma tante. J'avais peur. Peur d'avoir entrepris tout ça pour rien. Peur qu'on m'enferme pour de bon et peur de perdre ma dernière chance de retrouver mes parents.
Elle déglutit une énième fois et conclut :
— Le jour de Genvred, Malgorn est arrivé. Il a demandé une chambre à l'auberge. J'ai réussi à m'y introduire et à récupérer le carnet. Après ça, il fallait que je parte, je ne pouvais pas rester. J'avais trop peur qu'il me découvre.
Son monologue s'acheva là, laissant sa gorge plus sèche que jamais.
— Mais quand tu es arrivé, dit finalement Aaron, il n'était pas encore là. Je ne l'ai vu pour la première fois qu'hier seulement.
— Peut-être, concéda-t-elle, mais la Milice, elle, était bel et bien là.
— La conscription, réalisa lentement le garçon, oui je me souviens que la Milice est arrivée le jour des morts.
— Elle est liée à Malgorn, ajouta Evanna, j'en suis certaine maintenant. Tout ce qui s'est passé est lié à lui.
Aaron prit quelques instants pour réfléchir. Evanna ne lui en voulut pas. Son récit avait été si laborieux. Il devait maintenant intégrer toutes ces informations.
— Alors ça veut dire qu'il a bien enlevé les Feginn, déclara-t-il, et tous ceux qui se trouvaient à l'auberge. Mais pourquoi ? Que font-ils dans la forêt ?
— Je l'ignore, admit Evanna.
Aaron se redressa, le regard plus sévère.
— Il reste une chose que je ne comprends pas. Comment se fait-il qu'il nous connaisse, moi et ma mère ? Pourquoi m'a-t-il dit toutes ces choses horribles ?
Evanna leva la tête vers lui, décomposée par la honte ; celle d'avoir entraîné Aaron dans une scène horriblement surréaliste. Elle n'avait pas oublié les paroles insensées qu'avait eues Malgorn à l'égard du garçon, ni les blessures et le désarroi de ce dernier lorsqu'elle était arrivée, traînée de force, dans le petit salon des Feginn.
— Que s'est-il passé ? osa-t-elle demander timidement. Avant que je n'arrive ?
Aaron fronça les sourcils et passa une main sur son visage meurtri, puis il sortit de sa poche une montre à gousset qu'il jeta négligemment au sol.
— Il m'a dit qu'il ne comprenait pas que j'existe, que je le dégoûtais. Qu'il connaissait ma mère. Peut-être que les Feginn le lui ont dit avant de disparaître ? Tout ce que je sais, c'est qu'il m'a jeté cette montre, qui le dégoûtait tout autant que moi, en affirmant qu'elle m'appartenait. Je ne comprends pas. Je ne l'ai jamais vue.
Evanna s'accroupit pour ramasser l'objet avec délicatesse. C'était un bel ouvrage en argent, mais le temps ne l'avait pas épargnée. Le métal s'était noirci et émoussé par endroits. Elle ne fonctionnait plus et même la molette permettant de la remonter n'y fit rien. Le mécanisme devait être cassé à l'intérieur. Au premier coup d'œil, néanmoins, Evanna sut que cette montre était celle d'un homme, pas d'une femme. Lui venait-elle de son père ?
Evanna se mordit la lèvre supérieure. Aaron se tenait assis, le regard dans le vide. Avant qu'elle ne réussisse à formuler le moindre mot, il continua :
— Mon père, dit-il simplement d'une voix égale, il a dit que mon père était un meurtrier.
À ce dernier mot, Evanna ne put s'empêcher d'esquisser un pas en arrière qu'elle regretta aussitôt. Elle vint se rasseoir près d'Aaron, terriblement gênée.
— Et Ferrec le connaissait, continua-t-il, je l'ai vu dans ses yeux. Tu as entendu ce qu'il a dit ? « La véritable histoire de ma naissance. » Qu'est-ce que ça veut dire ? Ce vieux monsieur que je connais depuis toujours connaissait la vérité sur mes parents et il n'a pas jugé utile de me raconter tout ça ?
Evanna sentit sa gorge asséchée se comprimer de nouveau. C'était la vie entière d'Aaron qu'elle avait fait basculer en arrivant au Vieux-Chêne. Elle eut le sentiment soudain d'avoir profané un antre sacré et réveillé des démons qui auraient dû rester cachés.
— Mais tu sais quoi ? reprit Aaron d'un ton acerbe, presque cassant. Je n'ai même pas envie de savoir. Je m'en fiche. Tout ce que je veux c'est retrouver les Feginn.
Evanna resta penaude quelques secondes, la bouche étrangement figée.
— Je sais que tu ne veux plus de mes excuses, souffla-t-elle, qu'elles ne valent plus rien à tes yeux. Ce que j'ai fait, ce que je n'ai pas dit... tout ça est ma faute. Je suis désolée.
Aaron ne bougea pas, mais Evanna sentit qu'il était aux aguets. Elle poursuivit :
— Je vais t'aider à les retrouver. Je vais tout faire pour réparer ce que j'ai fait.
Après une hésitation, elle ajouta, en posant doucement sa main sur l'épaule du garçon :
— Si tu veux bien de moi.
Bien que son geste fut moins sec que la première fois, il retira sa main de l'étreinte de la jeune fille. Sans la regarder, il déclara :
— Je pense savoir comment faire. Mais pour l'heure, il faut qu'on s'abrite et qu'on trouve de quoi manger. Il va falloir prendre des forces.
Evanna acquiesça. En massant sa gorge douloureuse, elle le regarda épousseter sa veste encore couverte de feuilles mortes, et progresser à pas mesurés à travers les bois, vers un endroit plus couvert.
Son récit et ses aveux la rendaient plus légère, elle le sentait dans tout son corps. Pourtant, une question sans réponse continuait à la tarauder. Quelque chose dont ni l'un ni l'autre n'avait osé parler. Elle savait en le regardant qu'Aaron y songeait également. Un secret les liait tous les deux. La seule chose qui semblait désormais claire à leurs yeux, c'est que ce lien était Malgorn.
Et cette pensée la glaçait d'effroi.
Ce chapitre est pleins de révélations, mais pourtant je garde un goût de trop peu ^^ J'ai envi de découvrir la suite ! Pour le moment les révélations n'ont mit à jour que des mystères de plus...
Désolée de ce délai de réponse >.< j'ai été un peu chamboulée dans mon IRL et j'ai un peu laissé PA de côté malheureusement. Mais j'ai été très heureuse de découvrir tes commentaires <3
Ravie que mon histoire continue à te plaire, malgré ce goût de trop peu. J'espère que la suite sera à la hauteur de tous les mystères que j'ai disséminés !
Merci pour ta lecture et ton retour !
Comme toujours, un chapitre entraînant ! Cependant, il restait plusieurs fautes cette fois-ci :
"À partir de ce moment-là, ils se sont mis à réunir tous ses savants chez ma tante" --> tous CES savants
"J'ai essayé de parler à des fonctionnaires haut-placés pendant les réceptions, puis à leurs épouses voyant que ça ne marchait pas. Personne ne l'écoutait ou ne me prenait au sérieux" --> leurs épouses EN voyant [...] Personne ne M'écoutait"
"Elle ne se faisait pas des idées" --> pas D'idées
"J'avais des bribes de conversation qui me revenaient. " --> de conversationS
Ouh là là les vilaines coquilles ! Merci de me les avoir relevées, je vais corriger ça. J'ai beau lire et relire avant de poster, il y en a toujours qui m'échappent xD
Ravie que ça continue à te plaire et merci beaucoup pour ta lecture !
Si je me souviens bien, les aveux d'Evanna n'ont pas énormément changé. En revanche, il me semble que la personnalité et les réactions d'Aaron sont beaucoup plus marquées, et ça c'est vraiment bien. Et il affirme d'ores et déjà sa volonté : retrouver les Feginn. On devine que les paroles de Malgorn l'ont marqué et que s'il ne veut pas en savoir plus pour le moment, c'est probablement du déni, mais ce n'est pas grave. Au moins, il ne se laisse pas trimbaler par Evanna.
J'ai bien aimé toutes les introspections d'Evanna qui nous rapprochent bien d'elle (ce qui ne pouvait pas se produire avant puisqu'on savait qu'elle mentait). Bref, tout ça se met en place de manière bien sympathique ! J'ai trouvé très intéressant sa réflexion sur le mensonge qu'elle a reproduit "par habitude".
Le tableau qu'elle brosse de ses parents n'est pas vraiment à leur honneur : ils ont faits comme s'ils n'avaient pas d'enfant, en fait. La pauvre !
Une remarque quand même : Evanna culpabilise d'avoir changé la vie d'Aaron, mais elle part du principe que Malgorn était au Vieux-Chêne pour elle. Alors qu'il paraît plus vraisemblable qu'il soit arrivé là par hasard, en lien avec sa mission. Je suis surprise qu'aucun des deux n'aient mentionné cette possibilité, alors même qu'Aaron fait remarquer qu'il est arrivé à l'auberge bien après Evanna. Mais peut-être que ça viendra plus tard ?
Je ne sais pas si tu as vu, mais le chapitre 1 en audio est sorti aujourd'hui, sur Youtube. J'espère que ça te plaira ;)
A bientôt !
Alors, ses aveux n'ont pas tellement changé dans la forme, mais je les ai quand même vachement étoffés en rajoutant des éléments, en explicitant pourquoi elle a eu peur, le fait que certains ne se souvenaient plus de ses parents ou cherchaient à lui mentir peut-être, et j'ai aussi introduit la nourrice, même si déjà plus ou moins présente dans le chapitre 2 (histoire qu'elle tombe pas comme un cheveu sur la soupe par la suite). J'ai également fait un changement concernant le carnet. Dans la version précédente, Evanna le conserve durant tout leur périple en forêt, ici ce n'est plus le cas pour un souci de cohérence et de "convergence" des objectifs avec Aaron on va dire. J'espère que ça fonctionnera, on verra bien...
Zut, tu as raison pour Malgorn, je note ta remarque. C'est vrai que j'aurais peut-être dû insister davantage dessus dans le chapitre précédent. En réalité, Malgorn explique dans le chapitre 4 qu'il doit ramener Evanna à sa tante. Il a une bonne raison de vouloir le faire (et pas parce qu'il l'apprécie, bien au contraire). Si je compte amener cet élément plus tard, j'aurais quand même pu l'introduire comme sujet de débat ici, tu as complètement raison, au moins de la part d'Evanna, parce qu'Aaron est peut-être un peu trop chamboulé pour y penser (et doit ingérer un max d'infos dans ce chapitre, le pauvre). Du coup, selon comment fonctionnera la suite, je retravaillerai cette fin de dialogue en pensant à ça, merci !
Et oui, j'ai vu et... je suis tout émue ♥ je te l'ai déjà dit sur le Discord, mais je vais te jeter à nouveau tout mon amour de plumette ici parce que t'entendre donner vie à ce texte, c'est juste incroyable et tu l'as fait avec beaucoup de talent comme d'habitude ! :') Encore un énorme MERCI !