Dans la maison, c’est l’effervescence. Les domestiques nettoient et astiquent le moindre recoin. Le sol est si brillant que l’on peut presque y admirer son reflet. Les fleurs dans les vases ont été changées, des tentures jaunes aux motifs fleuris ont été accrochées aux murs habituellement vides et le parfum d’encens embaume les pièces. Tout le personnel de maison entre et sort de chaque pièce les bras encombrés de décorations ou de vaisselles.
J’aimerais bien savoir où est passée Cyané. J’ai besoin de sa présence, de lui raconter ce qu’il vient de se passer et surtout de son soutien. Hélas, Lena m’apprend qu’elle est sortie après le petit déjeuner. Je trouve cela assez étrange comme comportement venant de sa part. Mais, il faut dire qu’hier nous nous sommes couchées tellement plus tard qu’à l’accoutumée, peut-être s’est-elle rendormie dans le verger tout simplement.
— Koré, mais que fais-tu ici ? s'exclame ma mère en m’apercevant. Tu ne dois pas traîner dans les parages. Elle se pince l’arête du nez, signe qu’elle est agacée. Va donc reprendre tes travaux de couture. Tu pourras sortir, seulement, lorsque je te ferai appeler. Ta présentation doit être parfaite ! Elle m’attrape fermement le bras. Et n’oublie pas, tiens-toi bien droite, sois respectueuse et ne parle que lorsque notre invitée te posera des questions.
— Je n’oublierai pas mère, je réponds les yeux baissés.
S’il y a bien une activité que je déteste, c’est tout ce qui touche de près à du fil et une aiguille. Couture, broderie, et même filer la laine m’insupporte. Rester assise à me concentrer sur un ouvrage textile m’ennuie au plus haut point. Je ne sais pas comment faisait Pénélope pour coudre et découdre sa tapisserie en attendant son mari. À sa place, je suis prête à parier que ma tapisserie ne serait même pas finie au retour du légendaire Ulysse ! Aujourd’hui s’il y a bien une chose que je n’ai pas envie de faire, c’est coudre !
Dans le gynécée, plusieurs suivantes de ma mère sont déjà là et travaillent en silence. Je sais qu’elles sont là pour me surveiller. L’ambiance est lourde. Au moindre bruit, elles lèvent la tête et nous fixent de leurs grands yeux sévères. Au bout de quelque temps, je ne fais même plus semblant de coudre, je suis avachie à la fenêtre, le visage enfoui entre mes bras. Toutes les nymphes s’imaginant que je me suis assoupie, se mettent à chuchoter entre elles. Je feins d’être endormie pour écouter leur conversation. Lana se demandent quelles robes, elles vont pouvoir emporter, Lena imagine à quoi ressemble le palais de Zeus et Lara espère qu’elles pourront tout de même revenir voir leurs bois sacrés. Ses sœurs se moquent en disant qu’elle sera certainement la première à ne plus jamais vouloir quitter le mont Olympe. Alors les suivantes de ma mère interviennent en leur disant que seulement Déméter choisira les nymphes dignes de l’accompagner et personne d’autre.
Je me mords la joue, honteuse et confuse. Je prends seulement conscience de ce que signifierait mon entrée à la cour divine : nous devrons quitter la maison ! Si nous quittons la maison peut-être ne pourrons-nous pas emmener tout le monde avec nous dans les palais du mont Olympe. Que deviendront les mortelles qui servent ma mère pensant servir une riche propriétaire terrienne ? Le mode de vie que ma mère nous avait créé était lié à tant de personnes, a-t-elle songé à leur avenir à elles ? Mes suivantes ne disent plus un mot et semblent concentrées sur leurs ouvrages respectifs, prêtes à impressionner ma mère. Les nymphes, auront-elles le droit de quitter leur terre pour venir vivre à mes côtés ?
Je détourne la tête et observe l’extérieur. Il y a de l’agitation dans la cour. Tous ses préparatifs sont-ils si nécessaires ? La déesse vient pour me rencontrer moi et non pour faire un état des lieux de notre demeure. Je n’aime pas l’idée de devoir dépendre de cette déesse. Après tout, ma mère fait partie de la première génération olympienne et dans la hiérarchie des divinités, elle surpasse le rang d’Athéna. Je me demande à quoi peut ressembler la fille préférée de Zeus. Est-elle comme sur les poteries athéniennes, casquée et vêtue de son armure ? Les suivantes de ma mère quittent la pièce.
— Il parait qu’hier, des domestiques se sont enfuies avec la charrette, dit Lana sur le ton de la confidence.
— Où crois-tu qu’elles soient allées ? demande Lena.
— J’ai entendu dire qu’il y avait une grande fête dans la cité voisine, répond Lana.
— Tu crois qu’elles sont allées rejoindre des amants ? s'exclame Lara en riant.
— En tout cas ce matin, la charrette n’était pas rangée à sa place. Une des roues était démise et je crois qu’une mortelle manquait à l’appel. Madame était furieuse.
Je me redresse, un frisson me parcourant l’échine. J’espère qu’il n’est rien arrivée aux filles et que l’accident n’avait rien de grave.
— Oh regardez, voilà Cyané ! s'exclame Lara m’extirpant de mes pensées.
J'aperçois en effet la jolie naïade traversant la cour. Je m’appuie sur le rebord de fenêtre et lui fait signe de la main. La voilà qui lève sa tête et je comprends qu’il s’est passé quelque chose. Elle semble rongée d’inquiétude.
— Il n’y pas que les mortelles qui agissent étrangement. Je me demande où est passée Cyané. Disparaître un jour aussi important cela ne lui ressemble pas, déclare Lana.
— Cyané a toujours agi ainsi. Il faut toujours se méfier des naïades, dit Lena d’un air condescendant et les bras croisés. À cet instant-là, elle ressemble plus à une suivante de ma mère qu’à ma compagne.
Il ne faut que quelques minutes à la nymphe des eaux pour nous rejoindre. Les cheveux en bataille, la robe tachée et les sandales grises de poussière, Cyané n’a jamais paru si négligée. Le regard affolé, ses mains couvertes de boue tremblent et elle semble à bout de souffle. Je la prends dans mes bras et je sens ses membres graciles s’agripper à mon cou.
— Que t’est-il arrivé Cyané ? Où étais-tu passée ? je m’exclame en reculant mais en lui prenant les mains.
— Médusa a disparu. Je suis partie à sa recherche à l’instant où j’ai su qu’elle manquait à l’appel. Elle n’est pas sur le domaine, ni dans les pâturages, ni même dans nos bois. Je crois qu’elle n’est jamais rentrée...
— C’est impossible, as-tu vu Astrée ou Elia ? Elles doivent savoir où se trouve Médusa.
— Justement c’est Astrée qui est venue me prévenir. Je ne sais pas quoi faire Koré... murmure Cyané, les yeux embués de larmes.
Mon cœur s’emballe et l’angoisse me submerge. Pourquoi Médusa n’est pas rentrée avec les autres ? Lui est-il arrivé quelque chose ? La culpabilité et la peur me submergent. À mon réveil, je n’ai pas pensé aux filles, je me suis enfuie hier en faisant entièrement confiance à Hermès. Je n’ai pensé qu’à moi, alors qu’il était de mon devoir de savoir si les membres de cette maisonnée étaient tous en sécurité. Je dois partir à sa recherche, c’est mon devoir.
Les trois dryades observent avec attention notre échange. Si Lana et Lara semblent partager notre inquiétude, Lena, elle, reste en retrait, impassible. Je vais avoir besoin d’elles.
— Pardonnez-moi mes amies de vous demander cela, mais quelque chose de grave est en train de se dérouler et je...
— Plus grave que te présenter à la déesse Pallas Athéna ? me coupe Lena en levant les yeux au ciel. Regarde tes mains Koré. Lara, aide-là à vite se laver avant qu’elle ne se tache. Et toi Cyané tu ne peux pas nous accompagner dans cet état, Lana accompagne la vite aux bains ! ordonne-t-elle tandis que son autre sœur m’apporte une cruche d’eau.
— Les filles écoutez-moi, je vais avoir besoin de vous. Médusa a disparu, elle n’est pas rentrée hier soir et vous devez la retrouver...
— Non Koré, c’en est trop, tu vas m’écouter ! s'exclame Lena, les joues rouges. Tu nous as encore menti. Tu t’es jouée de nous une fois de plus et tu es partie dans la nuit t’amuser avec tes amies les mortelles. As-tu pensé une seule seconde à nous ? Que se serait-il passé si tu n’étais pas rentrée ?
— Ce n’est pas ce que tu crois... je balbutie.
— Tu vas être présentée à la déesse de la sagesse et grâce à elle, tu vas devenir une divinité de l’Olympe. Toute notre vie, nous avons pris des risques pour toi, et aujourd’hui, tu dois accomplir ton devoir ! Si Médusa n’est pas là, c’est qu’elle n’avait pas à sortir en cachette. À force d’être privée de tes pouvoirs, tu agis comme une mortelle, tu ne cherches qu’à assouvir tes désirs, prête à mentir et à nous faire prendre des risques stupides. À présent, chacune doit assumer les conséquences de ses actes. Si tu pars de cette pièce, je serais obligée de tout raconter à ta mère. Tu ne peux plus nous demander de désobéir à notre déesse alors que nous sommes si proches d’avoir accès à l’Olympe.
Je suis abasourdie et recule d’un pas. Jamais Lena ne m’avait parlé sur ce ton autoritaire. La nymphe des bois me fixe de son regard courroucé et j’aperçois une veine palpiter sur sa tempe. Je suis trop bouleversée pour réagir et lui répondre. Les autres dryades baissent les yeux, tandis que Cyané, animée par une soudaine colère s’avance vers Lena le bras en l’air. J’arrête son geste et lui demande d’aller se laver.
— Elle est allée trop loin, elle n’a pas le droit de te parler ainsi ! s'exclame la naïade.
— Calme-toi et essayes de te donner une allure plus présentable, nous n’avons pas le temps pour des querelles aussi puériles.
Cyané quitte la pièce avec Lana, tandis que Lena, le menton relevé retourne s’asseoir, satisfaite. La tension dans la pièce est palpable. Lara, les joues empourprées, gigote mal à l’aise. Je soupire. L’Olympe, c’était donc l’objectif qu’elles visaient en devenant mes dames de compagnie. Les trois sœurs préfèrent se soucier d’elles-mêmes plutôt que de la jeune fille disparue. Je pensais qu’elles appréciaient autant que moi Médusa.
Je prends enfin conscience de la rancœur qui grandissait dans le cœur de Lena. Elle a toujours été la plus sage d’entre nous. Depuis combien de temps nourrissait-elle le projet de vivre parmi les divinités olympiennes ? Je croyais la connaître et j’avais tort. La nymphe qui se trouve face à moi n’a plus rien de l’insouciante qui courait dans les bois, et prête à mentir pour mon bonheur. Je me souviens de toutes ces fois où elle me réprimandait de ne pas suivre les règles dictées par ma mère. À ses yeux, j’ai franchi la limite de trop.
L’atmosphère est pesante et aucune de nous n’ose parler. Je me sens acculée contre un mur. Les destins des nymphes et des mortelles, reposent finalement sur mes décisions et les conséquences de mes actes. J’essaye de ne rien laisser paraître, mais au fond de moi, une tempête fait rage. Il y a tant de problèmes qui viennent s'accumuler en si peu de temps ! Je n’ai qu’une envie : m’enfouir sous les couvertures et échapper à cette réalité plus proche d’un cauchemar que de ma vie. La porte du gynécée s’ouvre alors devant Lana et une suivante de ma mère : “ Déméter vous demande.”
Je lisse les plis de mon chiton bleu. Je dois faire taire le tumulte de mes pensées et affronter intelligemment chaque problème. Sans un regard pour Lena, je m’avance en espérant faire preuve de dignité. Je respire un grand coup et marche droite, la tête haute.
Je dois me comporter comme la fille de Déméter. Je ne dois pas faire un seul faux pas et je dois rester concentrée. Je sais pertinemment que tout va se jouer durant cette entrevue. Mon avenir et celui de la maisonnée dépend de moi. Même si l’inquiétude concernant Médusa ne me quitte pas et la dispute avec Lena m’a blessé, je ne dois pas flancher.
Les trois sœurs marchent en rythme derrière moi et, sur mon passage, les domestiques qui ne sont au courant de rien s’inclinent simplement. L’on me guide à l’andrôn. J’entends déjà le son d’une cithare et d’une flûte. Je suis surprise que ma mère ait fait venir des musiciens. Devant la porte se trouvent deux femmes gigantesques tout en armure et aux muscles saillants, attendant, telles des gardes prêtes à intervenir. Je reste bouche bée face à ces carrures. Ce ne peut être que des amazones ! Elles ont le regard fixe et nous passons devant elles sans la moindre réaction. Je reprends mon souffle une nouvelle fois et pénètre dans la pièce.
L’andrôn s’est métamorphosé. La salle de réception n’est plus vide et enfermée dans l’obscurité, à présent c’est réellement un lieu prêt à accueillir des invités. Nous n’avions jamais reçu personne alors depuis mon enfance j’étais accoutumée à ne jamais venir ici puisqu’il n’y avait rien à voir. Nous prenions nos repas dans une autre salle plus petite avec peu de mobilier, juste assez pour accueillir ma mère et nos suivantes. Mais je dois avouer qu’en quelques heures nos domestiques ont fait des merveilles.
Des banquettes moelleuses et des tables en bronze ont été disposées. Au milieu, trône un tapis dont je ne connaissais pas l’existence. Des braseros ont été allumés et à l’intérieur brulent des plantes aux effluves parfumés. Des guirlandes de fleurs pendent sur les murs. Les fenêtres, grandes ouvertes, laissent entrer un soleil éclatant et illuminent la pièce. Je remarque même un petit autel où sont disposés, parmi des offrandes, des statuettes des dieux, comme le veut la coutume chez les mortels. Même si aucun de nos domestiques ne se trouve dans la pièce. Des amazones, certainement occupant les postes les plus importants de la suite d’Athéna sont installées sur des banquettes exactement comme les suivantes favorites de ma mère, hormis qu’elles sont vêtues d’armures de bronze et que leurs casques trônent à leurs pieds.
Pallas Athéna, fille de Zeus, est là devant moi, allongée parmi les coussins de soie sur la banquette face à celle de ma mère. Leurs échanges semblent calmes et courtois. Ses longues jambes musculeuses sont repliées sous sa robe gris perle. À chaque mouvement de bras, ses manches se déploient autour d’elle, telles des ailes d’oiseaux. Ses cheveux noirs sont retenus dans un large chignon tressé et sa peau olivâtre est légèrement brillante. Son nez busqué et la rondeur de ses yeux jaunes sous ses épais sourcils, lui confèrent un visage proche de la chouette. Lorsque ses lèvres fines engloutissent un raisin, je remarque une petite cicatrice sur la lèvre supérieure. Son visage manque peut-être de grâce mais l’aura qui émane d’elle la rend envoûtante. Comme ma mère, elle n’arbore aucun bijou. La simplicité de leur tenue les rend certainement encore plus élégante. La déesse ne ressemble en rien à ce que j’avais pu imaginer. C’est une jeune femme sans casque, ni armure. Si je ne savais pas qui elle était, je n’aurai sûrement pas su qu’elle était d’essence divine. Je ne sais pas si je suis déçue ou rassurée.
Toutes les nymphes m’observent, certainement en retenant leur souffle de peur que je ne fasse un impair. Je m’avance lentement tandis que la musique s‘arrête. Athéna pose enfin ses yeux sur moi, tel un oiseau sur sa proie. Elle se pourlèche les lèvres et un semblant de sourire se dessine sur ses lèvres rougies par le jus de raisin.
— Déesse Athéna, laisse-moi te présenter ma fille Koré, déclare ma mère en se levant et en me désignant d’une main.
— Mes hommages, oh déesse de la sagesse, de la stratégie militaire et des artisans, je récite en m’inclinant les yeux baissés. Derrière moi les dryades font de même.
Je reste dans cette position un peu trop longtemps à mon goût. Cependant, je sais que ma mère surveille le moindre de mes gestes alors je regarde encore le sol, attendant le signal pour me relever. J’aperçois alors devant moi une paire de sandales qui tourne autour de moi. Athéna s’est levée et me donne la sensation d’être un animal de foire que l’on inspecte. C’est terriblement humiliant.
— Relève toi Koré, fille de la grande déesse Déméter, prononce une voix grave et mesurée.
— Merci vénérable Athéna, je réponds en me mordant la joue.
Nos regards se croisent. La fille préférée de Zeus me dépasse de plusieurs têtes. Ayant côtoyé seulement des filles tout au long de ma vie, je sais pertinemment ce qui se passe lorsque deux femmes si différentes, se retrouvent ainsi côte à côte. Il est aisé de noter toutes les différences qui nous opposent. Son corps est dépourvu de formes féminines mais sa taille est plus fine que la mienne. Ma tenue est plus sophistiquée et je parais certainement trop coquette face à sa sobriété. Je dois lui sembler puérile avec mes rubans dans les cheveux. Derrière son sourire se cache quelque chose que je n’arrive pas à définir. Elle est impressionnante et je dois paraître minuscule avec mon aura de mortelle.
Soudain Athéna lève la coupe de vin dans sa main, s’apprêtant certainement à déclamer un discours en l’honneur de son hôte, comme le veut la coutume. Ses yeux de rapace ne me quittent pas. Je me sens mal à l’aise car je n’arrive pas à la cerner.
— Rendons hommage en ce jour sacré où Déméter, déesse de la terre, des moissons et de l’agriculture nous a invité dans sa maison et dévoilé sa plus grande fierté, sa fille Koré. Jeune fille de la terre, j’espère que tu seras digne du présent de celle qui t’a mise au monde.
— Remercions toutes l’honorable Pallas Athéna, déesse de la sagesse, de la stratégie militaire et des artisans d’avoir accepté notre invitation.
L’assemblée de femmes lève leurs verres à l’unisson, en scandant les noms des déesses. Les amazones semblent plus austères en opposition aux nymphes plus joyeuses. Je sens le rouge brûler mes joues. Je déteste être le centre de l’attention. L’ambiance semble légèrement plus détendue.
Les déesses retournent s’installer sur leur banquette et ma mère m’indique où je dois prendre place. Mes suivantes vont rejoindre les autres nymphes qui les chargent de plats remplis de fruits et autres mets cuisinés par nos domestiques. Athéna ne me quitte pas des yeux. Pour ne pas paraître déstabilisée, je coupe un morceau de maza* que je trempe dans un pot de miel en priant de ne pas me tacher en le mangeant. Déméter reprend la conversation avec Athéna à propos des cultures qu’elle a bénies du côté de Mycènes comme si je n’existais plus. Je demande alors un verre d’eau aromatisée. Lena me sert, le visage fermé comme si notre relation n’avait jamais dépassé le stade maîtresse et suivante. Ce n’est pas vers elle que je trouverai du réconfort. Je ne me sens tellement pas à ma place. J’aperçois alors, juchée sur le rebord de fenêtre, une petite chouette. Elle aussi me fixe sans sourciller un seul instant. Athéna lance un morceau de viande et le volatile l’attrape en plein vol.
— Elle s’appelle Sofia. Je vois que tu es intriguée par mon compagnon à plume ? demande Athéna.
— J’ai vu diverses espèces d’oiseaux dans ma vie et Sofia semble différente, je réponds en contournant sa question.
— Sofia est aussi maligne que robuste ! Elle m’a toujours accompagné durant mes combats, continue Athéna, fière de parler de sa chouette.
— J’aimerais bien avoir un animal si fidèle, si seulement ma mère me le permettait, je dis en voulant détendre l’atmosphère.
— Elle est plus qu’un animal, elle est mes yeux et grâce à elle je vois tout ce qui se passe partout dans le monde.
Je déglutis péniblement. Son ton ressemblait presque à une menace. De manière rythmée, les nymphes servent de nouveaux plats et emportent ceux que l’on ne touche plus telle une danse. Trois danseuses de Syracuse ont rejoint les musiciens pour animer ce repas. Cela ressemble véritablement à un banquet de bienvenue. Nous n’en n’avions jamais fait. Je profite alors d’un moment où Athéna parle avec une de ses amazones pour tirer sur la manche de ma mère.
— Je dois vous parler mère, c’est important, je murmure.
— Allons Koré plus tard, tu vois bien que ce n’est pas le moment, répond Déméter en secouant sa main comme l’on ferait face à un insecte gênant.
— Cela ne prendra que quelques minutes...
Du coin de l’œil je comprends qu’Athéna s’est redressée et nous observe attentivement. Dans sa main gauche elle fait tournoyer doucement sa coupe en étain. Les doigts de son autre main tapotent machinalement sur son assiette. Elle déclare soudainement que nous avons bien bu et bien mangé et qu’il est temps de prendre un peu l’air pour s’aérer l’esprit. Je trouve ce comportement plutôt déplacé mais Déméter l’approuve. Alors tout le monde s’exécute en silence. Athéna et ma mère sortent les premières et se dirigent vers le jardin, je suis obligée de les suivre docilement. Amazones et nymphes marchent derrière nous à des distances protocolaires pour nous laisser discuter. Je me sens si seule.
Quels desseins Athéna réserve-t-elle à Perséphone ? Scellera-t-elle ce destin déjà tout tracé par Déméter ? Hâte de le découvrir...
Tout en jette dans ce chapitre. Les personnages, les décors, l'écriture, le style... Bravo, je suis admirative ! Un vrai plaisir de suivre l'écriture de cette histoire. Vite la suite!
"Pallas Athéna, fille de Zeus", ça en impose. Les Amazones aussi!
Est-ce la raison pour laquelle la grande Déméter se soumet à cette déesse ?
Dilemme cornélien pour Koré : faire ce que l'on attend d'elle ou bien ce qu'elle sent devoir faire ?
Je ne reviens pas sur tes descriptions. C'est un art que tu maîtrises vu le plaisir de te lire !
Beauté, émotion, suspens. Chaque chapitre appelle le suivant. Bravo et merci.
J'ai repéré un petite oubli :
Il n’y pas que les mortelles qui agissent étrangement.
Tu nous as offert encore un beau moment de lecture. Les masques tombent, les désirs se révèlent, le mystère s'épaissit.
Les découpages de tes chapitres est agréable et pas trop long (j'en lis un chaque soir sur mon téléphone).