Pendant les minutes qui suivirent, Amélia ne put s’empêcher de faire les cent pas. Ce n’était pas normal, jamais Emily ne s’était présentée en retard de toute sa vie. La fée était la personne la plus assidue que l’adolescente n'ait jamais rencontré. Même M. George n’arrivait jamais à l’égaler en matière de ponctualité et pourtant, elle, elle ne portait pas de montre à gousset dans la poche de sa veste.
– Calme-toi Amélia, essaya de la tempérer Luvenia debout à côté de son neveu. Elle n’a peut-être pas vu le temps passer.
– Non, dit Amélia catégorique. Pas Emily. Elle est toujours à l’heure, toujours. Ce n’est pas normal. Il y a quelque chose qui cloche, j’en suis persuadée.
Dans les bras d’Arya, Galena ne riait plus. La petite semblait aux bords des larmes et sa mère faisait tout son possible pour la calmer, alors qu’elle-même n’arrivait pas à cacher son inquiétude. Même Eras, au tempérament pourtant si calme et apaisant, semblait anxieux et bien incapable de calmer ni sa fille ni son épouse.
Azriel, toujours assit bien droit dans son fauteuil, n’avait encore rien dit. Il fixait du regard sa sœur qui ne cessait de tourner en rond d’un air sombre. Lui aussi avait l’air de trouver l’absence d’Emily préoccupante.
Amélia se tourna à nouveau vers le ciel qui se couvrait d’épais nuages. Le crépuscule avait perdu ses couleurs flamboyantes habituelles et apparaissait étrangement gris, terne.
– J’ai un mauvais pressentiment.
Vers dix-huit heures et demie, Amélia n’y tint plus et décida d’aller chercher Emily elle-même. Jamais son amie n’aurait mis autant de temps pour revenir en sachant qu’elle l’attendait, ça n’avait absolument rien d’ordinaire.
La sorcière se précipita dans le hall, ignorant les appels de sa tante et sa cousine. Elle enfila à la hâte le premier manteau qui lui tomba sous la main et fonça sur la porte d’entrée. Le battant claqua contre le mur extérieur et se referma lentement derrière elle alors que la jeune fille s’élançait dans les allées du quartier.
Une fine pluie avait commencé à tomber sur tout Riverfield. Dans la rue, Amélia se mit à courir, ignorant l’air frais qui lui piquait la peau et la pluie qui lui brûlait les yeux. Elle se dirigea naturellement vers la Grand-rue et la traversa à toute vitesse. Tous ses commerces étaient fermés et un silence étouffant régnait tout autour d’elle. Voir cette rue commerçante, d’ordinaire si pleine de vie à présent complètement déserte lui serra le cœur…
Ça n’allait pas, il y avait quelque chose dans l’air qui l’angoissait, la poussait à courir plus vite. Un point de côté lui perça les côtes. Elle l’ignora.
Se détournant de la Grand-rue, Amélia bifurqua à gauche dans une petite rue sombre et déserte. Ses pas résonnaient lugubrement contre les murs des bâtiments alentours. Une pensée lui traversa alors l’esprit. Comment allait-elle retrouver Emily ? La jeune fille se dirigeait machinalement vers le Quartier des Fées, mais savait-elle seulement où elle allait ? Elle ignorait où la famille de son amie pouvait bien habiter, ni quel chemin elle avait bien put décider d’emprunter pour rentrer. Amélia se fustigea intérieurement de ne pas y avoir réfléchit plus tôt.
Elle ralentit l’allure jusqu’à s’arrêter complètement au milieu d’une venelle. La pluie tombait drue à présent. La jeune fille était trempée et à bout de souffle. Elle regarda de tout côté, soudain craintive. Pouvait-elle vraiment le faire ici ? À la vue du premier passant venu ? Se plonger dans son essence était compliqué et nécessitait une concentration sans faille, si on venait à la surprendre elle pourrait facilement se laisser déborder par son pouvoir. Et pourtant… elle ne voyait pas d’autre moyen de retrouver Emily au plus vite.
– Tant pis, marmonna-t-elle.
Après un nouveau coup d’œil alentour, Amélia ferma les yeux. Doucement, elle ralentit sa respiration. Concentre-toi, s’intima-t-elle. Souviens-toi de ce qu’a dit Anita : à chaque être son essence, cherche le fragment de lumière d’Aurora, celui-là même qui offre leurs pouvoirs à chacun des enfants de la déesse.
Et, tout en récitant la leçon que lui avait un jour enseigné la matriarche des Norwood, Amélia plongea dans sa propre essence. D’abord doucement, puis de plus en plus forte, elle la sentait battre en elle, comme un second cœur, énergie puissante et dorée qui l’emplissait d’une force nouvelle. Elle serra les poings, s’y plongea toujours plus profondément, corps et âme, jusqu’à ne faire plus qu’un avec son pouvoir. Puis, lentement, elle la laissa se rependre dans tout son corps. Un frisson la parcourut alors qu’elle sentait son essence circuler dans ses veines, elle la sentait lui chatouiller les doigts, électrisant chacun de ses muscles. Elle la sentait faire vibrer chaque fibre de son être jusqu’à son âme.
Et, une éternité plus tard, elle atteignit ses yeux.
Là, les paupières toujours closes, l’adolescente vit. Elle vit son propre pouvoir palpiter dans tout son corps, lumière forte et dorée qui parvenait presque à l’éblouir.
Amélia releva la tête, et ouvrit les yeux. Elle ne distinguait plus ni la pluie ni la ruelle dans laquelle elle se trouvait. Le décor était flou, sombre, un second plan presque transparent. Elle ne voyait plus qu’une myriade de couleur, les essences de tous les habitants environnants et plus encore. Les teintes variaient d’une maison à une autre, d’une famille à une autre. Tout se mélangeait dans un maelström coloré. Elle plissa les yeux, fronça les sourcils.
Trop de couleur, se dit-elle, concentre-toi sur celle que tu cherches. Concentre-toi sur Emily.
La sorcière referma les yeux. Les unes après les autres, elle écarta les énergies qui ne correspondaient pas à ce qu’elle cherchait. Et, très vite, l’obscurité fut totale. Elle voyait à peine la petite lueur bleu pâle qui brillait à quelques rues de là.
Elle était tout proche.
Amélia serra les poings et se concentra davantage. Tracer le parcours jusqu’à Emily, trouver le fil qui me conduira à elle.
Il s’agissait là d’un exercice des plus complexes, peu connu et qui nécessitait une énergie considérable. Amélia se sentait déjà trembler. Les gouttes de pluie se mélangeaient à la sueur qui perlait à son front. Elle se sentait fatiguer, fébrile alors qu’elle focalisait son esprit sur la faible lueur.
L’adolescente tendit une main devant elle. Lentement, elle sentit le lien se former sous ses doigts, se tendre dans sa main, effleurant sa paume comme la plume d’un oiseau. Il ne lui restait plus qu’à l’attraper et le suivre. Elle l’enroula doucement autour de sa main, prenant bien soin de ne pas le briser.
La dernière fois qu’elle avait fait usage de ce sort, elle l’avait cassé et avait dû s’y reprendre à deux reprises avant de le retrouver. Hors de question de perdre autant de temps cette fois-ci. Elle devait faire vite. Anita l’avait prévenue que ce serait difficile mais la jeune fille n’avait jamais abandonné et elle n’abandonnerait pas là non plus, même si elle se sentait de plus en plus fatiguée, vidée.
Quand Amélia referma résolument les doigts sur le fil bleu, celui-ci vibra. Elle sourit. La sorcière ouvrit les yeux et reprit sa course dans les ruelles sombres du Quartier des Vampires, suivant la trace du cordon évanescent. Il fallait qu’elle fasse vite, le lien dans sa main lui semblait bien trop frêle et pâle. Ce n'était pas normal, son essence n’aurait pas dû être si fragile. Un sentiment glacé lui gela les veines. Il n’y avait qu’une seule raison à cette faiblesse.
Mais Amélia ne pouvait pas y penser, ça n’était pas envisageable. Pas elle…
Alors qu’elle traversait un carrefour particulièrement silencieux, la sorcière sentit soudain le fil se briser entre ses doigts. Elle se figea, glissant sur les pavés humides. Elle se tourna vers sa main, regarda tout autour d’elle, paniquée. Le fil avait disparu.
Son souffle était saccadé. Amélia se sentait épuisée et son essence avait vite reflué. Impossible de recommencer.
– Emily ! appela-t-elle en tournant sur elle-même. Emily, où es-tu ?
La peur la rongeait de l’intérieur alors qu’elle se remettait en marche. Déambulant à l’aveuglette dans les rues du quartier. Elle releva une main en visière et plissa les yeux, essayant de voir à travers le rideau de pluie qui s’abattait sur la ville. L’eau tombait si fort à présent qu’elle n’arrivait plus à distinguer les bâtiments autour d’elle.
– Emily !
Après un nouveau tour sur elle-même, Amélia se figea. Ses yeux s’écarquillèrent d’horreur en discernant une forme sombre étalée sur le sol un peu plus loin. D’abord incertaine, la sorcière reconnut les ailes colorées d’une fée qui frémissaient encore. Elle s’approcha de quelques pas, prudente.
Amélia manqua s’étouffer en reconnaissant finalement la cape de son amie. Elle se précipita vers le corps, paniquée. Emily baignait dans une mare de sang. Elle vit alors la plaie béante qui lui lacérait la poitrine et le rouge qui s’en échappait à flot. Le cœur au bord des lèvres, Amélia plaqua une main devant sa bouche, ses yeux la brûlaient alors qu’elle luttait à grand peine contre la nausée qui lui retournait l’estomac.
Elle fondit sur son amie et aplatit des mains tremblantes sur la blessure d’Emily. Elle appuya dessus de toutes ses forces, arrachant un grognement de douleur à la jeune fille.
– Emily ? Emily, tu m’entends ? Emily, je t’en prie !
La voix d’Amélia tremblait presque autant que ses mains alors qu’elle essayait en vain de stopper l’hémorragie. Il y avait tant de sang… Emily ouvrit faiblement les yeux et chercha de son regard brouillé le visage de son amie.
– A… Ami…
– C’est ça, sanglota Amélia avec un sourire tordu, c’est moi, je suis là. Emily, je t’en prie, tiens bon ! Je… Je vais trouver un moyen, tu vas voir… O-on va te sortir de là !
– Le… le tueur…
– Quoi ?
La respiration d’Emily était sifflante. Chaque mot qu’elle prononçait semblait être une épreuve. Une douloureuse épreuve.
– M-masque…
– Emily, qu’est-ce que tu racontes ? Tiens bon, ça va aller. Quelqu’un ! appela Amélia en pleurant.
Elle se tourna de tout côté. La pluie s’était intensifiée et ses cris semblèrent se noyer dans l’écho des gouttes qui s’écrasaient sur le pavé.
– Je vous en prie, on a besoin d’aide !
Les yeux d’Emily se baignèrent de larmes alors qu’Amélia se tournait à nouveau vers elle. Ses lèvres se mirent à trembler, sa respiration se fit plus saccadée.
– Pardon… Ami…
– Tais-toi, pleurait Amélia. Tu ne dois pas parler, tu ne dois pas… S’il vous plait ! hurla-t-elle de plus belle. S’il vous plait…
Emily leva avec difficulté une main ensanglantée et la posa sur la joue d’Amélia. L’adolescente se figea. Son amie affichait un sourire teinté de douleur, sa poitrine secouée de soubresauts. Ses larmes coulèrent alors que ses yeux s’éteignaient doucement.
– Tu… n’es pas… seule…Ami…
Puis sa main retomba, éclaboussant sa hanche de sang dilué par la pluie à présent battante. Ses beaux yeux verts s’étaient éteints. Amélia n’arrivait plus à respirer. Elle lâcha lentement sa prise sur la plaie d’Emily.
Elle ne saignait plus.
Tremblante et se mit à secouer la fée sans y croire.
– E-Emily ? Emily !
L’évidence la frappa avec une telle violence qu’Amélia vacilla, relâchant le corps de son amie.
Morte.
Emily était morte.
Il lui fallut quelques longues secondes pour assimiler ces mots. Son amie, celle avec qui elle avait partagé tant de chose, celle qui arrivait toujours à la calmer, l’apaiser, la faire sourire. Elle n’était plus là. Plus jamais elle ne l’entendrait rire. Plus jamais elle ne la verrait bouder parce qu’Azriel avait mangé le dernier muffin aux fruits rouges. Plus jamais elle ne la verrait, le regard plein d’étoiles, chez Babioles & Bibelots.
Plus jamais…
Les larmes débordèrent de ses yeux alors qu’elle se sentait mourir à son tour. Amélia se mit à hurler, le cadavre de son amie serré contre elle. Elle cria à s’en arracher la gorge, pleura à s’en dessécher les yeux. Plus rien ne comptait à présent. Ni la pluie qui se calmait doucement, ni les lumières qui s’étaient allumées les unes après les autres dans les habitations avoisinantes et encore moins les ombres qui commençaient à se mouvoir autour d’elle. Non, plus rien ne comptait…
Des gens, alarmés par les cris de la jeune fille, étaient sortis dans la rue pour voir ce qu’il se passait. Tous se figèrent en voyant la scène.
Très vite, la rumeur parcourut la ville et quelqu’un prévint la police.
Le Tueur de Fée avait encore frappé.
Dans la masse de gens qui entourait les deux jeunes filles, se tenait M. George. Le majordome était arrivé quelques instants après l’adolescente, guidé comme beaucoup par ses hurlements déchirants. Azriel lui avait demandé de la suivre et le vieil homme avait compris, en voyant l’expression de son jeune maître, qu’il se doutait que quelque chose de terrible s’était passé. Il regarda d’un œil attristé Amélia se balancer d’avant en arrière comme une enfant, le corps d’Emily serré tout contre sa poitrine. Les sanglots de la sorcière lui écorchèrent le cœur.
Au bord des larmes, il récita dans un soupire une prière à la mémoire d’Emily.
Très vite, un groupe de policiers en uniforme arriva dans la rue. À sa tête se trouvait Dylan O’Brien, l’enquêteur en charge de l’affaire du Tueur de Fée. L’elfe de haute taille avait un visage long et fin. Ses cheveux, d’un blond couleur des blés, étaient coupés court sous son chapeau melon noir. Ses oreilles, longues et pointues, étaient décorées d’ornement typiquement elfiques alors que ses yeux vert sapin scrutaient la scène d’un œil critique. Il portait un long manteau noir qui détonait au milieu de cette marée d’uniformes couleur bleu nuit et argent.
Derrière lui, baillant sans retenu, se trouvait son second, un loup-garou du nom de Henrik Graham qui ne semblait pas plus concerné par cette affaire que par la foule qui les observaient d’un œil accusateur. De haute stature et bien battit, il avait l’allure d’une bête avec ses crocs taillés en pointes, ses petits yeux noirs et ses cheveux brun hirsutes.
M. George se tourna vers la sorcière qui sanglotait encore, assise dans une grande flaque de sang. Il s’approcha doucement d’elle et posa une main sur son épaule. Quand elle releva des yeux rouges et bouffis sur le vieil homme, elle comprit que ce n’était pas un rêve.
Emily ne se réveillerait plus.
– Mademoiselle, murmura-t-il le plus doucement possible, laissez les inspecteurs emporter le corps. Il n’y a plus rien à faire.
Amélia le regarda un instant, un peu perdue. Puis elle découvrit tous les regards posés sur elle. Elle parcourut la foule des yeux et s’arrêta sur le visage impassible de l’elfe au chapeau melon. Il lui fit un vague signe de tête et Amélia reporta son regard sur le corps d’Emily. Lentement, elle le déposa au sol et se releva, encore tremblante. Elle fixa ses mains couvertes de sang un moment, perdue dans de lointaines pensées. M. George la prit par les épaules et l’éloigna du corps, permettant aux policiers de travailler.
Les yeux dans le vague, Amélia regarda les agents emporter la dépouille d’Emily sans les voir. Très vite, la foule fut dispersée à grand coup de cris, mais Amélia n’en avait que faire. Ses yeux restèrent braqués sur l’immense étendue de sang qui couvrait encore la chaussée à l’endroit où Emily avait perdu la vie.
Au bout de quelques instants, l’inspecteur en chef s’approcha d’Amélia et de M. George. La jeune fille l’entendit vaguement lui poser quelques questions mais elle ne l’entendit pas. En désespoir de cause, il finit par se tourner vers le majordome.
– À quelle famille appartient cette jeune fille ? demanda-t-il d’une voix calme, professionnelle.
– La famille Moonfall, répondit M. George en jetant un regard triste à Amélia.
– Par la Déesse… soupira l’elfe en se frottant les yeux.
Il semblait épuisé.
– Tout ça devient bien compliqué. Connaissiez-vous la victime ? poursuivit-il.
– Elle s’appelait Emily Sparkles, répondit le majordome alors qu’O’Brien prenait scrupuleusement des notes dans un petit calepin. Elle travaillait depuis bientôt six ans pour la famille Moonfall comme femme de chambre de Mlle Amélia.
– Amie…
– Qu’avez-vous dit ?
Dylan O’Brien s’était soudain tourné vers elle, mais elle ne le regardait toujours pas quand elle affirma d’une voix un peu plus forte :
– Emily était mon amie.
– Je vois… répondit l’elfe après un instant.
L’inspecteur considéra la jeune fille un moment. Il semblait y avoir de la tristesse dans son regard. Il avait presque l’air compatissant. Mais Amélia s’en fichait. Son monde venait de voler en éclat et tout ce qu’elle voulait dans l’immédiat, c’était se réveiller de ce cauchemar le plus vite possible. Elle voulait ouvrir les yeux, croiser le regard amusé d’Emily et lui raconter quel rêve étrange elle avait fait avant d’éclater de rire avec elle puis d’aller déjeuner dans le salon avec Azriel.
Mais rien de tout cela n’avait de chance de se produire. Plus maintenant.
Après de nouvelles questions auxquelles M. George s’efforça de répondre comme il put, O’Brien lui conseilla de ramener Amélia chez elle, le prévenant qu’il irait s’entretenir avec Nausicaa Moonfall plus tard. Le majordome hocha la tête et se tourna vers Amélia. La jeune fille les entendait à peine. Son esprit était embrumé, brouillé. Elle ne savait plus trop où elle était. Elle se sentait… perdue. Mais alors qu’elle se détournait, guidée par la main bienveillante de M. George dans son dos, O’Brien apparut une dernière fois devant elle.
– Avant que vous ne partiez, j’aimerai vous remettre ceci, dit-il en tendant un paquet à la jeune fille.
Amélia le regarda distraitement avant de le prendre dans ses mains. Elle se sentait si vide et si fatiguée qu’elle n’arrivait même plus à réfléchir correctement. Face à sa mine septique, l’elfe s’expliqua.
– Nous l’avons trouvé dans les affaires de Mlle Sparkles. Il me semble que ça vous revient.
Elle replongea son attention sur le paquet recouvert de papier kraft et dû mettre quelques longues secondes pour réussir à lire ce qui y était écrit. Aussitôt, des larmes lui brûlèrent de nouveau les yeux et elle serra le paquet contre son cœur, bredouillant un vague « merci » avant que l’inspecteur ne prenne congé.
Le chemin du retour sembla un million de fois plus long que l’allé. Et pourtant, Amélia n’en gardait qu’un souvenir confus. Les images des dernières minutes hantaient toujours son esprit, si bien que, quand elle rentra enfin à la maison, trempée jusqu’aux os et couverte de sang, elle n’adressa pas même un regard ou une parole à sa famille qui se précipita vers elle, paniquée. Elle se contenta de monter les escaliers comme une âme en peine jusqu’à sa chambre, laissant à M. George le soin de tout leur expliquer.
Une fois enfermée dans sa chambre, Amélia resta un moment figé au milieu de la pièce. Lentement, son regard glissa vers la silhouette qu’elle discernait du coin de l’œil un peu plus loin. Elle découvrit alors son reflet dans le grand miroir à pied de sa chambre.
Une violente vague de nausée la submergea quand qu’elle se rendit compte du sang qui maculait ses vêtements.
Le sang d’Emily.
Prise de panique, Amélia se mit à retirer en toute hâte cape, robe et bas, déchirant presque l’étoffe de ses habits. Elle les jeta le plus loin possible d’elle, la respiration haletante, les mains tremblantes. Ses yeux débordèrent à nouveau de larmes alors qu’elle reculait dans un coin de la chambre.
Son dos heurta le mur, elle sursauta.
L’adolescente se laissa lentement glisser sur le sol, le corps secoué de violents tremblements quand elle remarqua enfin le paquet qui gisait au sol non loin. Elle le regarda un moment, perdue dans ses pensées avant de se souvenir.
Après un moment d’hésitation, Amélia tendit une main vers lui. Une fois ramené devant ses yeux, elle le fixa pendant de longues minutes, passant des doigts rêveurs sur les lettres turquoise manuscrites.
Pour Amélia
Quelques gouttes d’eau et de sang avait tâchées l’emballage, faisant légèrement baver les lettres colorées soigneusement écrites.
Puis, lentement, la sorcière entreprit d’ouvrir le paquet. À l’intérieur, bien emballé dans un tissu pourpre soyeux, se trouvait un sublime pendentif fait main, orné d’un petit croissant de lune en cristal. Quand elle le leva à hauteur de son visage pour mieux l’admirer, quelque chose tomba du bout d’étoffe dans lequel il avait été enveloppé. Son regard coula jusqu’au sol où elle découvrit un morceau de papier consciencieusement plié.
Un dernier message d’Emily, pensa-t-elle la gorge nouée.
Elle le ramassa, le déplia d’une main tremblante et lut :
Pour ton dix-huitième anniversaire, de la part de toute la famille.
Maman est très fière de ce modèle. Mais j’ai eu beau lui dire que tu l’adorerais, elle n’en démord pas : elle a peur qu’il ne te plaise pas. Moi je sais qu’il te plaira autant que toutes ses autres créations.
Ç’a été un honneur pour elle de travailler sur ce cadeau et tout le monde attend avec impatience de connaître ta réaction en le découvrant. Moi la première.
P.S. : Dame Azura hurlera sûrement en le voyant, alors n’hésite pas à le porter en sa présence. Je suis sûre que nous en rirons bien avec Azriel.
Avec tout mon amour, Emily
La gorge d’Amélia se noua davantage et, incapable de se retenir plus longtemps, fondit en larmes. Elle se recroquevilla sur elle-même, la tête plongée dans ses genoux, le mot d’Emily serré dans une main, le pendentif dans l’autre.
Juste une remarque : je terminerais ce chapitre avec le paragraphe qui fini par "Non, plus rien ne comptait…". C'est un moment très fort et j'ai l'impression qu'en continuant le chapitre, ca amenuise la douleur, alors, qu'au contraire, tu devrais la laisser durer dans le temps, laisser au lecteur le moment de deuil entre deux chapitres.
Enfin bref, j'ai adoré ce chapitre. Même si je savais d'avance qu'Emily allait mourir, j'ai senti ma gorge se nouer, et j'ai eu beaucoup d'empathie pour cette bonne vieille Amélia (enfin pas très vieille XD) Et comment va-t-elle se remettre de cette tragédie ? Va-t-elle s'en remettre, du moins ? (j'espère) Hâte de lire la suite !
Coquille : Elle fondit en larme (= larmes)
Puisses tu éternellement nager dans un océan d'inspiration !
Pluma.
Merci aussi pour la coquille, que j'ai pu corriger x) je te laisse découvrir par toi-même comment Amélia va affronter ce deuil ^^
En espérant que la suite te plaise toujours autant,
A bientôt !
Sinon je suis assez contente, ce chapitre à - semble-t-il -eu l'effet escompté. Perso, quand je le lit j'ai la larme à l’œil, mais j'avais peur que ça ne soit pas assez fort ^^'